NEW PLAN : FUCK IT ((kenzo))

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january, 28th 2022
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La pluie laisse planer comme un bruit étrange au-dehors, contre les vitres de l’arrière-salle. Plonge l’Inkabyss dans des abysses mous et humides, s’ajoute à l’atmosphère déjà si particulière pesant sur le lieu. Et avec elle était venue l’envie de ne rien faire, ne pas sortir. S’enrouler dans sa couette et écouter l’orage s’acharner sur le toit, les murs de la maison au silence devenu poison. Mais y rester malgré tout puisque l’envie de se lever n’y est pas, de s’engouffrer dans les boyaux de Hinaï pour courber le cou toute la journée.
Il ne sait pas ce qui l’a décidé à se lever. Un pressentiment étrange dans le creux du ventre, poussé en avant par un souffle d’ailleurs perdu entre deux mondes. Qui l’aura suivi jusqu’au salon, ancré aux pieds comme une ombre, la sensation ne disparaît pas. Semble au contraire s’accroitre lorsque la porte ouverte laisse s’engouffrer les voix du déluge, retombent pour qu’une s’élève. Kenzo lève la tête de son carnet, le crayon suspendu au-dessus du vide et tend l’oreille. Se concentre sur les mots, le timbre de la voix qu’il croit connaître mais ne parvient pas à retrouver, dans le désordre de ses pensées. Ses souvenirs éclatés, disséminés un peu partout, avec des gouffres qu’il ne voit même pas puisqu’ils ont toujours été là. Traumatisme de ses années d’absence passées loin de sa famille, fugue, enlèvement, peu importe le mot.

L’attention se repose sur le dessin en cours d’esquisse mais le crayon glisse au mauvais endroit sur un trait pourtant supposé être précis. Kenzo. Son nom, soufflé par cette voix si familière laisse courir d’étranges frissons le long de son échine. Il n’a nullement besoin de se tenir dans l’autre pièce pour devenir l’expression, la posture de son maître. Impassible parchemin au regard sagesse. De ce calme de montagne à en agacer plus d’un. Une ombre de sourire sur les lèvres, le crayon reprend sa course une seconde. Puis deux, et le sorcier le rejoint, désigne d’un discret mouvement de tête l’univers contenu derrière le noren.
Sans un mot, le denki se lève. Pose son carnet sur la table basse trônant au milieu de la salle, son crayon posé contre son oreille. Franchit le rideau dans un murmure presque silencieux, à peine le bruissement du tissu. S’apprête à saluer l’inconnu mais se fige sur le seuil de la porte tout juste franchie. De ces regards qui ne trompent pas, que l’on sait trop insistants mais qui sont réflexes. Non désirés et pourtant bien présents.

« - This make two. » Il ne s’attendait pas Kenzo, à revoir un visage qu’il aura cordialement appris à détester au fil des années de harcèlement dont il aura été la victime. Le temps a poli la haine, n’en a laissé que quelques traces au fond de l’âme, à quoi bon détester quelqu’un que l’on a mis sur le côté de la route ? Des chemins aux lignes différentes, adultes à présent avec d’autres soucis en tête que des traumatismes enfouis dans leurs jeunes années. Si seulement il savait, à quel point ces souvenirs perdus les rapprochent. Certainement bien plus que le lien unissant le kasai à la jumelle disparue. Ignoré, lui aussi. Aux contours flous qu’il a devinés, puis choisi de ne pas retenir. Nayako et ses amours ne regardaient qu’elle.
Les questions se posent mais il sent la gêne, l’intérêt dans l’attitude et le regard qui ne le lâche pas. Yeah, I know, I look just like her… Sa malédiction maintenant que le soleil a abandonné la lune. Reflet miroir de l’autre moitié de l’âme disparue. Il en aura cassé, des vitres à reflets, dans les mois qui suivirent le drame. Incapable de se supporter, du verre brisé sur le plancher, dans la peau. Larmes de peine, larmes de haine.

« - Fine, thank you for asking… Seems you’re doing good as well. » Les mots sont à l’économie, le timbre plus sec qu’à l’accoutumé conserve des brides de douceur. Il s’avance jusqu’au comptoir contre lequel s’échouent ses paumes, fronce les sourcils une seconde face aux explications d’Akira. Ami commun dont le nom semble flou, il a beau cherché dans le répertoire de sa mémoire, ne trouve pas. Le sourire sur les lèvres du possible client se retrouve chez Kenzo. Une esquisse de presque rien, à l’amusement certain, sa grand-mère lui a fait le même aveu le jour où il lui confiait avoir rejoint un salon de tatouage. « - It seems kinda obvious, when you know some of me, you’re not the first one telling me this. » Il se perd une seconde dans un chaleureux qui lui correspond mieux, le ravale pourtant dans un raclement de gorge un peu gêné. Maladroit.

« - So, a friend right ? I must have done a good job if they recommended me. May I know who is it ? » Pour apposer un tatouage sur un nom. Le silence se pose, un peu lourd, presque gênant. Pas de bruit à l’intérieur, seulement les murmures de la rue. Facile de croire alors qu’ils sont seuls mais Kenzo sait, que dans l’arrière-boutique les oreilles sont tournées dans sa direction. « - I heard you have questions about magic tattoos, maybe I can help you with that. Moving ink is something quite usual actually. » N’imagine pas une seule seconde la véritable raison de la présence d’Akira en ces murs. N’imagine pas que face à lui se tient la clé d’une curiosité affamée, grignotant les envies depuis des années.

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january, 28th 2022
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Simplicité des mots, à l’économie, cachant des rapports cordiaux justifiés par le lieu. Ailleurs, la discussion aurait peut-être été interrompue avant même d’avoir débutée. Mais la rancœur reste, elle n’en est pas moins que des miettes, balayées au vent d’une raison voulant s’alléger de tous les maux entachant l’âme. De ces souffrances que l’on déteste et qu’il faut à tout prix voir disparaître pour continuer à exister sans dommage.
Her name’s Nanashi. Les pétales éclosent sur les lèvres, fleurs de sourire sincère et les paupières se ferment une seconde. Se remémore l’encre, les couleurs, la conversation. Echange de cœurs se trouvant pour la première fois et qui pourtant semblaient exister proche de l’autre depuis longtemps.
« - The fwooper feather, I remember her… Strong woman with a hacked soul, I liked her quite a lot and I'm glad to know she liked my work that much. » Douceur dans la voix et chaleur au fil des mots, à mesure que se joue dans la mémoire le fil de leurs rencontres. Des discussions échangées sur téléphone. Se retrouve à moitié surpris Kenzo, de constater que le gangster soit une connaissance de la jeune femme. Sur une île, le monde n’en est que plus petit.

Il reste droit lorsqu'Akira s’accoude au comptoir. Les paumes toujours à plat sur le bois fatigué. Regard perdu dans celui du kasai, perçoit malgré la finesse de cette lueur nouvelle, le changement venu se glisser au fond des yeux noirs. Frissons ravagent l’échine, un vent de curiosité étrange souffle sous la peau. Mystique savoir touché du bout des doigts, sous la surface il a plongé. Bercé dès le plus jeune âge par les mythes et légendes de son île, ses racines. Au détour des mots de ses grand parents, des vibrations émanant des temples, de sa curiosité de môme bougeant trop, avide de tout, de suite, tout le temps. Il sait ce qui se trame dans les profondeurs, les magies plus crues et ancestrales que l’on garde presque secrètes et qui ne peuvent être approchées que par ceux qui le méritent véritablement.
Alors en silence il écoute les explications d’Akira. Ne laisse rien transparaître sur ses traits, mais les vagues se lèvent à l’intérieur. Grondement de tempête, se fracasse sur le rivage de sa poitrine l’océan empressé. Le souffle change malgré tout, à peine une accélération dans le rythme. Sous les doigts du kasai dansent des envies, des promesses de réussite parsemées d’ombres d’échec. C’est une invitation à tenter cet impossible dont il a déjà été témoin mais n’a jamais eu l’audace ni l’occasion de pratiquer, lui-même, seul.

‘Cause I might need something similar. Le silence pèse, lourd de non-dits, de ces mots qui restent sur la langue sans vouloir en partir. Presque à entendre le crépitement de la pipe du maître dans l’arrière-boutique, à sentir son regard perçant la nuque malgré le noren. « - It is true. Both the patronus and the yakuzas thing. » S’efforce de rester posé dans ses paroles, ravaler le crépitement frénétique et impatient léchant doucement la paille, prête à s’enflammer. « - To be honest, I don’t see the use of this kind of tattoo if it’s only to summon your patronus or open a door without casting the spell… Fancy tricks for lazy people… » La main ornée d’or bat l’air, dédain marqué appuyé d’un haussement d’épaules désinvolte. Les sourcils se froncent, une seconde, puis se soulèvent. Le corps s’avance, se penche légèrement vers celui d’Akira comme pour les maintenir dans une confidence que tout éventre. L’homme dissimulé dans l’arrière-boutique, et tous ces visages et yeux rivés sur eux, figés ou animés sur les papiers dansants sur les murs.
« - But I’m guessing we’re talking about something more… Unusual than this, right ? » Le murmure se fait velours à l’oreille sur laquelle il vient se poser. Et il hésite une seconde, ses doigts tapotant contre le comptoir. Crève d’accepter mais sait que ce serait être fou. Déraisonnable, comme on le lui a si souvent reproché quand il était gamin. Kenzo et ses vagues-caprices, ses impatiences. Alors, lentement, il se redresse, s’érige en gardien de ce savoir qui lui échappe encore et baisse les yeux vers ses mains, l’or en bague à l’éclat ondulant sous les lueurs des lanternes éclairant la pièce.

« - For what I know, it demands a lot of power and efforts, from both parts. Their magic are bound to each other within the ink thanks to a rather complicated spell so what needs to be sealed is sealed. It’s a very… Intimate process. Some says it’s like an unbreakable vow made of ink. » A nouveau les frissons, plus forts cette fois. Comme le souffle d’une voix venue d’ailleurs, quelque part dans son dos et dont les mots seraient venus se poser sur sa nuque. Il y passe sa paume, pris d’un réflexe étrange, effleure ensuite son menton dans un geste à l’esquisse pensive. Presque navrée.  « - If this is what you are seeking for, I’ll be honored to draw the design for you, but I’m not qualified enough to perform this kind of magical art, I'm sorry. » Et si Kenzo se sent désolé pour Akira, c’est surtout pour lui qu’il l’est. Presque déçu de devoir refuser quelque chose qui lui fait envie depuis qu’il a su, que ça existait. De pousser son art et sa magie jusqu’aux précipices signant la limite.