Like a mouse among cats — Charon #1 ((- 18))

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Le soleil avait cessé de briller depuis longtemps lorsque le regard bleu se posa sur l’horloge située au-dessus de son bureau. La soif se faisait ressentir un peu plus chaque heure, l’envie de boire autre chose qu’un produit artificiel étant pressante, et il ne voyait qu’une solution. À vrai dire, il en voyait deux, même. L’une d’elle était cependant bien plus légale que l’autre. Jetant un dernier regard à son agenda, voulant s’assurer qu’il n’avait rien de prévu ce soir, l’anglais vint attraper le téléphone posé —abandonné— sur le bureau depuis une bonne heure. Tapotant quelques secondes sur son écran, il envoie un message ((une invitation à la rejoindre)) à l’une des personnes qu’il fréquente parfois avant de quitter la pièce sombre. Se préparant rapidement, usant de la magie pour aller plus vite, il se décide enfin à quitter son logement pour rejoindre le quartier ((Fuji)). Si l’on pourrait croire qu’il se rend à la morgue, c’est plutôt vers un autre type d’endroit qu’il se dirige. La mine sérieuse, les traits tirés par une envie de ne pas se montrer jovial, il rejoint la porte et en attrape la poignée. Cette dernière s’ouvre comme facilement, comme à chaque fois que les lueurs de lune viennent remplacer celle du soleil traître, et l’enseignant pénètre dans l’établissement. Le regard attiré par les quelques personnes présentes, il sait que beaucoup sont ceux et celles qui préfèrent être à l’écart alors il ne s’étonne pas de voir le lieu si désert. Rejoignant l’une des banquettes où il prend habituellement place, il observe la pièce aux couleurs nuancées de carmin. Installé depuis quelques secondes, il voit déjà l’un des serveurs venir à sa rencontre, le flattant sûrement dans l’espoir de passer la soirée à ses côtés comme hôte. “ — Un Poison Ivy, s’il vous plaît. ” Il adressait un léger sourire en coin au serveur alors qu’il s’enfonçait un peu plus dans sa banquette, espérant que son invité fasse rapidement acte de présence. Peut-être aurait-il dû l’attendre à l’extérieur afin de rentrer en même temps que lui, comme un parfait gentleman, mais il savait très bien que son collègue saurait entrer tout seul sans prêter attention à l’avertissement sonore que la porte adresse à toutes les personnes qui ne boivent pas de sang. Puis ce n’était pas la première fois qu’il le faisait venir ici donc il avait confiance en lui, assez pour le laisser arriver seul.

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L’attente ne fut pas longue, du moins c’est ce que pensait l’enseignant qui n’avait pas toujours une notion du temps identique à celle de ses compatriotes sorciers. Sûrement était-ce aussi lié au fait qu’il ne prêtait pas attention à sa montre depuis son arrivée dans l’établissement nocturne, le regard posé sur la décoration qui lui semble toujours aussi magnifique. Il avait pris l’habitude de venir ici depuis sa transformation vingt-et-un ans plus tôt, en faisant son repère plus que secret puisque personne ne savait que sa présence se faisait régulière en-dehors de ses plus proches amis et des quelques personnes qu’il invite lorsque son envie d’amusement se fait plus forte que tout le reste. Les pupilles venaient finalement se poser sur la silhouette de l’être désiré, tant attendu dans ces lieux où il ne devrait pourtant pas se trouver. “ — Je ne m’attendais pas à t’inviter non plus, si cela peut te rassurer. ” Un léger rictus venait étirer ses lèvres alors qu’il se redressait, ses coudes venant prendre place sur la table séparant les deux corps qui se connaissent pourtant depuis plusieurs mois. La boisson venait finalement se poser devant le regard assoiffé du plus vieux mais le verre n’attire pas assez longtemps son attention puisque la voix de Charon s’élève de nouveau. “ — Préfères-tu être alcoolisé pour passer du temps avec moi ? ” La question se pose presque sans sous-entendus, pourtant bien présents dans son esprit, alors que le verre s’élève à ses lèvres afin d’en boire une gorgée. “ — Tu es venu plutôt rapidement pour une personne qui ne s’attendait pas à recevoir une invitation. Est-ce que tu t’ennuyais ? ” L’intérêt s’entendait dans sa voix alors qu’il poussait un peu le verre sur le côté, examinant avec attention ce à quoi il ressemble. Comme toujours, il ne pouvait nier son attirance pour son collègue mais il décidait de la taire le temps d’une soirée. Ou plutôt durant leur présence ici. “ — Si tu tiens tant à boire, je ne te retiens pas. Commande donc ce que tu veux ”

