WE STAND IN SILENCE

   Quelque chose manquait. Il avait beau tourner en rond dans son salon poussiéreux empli d’un bric-à-brac d’antan, il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Pourtant les étagères étaient habitées par tous ses souvenirs ; les collections d'objet rare se suivaient dans un bordel mélodique. C’était une présence qui manquait. Un sentiment de sécurité qui l'enveloppait comme une mère embrasse son enfant barbouillé. Son premier instinct fût de consulter son tiroir. Il tira une fois puis deux, afin de bien débloquer le vieil acajou, et lorsque le ramassis de bois s’offrit à lui : il avait compris.

Il attendit que la nuit tombe. Que la gamine passe dans cette rue qui les lie. Que les commerces ferment et que les enfants rangent leurs cailloux. Que sa colère ait redescendu. Mais c’était impossible. Ryōta ne supportait pas cette absence et encore moins cet abus de gentillesse. Il avait été si déboussolé cette nuit-là, tellement reconnaissant de l’assistance de l’enfant-soleil, qu’il avait baissé sa garde. L’avait autorisée à le suivre dans son antre, son safe space au mille secrets. Un pli s’était dessiné entre ses sourcils. Il ne s’en débarrasserait que lorsqu’il aura retrouvé sa précieuse boîte. Ses sentiments enfermés.  

Il allume une cigarette qu’il coince entre ses lèvres. Ses pas de chasseur caressent le sol, félin à l’affût de la gazelle. La lune ne suffit pas à les éclairer et ce vieux quartier d’Hinai porte des lanternes à la lumière vacillante. Sa présence grésille, et soudain, il se fait voir. Choisi d’être remarqué par la jeune femme qui lui avait volé son bien le plus précieux. “Atsu.” l’appelle-t-il d’un ton froid et inhabituel, ainsi se débarrassant de toutes ces fioritures courtoises qui font la complexité de leur langue. “Why did you do that?” How? Il réalise qu’il est plus déçu qu’en colère. Meurtri aussi. Car cette disparition a ravivé un manque profond. Une mort qui l’a effloré et tant chamboulé à la fois. Ah, I you should have buried you with this ring.

comme une habitude qui la mène directement à cette chambre dont l’entrée était scellée, mais atsumu en connaissait ses secrets. bien trop souvent, les yeux s’émerveillent devant l’étrangeté et l’inaccoutumé. tellement qu’elle se sent tiraillée par cette envie de prendre et tout faire rentrer dans ses petites poches. surtout lorsque les choses brillent de leur plus grande beauté et que (in)consciemment elle dérobe le précieux sans en connaître les conséquences. trop fine, trop serrée, elle ne peut siéger sur son doigt mais la bague trouvera doucereusement le chemin de son sac.

aussitôt volée,
aussitôt disparue,
aussitôt oubliée.

la journée défile sans même qu'elle ait une pensée pour la bague. elle faisait maintenant partie de son bric-à-brac où se mêlent gants, vêtements de sports, boissons dans un bordel impossible. mais c'est lorsque l'ombre avait gagné l'entièreté du ciel et que ces pas la mène droit vers le ryokan qu'elle voit la même figure qui l'accueille chaque jour ou presque. sa tête s'incline juste un peu pour saluer la personne mais c'est le fameux surnom qui ricoche contre son oreille. les sourcils de la gamine se froncent et elle se retourne d'un côté puis de l'autre pour voir si la bête était derrière elle mais ce n'était que le vide de la nuit qui la suivait. ah. c'était bien à elle qu'il s'adressait cette fois. do what ? elle n'est pas sûre de la signification de ses mots et au lieu de lui laisser le temps de répondre, elle enchaîne. i played with lil atsu and left him in the wood ? or i showed the correct way to our ryokan and not yours ? une tonalité de plaisanterie qui flirterait presque avec l'insolence. tsumu secoue sa tête dans l'incompréhension et continue ses pas vers l'entrée de l'auberge imai. we're good ? elle s'arrête avant de pénétrer dans la résidence.

Ca lui pèse énormément, car en peu de temps il en est venu à apprécier sa voisine-rivale. Cette gamine au sourire éclatant, plus radieux que le soleil lui-même. Qui aurait cru un jour qu’elle lui apporterait de tels nuages. Et lorsque le ciel sera entièrement gris, ils trembleront et éclateront en une pluie inconsolable. Pourra-t-il un jour lui refaire confiance ? “Atsumu-chan.” l’appelle-t-il proprement, cette fois-ci, pour attirer son attention. Insatisfait par son insolence qui ne trouve pas le public escompté, il se crispe encore plus. Ryota tend la main, paume vers le haut. La déception est plaquée sur son visage et tord chaque trait avec minutie. Il ne dit rien car il espère qu’elle comprendra toute seule. Give it back. Sa bague, son souvenir, son amour, tout. Qu’on lui rende son cœur et son âme pour qu’il puisse languir de son absence en paix. Qu’elle retourne dans une boîte au fond d’un tiroir et qu’un simple sourire s’affiche lorsqu’il pense à elle. Sa mélancolie ne mérite que des rires célébrant leurs mélodieux souvenirs, non cette colère silencieuse car sa présence est absente.

