well well well, if it isn't the consequences of my own actions ((baby))

D’un pas las, Tianyi marchait dans le campus, direction un café, pour simplement se prendre une boisson avant d’aller étudier. Seul, comme la plupart du temps : il arrivait parfois que des gens l’accompagnent, mais jamais trop souvent. Tianyi était plutôt quelqu’un de solitaire, qui se débrouillait mieux seul qu’accompagné (et pourtant, il en demandait tellement, de l’attention des gens). En fait, quand il était accompagné, il voulait être seul, et quand il était seul, il voudrait que quelqu’un soit là. Un vide dans son cœur qu’il n’avait jamais su compléter depuis qu’il avait quitté la Chine (quitté sa mère pour toujours), essayant alors de le compléter avec des lieux, de nouvelles rencontres, de l’amour. En l’occurrence, avant même d’apercevoir le café auquel il voulait aller, il aperçut un visage familier. Ah, il avait essayé de compléter son cœur en aimant ce visage, en se montrant intéressé par lui ; il avait alors bêtement cru en ce visage, bêtement cru que les sentiments étaient aussi réciproques qu’il ne le pensait, mais il s’était trompé. Pour l’une des rares fois de sa vie, ce n’était pas Tianyi qui s’était foutu de la gueule de l’autre, mais l’autre qui s’était foutu de sa gueule. Des années après, Tianyi n’oubliait pas cette humiliation (la preuve, il ne laissait plus jamais des sentiments fleurir envers qui que ce soit) et il ne voulait pas que Babylone l’oublie non plus.

Alors, d’un pas confiant, Tianyi se dirigea vers ce garçon, et lui afficha un sourire innocent. « Hey, Babylone. » L’appeler simplement « baby » aurait été plus simple, mais Tianyi se refusait à l’appeler ainsi (trop humiliant). « How is it going ? » démarra-t-il tout d’abord, croisant les bras. Il l’abordait comme on aborderait un ami alors qu’ils étaient tout sauf des amis : des inconnus, des presque-exs, et peut-être des futurs ennemis.

Il était venu récupérer des boissons pour lui et pour Somi. Avait réfléchi longtemps, se demandant si elle aimerait goûter autre chose que son habituel bubble tea, avant de finalement décider que non. Il faisait bien de lui ramener son favori, il le savait. Ce serait très bien comme ça. Il ne s'était pas attendu à voir Tianyi ici. Et quelque part, ça serre le cœur, ça donne envie de fuir. Comme il l'avait fui, lui, en comprenant que les sentiments n'étaient pas partagés. Il avait fait partie de ceux qui n'avaient pas attendu. Avait fait partie de ceux que Babylone avait aimé embrasser sans jamais laisser le cœur tambouriner trop fort. Et quelque part, ça lui fait peur de le revoir. Peut-être parce qu'ils n'en ont jamais parlé (de tous ces souvenirs), parce que, bien qu'il l'ait déjà vu de loin à plusieurs reprises, il avait toujours espéré ne pas avoir à lui faire face. Mais il était là.

A le saluer comme si de rien n'était, comme s'il ne lui avait pas brisé le cœur.
Mais il y a quelque chose, dans la façon dont il prononce son prénom. En entier, comme s'il avait oublié, depuis tout ce temps, les confessions qu'il avait pu lui faire (détester un prénom, détester une famille qu'il ne connaissait pas). L'avait-il oublié? Si rapidement? Etrangement, Baby, lui, n'avait rien oublié. « Hey, Tianyi. » Sourire ravi, pourtant, d'être adressé avec tant de naturel. Il y a un soulagement perçant dans sa voix, une certaine crainte qui s'efface, doucement. « I'm fine, thanks... How are you? It feels like ages, since the last time we talked. » Et c'est le cas. Cela fait plusieurs années, mais Baby ment. Il a l'impression que c'était hier, qu'Helena souriait aux deux garçons après quelques courtes présentations. Que leurs mains se liaient et leurs rires se mêlaient. « To be honest, I never knew if it was alright for me to talk to you. »