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Qu’elle était douce l’ironie qui se dessinait sous ses yeux lorsqu’il voyait le regard humain se poser sur sa silhouette et qu’il observait ses moindres gestes, percevant sans difficultés le fait qu’il n’était pas à sa place ici. Le lieu était réservé aux êtres qui consomment du sang, ce qui n’était aucunement le cas de son collègue. Pourtant le voilà une fois de plus ici, ayant accouru sans tarder à ses côtés dès qu’il lui avait envoyé une invitation de le rejoindre. Parce que la solitude avait cessé de plaire à l’enseignant depuis des années, lui qui était à présent persuadé qu’un verre ((de sang)) était bien plus agréable et délicieux lorsque l’on était en bonne compagnie. De plus, il avait l’impression que Charon semblait chercher une façon de se fondre dans la masse et cela l’amusait étrangement, lui qui aimait manipuler les situations se retrouvait soudainement spectateur d’une illusion comique. Et le sourire s’élargissait légèrement, assez pour faire apparaître une canine curieuse tandis qu’il penchait la tête, sans jamais quitter son regard du sien. “ — Je suppose donc que tu me préfères à l’alcool ? ” Une question posée sans vraiment qu’il n’y réfléchisse, sa ((première)) erreur de la nuit. Observant la boisson qui venait rejoindre la sienne sur la table, il avait toujours cette étrange fascination pour le fait que l’établissement avait pris le parti de proposer une boisson aux vertus aphrodisiaques à ses clients sorciers. Intrigué par ce qu’il dit, il le détaille du regard avant d’afficher une petite moue. “ — Cela voudrait donc dire que je t’ai sauvé d’un ennui mortel, Charon ? ” Mais ce dernier venait déjà le contredire alors que le rokurokubi buvait une nouvelle gorgée de son verre, voulant combler une soif qui se montrait de plus en plus présente. Le compliment, sous-entendu, vint le satisfaire alors qu’il se penchait un peu plus vers lui, comme pour partager un secret avec lui. “ — Je me demande le nombre de pauses que tu fais, alors. Tu dois avoir beaucoup de bonnes compagnies, je suppose ? ” Une simple curiosité alors qu’il le détaillait du regard avant de se redresser.

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Les pupilles se voulaient observatrices lorsqu’elles dessinaient les contours du visage de son collègue. Il en connaissait cependant les moindres détails, n’ayant jamais eu besoin d’observer longtemps pour qu’il puisse retenir chaque petite marque présentes sur son visage, sûrement parce qu’il avait pris l’habitude de toujours connaître tout ce qu’il faut sur les personnes qu’il fréquentait. Cependant, il résidait encore des zones d’ombres, des secrets inavoués qui faisaient que les deux hommes ne se connaissent pas encore de façon à pouvoir se déchiffrer sans même prononcer un seul mot. Pourtant, il appréciait particulièrement leur lien, se plaisant à se découvrir un peu plus à travers les traits du faciès de Charon. “ — Je ne peux qu’approuver ton goût pour le vivant, dans ce cas… ” Bien que ses lèvres trempaient de nouveau dans sa boisson emplie de sang, colorant ainsi la blancheur de la peau dans une teinte carmin qui semblait être parfaite sur lui. Un petit silence venait s’installer entre eux suite aux mots prononcés par le plus âgé sous la forme d’une question. Était-il vraiment curieux ? Sûrement, c’était toujours plaisant d’en apprendre plus sur l’autre sans avoir à se