not over you yet ☼ baby

not over you yet

La vie n'avait plus aucune saveur, depuis le gala. N'en avait déjà plus beaucoup, avant ça. Mais tout s'était envolé, définitivement, après ses erreurs de la soirée. Midori sans plus de muselière, prête à bondir et s'emparer de son corps à chaque instant. Les pigments de sa chevelure n'existaient plus. Seul le blanc présidait, sur le dessus de sa tête. Excuse vaine : la vanité. Une décoloration, apparemment. Mensonge de plus. Pas le premier. Certainement pas le dernier. Et puis cette autre erreur. Avoir repoussé si violemment son soleil, que plus jamais il ne le réchaufferait. S'il n'avait pas regretté, sur l'instant, il regrettait désormais. Les braises de la révolte étaient plus chaudes que jamais. Et à ainsi envisager la révolution, son individualité commençait à prendre forme. Alors les sentiments, cette fois plus légitimes, revenaient. Il le voulait. Ne l'aurait, jamais. Sacrifier toute son existence, son bonheur, pour quoi au juste ? Pour que tous s'inféodent au gouvernement ? Goût acre, au fond de la gorge. Peut-être la seule saveur qui restait, finalement. Rongé par l'incertitude, Ujinori  s'était enterré sous le travail. Moyen comme un autre d'oublier, pour un temps seulement, tous ses malheurs. Alors il épluchait les courriers, les rapports, aidait comme il le pouvait ceux qui l'affligeaient.

Perdu dans l'ivresse de la nuit, le petit prince faisait défiler ses doigts le long d'un énième rapport. Devait être en mesure d'en comprendre rapidement la teneur, et la communiquer à l'un de ses supérieurs. Horreurs sans pareilles, à chaque page. Pourtant il ne cillait pas. Pas même une seule fois. Habitué, après tout ce temps, à vivre, et infliger, le pire. Les yeux embrumés de fatigue, occurrence rarissime, le petit prince s'était décidé à partir après cette lecture là. Son ultime lecture de la soirée. Pourtant, à mesure qu'il dévorait l'encre, un sentiment de panique vint fleurir au creux de ses entrailles. Une étude menée sur un hensoku, non-renseigné auprès du gouvernement jusqu'à présent. Une étude avec pour seule conclusion, une arrestation. Rien de novateur, Ujinori était déjà tombé sur un nombre incalculable de mandat d'arrêt. Mais l'individu présenté, dans ce dossier, était bien trop familier. Le pouvoir de brûler. D'atteindre le nirvana, dans son incendie. Trop de détails qui le faisaient penser au phénix. Plus aucune raison. La panique était venue outrepasser tout le reste. Indifférence face aux éléments qui auraient rendu l'identité de cet hensoku évidente. C'est-à-dire n'importe qui, mais certainement pas Baby. Bon sens envolé, car il le pensait en danger. Il se trompait, si cruellement.

Une seule pensée valsait au milieu de son esprit : s'assurer qu'il était sain et sauf. Une aubaine pour lui, il savait précisément où son aimé habitait. L'été dernier, quand il l'avait rencontré, le petit prince s'était permis d'enquêter sur lui. Il aurait dû, après tout, le dénoncer aux autorités. Le bourgeon d'amour l'en avait empêché, mais cela ne changeait rien au fait qu'il pouvait le débusquer, quand il en avait envie. Et il en avait, l'envie. Le souffle court, rauque, