— BLESSED / CURSED

Il n’a pas sa place ici, dans les débris de verre, les corps qui se déambulent, les jeux trop sensuels. Il ressemble à un personnage qu’on aurait griffonné rapidement, avant l’impression du manga. Fais à la va-vite parce qu’on l’avait mentionné, sans pour autant se souvenir de la raison pour lequel on voulait le rajouter. Ses cheveux étaient beaucoup trop long, son tee shirt trop large, et il peinait à trouver une place pour étendre ses jambes immenses. Il se sentait de trop, ou pas assez, selon les heures qui défilent. Mais loin de lui la légèreté et la douceur qu’il peut apporter quand il avait la forme d’Alma. Elle aurait déjà dansé sur le comptoir, claquer ses immenses talons sur le carrelage, rit tellement fort que les regards se seraient tourné automatiquement sur elle. Alma n’a peur de rien, ni de personne, Yujin, lui, craint le monde, la vie (presque) et tout le bruit qui secoue sa tête au point ou ses oreilles menaces de tomber.

Il soupire, si ses amis n’avaient pas parlé de cette soirée un millier de fois, il s’en serait passé. Les pas dévalent les escaliers, ou il retrouve des gens agglutinées, baiser échanger avec passion, tandis qu’il roule péniblement des yeux. Ami d’un ami le retrouve en haut des escaliers, et lui file un cachet. « Pour le bruit, tu verras, ça ira mieux. » Il est bête Yujin, il est bête à en crever.
De ceux qui meurent en premier dans les films d’horreur, de ceux à qui en pensent tendrement, avant d’en rire. Qu’il est stupide. Il l’avale, tout rond, accompagner d’une gorger de bière, et lève son pouce en l’air en guise de remerciement.

Débile.
Les effets ne se font pas sentir tout de suite, ça prend une dizaine, voir une vingtaine de minutes. Il a encore le temps de faire semblant de danser, d’agiter avec légèreté son crâne au rythme de la musique. Et puis ça l’entraînement soudainement, une fièvre remonte de son torse, jusqu’au haut de son crâne. Il se lance alors sur la piste, corps qui se déhanche avec douceur à la même cadence que ses partenaires, puis plus violemment, un en train qui n’était pas sien. Ses jambes s’emmêlent et il perd l’équilibre, laissant tomber son verre sur un inconnu. Pardon, pardon.. Le grain de beauté sur le nez, il reconnaît ce visage. Yujin déglutis, sa phrase est couper et il n’arrive à rien dire d’autres, les souvenirs qui rôdent dans sa tête devrait faire apparition, mais il sent encore cette chaleur étrange l’enflammer. Bouge pas.. Enfin si, fait ce que tu veux, je dois.. Je dois juste… Je peux t’aider à nettoyer tout ça avec un peu d’eau, ça devrait le faire... Il recule, il fait trop chaud. C’est lui qui lui donne chaud ? Non (peu probable) (Ou pas).

Il bouscule alors le beau monde dans les escaliers pour pénétrer avec vive allure dans la salle de bain la plus proche. Sa chair est brûlante, et le reste de son corps aussi, il laisse l’eau coller sur son visage, essayant tant bien que de mal de reprendre son souffle.

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Incendie des corps, perdus dans cette demeure si luxueuse qu'elle en appelait à fauter. Certains brûlaient d'alcool. D'autres de drogue. Quelques uns de désir. Parfois, tout à la fois. Et Ujinori, roi au milieu de sa cour, ne brûlait de rien du tout. L'inverse, même. Symbole du froid. Son corps l'était, glacé. Et son visage, lui aussi, semblait dénué de toute chaleur. Restait de marbre, de glace, malgré l'ivresse collective qui tentait, vainement, de le gagner. Pourtant, il état dans son élément. Là où il pouvait s'abreuver de l'énergie des gens sans se faire remarquer. Les doigts papillonnaient, sur les contours de parfaits inconnus, juste un instant. Juste assez longtemps pour dévorer ce qu'il nécessitait, sans jamais s'abaisser à les violenter. Une fraction de vie envolée si infime qu'elle n'était pas remarquée. Le vide bientôt serait comblé, mais le petit prince ne parvenait pas à s'amuser. Même pas à feindre l'hilarité. Les derniers mois avaient été compliqués, étaient venus fissurer son masque si savamment tissé. Personne n'en tiendrait rigueur. Verrait cela comme une humeur du moment. Et certainement pas un changement si important que toute sa vie s'en effondrerait. Appel à l'aide discret, que personne n'entendait. C'était toujours pareil.

Alors le mizu déambulait, de pièce en pièce, un cocktail entre ses doigts. Le liquide de feu tout juste goûté, savouré. Les échanges, et étreintes, se faisaient sans saveur. Aucun intérêt, pour ces inconnus. Ses aimés n'étaient pas là. Jamais là. Il ne les méritait pas, de toute façon. Presque l'envie de partir, maintenant que la faim ne grondait plus. Que son démon intérieur s'était tu, pour le reste de la nuit. Premier mouvement, en direction de la sortie. Dernier mouvement, aussi. Sa course s'était brutalement arrêtée sous les coups d'une liqueur non désirée. Et oui, difficile de s'en délecter quand elle se trouvait partout, sauf entre ses lèvres. Un long soupir s'échappa de là où il aurait aimé recevoir sa condamnation. Automatisme venant parfaire sa réputation de sombre connard. Ses prunelles sombres se mirent en quête de trouver le coupable, immédiatement. Yujin. Petit oisillon pour lequel il s'était déjà sacrifié, une seule fois. La fois de trop. Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Une raison de rester, peut-être... - S'excuser ne changera rien au fait que je suis tout poisseux. Tais toi. Arrêtes de t'excuser. Si les mots étaient durs, cinglants, le propos derrière tout cela se voulait presque gentil. Ce n'était pas grave. Trop tard pour rebrousser chemin. Et puis, de toute façon, d'un coup de baguette, tout serait revenu à la normale.

Pas le temps de répondre à son ultime tirade. Déjà cette étoile filait. S'engouffrait dans les profondeurs de la maison. Le petit prince aurait pu en rester là. Souffler une dernière fois et rentrer chez lui. Mais de cet incident, il n'en tirait qu'une seule chose : Yujin semblait ailleurs. Aussi gauche qu'à son habitude, mais différent. Impossible de ne pas élucider ce mystère. Il s'en voudrait, sinon, jusqu'à la fin des temps. Derrière ses airs hautains se cachaient un cœur sensible, soucieux. Et si tout cela n'était que le fruit de son imagination, Ujinori transformerait son inquiétude en un agacement parfaitement feint. Ne venait-il pas de renverser son verre sur lui, après tout ? L'excuse parfaite, pour éviter l'opprobre. Alors il s'efforça de le retrouver, aussi vite que possible. Plus aucun doute, en le voyant affaler dans l'évier. A chercher désespéramment un peu de fraîcheur. Le mizu ne prononça pas un seul mot. Fondit sur lui, aussitôt. Les doigts venaient découvrir la nuque de ce presque inconnu. Se faisaient les instigateurs d'un froid autrement mortel. - Are you okay ? L'inquiétude prenait le pas sur la raison, à son plus grand malheur. Tant pis. Trop tard. Les ombres étaient sur le point de s'unir. Un seul petit millimètre les séparait. Mais Ujinori devinait déjà les contours de son corps meurtri, sous lui. L'incendie était enfin là. Ses prémices. Et le monstre ne réclamait plus qu'une seule chose : brûler contre lui. Avec lui...

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