Words unspoken (alistair)

words unspoken. february, 10th lettre distribuée par hibou au Howligan's

Alistair,

Il est certain que les mots ont un poids, et une portée. Pour atteindre ce qui est et ce qui fut, peu importe la distance ou la façon dont ils sont dits. Puisque les prononcer à haute voix m’est impossible et me le sera sûrement encore longtemps, je profite de ces longues journées sans saveur pour renouer avec les mots. Ceux sur papier que l’on griffonne et rature, dans des formulations peut-être un peu maladroites, j’en conviens.
Que dire si ce n’est que je suis désolé, du temps perdu. Du silence et de l’absence. De cette amertume qui perdure, la défiance ayant pris la place de la confiance. De ce lien mis à mal par les épreuves de l’âge adulte, pourtant forgé dans l’adversité de l’enfance et des maux blessant l’âme. La mienne, la tienne, les nôtres. On se croyait différents et pourtant, il nous a été donné de constater qu’au fond, nous étions pareils. Peut-être le sommes toujours, noyés sous l’alcool et la rancœur.

J’espère que tu te portes bien, que tu fais attention à toi. Ne prends pas mon intérêt pour de l’hypocrisie, il n’est pas feint. J’ai passé trop de temps à renier et repousser ceux qui tenaient à moi, croyant bien faire tant cette nécessité semblait justifiée : pour éviter la souffrance, il est plus juste de rester seul, pas vrai ?
C’est faux. Et à présent je regrette tout ce temps que nous avons perdu. J’espère sincèrement que tu te portes au mieux, que l’héritage qui est le tien prospère et t’apporte un certain confort, loin des préoccupations et de la pression familiale.

Je me sens un peu stupide, d’écrire ça. Je vais au gré des mots sans réellement savoir où ils vont me mener. Peut-être suis-je en train d’oublier des choses, d’en dire d’autres qui seront jugées inutiles ou insuffisantes. Mais tu le sais, je n’ai jamais été le plus doué pour exprimer ce qui existe dans ma tête ou mon cœur. Et peut-être que les dire, ces mots, serait bien plus facile, moins ridicule. Peut-être que ce hibou se perdra et que tu n’auras jamais cette lettre, ce ne serait pas vraiment une surprise.
Pourtant celle-là, je vais l’envoyer.
Contrairement à toutes ces autres que je t’ai écrites au fil des années, morceaux de papier froissé oubliés au fond d’un tiroir qui a sûrement été retourné et vidé depuis.

Porte-toi bien,

Charon

   prima luce, mk. (c) icon, soldiers eyes.

words unspoken. february, 21st lettre distribuée par hibou à la prison Iwa

Charon,
J’ai été bien étonné de recevoir ta lettre, et encore plus quand j’ai vu d’où elle était envoyée. Je pense qu’elle a été lue par des gardiens, à moins que cette lettre chiffonnée ne soit ton œuvre. Tu dis que tu n’es pas à l’aise dans l’expression de tes sentiments, mais ton aisance avec les mots a toujours été bien supérieure à la mienne. J’ai toujours été celui qui blaguait dans mes lettres, et toi celui qui recadrait tout ça.
Je crois que je n’arrive pas à passer au-dessus de ma surprise, je n’attendais plus de lettres de ta part. Et vu la manière dont nous nous sommes quittés la dernière fois, cela ne m’étonnait qu’à peine. Des retrouvailles tardives, pour un coup de sang trop rapide de ma part. Je ne sais pas si je devrais m’excuser, j’ai toujours eu du mal avec tout ça. À mes yeux tu mérites encore mon coup d’éclat, mais je méritais aussi très certainement un coup ou deux. Je ne m’excuserai pas. Mais je reconnais que nous étions tous deux fautifs dans cette absence et cette brisure.
Tu dis t’être protégé, avoir rejeté ceux qui t’aimaient. Je pense avoir fait de même. J’espère pourtant, et toujours, qu’un jour tu te confieras. À la manière de ces nuits d’été qu’on passait ensemble à discuter. Oui ce sont toujours ces moments qui me reviennent en tête, mais ils ont été si marquants dans mon adolescence. Sans toi, je ne sais pas où j’en serai aujourd’hui. Alors, certes, je ne suis pas dans le meilleur des états, et je ne m’étalerai pas sur ce sujet, mais cela aurait été bien pire sans toi.
Mais de nous deux c’est toi qui te trouves dans la pire des situations à l’heure actuelle. Que fais-tu en prison ? Je dois savoir s’il est encore bon d’échanger avec toi. Cela pourrait faire tache sur mon parfait curriculum d’héritier. Je crois que mon père me couperait définitivement les vivres s’il apprenait ça. Comme si j’en avais quelque chose à faire après tout.

J’ai embauché une nouvelle personne au Howligan’s. Un spécimen rare qui nous vient de France, mais iel m’est très utile. Un jour je laisserai la gérance à quelqu’un d’autre, un jour je m’émanciperai et j’arrêterai l’alcool. Mais pas encore. Il est trop tôt pour ça.
Je crois que tous les deux nous avons beaucoup de choses à régler. Et garder les apparences parfaites vis-à-vis de l’autre ne fonctionnera pas. Peut-être est-ce le whisky dans mon sang qui parle maintenant, mais nous devons faire table rase Charon. Car je n’arriverai pas à maintenir une relation distante avec toi. Je ne l’ai jamais fait et ne m’y oserai pas.

