a little loss of innocence ;

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Haru rentre chez lui le sourire aux lèvres. Les décorations de Noël sont déjà installées, bien qu’il reste encore une dizaine de jours avant Noël, et il se sent léger quand il y pense. Décembre est sans doute son mois préféré de l’année, quand tout le monde est content de fêter Noël avec leur partenaire, quand lui-même est content. Les autres années, il était un peu moins ravi, parce qu’il voulait célébrer cette fête avec celle qu’il a toujours aimée ; cette année, pour la première fois depuis des années, il sait que ce sera possible, et cette pensée l’emplie d’une joie immense. Dans sa main, il tient fermement le cadeau qu’il a achetée pour Natsuki pendant qu’il ouvre la porte de son appartement et commence à se déchausser.

Il ne remarque Tian Yi, tranquillement assis, que quand il lui adresse la parole, avec un furtif « Salut ». La suite lui paraît étrangement familière jusqu’à ce qu’il se rappelle de la dernière (et première) fois qu’ils se sont vraiment adressés la parole. Contrairement à lui, son colocataire ne se lève pas d’un coup, et ne le salue pas avec une voix forte ni un immense sourire.  « On peut parler ? » La question fait légèrement sourire Haru, mais l’appréhension l’empêche de vraiment se réjouir. Sa légèreté s’est envolée en une seconde ; maintenant, une certaine anxiété grignote son estomac.

Il n’en dit rien, cependant, et s’assoit à la table, comme l’avait fait Tian Yi la dernière fois. « Pas de bière aujourd’hui ? Tu n’es pas aussi attentionné que moi » relève-t-il avec un ton taquin, pour détendre l’atmosphère, tant bien que mal. Depuis la dernière fois, l’enquête de Haru n’a pas avancée. Tian Yi a évité de répondre à toutes ses questions, et Haru a préféré ne pas insister pour l’instant, estimant que ça ne ferait que le braquer davantage. Aujourd’hui, néanmoins, il peut deviner que le sujet va être abordé. Pourtant, il prend les devants : « Est-ce que tu me préviens finalement de la venue d’un de tes partenaires ? Ça ferait pas de mal que je sois tenu au courant, tu sais, histoire que je puisse aller dormir ailleurs quand ça arrive » rétorque-t-il, avec le même sourire tendu sur les lèvres.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Ça faisait déjà un mois et demi depuis que Tianyi avait eu son rêve et qu’il avait rencontré son père à l’intérieur de celui-ci. Qu’il lui avait dit qu’il ferait de sa vie un enfer, et qu’il détruirait sa famille, en commençant par Haruka. Un mois et demi était passé, avec Tianyi qui n’avait pas forcément la tête à avoir une conversation sérieuse, avec des événements qui n’arrêtaient pas de se suivre, des problèmes qui s’empilaient… mais aujourd’hui, Tianyi était décidé à parler à Haruka. Depuis leur dernière discussion, ils ne s’étaient plus vraiment adressés la parole, parce que Tianyi avait fait tout son possible pour éviter Haruka (il n’avait pas encore été prêt à affronter son demi-frère). Mais maintenant, voilà, il pouvait le faire : affronter ce nemesis, ce lui qu’il aurait pu être s’il était né d’une union normale.

Alors comme un écho à la première fois où ils s’étaient parlés, Tianyi lança un « Salut » quand il vit Haruka passer la porte. « On peut parler ? » Pas de bière posée sur la table, pas de fausse politesse, rien. Tianyi avait l’intention d’aller droit au but, de dire les choses le plus brutalement possible pour que ça fasse le plus de mal à Haruka (qu’il ait aussi mal que lui lorsqu’il avait appris qu’il avait un demi-frère).

