octogone ☼ tianyi

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tw : maltraitance ; violence

Colère. Honte. Des sentiments bien insignifiants, s'ils n'engageaient que lui. Peu violent, méchant, dans son intériorité. L'ignominie venait des autres. De ceux le poussant à fauter. Aucun autre choix que de suivre les ordres. Loyauté instillée dans ses veines, dès l'enfance. Le tournoi était venu jeter l'opprobre sur son existence. Ou son échec, à ce dit tournoi, plutôt. Il avait essayé, tant bien que mal, de réussir. Envie de prouver qu'il était suffisant. Qu'il était important. Épreuves trop difficiles. Trop difficiles pour lui. Goût amer au bout des ses lèvres, à l'annonce de sa défaite. Perdre n'était pas le pire. Ujinori était habitué à perdre. Perdre sa famille. Ses amis. Elle. Défaite inacceptable, pour ceux tenant la laisse. Il n'était en vie que pour les servir. Sans eux, il n'était rien. Mais pourquoi subvenir aux besoins d'un cloporte, incapable de passer ne serait-ce qu'à la seconde épreuve ? S'il ne se montrait pas utile, il prenait le risque de s'engouffrer dans le Styx. Et ne plus jamais revenir. Les remontrances avaient été interminables. Violentes. Pas le droit de s'offusquer. Il le méritait. Ses bourreaux le lui répétaient. A chaque coup. Sale Hensoku. Abruti. Monstre. Blessures tout juste soignées, déjà réouvertures. Esprit, et corps, en morceaux. Piteux état.

Retour à la case départ. L'hôpital. Volonté initiale de soutenir la douleur. De ne pas venir traiter ces plaies, qu'il adulait comme un trésor. Tatouage lui rappelant son erreur. Le temps n'était pourtant pas venu à bout du supplice. Difficile de bouger. Respirer aussi. La seconde manche venait de s'achever, mais ça il n'en savait rien. N'avait pas plus que ça suivi les actualités du tournoi. Trop douloureux, que de voir ce qu'il aurait pu être. Rendez-vous fixé avec son médecin. L'un de ceux au courant, pour sa condition. Ceux dont le silence était acheté par les galions. Il était risqué d'ainsi exposer ces ecchymoses, lézardant son épiderme. Son sauveur ne lui poserait pas de question. Mais aux monstres, les vrais, protégés par la loi, oui. Ujinori en subirait les conséquences, d'une manière ou d'une autre. Serpent qui se mordait la queue. Leur déplaire, pour survivre aux marques de leur déplaisir passé. Entrevue d'une violence folle. Os et muscles se replaçant, à chaque nouveau mouvement de baguette. Pas d'anesthésie. Jamais. L'impression de mourir. En boucle. Ses lèvres restaient pourtant closes. Les larmes embrumaient sa vision, mais jamais n'étaient autorisés à dévaler ses joues. Las, si las, de jouer à ce jeu. Mais persuadé qu'il ne survivrait pas, sans ça.

Les soins enfin terminés, la logique aurait voulu qu'il parte se terrer dans son antre. Qu'il ne repointe pas le bout de son museau avant quelques jours. Peut-être plus. Mais sans trop savoir pourquoi, ses pas refusaient de le conduire jusqu'à la sortie. Étrange promenade, de couloir en couloir. Chaque arrêt était ponctué d'une scène. Comique. Souvent tragique. Ultime scène le sommant de participer. Car elle le concernait. De l’entrebâillement de la porte, il le voyait lui : Tianyi. Fureur jusque là maîtrisée remontant d'un seul coup. Ça brûlait. Tout. Le responsable de sa défaite. Ou plutôt l'un des nombreux facteurs qui avait entraîné sa chute. Ujinori ne savait rien, de cet inconnu. Pas son passé. Pas ses tourments. Pas même son nom. Qu'importe. Rien de tout cela ne comptait. Envie de le faire chuter, ployer. Envie de tout détruire. Se détruire. Ombre vengeresse se glissant dans la pièce, refermant d'un mouvement brusque la porte. - Tout est de ta faute. L'homme des neiges ne savait pas s'il avait envie de crier ou pleurer. Les deux en même temps ? Qu'importe. Ce dont il était sûr, c'est qu'il ne pouvait pas repartir sans lui faire comprendre. Mais lui faire comprendre quoi ? Bête sauvage se jetant sur sa proie, faible, encore allongée sur son lit d'hôpital. Doigts venant enserrer son si joli cou, presque doucement dans un premier temps. - Je te déteste.