dévoiler forcément. La moue plus curieuse, il observait son vis-à-vis, attendant patiemment une réponse qui arriva finalement au moment où il s’y attendait le moins. “ — Aimer ce que l’on fait ne nous empêche pas forcément de s’ennuyer, tu sais ? ” Il ne comptait plus les heures où il avait fini par compter les secondes quand l’action n’était pas présente dans les différents emplois du britannique. “ — Mais je m’en vois flatté, alors. Espérons que je ne sois pas souvent dans l’obligation de te faire sortir de cette eau hypnotisante alors. ”  Mais la toxicité n’était jamais très loin lorsque le quarantenaire s’exprimait, le besoin de savoir s’il fréquentait d’autres personnes s’exprimant soudainement bien qu’il se redressait, mettant une certaine distance entre eux. Ils étaient pourtant proches, presque trop pour ce lieu public, cet endroit où Charon était la proie parmi les prédateurs. “ — Mh… tu donnes l’impression d’attirer les regards, en effet. ” Et c’était sûrement ce pourquoi Lloyd s’était retrouvé attiré par lui bien qu’il ne le dirais pas. “ — Vraiment ? Pour Épicure a une philosophie plutôt intéressante, tu ne trouves pas ? ” Il laissait un léger sourire s’esquisser alors que ses doigts venaient tapoter en rythme son verre. “ — Plus sérieusement, je comprends ton point de vue puisque nous avons le même. ” À quoi bon s’entourer de plusieurs personnes quand on trouve ce dont on a besoin auprès de seulement deux ou trois personnes.

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Ce jeu du chat et de la souris, ou plus particulièrement de la souris et de tous les chats présents ce soir, intéressait et amusait particulièrement le rokurokubi qui ne se sentait jamais aussi vivant qu’en compagnie de ses compagnons de fortune et d’un être vivant aussi semblable que différent de lui. Sûrement était-ce pour cela qu’il appréciait la présence de Charon, se retrouvant parfois dans son comportement quand il ne se surprenait pas à l’analyser pour déterminer ce qu’il pouvait bien se cacher derrière ses prunelles qu’il avait appris à connaître par cœur en même temps que ce visage qui ne quittait point ses pensées lorsqu’elles s’égaraient vers sa personne. Et la discussion se faisait parfois plus légère avant de retrouver de ce sérieux qui caractérise tellement leurs échanges. “ — Je ne suis pas inquiet, je te connais assez pour savoir que tu sais respecter ta parole. ” De plus, ils savaient très bien tous les deux ce que tout cela signifiait alors que du sang sorcier venait abreuver la soif de l’aîné. Et le jeu ne faisait que commencer entre eux, le chat ayant repéré sa cible depuis assez longtemps pour refuser le fait de la laisser filer entre ses pattes et ses crocs. Et la discussion se faisait plus philosophique bien que teintée de cette cour constante entre eux. “ — N’est-ce pas pour cela que l’on charme d’abord avant de poignarder dans le dos ? ” Une question posée dans un sourire en coin alors qu’il s’approchait de nouveau, la mort au bout des dents. Et les canines se faisaient soudainement plus visibles quand le cadet mentionnait un plaisir particulier, celui qui naît de la douleur ressentie. “ — Serait-ce une invitation, Charon ? ” Et le regard se faisait plus dur quand il surprenait des regards affamés, n’appréciant guère que l’on observe ainsi son compagnon de table. Mais l’esprit se faisait happer par une question teintée d’une fausse innocence, une demande presque inutile tant la réponse semblait évidente alors que la main se tournait pour que les paumes se rencontrent brièvement et qu’il puisse encercler son poignet de ses doigts. “ — Si je désirais me contenter de cocktail, tu ne serais même pas là. ” Un constat plus que réel alors qu’il tirait un peu sur son poignet, voulant l’attirer à lui par-dessus la table. “ — Mais du moment que nous sommes ici, on se contentera tous les deux de cocktails. D’accord ? ” Comme si rien ne s’était passé, ses doigts remontaient vers les siens et s’entremêlaient avec tandis que sa main libre récupérait le récipient pour finir le cocktail. D’un mouvement de main, il attirait un serveur à eux et demandait à ce qu’on leur remette les mêmes boissons, ne prêtant même pas attention au regard que l’inconnu posa sur leurs mains. De nouveau seuls, il observa Charon, les sourcils froncés dans une envie imperceptible de lire dans son esprit. “ — Qu’as-tu envie de faire après ? ”