Pour ne pas changer, Baby se moquait de lui (comme toujours). Son sourire ravi, sa manière de le saluer comme si tout était normal entre eux. Comme si Tianyi n’avait pas aimé Baby, comme si Baby ne lui avait pas fait croire qu’il l’aimait aussi. Il était agacé par son comportement, mais il ne montrait rien. Il continuait de sourire sous cette couverture, d’un sourire aussi ravi que celui de Baby. « Yeah, it’s been ages ! » confirma-t-il, comme lorsqu’on retrouvait un vieil ami (mais un vieil ami aurait appelé Babylone Baby, et non pas par son prénom entier, prénom maudit). « To be honest, I never knew if it was alright for me to talk to you. » Les poings se serrèrent légèrement. Il retint un rire désabusé de sortir de sa gorge, et, à la place, maintint son sourire. « You should’ve known it wasn’t. I mean, don’t you remember ? You played with my feelings and had me fooled. I wonder if it’s still your thing ? Playing with people’s feelings ? » Il haussa rapidement des épaules. « Oh, well. It’s all in the past, right ? It’s not like people keep the old scars forever. After all, it was just an innocent love. Nothing too deep. Nothing that broke me, of course. » Il sourit légèrement à Baby. « So I’m happy to know that you’re doing fine, even if I’m still not. » L’ironie, c’était que Tianyi avait tellement entendu ces mots, de la part de ses exs (how could you be doing fine when you cheated on me ?) et que maintenant, c’était lui qui les répétait à Baby. Mais contrairement à lui, Baby n’était pas un sans-cœur, et ces mots le marqueront (alors que Tianyi lui, ça le faisait juste rire).

Il y a dans le cœur quelque chose qui se brise. Comme à chaque fois qu'il entend ces mots, à chaque fois que l'on lui reproche de ne pas assez aimer. Les paroles acerbes de Tianyi lui vont droit au cœur et il ne sait quoi dire pour se défendre. A-t-il envie de se défendre? Il aimerait s'expliquer. Dire ce qu'il n'avait jamais pu dire. Lui demander pardon, comme il l'avait fait à tant de personnes avant lui. Parce que qui sait? Peut-être qu'il n'avait pas été assez honnête, peut-être s'était-il mal expliqué. Peut-être qu'il ne l'avait pas assez mis en garde, en lui disant, entre deux baisers, d'être patient, s'il te plaît. « Still, you're the one coming at me. »

Comme moindre défense, comme si cela expliquait sa naïveté. Il savait que derrière la douceur qu'il connaissait encore de ses bras, le kaze n'était que piquant et mordant. Alors pourquoi ressentait-il cette déception poindre, là, dans le fond de sa poitrine? Comme si une page se tournait enfin pour en écrire une nouvelle (plus violente encore). « I don't play with people's feelings. » Les poings serrés, c'est que sa propre colère commence à grimper. Il le prend pour un idiot, il se joue de lui, et, quelque part, il a envie de s'en insurger. Parce que tout n'est pas de sa faute. Tianyi, lui aussi, a ses fautes dans la tragédie de leur histoire. « Stop acting like you were the only one hurt here. I was nothing but honest with you, I always asked you to wait for me. Yet you never did. » C'est en serrant les boissons commandées dans ses mains à en entendre le plastique craquer qu'il inspire pour calmer cette tempête d'émotions menaçantes. La colère semblait vouloir se mêler à de la tristesse, de la nostalgie. Il a encore leurs beaux moments en tête, Baby, mais il semblerait que Tianyi, lui, ait décidé de les oublier (totalement). « Stop being selfish for a second. If I'm the villain, so are you. »

Tianyi éclata de rire. Oui, voilà, c’était ce genre de plaisir éphémère qu’il cherchait : ce plaisir de faire du mal aux autres pour qu’ils soient encore plus pitoyables que lui, pour que lui ressemble enfin à quelque chose dans ce monde, et pas à une pauvre petite chose dont on aurait pitié. La seule défense que Tianyi avait trouvé face à sa douleur, c’était de faire du mal aux autres, et ça avait toujours marché (il ignorait délibérément qu’en faisant ça, sa propre douleur augmentait aussi ; mais pour qu’elle disparaisse pour un court instant, c’était si agréable, de transformer les autres en des vilains comme lui…). « Yeah, you were just making fun of me. I know people who ask others to wait for them when they’re fully enjoying every single aspect of the relationship, because they’re on the upperhand : they’re not yet attached, so they’re still free to take a step back if they don’t like it anymore and get bored, letting the other have high hopes for nothing. » Plus que Baby, il se décrivait lui-même : lui, qui laissait toujours l’ambiguïté dans l’air, pour être sûr que personne ne pouvait lui en vouloir d’être parti (et pourtant, lui en voulait à Baby). « Maybe I’m a villain too, Baby. But that’s not the point here : can’t you just admit you’re not the saint you want to be ? Because you thinking that you don’t play with people’s feelings makes me laugh like hell. At least admit it, cause you’re being ridiculous, right now. » Il tendait le bâton pour se faire battre, et Tianyi en était conscient : il se sentait si mal lui-même qu’il avait besoin de faire du mal aux autres (il ne savait pas comment faire l’inverse).