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@huang tianyi

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Perdu. Il avait perdu. Au fond, rien de trop choquant : après s’être évanoui à cause du poison ingéré dont il n’avait pas réussi à trouver l’antidote, il avait su que c’était perdu. Pourtant, la rage brûlait quand même en lui (peut-être aurait-il réussi si on ne l’avait pas saboté, s’il avait réagi différemment, s’il avait fait preuve de plus d’adresse…). Tant pis, sa défaite lui laissait un goût amer sur la langue mais il remettra sa victoire à l’an prochain. Plutôt que de ruminer sur sa défaite, il avait d’autres priorités, et l’une d’entre elles était de se sentir mieux. La peau écorchée par la pluie corrosive de la première épreuve et les débris de verre sur lesquels il était tombé de la seconde épreuve, de légers vertiges qui subsistaient malgré tout, un corps las… Megumi avait fini par sortir de l’hôpital plus tôt que lui (il avait le don de se retrouver colocataires de chambre avec des gens qu’il connaissait), et le voilà laissé tout seul. Apparemment, si tout allait bien, il pourrait sortir demain. Si tout allait bien.

S’il ne se faisait pas agresser par un inconnu, par exemple.

Tianyi jeta un coup d’œil vif à la porte qui se referma brutalement, il vit à peine une ombre qu’elle atterrit déjà sur lui, serrant son cou, étranglant ses voies respiratoires. L’ombre était comme issue de ses pires cauchemars, lui disant que tout était de sa faute, qu’il le détestait ((cette ombre semblait presque être le reflet de lui-même ; son pire cauchemar était lui-même)). Mais non, ce n’était pas son pire cauchemar qui se dressait sur lui et le voulait mort, c’était un visage qu’il reconnut : un adversaire lors de l’épreuve un, qui avait osé le frapper à mains nues. La rage qu’il avait ressenti à ce moment-là avait dû être comprimée, parce qu’il devait se concentrer sur la course. Mais là, en revoyant ce visage, en le sentant l’étrangler, elle explosa.

Il fit voler un objet au hasard de la pièce (une boîte d’outils médicaux ?) et la fit s’écraser contre la tête d’Ujinori, pour que celui-ci lâche prise. Adversaire sonné, Tianyi en profita alors pour le renverser et se libérer de son emprise. Et puis il s’extirpa rapidement de son lit et tendit le bras devant lui, comme s’il avait sa baguette dans sa main alors qu’il n’avait rien (merde, il n’avait pas sa baguette avec lui). « Qu’est-ce que tu me veux ? » siffla-t-il, un peu moins violemment qu’il aurait aimé. « T’essaies de profiter du fait que je sois pas encore totalement guéri pour m’attaquer ? Dommage pour toi, je reste en pleine forme, » dit-il avec un sourire carnassier. « Et même si je n’ai pas ma baguette, je peux quand même utiliser mes pouvoirs. Alors un pas de plus et je t’expulse de cette chambre. » Il avait omis de préciser qu’il n’en serait probablement pas capable, vu l’effort que de se tirer de l’emprise d’Ujinori lui avait demandé ; mais Tianyi avait toujours été bon à prétendre qu’il dominait la situation, même quand il ne l’était pas.

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@shirakawa ujinori

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Vision d'horreur. Pour lui. Et pour l'autre. Ujinori était son propre cauchemar. Perdre tout contrôle. Laisser le monstre prendre le dessus, et semer les graines de la discord. Terreur pour celui qui feulait sous ses doigts. Inconnu, aux tourments inconnus. L'homme des neiges ne savait rien, de Tianyi. Ne voulait rien savoir. Était incapable, même, de comprendre quoi que ce soit, en cet instant. Tout était de sa faute. La défaite. L'opprobre. Si sa main se faisait l'apôtre de la violence, ses yeux eux se faisaient nuages. Orages. La pluie tombait. Drue. Violente, elle aussi. Venait chatouiller  les contours de son visage, et ceux de sa proie aussi. Rien ne faisait sens. Surtout pas lui. Il ne s'était pas senti ainsi en détresse, depuis une éternité. Depuis qu'il l'avait violenté elle. Avait assassiné son amour. Si peu l'habitude de ressentir quoi que ce soit, que quand les émotions venaient, elles étaient incontrôlées. Folles. Il semblait fou. Était fou. Ujinori ne voulait plus jamais souffrir. Plus jamais décevoir. Et si Tianyi s'envolait vers d'autres cieux, la honte disparaîtrait elle aussi. Se ferait plus rare. Soupçon de chaos dans cette vie parfaitement ordonnée, qui avait tout ravagé. Le corps, et l'esprit, labouré. En peine.