J’attendrai ta réponse. Veille à ne pas la froisser et l’oublier dans un vieux tiroir. As-tu même des tiroirs dans cette cellule ? Faut-il que je t’envoie quelque chose ? As-tu le droit à cela ? Profite de ma générosité, cela ne durera pas.
Fais attention à toi,

Alistair

   prima luce, mk. (c) icon, soldiers eyes.

words unspoken. february, 23rd lettre distribuée par hibou au Howligan's

Il se dit que je suis un homme plein de surprises, celle-ci étant sûrement la plus étonnante de toutes. Elle l’a peut-être été, lue par les gardiens, mais je suis à l’origine de son piètre état. Ne sachant pas si elle devait rester ici ou t’atteindre, elle a été mainte fois la victime de mes hésitations, j’en suis navré.
Ces courriers ne sont pas des excuses cachées, ni même une demande pour en recevoir. Il est certainement révolu pour nous, le temps de ces mots pansements et des pardons que l’on pense qu’à-demi-mots quand le cœur reste lourd de rancœur et d’amertume. Le mien veut se dire qu’il n’a plus le temps de s’encombrer de ce genre de misère, à tort sûrement, puisque c’est le propre de l’homme de s’encombrer de choses biens inutiles.
Elles m’ont manquées et me manquent plus encore à présent, ces nuits d’été où il n’y avait que nous et nos confessions. Nous avons été nécessaire l’un à l’autre dans ce désastre que fut notre adolescence. J’avais besoin d’une famille, tu en as été une et au fond, malgré tout ce qui a pu s’entasser sur notre lien, tu restes un frère pour moi.

L’ami perdu qui serait une tâche sur le parfait de ta vie, je m’en voudrais de te porter préjudice. Pour être honnête, je n’en sais rien, s’il est bon pour toi de répondre à ces courriers ou non. J’erre ici dans l’attente d’un jugement, on m’a promis à mon entrée entre ces murs qu’ils seraient ma nouvelle maison pour des années, j’ai eu l’espoir que ce ne soit que temporaire au cours des premières semaines, mais maintenant que tout en moi s’est habitué à cette sorte de nouvelle vie, l’espoir s’est amenuisé.
J’ai été poussé par ce quelque chose en moi qui hurle bien souvent trop fort, exige des réactions et des sanctions quand il devrait se contenter de les espérer en silence. D’avoir été à ce point cassé, à Poudlard, a provoqué des dommages qui me poursuivent encore aujourd’hui et parfois, me contrôlent.

Tu devrais pourtant, laisser aux autres l’occasion de t’aider. Porter ta confiance au fond d’une bouteille est certainement salutaire sur le moment mais ne pourra pas l’être éternellement.
Je n’ai plus la prétention de me dire parfait. Tu crois que pourras le faire ? Table rase ? Car cette relation si elle doit reprendre, ne sera pas distante mais à distance. Et j’ai peur que les cassures d’hier restent quelque part malgré l’envie d’aller de l’avant. J’aimerais, vraiment, pouvoir retrouver ne serait-ce qu’une journée, le Alistair et le Winston d’hier.

J’en ai un, vide, mais il existe. J’espère avoir fait suffisamment attention pour que ce morceau de papier ne soit pas froissé cette fois. Ne t’inquiètes pas, j’ai, relativement ce qu’il me faut ici.
Tu as toujours été le plus généreux de nous deux.

Charon

  prima luce, mk. (c) icon, soldiers eyes.

words unspoken. march, 4st Lettre distribuée par hibou à la prison Iwa

Je ne m’attendais pas à une nouvelle réponse de ta part, j’ai cru que, peut-être, la première lettre avait été une erreur et que tu ne la referais pas une seconde fois. Comme tu le vois, ma confiance dans les autres s’est effritée au fil des années. Crois-le ou non mais la bouteille et ce qu’elle contient ne me fera jamais défaut, contrairement aux actes de certains. Ou aux non-actes d’ailleurs.
Winston, qu’as-tu pu bien faire pour te retrouver dans cette cellule ? De nous deux, j’étais celui qui se pensait le plus téméraire. Mais tu es celui sur lequel le poids du monde semble s’être abattu. Tu dis ne manquer de rien, et avoir ce qu’il te faut là où tu es. Je pense que tu te trompes, je pense que ta place n’est pas là-bas, je pense que, tout comme moi, tu dois laisser aux autres l’occasion de t’aider. Avoir besoin d’aide est une chose, demander de l’aide en est une autre : et je crois que toi et moi ne sommes pas encore prêts à l’exprimer.
J’ai naïvement pensé que nous aurions toujours le temps, le temps d’échanger, de nous revoir, de profiter de notre jeunesse et d’oublier notre passé à Poudlard. Je ne peux nier le fait que tes années là-bas furent bien plus cruelles que les miennes, je ne peux effacer la souffrance. Lorsque je te lis, je m’en veux, d’avoir si souvent fermé les yeux, et d’avoir tendu la main avec trop de retard.
Faire table rase est possible. Oui, tu m’as bien lu. À quoi bon continuer à jouer les animaux farouches alors que notre jeunesse est loin derrière nous, mais que nos fêlures sont restées les mêmes ? Tu étais le seul avec qui j’osais parler, tu es maintenant le seul à qui j’oserais encore me confier. Je ne peux pas trop en dire dans cette lettre, je ne sais pas par qui elle pourrait être lue. Mais sache que j’ai vu quelqu’un, une vieille connaissance, qui pourrait peut-être m’accompagner, sur un aspect familial. C’est déjà une étape. Ce n’est pas une demande d’aide, loin de là, mais c’est une première étape oui.

As-tu la possibilité de faire appel à ta condamnation ? As-tu un avocat ? Nos échanges de lettre passés me paraissent bien dérisoires maintenant que tu es enfermé là-bas. Prends soin de toi. Et ne laisse pas tes blessures t’engloutir comme elles l’ont fait jusqu’à présent. Remonte à la surface, il est encore temps.

Alistair

prima luce, mk. (c) icon, soldiers eyes.