Quelque part, Baby se demande s'il lui a tant fait mal, à Tianyi. S'il n'est pas là simplement pour se faire juge, pour battre tant qu'il en a encore le pouvoir. Mais il sait, depuis le temps que, peu importe la relation dans laquelle on s'engage avec lui, il est hors de question de laisser le moindre vrai sentiment percer la carapace. Et ça ne l'avait pas dérangé, à l'époque. Baby était doué pour lire ses émotions, pour le serrer dans ses bras en riant chaque fois qu'une pensée négative le prenait. Aujourd'hui, il n'en avait plus le droit (et maintenant, il n'était plus sûr d'en avoir envie non plus). « I wasn't making fun of you. Are you talking about yourself or about me? I trully wanted to love you, maybe I loved you. Just not enough, not like you wanted me to. You're being an asshole because you think we're so alike but I have to tell you : we are not. We are so different. You don't know what it is to love someone when it's never enough. » Il fronce les sourcils. C'est qu'autour de lui, il a toujours entendu parler du kaze. Il n'avait jamais vraiment voulu y croire, mais, aujourd'hui, il était bien forcé d'admettre que les rumeurs n'étaient pas si fausses que ça (qu'il brisait les cœurs plus encore qu'il ne le faisait auparavant). « I never said I was a saint. I know how people feel because of me and I feel bad about it. Do you? Feel bad because of how you act? I didn't want to believe eveyrhting I heard about you, but maybe you really just seek vengeance just because you are eternally unsatiated. » L'ombre d'un doute plane dans son regard alors qu'il a presque un léger rire désabusé. Il n'y a rien de l'amusement, tout de l'ahurissement. « Did you even loved me? » Il avait l'impression de ne vivre cette situation que parce qu'il cherchait à se punir lui-même, Tianyi.

Peut-être que Tianyi ne savait pas aimer parce qu’on ne lui avait jamais appris, à aimer. Parce que la seule personne qu’il avait sincèrement aimée dans sa vie était sa mère, et qu’on le lui avait arrachée, du jour au lendemain. Elle avait disparu de sa vie et lui, disparu de ses souvenirs. Sans doute était-elle plus heureuse sans lui, sans ce monstre dans les pattes ; et Tianyi se disait, pourquoi l’avait-il aimée ? Ne l’avait-il pas assez aimée pour qu’elle ne soit pas dégoûtée à l’idée qu’il ait du sang magique en lui ? N’avait-il pas bien aimé ? Comment aimer, alors ?
Comment aimer quand on n’avait jamais été bien aimé soi-même ?
Comment croire qu’on pouvait être aimé quand on ne l’avait jamais correctement été ?
Alors il se noyait dans ce cercle vicieux, où même s’il existait des gens qui l’appréciaient, il était incapable d’y croire, doutant de leurs sentiments, de leurs intentions (ils doivent sûrement m’aimer pour tenter d’obtenir quelque chose de moi) ; parce que c’était comme ça qu’il était avec tout le monde. Pensant que le monde lui ressemblait, que personne n’était ce qu’ils prétendaient être, qu’ils étaient aussi malheureux, c’était tout naturellement qu’il pensait que Baby était comme lui (et tout naturellement qu’il n’y croyait pas, à ce qu’il disait, Baby). « Of course I did, » répondit-il dans un sourire sarcastique, prenant un pas pour se rapprocher de Baby, avalant la distance entre eux, entendant frémir l’électricité autour d’eux. « But did you ? » dit-il à voix basse, le regard ancré dans celui de Baby. « Did you really love me ? After all, it’s so easy to say that you liked me, just not enough, so that you’re not responsible for everything that happened after. Sure, I’m the asshole here, not you, it’s obvious. Believe what you want about me, I don’t care about that. It’s not like I expected you not to trust what you hear. It’s easier for you to believe that I’m the one who breaks hearts here, rather than you, right ? It’s easier not to admit. That’s exactly what makes you the asshole, Babylone. » Et avec ces mots, il le repoussa d’une main, faisant reculer Baby, le regard noir.