Mais dans tout ça, personne n'avait jamais été proie. Tous deux prédateurs. Dangereux. Sans aucune limite. Révolte, face à cette étreinte glacée. La colère comme carburant, source de chaleur. Même Ujinori devinait contre sa paume, le brasier qui sévissait en lui. Bruit sourd d'un objet venant le frapper violemment sur le dessus de la tête. Affligé, par une tentative aussi vaine. Il était persuadé que ce ne serait rien. Ne lui ferait rien. Habitué à être violenté. Mais rien n'était habituel, dans ce qu'il était en train d'advenir. Voile rouge recouvrant ses prunelles sombres. Corps déjà meurtri, sur le poids de s'écrouler. Seul point positif, la violence du coup était venu sécher ses larmes. - Petit con. Tirade susurrée avec difficulté. Plus la force de faire grand chose. Obligé de se concentrer pour ne pas tomber. Ne pas s'incliner à nouveau devant lui. - En pleine forme ? Fais... Fais moi rire... Tu gémissais presque, de me sentir t'enserrer le cou. De douleur ? De plaisir ? Pitoyable. Effort inhumain que de lui décocher son venin. L'esprit à feu et à sang. Même respirer, faisait mal. Que faire, maintenant ? Tant de possibilités. Tant de façon de l'affliger. Il suffisait de le retrouver, le sentir à nouveau à portée de main.

-Tu ne me fais pas peur... Non... Non. Un sourire dément venait décorer son visage, habituellement si distant et froid. Un pas, puis deux. Bientôt, plus rien ne les séparerait. Bientôt, le pire arriverait. Les doigts s'approchaient. Attrapaient le col de cette hideuse blouse d’hôpital. Appui parfait pour briser son nez, sa bouche, lui faire perdre son souffle. Prêt à frapper... Prêt à tomber. Cumul des atrocités de ces derniers jours l'accablant jusqu'à lui faire courber l'échine. Vertige l'approchant du lit. Tianyi entre eux, emporté au passage. Ujinori le surplombait de tout son corps. Non, le collait, littéralement. A tel point qu'il était difficile de savoir où l'un s'arrêtait et l'autre commençait. La honte revenait. Cet inconnu n'était bon qu'à ça. Qu'à lui foutre la honte. Envie de fuir. De se relever le plus vite possible. Mais il n'était pas capable. Trop fatigué. Et Tianyi n'en serait pas plus capable, affaibli. Faible, tout court, face au poids du colosse. Lèvres nichées contre son oreille, une étrange candeur était venue remplacer la férocité des instants précédents. - Pourquoi tu m'as fait ça... ? Souffle chancelant. Ujinori était haletant, transi de douleur, de peur. - Pourquoi tu es comme ça... ? Délirant, lui murmurant comme on murmurait à un amant.

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Un rire sortit de la gorge de Tianyi, le menton se levant légèrement, tête balancée en arrière. « Tu trouves pitoyable que je puisse gémir de plaisir si tu me serres le cou ? T’es pas très ouvert d’esprit, dis-moi. » Les plaisirs sexuels d’un côté, il y avait surtout une agression, à l’heure actuelle (et non, Tianyi ne prenait pas de plaisir dans une agression). Mais la plaisanterie le fit baisser sa garde, garde qui revint presque immédiatement quand il vit Ujinori sourire d’une manière douteuse, s’approcher de lui. Instinctivement, Tianyi recula, le bras devant lui comme s’il allait faire quelque chose, que c’était une menace (mais rien du tout, parce qu’il n’avait pas d’énergie, parce qu’il était fatigué). Et d’un coup, l’autre devint trop proche, l’autre lui tomba dessus et l’emporta dans sa chute, les deux finissant sur le lit. Le poids d’Ujinori se répartit sur tout son corps et il grimaça, n’étant pas particulièrement fan de se faire écraser par quelqu’un d’autre (dans une autre situation, certainement qu’il pourrait y prendre du plaisir, mais là, non, pas vraiment).