Il ne répondit rien à la plaisanterie de Haruka, se contenta de lâcher un sourire moqueur à la deuxième. Sans doute aurait-il répliqué une remarque bien sarcastique en temps normal mais là, il voulait aller à l’essentiel. « Non, ce n’est pas pour ça. » Il marqua une pause et regarda Haruka droit dans les yeux. « Tu voulais savoir pourquoi ton père m’envoyait de l’argent. J’ai eu la réponse entre temps. » Il dévisagea l’expression de Haruka, avant de poursuivre, d’un air faussement nonchalant. « Il m’envoie de l’argent depuis que je suis arrivé ici, soit à mes sept ans, sûrement par pure pitié envers moi. Parce que je suis un bâtard dont il ne voulait pas. Parce que je suis le fruit d’un coup d’un soir en Chine entre une femme dont il a oublié l’existence et lui. Parce que malgré lui, j’ai son sang dans mes veines, et que c’est à cause de lui si on m’a tout fait plaquer en Chine pour venir au Japon, à cause de lui si je suis un sorcier. » Il s’avança légèrement vers Haruka, ancra son regard dans le sien, un sourire mal placé sur les lèvres. « Il m’envoie de l’argent parce que je suis son fils, Haruka. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Au fur-et-à-mesure que Tian Yi parle, toute la légèreté qu’il restait en Haruki s’envole petit à petit. Son envie de plaisanter aussi. Il a l’impression qu’un poids lui tombe sur les épaules, dans le ventre, sa cage thoracique se contracte. Ce n’est pas tellement de la surprise parce qu’il n’y croit pas, c’est plutôt de la peur : et si c’était vrai ?. Comment croire quelqu’un qu’il ne connaît pas ? Quelqu’un comme Tian Yi, qui n’inspire pas du tout confiance ? Il lui dit ça pour lui faire du mal, ça ne peut être que ça. Mais si c’était vrai » ? La question s’immisce en lui et ne le quitte plus. Il a envie de croire que ce n’est pas possible, que son père n’aurait jamais fait quelque chose comme ça, mais est-ce vraiment le cas ? N’a-t-il pas déjà fait pire ? « C’est quoi ton problème ? » Sa voix est teintée de colère. « Pourquoi tu me dis des conneries pareilles ? Tu pensais faire quoi ? Me faire pleurer ou m’énerver ? Je suis pas si naïf que ça, je vais pas croire des propos pareils » Pourtant, il est bel-et-bien en colère ; contre Tian Yi, pour l’instant. « Qu’est-ce qui me dit que tu fais pas du chantage à mon père ? Et que tu me fais croire ça pour garder ta couverture plus longtemps ? » Il fusille du regard Tian Yi, et c’est quand il réalise ça qu’il pense à une solution. « Si tu veux que je te crois, laisse moi utiliser mon pouvoir sur toi. Je suis legilimens. Je peux percevoir si tu mens ou pas. » propose-t-il, sur un ton de défi, absolument convaincu que Tian Yi va refuser parce qu’il ment. Alors pourquoi il demande sa permission ? Il pourrait juste activer son pouvoir ; pour si peu, Tian Yi n'en aurait aucune idée, et il aurait la confirmation qu'il ment. Mais une part de lui sait, une part qu'il préfère ignorer, une part qu'il nie fermement.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Tianyi soupira. Bien sûr que Haruka n’allait pas le croire directement : personne, sans preuve, ne croirait que son propre père avait commis une adultère et que le résultat était un demi-frère avec qui on était colocataire. C’était une histoire qui n’avait pas de sens et pourtant, elle était réelle. À vrai dire, l’histoire de Tianyi entière passait très bien pour de la fiction, tant elle semblait irréaliste, avec un père qui l’abandonnait avant sa naissance, une mère moldue qui l’oubliait du jour au lendemain parce qu’il devait partir au Japon sorcier, et puis un adulte qui lui envoyait de l’argent tous les mois depuis qu’il était arrivé sur l’île, tout ça pour apprendre qu’au final, cette personne était son père, mais aussi le père de son colocataire… Non, décidément, son histoire n’avait pas grand sens. Et un moyen de faire en sorte que Haruka croie directement en lui, c’était de le laisser lire en lui. Tianyi détestait ça, détestait les legilimens pour ça, mais il trouvait la capacité plutôt utile, maintenant que ça pouvait convaincre Haruka. « Vas-y, utilise ton pouvoir, et tu verras que je ne mens pas. Que ton père, malheureusement, est aussi le mien. » Dans son regard se lisait une lueur de défi : vas-y, ose me dire que je mens. Ose défendre ton père.