Il lui ferait presque pitié, Tianyi. Dans ses mots, dans le fond de ses prunelles. Dans cette incapacité à croire les autres, à comprendre (ou même à chercher à comprendre). Comme cela doit être dur, dis, de n'avoir aucun exemple à suivre. Mais même les enfants les plus malheureux, parfois, finissent par aimer à la folie. Par aimer à en pleurer, par aimer à en perdre le nord. Et si quelque part, Baby aimerait dire que ça lui est déjà arrivé, à ellui, d'aimer à ce point, le cœur se ferme chaque seconde un peu plus face aux paroles coup de poing du kaze.
Peut-être qu'en d'autres circonstances, il lui aurait tapoté la tête et pardonné. Il aurait abandonné le sujet de discussion, aurait tourné le talons et aurait dit tant pis. Mais quelque part, l'égo est piqué. Et quelque part, il aimerait tellement qu'il le comprenne (quand bien même c'est impossible, la raison noircie par ses propres actions).

La main qui le pousse lui fait tourner la tête rien qu'une fraction de secondes et son propre regard se charge d'orage. C'est que le denki aimerait laisser la foudre percuter Tianyi, oui. Parce qu'entre eux, l'électricité court en décharges minuscules qui rend la tension presque palpable. « I'm aware I broke some hearts, but I don't play with people like you do. At least, I don't take any pleasure in seeing others hurt because of me. » Il aimerait se sentir plus grand, plus haut. Peut-être pour faire taire ce cœur qui bat si vite. Parce qu'il se sait aussi méchant que le kaze, certainement (bien qu'au final, il finisse tout autant brisé que ceux qu'il brise). « Is it funny, tell me? I want to know how much of a bitch you are with others. Do you like to see them cry? I might be an asshole, but I hate to see others in pain. Even you. I hated myself, when you left. » Et malgré tout, il a envie de le croire, quand il lui dit l'avoir aimé. Même si dans ses yeux ne tangue que le mensonge, la colère, là, froide. Il ne le touche pas, Baby, Ne lui fait pas le plaisir de répliquer par la violence.
« Do you think you have the right to make others suffer just because you've cried too much in your life? »

Tianyi n’y croyait pas. Il n’y croyait pas, à la version sainte que Baby présentait de lui-même : non, c’était impossible de faire du mal aux autres volontairement sans y prendre du plaisir. C’était sûr que Baby avait pris plaisir à se moquer de lui, à le faire tourner en rond, à le faire attendre dans le vide. Parce que s’il n’avait pas pris plaisir, alors qui blâmer du déchirement du cœur de Tianyi ? Qui blâmer de ses tristesses, de ses colères, de son désarroi ? Au fond, si Tianyi persistait à en vouloir à Baby, c’était uniquement parce qu’il n’était pas capable d’accepter qu’il y avait des situations qui blessaient, des erreurs qui blessaient, et des personnes qui blessaient, sans que ça ne soit pourtant voulu. Tianyi, il était incapable d’accepter et d’aller de l’avant, car personne ne lui avait jamais dit comment faire ça. Personne n’avait pu remplacer sa mère depuis qu’il était parti au Japon, et depuis, c’était une tornade incessante qui grondait en lui, cherchant un coupable dans les yeux de tout le monde, se rendant même lui-même coupable ((tant qu’il y avait quelqu’un à blâmer du malheur dans sa vie)).

Un rire s’échappa des lèvres de Tianyi. « You make me laugh. If you think that’s why I hurt others, then you’ve got me wrong, but I’m not surprised by that. So, what ? You hated yourself when I left ? You deserved that. You deserved to suffer because you hurt me and made me feel so miserable. » Et puis, Tianyi aussi, se détestait davantage en faisant du mal aux autres ; mais quitte à se détester, autant faire en sorte que les autres soient tout aussi malheureux que lui, en les entraînant avec lui dans sa chute éternelle. « Think whatever you want of me, I don’t care. But for your pleasure, I’ll play the bad guy here who loves to see other people cry. » Et sans crier gare, Tianyi asséna une gifle à Baby, avant de tirer sur ses cheveux pour relever sa tête, ancrer son regard dans celui de Baby. « So cry, baby. Cry, so that I’ll be satisfied, like the monster I am. »

Il a l'impression que c'est la première fois qu'il l'entend être honnête aujourd'hui, et ça prend aux tripes rien que deux secondes, trois, peut-être. Ca prend à la poitrine juste le temps de se rendre compte que, ouais, il avait vraiment blessé Tianyi lors de leur rupture. Et s'il aurait pu en rire, faire passer ça sous le mensonge, sous les rires et les incrédulités, Baby décide de le croire (parce qu'il a encore trop gros cœur et parce qu'il a envie de s'ouvrir les yeux, avant d'ouvrir ceux du kaze). Il secoue rien qu'un peu la tête, le regarde et pouffe, là, sans d'autre commentaire, avant d'acquiescer. « I don't pretend I didn't deserve that, really. Far from it, actually. »