Fronçant des sourcils, Tianyi jeta un coup d’œil à Ujinori, dont les lèvres étaient si proches de son oreille qu’il sentait le souffle caresser son oreille (situation assez cocasse, mine de rien : ne voulait-il pas le tuer, de base ?). « Tu parles comme si j’avais tué toute ta famille, » répliqua Tianyi sur un ton perplexe. Et puis il regarda le plafond, un sourire se formant sur ses lèvres. « Mais faudrait savoir ce que tu veux : tu veux me tuer ou me baiser ? T’es à deux doigts de faire les deux, et j’aime bien quand les choses sont claires, tu vois. » Impossible pour lui de faire fuir Ujinori par la force, alors si celui-ci avait ne serait-ce un peu de conscience, il finirait gêné et s’enlèverait de lui, ce qui permettrait à Tianyi de respirer de nouveau – ça, c’était en supposant qu’Ujinori en était capable, de se relever, chose que Tianyi avait omis dans ses calculs.

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Langue acérée. Surprenant. Tout était une surprise, venant de lui. Car Ujinori ne le connaissait pas. Ne voyait que le monstre qui lui avait tout arraché. Sa fierté. Sa santé. Esprit embrumé par la colère, et la douleur. Pourtant, Tianyi n'y était pour rien. N'était pas celui qui avait broyé tout son corps, face à cet échec. C'était eux, toujours eux. Impossible de leur en vouloir. De leur faire endosser cette responsabilité. Inconnu érigé comme son unique ennemi. La cause de tous ses maux. Solution de facilité, pour ne pas affronter la réalité : les chiens du gouvernement étaient les vrais monstres. Et ne voulaient pas son bien. Ne l'avaient jamais voulu. Et ne le voudraient jamais. Envie de tout détruire, et de le détruire lui surtout. Lui faire goûter son agonie. Unique objectif le poussant à être violent, virulent. Le cou enserré. Les mots venimeux. Violents. Tentative vaine, car ses forces déjà le quittaient. L'empêchaient de réussir. L'empêchaient de fauter. Tout lui faisait mal. Son corps. Son âme. Tout tournait, autour de lui. La chute était inévitable. Pitoyable. Le destin l'empêchait de commettre une erreur. De tout perdre, pour de vrai, cette fois. Et puis peut-être que Tianyi saurait le tirer des limbes, pour un temps au moins.

La réaction de son « ennemi » était... étrange. Il ne criait pas. Se contentait de lui susurrer des atrocités. Il ne devait rien comprendre. Non. Ne comprenait rien. Comment aurait-il pu ? Rien de tout cela ne faisait sens. Âme en peine, accroché à cet étranger comme s'il était son roc. Son unique moyen de ne pas sombrer. Quelque part, il l'était. Vraiment. - J'en ai pas... pas. De famille... Voix enrouée par la douleur. De trop nombreuses vérités sortaient. Plus aucun filtre. L'impression de mourir, alors pourquoi faire semblant ? Tianyi audacieux. Se jouant de la folie de l'instant pour lui énoncer de si étranges possibilités. - Tais-toi... Juste... Tu ne comprends pas. Tu ne comprends rien. Impossible de le quitter. Son corps lui refusait tout mouvement. Plus la force de se relever. De batailler. Ujinori se sentait... presque réconforté. Dans cette étreinte non consentie. Tant par l'un que l'autre. - Je ne veux pas de toi. Pas de ta mort. Pas de ta chaleur. Je... Je ne sais pas. Pourquoi ? Les lèvres tremblaient, sous le coup de l'émotion. Les yeux étaient submergés, retenaient tout juste les larmes. - Pourquoi tu m'as fait mal ? Pourquoi tu leur as donné raison ? Une raison de tout m'arracher ?