Un soupire finit par quitter son corps alors qu’il abandonne sa position, ses mains sont relâchées le long de son corps. Il lance un coup d’œil vers le ciel, demande pardon auprès de n’importe quel kami qui entendrait sa prière muette. La nervosité, l’habitude, la tristesse – appelez-ça comme vous le voulez – lui fait chercher une cigarette qu’il allume lentement. “Don’t make me take it by force.” la supplie-t-il presque. “I’m gonna smoke this one out (il montre la sucette à tabac) and when I’m done, you’d have given the ring back.” C’est une menace tendre pour l’homme qui a un cœur trop faible. Son regard est suffisamment noir, comme les ombres qui les suivent et le vent qui s’annonce. Ses cheveux ébouriffés par la météo ne font qu’intensifier sa demande. Don’t make me do it, semble-t-il implorer.

l'insolence fait rage et il y avait cet envie d'affront qui étincelait en elle. comme un enfant rebelle qui ne sait pas suivre l'autorité de ses ainés, de ceux qui lui porteront sagesse mais rapidement, elle sent l'air se refroidir autour d'elle. la brise ne caressait plus son épiderme mais venait scier ses mains ; il y avait quelque chose qui n'allait pas. mais quoi ? elle essaie de se remémorer tout ce qu'elle aurait pu faire pour le mettre autant en colère mais c'est quand la bague atterrit au bout de ses lèvres qu'elle sait. what ring ? une dernière tentative de plaisanterie, oui, une dernière. le visage de ryota se ferme, il en tire une expression si glaciale qu'atsumu en reste paralysée. i took it because it was kinda beautiful. automatiquement, la gamine passe aux aveux, parce qu'elle sait. elle n'a pas peur de grand chose atsumu, mais elle sait à quel point son voisin pouvait se montrer effrayant voire frénétique. it's in my pocket. i tried to put in on but it was way too small. incapable de s'arrêter de parler pour montrer son malaise et tout en racontant tout et n'importe quoi, elle cherche dans ses poches mais ne touche que le vide. son coeur rate un battement alors que son regard se met à trembler. i swear it was in my pocket ! elle montre ses mains mais il n'y a pas de bague en vue. rien.

C’est la désolation qui crispe son regard devant cette prétendue innocence. Faute avouée à moitié pardonnée. Elle s’engouffre dans un torrent de semblance qui ne l’intéressait pas. Un autre jour passait où il réalisait qu’il ne pouvait pas lui faire confiance, qu’ils avaient beau côtoyer la même rue, rire des mêmes choses, ça importait peu : leurs différences étaient trop grandes. Elle demeurait une gamine et lui un vieil homme.
Ryota n’aime pas être désagréable ; s’il pouvait, il referait le monde avec des mots doux et des sourires. Il s’en veut de devoir invoquer son grand méchant loup intérieur pour récupérer son dû. Ses sourcils se froncent davantage face à la confession. Imaginer un autre doigt que celui de Bianca autour de cet anneau l’enflamme plus que le pelage d’Atsu. Il inspire sur le bout de sa cigarette, yeux sombres. Résultat : la gamine farfouille ses poches, incapable de retrouver l’objet volé. Ryota serre sa cigarette, s’empêche de l’écraser dans sa paume, tant la rage l’emporte avec le vent. Il souffle. Souffle fort. “That’s why you should never take what isn’t yours.” répond-t-il d’une voix froide, trop hostile pour un visage aussi doux. Il ne pourrait jamais lui faire du mal ; ça n’empêche qu’à ce moment précis, il réfléchit à toutes sortes de choses déplaisantes. “When was the last time you saw it?” La traque reprend, et il ne rentrera chez lui que lorsque son bien sera restauré entre ses mains, là où il appartient.

ses yeux ne sont pas aussi facilement attirés par ce la beauté des bijoux et encore moins par celle des joyaux mais étrangement, elle s'est sentie comme hypnotisée devant le précieux. la folie l'a poussé à dérober une bague qui n'avait rien à faire sur sa main, rien à faire tout simplement en sa possession. en voilà la preuve lorsque le karma la rattrape. les mots sont tranchants comme des lames et s'enfoncent là où ça fait mal. son aîné la réprimande comme son frère l'aurait fait ; parce qu'elle avait tort la gamine. à vouloir tout mais rien à la fois, à vouloir découvrir chacune des choses étranges et divines qui siègent dans son grenier, elle se brûle les aîles.  i had it with me at the ice rink... i wanted to show it to the others. son regard fixe le sol, incapable de le lever et affronter à nouveau son voisin. il n'y a plus de plaisanteries, il n'y a plus d'insolence. est laissé à nu l'enfant tremblant d'une certaine peur car atsumu savait que ryota n'était plus celui qu'elle connaissait et appréciait. son visage de glace lui était si peu familier. please don't be mad at me. i know that i'm wrong..