what makes you beautiful (lili)

Dans les rayons de l'après-midi, là, tombant au sommet des journées fatiguées, Milan s'était retrouvée entre deux étagères à fouiner des livres sur quelques bestioles dont on n'entendait jamais parler. Pas même lors des cours aussi passionnants soient-ils de son professeur préféré. Et la fouine déloge quelques vieux ouvrages, en découvre de nouveaux bien cachés sous de la poussière et quelques feuilles éparpillées. Trouvant place sur une table à peine occupée, il se retrouve pourtant caché, quelques secondes par sa pile de bouquins et s'alarme presque aussitôt, penchant la tête sur le côté, boucles folles partant de tous les côtés. « Oh, Merlin! I hope I didn't scratch any of your stuff! » Et levant la tête, c'est tout bêtement qu'il se retrouve nez-à-nez avec la sœur d'Ava.

N'importe qui aurait décidé de faire comme si de rien n'était, retourner à son occupation première, se concentrer sur ses notes sans oser redresser son gros nez des pages usagées. Mais pas Milan, non. Iel orne son visage d'un énorme sourire et se penche, curieux.se. Là, les paumes iraient presque jusqu'à empiéter sur un espace de vie qui n'est pas sien. « You're a Vaillancourt! That's funny, I met your sister the other day, too. Think it's destiny, or something like that. » Et son petit rire ne l'empêche pas d'observer le croquis de la jolie robe qui commence à s'esquisser sous les doigts de la jeune fille. « What are you doing? Oh, I'm Milan, by the way! »

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S’il y a bien une chose que j’apprécie de la bibliothèque, c’est le silence. Dans les classes, t’as toujours un ou deux bozos qui s’amusent à glousser dans un coin, même quand l’espace est réservé au travail individuel ; à l’atelier, c’est ma tête qui n’arrive pas à fermer sa gueule, beuglant des critiques sous chaque trait de crayon. Mais ici, y a quelque chose de paisible. Presque sacré. L’humain sait se sauter à la gorge pour un millions de sujets aux opinions disparates, mais je doute qu’il existe quelqu’un, quelque part, qui ne sache pas se taire au milieu des rayons de livres. Faudrait être barbare. Ou profondément con.

C’est l’ironie, peut-être, qui met ce fameux spécimen sur mon chemin. L’exception à la règle – parce qu’il y en a toujours une – me regarde, avec ses boucles qui volent avec autant de mouvement que sa bouche ne s’agite. Il raconte je ne sais quoi, babille dans une langue que je devine être l’anglais mais dont je comprends que des bribes. Le traducteur maudit est resté chez moi. Peut-être que c’est de ma faute, mais je ne m’imaginais pas poussée dans une conversation ici. « Don’t really speak english. Sorry, que je chuchote sous son enthousiasme déconcertant. » Mais il reprend, et cette fois mon oreille s’accroche à un repère. Vaillancourt. Prononcé sans le moindre accent, qui plus est. « Tu parles-tu français ? » Et le soupir de soulagement, spontané, est vite remplacé par cet air de marbre qui se rappelle enfin ne pas vouloir faire la conversation. Ma langue se claque à mon palais, agacée d’avoir laissé passer entre mes doigts la parfaite excuse de la langue. « Mais oui, bravo, tu connais mon nom. Qu’est-ce que tu veux ? » Il se penche, le petit effronté, et je tire mon croquis de son regard un peu trop curieux. « Mais, euh, recules ?! Voyons, c’est quoi ton problème ? »

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Il bat des cils, vivement, et se dit : ah bordel, quelle idiote je fais. Car il savait que les vaillancourt parlaient français. Simple réflexe de laisser le japonais chanter, un petit rire perce ses lèvres, gêné. Il y a un instant de flottement avant qu'iel ne secoue finalement la tête de gauche à droite, vivement. « Désolé, l'habitude. » Cette fois, son regard se remet à briller comme s'il ne s'était pas éteint pendant une fraction de secondes juste avant. Les mains posées à plat sur la table, c'est que le visage cherche quelques réponses dans les expressions de Lili. Qui semblait décidément ne pas vouloir lui parler. Tant pis pour elle. « Je disais que j'avais croisé ta sœur, l'autre jour! » Sourire soleil, et il s'installe sur la place libre à ses côtés comme s'il y avait été invité.

Haussement de sourcil, pourtant, alors que la jeune femme de s'exclame et la voilà qui, elle-même, recule un peu sous la surprise. Pourtant toujours pas gênée, elle laisse un petit air désolé se peindre sur ses traits. « Désolée. Je me demandais ce que tu faisais, c'est tout... Ca avait l'air cool! Et je m'appelle Milan. Je ne fais que répéter. Par rapport à tout à l'heure. » Pipelette de service, iel ne ressentait pourtant cette fois pas le trac qu'il avait pu avoir face à sa sœur. Peut-être parce qu'il était plus habitué aux personnalités grognon qu'à celles qui, comme lui, respiraient le soleil. « Je peux voir? »

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