Et la pluie s'abattait, enfin. Contre le cou de cet inconnu. Ujinori n'avait pas pleuré depuis des mois. Des années, peut-être même. Ne s'autorisait jamais une telle démonstration de... faiblesse. Il se devait d'être de glace, tout le temps. Ne jamais ciller. Le corps bougeait, doucement. Essayait, instinctivement, de ne plus écraser Tianyi. Ne plus l'écraser, de cette façon qui tourmentait, endolorissait. Impossible de se relever, totalement. Alors les corps s'effleuraient, encore, dans un confort presque tendancieux. - Je ne peux pas me relever. Aveu difficile, qui lui brûlait le fond de la gorge. Il se sentait stupide. Mais pas assez pour supplanter la tristesse. Pas encore, mais bientôt, après son ultime cri du cœur. - Est-ce qu'on peut rester comme ça... Encore un peu ? S'il-te plait. Question sans importance, car ils n'avaient pas vraiment le choix.Tout son être réclamait du repos. Et voilà qu'il le trouvait enfin, dans la plus étrange des situations. Cette envie de rester contre lui était aussi un peu intéressée. Car il voulait comprendre, ce qu'il s'était passé au tournoi. Pour enfin tourner la page, et peut-être raviver les braises de la discorde. Ujinori voulait des réponses. Et voulait s'évanouir contre lui, surtout.

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« J’en ai pas… pas. De famille… » La légèreté dans la voix de Tianyi s’envola et il perdit son sourire, perdit sa désinvolture, pensa à lui-même. Ujinori n’avait pas de famille ; lui non plus. Quelle étrange coïncidence. Ce n’était pas tous les jours, qu’il croisait quelqu’un de seul. Alors il lâcha un rire, comme détaché de la nouvelle. « C’est bien, moi non plus. Tout le monde est content. » Mais Ujinori était encore sur lui et préférait lui répéter, encore et encore, qu’il ne comprenait rien, comme une collégienne en pleurs face à son petit-ami désemparé. D’ailleurs, Tianyi entendait la voix d’Ujinori trembler et Tianyi baissa son regard sur le visage d’Ujinori enfoncé dans son cou, incapable de voir s’il allait vraiment pleurer ou non — l’inconfort se creusant davantage dans son esprit. Il ne savait même pas de quoi Ujinori parlait (était-il devenu complètement fou ?). Avant même qu’il ne puisse venir lui poser la question, Tianyi vit le dos de l’inconnu trembler, sentit de l’eau couler sur son cou, entendit des sanglots réprimés. Son sang se glaça, tout son corps se figeant, le cerveau se vidant subitement de toute pensée. Ujinori pleurait contre lui. Pleurait ? Pourquoi ? Était-ce de sa faute ? Dans certaines situations, Tianyi prenait plaisir à voir l’autre pleurer (pour se venger, pour se soulager), mais là, il était juste gêné. Qu’est-ce qu’il devait faire quand un inconnu pleurait contre lui après avoir voulu l’étrangler à mort ? Tianyi était perdu et ne savait pas quoi faire, mais l’inconnu décida pour lui. Il ne pouvait pas se relever. Il lui demandait de rester comme ça, un peu plus longtemps. Comme s’ils étaient des amis proches ; voire des amoureux transis. Tianyi avait envie de lui répondre que non, qu’il ne pouvait pas rester comme ça, parce que Tianyi commençait à en avoir assez de se sentir écrasé comme ça… mais si Ujinori ne pouvait pas se lever, avait-il vraiment le choix ?

Capitulant, Tianyi grogna, sa tête se balançant de l’autre côté, là où il ne verrait plus l’ombre d’un cheveu d’Ujinori. Et puis, un peu maladroitement, il vint poser sa main sur le dos d’Ujinori, pour essayer de le réconforter (c’était comme ça que Maman faisait, non ?). Quelques minutes passèrent dans le silence le plus total, hormis les quelques bruits du couloir et les respirations régulières des deux patients ; jusqu’à le bruit de la porte qui s’ouvrit. « Bonjour, je… » Les yeux de Tianyi s’enfoncèrent dans ceux de l’infirmière, qui s’était figée en les voyant tous les deux. D’un coup, Tianyi reprit conscience de leur environnement et de la situation : deux hommes couchés l’un contre l’autre, l’un caressant son dos. Tianyi savait très bien ce que ça signifiait, aux yeux de l’infirmière dont les joues étaient devenues cramoisies. Il n’avait pas le temps d’expliquer la situation mais par contre, elle pourrait aider Ujinori à se lever et à libérer Tianyi, non ? « Euh… Je reviens plus tard… » « Non, madame, attendez- » Trop tard, elle avait fermé la porte (non sans jeter un petit coup d’œil à leurs deux silhouettes mêlées ensemble avant). Tianyi poussa un lourd soupir et se tourna vers Ujinori. « Je crois que tu t’es suffisamment reposé, non ? Lève-toi. » dit-il, légèrement agacé (agacé parce qu’il commençait à apprécier ce moment calme et intime, et que ce n’était pas normal).