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Pensées fugaces, mots brefs et envies peu dissimulées, il s’affiche aux côtés de Charon dans ce lieu qui l’accueille si souvent. Dès qu’il décide de s’abreuver d’un sang plus pur, plus goûteux que celui qu’on leur fournit dans le but qu’ils restent des petits rokurokubi inoffensifs, qu’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux pauvres innocents, à ceux qui ressemblent à ce qu’ils ont pu être par le passé. Il n’avait jamais vraiment compris le principe d’offrir du sang, ne goûtant même pas comme les vrais, à des suceurs de liquide carmin pour les empêcher de le faire sur des personnes et créatures vivantes. Sûrement était-ce une volonté stupide de s’improviser meneur d’une espèce qui pourrait très bien se débrouiller sans les autres. Cependant Lloyd n’avait aucune raison de s’intéresser à cela, encore moins en ce moment puisque son attention devrait être posée entièrement sur l’homme face à lui. Amant nocturne, apprenant méconnu. Relation peu limpide mais parfois addictive quand le sang venait se mêler aux ((d))ébats. Paroles profondes, munies de double sens constant, qui finissent par intriguer le plus âgé. Les questions sincères, il écoutait passionnément ce que lui disait Charon avant de hocher la tête, approuvant ses dires. “ — Je ne peux qu’être d’accord avec tes paroles. Poignarder quelqu’un est bien plus jouissif lorsqu’on le fait en face de la personne visée. ” Sûrement parce que la simple idée de faire souffrir quelqu’un lui était plaisante et qu’il aimait particulièrement l’idée d’être visible aux yeux d’une potentielle victime. Cependant, le sujet principal était accordé à une autre arme, une arme bien plus discrète et subtile qui se cachait derrière les sourires et clins d’œil charmeurs. Ordre dissimulé sous forme d’une question alors que l’étreinte des mains se fait plus forte et qu’il se montre bien plus tactile que depuis son arrivée. Contrôle certain, situation maîtrisée comme un chef d’orchestre dirige sa troupe, il affiche une moue satisfaite quand Charon se plie à ses volontés. Qu'est-ce que c’est satisfaisant de pouvoir dompter un être ayant une conscience individuelle et qui pourrait se révolter n’importe quand. Les verres commandés, le récipient du liquide carmin vidé, il se perd dans l’observation de ce visage qu’il aime tant déformer par ses gestes lorsqu’ils se retrouvent seuls. “ — Pourquoi pas ? N’est-ce pas intéressant de voir se confirmer ce que l’on sait déjà ? ” Haussant un sourcil, il réceptionnait son verre tandis que son attention se posait sur ce à quoi son cadet voulait s’adonner. “ — Est-ce donc par intérêt que tu as accepté de me rejoindre ? ” Une question teintée de curiosité tandis que ses doigts faisaient légèrement pression sur sa peau et que son corps vibrait au toucher des siens. “ — Mais cela me serait plaisant de te transmettre mon savoir. ” Parce que, bien que cela soit mal apprécié par les autres, l’art noir était la plus belle passion du quarantenaire. Du moins, elle partageait cette place avec la fascination morbide du médicomage-légiste qui ne pourrait pas trouver un meilleur métier que celui-là. Et les lèvres s’étiraient un peu dans un soupçon de sadisme alors qu’il se penchait de nouveau vers lui, tirant sur sa main pour qu’il fasse de même. “ — Je compte sur toi pour que ce cocktail soit plus corsé. Ne me déçois pas, Charon. ” Et sa main libre venait effleurer sa joue puis sa lèvre inférieure de son pouce alors que le regard se faisait bien plus dur. “ — Finis ton verre. On s’en ira dès qu’il n'y aura plus une seule goutte. ”