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Le fait que Tian Yi accepte la lecture de Haruka est déjà une réponse en soi, le jeune homme le sait. Ce n’est pas le genre de son colocataire de se laisser lire comme ça. « Really ? » murmure-t-il pour lui-même. Il regarde Tian Yi droit dans les yeux mais n’active pas son pouvoir ; son coeur bat fort dans sa poitrine et l’appréhension tord ses entrailles. Il a peur de ce qu’il va lire, il a peur parce qu’il sait que c’est vrai, mais son déni est si fort qu’il est obligé d’avoir la confirmation par son pouvoir. Et même si son pouvoir lui montre que le chinois ne ment pas, est-il vraiment prêt à accepter quelque chose comme ça ? À affronter une telle réalité ? C’est surréaliste, cette situation ; il a l’impression d’être dans un mauvais rêve. Mais même dans ses pires cauchemars, il n’aurait pas imaginé un truc pareil. Pour calmer son esprit, Haruka prend une grande inspiration. Il ne peut pas lire dans ces conditions, avec l’esprit aussi brouillé de pensées contradictoires et le coeur parasité par des dizaines de sentiments de déni. Il lui faut de longues secondes pour réussir à récupérer un semblant de sang-froid et pour activer son pouvoir. Aussitôt, il est pris d’assaut par plein de sentiments, qui ne sont pas les siens ; il ne lui faut pas longtemps pour remarquer qu’il n’est pas le seul à avoir l’esprit en ébullition, malgré le calme apparent de Tian Yi. Il essaie d’ignorer tout le mal-être enfoui quelque part et arrête sa lecture malgré sa curiosité — qui aurait pu se douter que le fameux Tian Yi ressente tant de choses négatives. Ça ne sert à rien d’aller plus loin, et de toute façon, malgré sa curiosité, il n’est pas d’humeur à compatir avec qui se soit. Il est sonné par ce qu’il a lu en Tian Yi ; parce que ses mots sont vrais, parce qu’il est sûr qu’ils ont le même père, et parce que ça ne le ravit pas non plus. Parce que si Tian Yi lui avait menti, il l’aurait senti, et parce que s’il avait fait chanter son père, comme il l’avait soupçonné, il l’aurait senti aussi. C’est tellement improbable, tellement hallucinant, qu’il perd la conscience du temps. Quand il cligne des yeux, il se rend compte qu’il est essoufflé, comme s’il avait couru un marathon. Sauf que ce n’est pas l’effort qui fait battre son coeur aussi vite, qui lui donne l’impression d’étouffer, c’est la sidération. Il n’arrive même pas à prononcer un mot ; ses yeux ont perdu le focus, et il a la tête qui tourne. Son père ? Son père ? Et comment il peut annoncer ça à sa mère ? Et sa famille ? Sa famille qu’il a toujours voulu reconstruire ? Et lui, dans tout ça ? Lui, qu’est-ce qu’il peut faire, qu’est-ce qu’il doit faire ? Comment est-il supposé le prendre ? Comment est-il supposé comprendre.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Un regard silencieux pour toute réponse, l’air presque indifférent, ça brûlait pourtant de l’intérieur. Tianyi savait que Haruka allait lire en lui et ce n’était pas quelque chose qu’il aimait, alors il essayait de se calmer, d’apaiser ses émotions, pour que Haruka voie le moins possible en lui ; il était au courant que tous les legilimens ne seraient pas capables de lire en lui, seuls des expérimentés pourraient le faire. Et vu l’âge de Haruka qui était le même que le sien, peut-être n’avait-il pas commencé à apprendre la légilimancie dès que c’était possible, peut-être avait-il commencé plus tard, et ne serait donc capable que de percevoir les émotions de surface ; pas tout son mal-être enfoui, pas sa peine, pas sa douleur. Pourtant, s’il voulait mettre en valeur ses souvenirs avec le père de ses rêves, ses découvertes au sujet de leur père en commun, cette douleur, cette peine, ce mal-être ; tout ressortait. La jalousie le bouffait et il se sentait continuellement en train de chuter, chuter, chuter. Chuter toujours plus bas, parce qu’il n’avait jamais pensé que celui qui lui envoyait de l’argent puisse être cette personne. Cette personne qui l’avait abandonné, non, qui les avait abandonnés, lui et sa mère. Celui que Tianyi avait toujours blâmé pour son malheur était finalement la même raison pour laquelle il avait toujours vécu dans le confort, et ça le mettait hors de lui.

Toutes ces émotions, Haruka semblait les avoir toutes reçues, et pas besoin d’être legilimens pour voir que ça commençait déjà à briser Haruka, petit à petit. Habituellement, Tianyi se satisferait de ce malheur, parce qu’il aurait fait exprès de le provoquer. En quelque sorte, Tianyi aussi faisait exprès de le provoquer, là, mais ce n’était pas la même chose. Ce n’était pas la même chose parce que c’était une situation qui l’énervait aussi, la vengeance qui l’aveuglait, qui le poussait à briser la famille qu’il avait. La haine qu’il ressentait était trop grande pour qu’il se délecte du malheur d’un autre ; alors il se leva. « C’est ça, ton père. Un connard qui a menti à tout le monde. » Et Tianyi partit de l’appartement, claquant la porte derrière lui : besoin de se changer les idées. Après tout, si son père était un menteur, alors qu’est-ce qui différenciait Tianyi de son père ?

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