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Incapable dans sa misère de prendre en compte le malheur des autres. Cet inconnu n'avait pas de famille, lui aussi. Oui, et ? Avait-il souffert, autant que lui ? Si violemment, cruellement ? Peut-être bien. Mais ça, ce n'était pas important. Pas en cet instant. Besoin d'être au centre de toutes les attentions. D'être choyé, quand son épiderme était autrement habitué aux coups. Encore transi de douleur, chaque mouvement le faisait gémir. Et certainement pas de plaisir. A aucun moment Ujinori ne s'imaginait être tombé sur la mauvaise personne. Celui qui se faisait bourreau, des cœurs surtout. Indice ultime, lors du tournoi. Que la bienveillance n'était pas l'une de ses qualités. Et pourtant le petit prince continuait à chercher, bêtement, un peu de réconfort contre lui. Affirmer cette simple vérité viendrait tout briser. Pourquoi s'imposer un soupçon d'effroi en plus, quand la candeur était de mise, pour le moment ? Les protestations de son matelas de fortune s'étaient arrêtées. Défaite face au poids sensiblement plus élevé de l'iceberg. C'était presque beau, de les voir ainsi lové l'un contre l'autre. Les deux monstres, aux desseins et destins funestes. L'Empereur de son cœur, dans un autre univers. Toute une nation, à leurs pieds. L'Empire du mal.

Apaisé, là perdu entre les bras de son ennemi. Chaque instant rendait l'étreinte un peu plus intime. Ujinori se sentait fondre contre lui. Se réchauffait, de sa colère. N'osait pas consumer son énergie vitale, car déjà il s'appropriait toute sa patience. Première fois qu'un besoin humain primait sur l'appétit du démon. Ses yeux s'asséchaient, enfin. Cou méritant d'être honoré de mille et un baisers, complètement détrempé. - Tu es tout doux... comme un doudou... Tirade irréelle. Les mots s'échappaient d'entre ses lèvres, sans qu'il ne puisse les contrôler. Quel idiot. Ses joues ne rosissaient même pas, sous ce délicieux accès de honte. Trop tard pour faire marche arrière. Et puis, malgré la gêne provoquée par un compliment aussi maladroit, Tianyi en ressortirait peut-être enorgueilli. Infirmière choisissant son meilleur moment pour faire irruption dans le pièce. Mettant fin à cette scène, signe discret de cet autre lui, si sensible. L'intruse déjà s'envolait vers d'autres cieux. Persuadée qu'elle assistait à des ébats. Quelle indécence. Si Ujinori s'était délecté de cette étreinte, il était temps d'y mettre fin. Mais sans aucune aide, cela promettait d'être une véritable épreuve. Long soupir, pour se donner un peu de force. Pour se préparer au pire. Impossible de le quitter, sans l'affliger.

-Oui. J'espère t'avoir inspiré une nouvelle vocation : matelas. Piquant de toujours, de retour. Le petit prince essayait de garder ((retrouver)) la face. Les coudes enfoncés profondément tout autour de Tianyi. Appuis nécessaires pour instaurer à nouveau une distance respectable entre eux deux.Effort surhumain, pour s’élever de quelques centimètres au dessus de lui. Son visage déformé par la douleur. Son haut baillait, laissait entrevoir les hématomes violacés sur son épiderme. Et Ujinori resta là, comme ça, pendant quelques instant. Toisant avec un intérêt, et curiosité, le visage de son interlocuteur. - Un très joli matelas. Le corps s'affaissant, juste un peu, pour que ses lèvres viennent trouver le front du jeune homme. - Ou un doudou, apparemment. Rire forcé s'extirpant d'entre ses lèvres. Mouvement brusque pour se redresser, au moins un peu. Voilà qu'il se trouvait maintenant assis à califourchon, contre le bassin de sa « victime ». - Désolé. J'avais juste envie de t'étrangler et... Je n'avais pas prévu de crever sur toi. Rarissime, qu'il daigne s'excuser. Que Tianyi en profite, car cela n'arriverait plus jamais. - Une question demeure, pourtant. Pourquoi moi ? La facilité ? De me faire tomber ? De me pousser à la défaite ? Juste gagner, mh ?