Et il ne comprend pas vraiment ce qu'il veut dire par play the bad guy. Et pendant deux secondes plane le doute, avant que finalement sa joue ne le chauffe, et les boissons achetées éclatent à leurs pieds. C'est la chute, enfin, celle qu'ils méritaient tous les deux. La fin qu'ils n'avaient jamais eu, toutes ces années auparavant. Comme une mélodie brisée, il était temps de tourner la mollette, encore, pour continuer l'histoire et y mettre un terme. Pour de bon. Le regard est planté de force dans celui de Tianyi et ce sont des éclairs qui chahutent autour de Baby. Oh, il ne lui ferait pas le plaisir de pleurer. Car si ses yeux s'étaient embués sous le coup assené, il n'irait pas se mettre à genoux face au tyran qui, aujourd'hui, se plaisait à se jouer des autres.
C'est dans son oeil, qu'il essaie de viser (sur son nez que le crachat finit sa course).
« I think I have cried enough because of you. I won't shed a tear for you anymore, you bastard. » Et c'est à son tour, là, d'enfoncer son poing dans l'estomac du jeune homme. Peut-être pas assez pour le mettre à terre, mais juste assez pour le faire reculer et se frotter le crâne, là où le fantôme de sa poigne réside encore. « What's wrong with you? You're so mad at me for not being like you that you decided it was a good idea to attack me? »

Il se perdait, Tianyi. Perdu entre le monstre qu’il voulait être et le petit garçon qui n’avait jamais grandi au fond de lui. Tout serait plus simple si c’était un monstre, un monstre sans cœur insensible qui n’en avait rien à faire, des autres. S’attacher aux gens et les perdre serait moins difficile. Il n’y aurait pas d’attachement, en fait. Pas de souffrance. Rien. Qu’une sensation de supériorité parce que l’autre éprouvait des sentiments que lui n’éprouvait pas. Alors oui, ça lui était arrivé à Tianyi, de faire tomber à ses pieds des personnes qu’il n’appréciait même pas, et il avait pris du plaisir à se dire que ces personnes allaient souffrir à cause de lui, parce qu’enfin, elles devenaient tout aussi malheureuses que lui. Mais ce n’était qu’un monstre de surface, car le petit garçon blessé par son vécu lui en voulait ; il lui en voulait de faire du mal aux autres et s’en voulait surtout d’être aussi monstrueux envers les autres ((t’es misérable, Tianyi)). Et c’était la voix de ce petit garçon que Tianyi détestait le plus : il se changeait alors en monstre pour l’éviter, pour ne plus l’entendre, pour lui dire qu’il avait tort (et un cercle vicieux se créait alors, avec un Tianyi qui devenait de plus en plus le monstre qu’il détestait).

Alors il avait giflé Baby, comme le lui du passé avait tant rêvé de le frapper, pour tout le mal qu’il lui avait fait (lui mentir, jouer de ses sentiments). Visage monstrueux qui s’était formé, regard noir ancré dans celui de Baby ; et la contre-attaque arriva. Il ferma les yeux au moment même où il sentit de la bave sur son nez, et lâcha Baby d’un geste dégoûté. Mais il n’eut même pas le temps de s’essuyer qu’il se reçut un coup de poing dans le ventre, le faisant reculer de quelques pas, s’éloignant des pauvres boissons jetées par terre à cause de la violence du coup. Bizarrement avec Tianyi, les boissons finissaient toujours non consommées, par terre.

Silencieusement, il allongea le manche de son haut et essuya la trace de la salive de Baby sur son visage (clairement pas appréciable), et grimaça de dégoût. « You’re really disgusting. But, see, I think I see it now. That you’re exactly like me and that you’re just trying to hide it. You’re probably worse than me, too. Way worse. » Peut-être que ça ne servait à rien, de se battre avec Baby. Après tout, à quoi bon montrer à un monstre pire que soi-même que l’on était aussi un monstre ? C’était un risque à se faire dévorer tout cru. Alors utilisant son godai, il s’éleva dans l’air pour donner un coup de pied dans les côtes de Baby, l'envoyant valser de quelques pas. Et puis, il se recula, mit les mains dans les poches. « Just keep pretending. Keep being disgusting. » Et il se tourna, s’éloignant en marchant, comme s’il partait après avoir salué un vieil ami.