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De toute sa vie, Tianyi n’avait pas entendu une phrase aussi stupide. Même les personnes bourrées avec qui il avait pu coucher au cours de sa vie ne lui avaient jamais dit qu’il était aussi doux qu’un doudou. À quel moment oserait-on comparer Tianyi à un doudou ? Mais Ujinori venait de le faire, parfaitement sobre, peut-être pas en parfait état de conscience (endormi). Outré, insulté, Tianyi voulut puiser dans ses réserves de force vides assez d’énergie pour propulser Ujinori de là, mais l’infirmière choisit de faire son entrée au meilleur moment. L’embarras et la colère de Tianyi venaient d’atteindre leurs limites et il incitait (ordonnait) Ujinori à se lever, parce qu’il n’allait pas tenir comme ça plus longtemps (en même temps, qu’est-ce qu’il pouvait faire si celui-ci ne bougeait pas ? Absolument rien, et c’était peut-être ça le plus irritant, finalement).

Un matelas. Tianyi laissa échapper un souffle de son nez, faussement amusé, plutôt agacé, mais choisit de ne rien répondre. Il ne fallait pas alimenter le feu, après tout, Ujinori semblait enfin s’être décidé à se relever, il ne fallait pas l’interrompre dans ses efforts. Et alors enfin, le corps d’Ujinori s’éleva de quelques centimètres au-dessus de celui de Tianyi, les peaux enfin séparées, l’espace personnel quelque peu retrouvé ; mais pas assez, Ujinori restant juste au-dessus de Tianyi, dans cette proximité bien trop proche (mais pas si dérangeante, au final). Les yeux de Tianyi tombèrent dans le col du haut d’Ujinori, voyant sa peau parsemée de traces violettes (traces du tournoi, ou d’autres choses ? Peut-être que Tianyi n’avait pas envie de savoir, mais il se demandait ce que ça ferait, si lui aussi pouvait y laisser sa trace, embrassant cette peau). Si Tianyi avait toisé avec intérêt le torse d’Ujinori, Ujinori avait préféré observer son visage. « Un très joli matelas. » Pris de court, Tianyi releva son regard dans celui d’Ujinori, et leurs regards se lièrent pendant l’espace d’un instant, jusqu’à ce qu’Ujinori préfère se baisser de nouveau, pour laisser la trace invisible d’un baiser sur son front. Son front. On l’embrassait peu sur le front, Tianyi. C’était plutôt les joues, les lèvres, la mâchoire, le cou ; le front et le nez laissés à part. Abasourdi par cet acte de tendresse soudain de la part d’un inconnu qui avait pourtant voulu le tuer, il retrouva cependant ses esprits quand celui-ci le qualifia une nouvelle fois de doudou. « Je ne suis ni un matelas, ni un doudou, » grogna-t-il.

Et si au mouvement brusque d’Ujinori Tianyi avait failli crier victoire, la joie ne vint jamais puisque Ujinori était désormais à califourchon sur lui. Là, l’infirmière avait toutes les raisons de penser qu’ils faisaient des choses indécentes (et, en fait, peut-être que ça ne dérangerait même pas Tianyi). Aux excuses d’Ujinori, Tianyi éclata de rire. « Ça t’arrive souvent, d’avoir « juste envie d’étrangler » des gens ? » Il continua de rire, soudain pris dans un fou rire, désabusé par ces mots. « T’es particulier, toi. Je ne sais pas si j’aime ou déteste ça. » Et puis il détourna le regard, replaçant quelques unes de ses mèches de cheveux sur son visage (effleurant la zone où Ujinori avait déposé ses lèvres, bizarre sentiment qui s’emparait de lui). « Tu l’as dit. C’était facile de te viser toi, et en compétition, j’essaie toujours de m’assurer la victoire, alors je gêne les autres participants pour ça. Je ne pensais pas que ça me vaudrait… un garçon qui essaie de m’étrangler sur mon lit d’hôpital, par contre. » Il esquissa un sourire, le regard ancré dans celui d’Ujinori, puis leva sa main pour la mettre sur le cou d’Ujinori, le pouce sur sa pomme d’Adam. « Un très joli garçon. » Le sourire s’agrandit.

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tw : maltraitance ; violence

Ujinori aimait susciter le courroux de ses interlocuteurs. Une manière de les affliger. Que jamais ils ne puissent désirer s'associer à lui. Persuadé que tout cela n'était qu'un jeu, que ça ne constituait en aucun cas sa personnalité. Pourtant, alors qu'il perdait toute contenance niché entre les bras de Tianyi, trop affaibli pour faire semblant, il se montrait d'un inconfort légendaire. Désagréable même dans l'expression la plus sincère de son intériorité. Difficile de dissocier sa nouvelle réalité, et ce que la douleur le poussait à montrer. Aucune réaction particulière, alors que celui qui gisait entre ses cuisses tempêtait et s'indignait. Les étranglements étaient devenus monnaie courante, entre désir et vengeance. Pas que pour ce si délicieux cou. Tout ce que le petit prince voulait, c'était comprendre. Comprendre pourquoi Tianyi avait décidé de l'attaquer. Quête bien vaine, pour une réponse si évidente. C'était le jeu. C'était la vie. Ujinori se sentait bête, de s'être ainsi jeté sur lui. Les hématomes comme des œillères. Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres, tandis qu'il toisait toujours aussi froidement son « ennemi ». Hors de question d'avouer à quel point il s'était fourvoyé. Emmuré dans ce silence bête. Plus qu'une envie, fuir. Mais en était-il capable ?

Qu'importe ce que disait Tianyi, il l'était, confortable. Un repos bien mérité, perdu contre lui. En d'autres circonstances, il aurait souhaité l'étouffer. De plaisir. Lui faire subir sa rage, de la plus agréable des façons. Mais Ujinori n'était pas en état. Sentait qu'il n'en serait peut-être même plus jamais capable. Douce illusion, qui pourtant le poussait à exécrer tout ce que son interlocuteur esquissait. Son sourire, incongru. Ses doigts, s'amourachant de sa gorge. Un juste retour de bâton. Une rétribution qu'il ne supporterait pas. Comme un électrochoc, de le sentir prêt à s'écraser sous lui. La surprise était telle que le jeune homme sentit son corps partir en arrière. Les épidermes se séparaient, criaient déjà famine face à cette injustice. - Merci. Seul mot qu'il parvenait à vociférer, après tout ce qu'il venait de se passer. Un spectacle pitoyable. Au premier signe de réciprocité, tout son corps ne réclamait que de s'échapper. Non pas que Tianyi n'était pas séduisant. Tout l'inverse, même. Mais il ne se sentait pas de se mettre à nu, littéralement, devant lui. La honte le brûlait bien trop fort pour qu'il ne puisse l’entraîner jusqu'aux portes du paradis. Opportunité gâchée. Mais il le reverrait, sans l'ombre d'un doute.

- Je ne suis pas en colère contre toi. Plus maintenant. Ce n'est pas ta faute. C'est la leur... Ultime conclusion qu'il ne pouvait lui partager. Mais il en rêvait, de raconter tous ses secrets. - J'espère que l'étranglement était à ta convenance. Petit hochement de tête, comme pour le saluer. Ujinori se laissa ensuite glisser le long du lit, tombant dans un premier temps au sol. Il lui fallut quelques instants pour parvenir à se relever. Chaque membre le tiraillait. Chaque membre, oui, après ces retrouvailles. Une excuse au bord des lèvres, qui jamais ne serait entendu. Alors il lui décocha un dernier regard. Lourd de sous-entendus. Et d'interdits. Mais ce ne serait pas pour cette fois. - Reposes-toi. Comme un ordre. Ujinori essayait d'apprivoiser à nouveau sa parfaite image de connard, intransigeant et désagréable. Mais Tianyi en avait déjà trop vu, et il n'oublierait pas. Sans même attendre une réponse, le prince de glace décampa. Il voulait installer au plus vite un peu de distance entre eux. Pour ne pas faire marche arrière. Pour ne pas faire quelque chose qu'il regretterait, encore. En revanche, il ne regretterait pas ce moment lunaire, intime, qu'ils venaient de partager. Tianyi resterait dans son esprit, à jamais.

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@huang tianyi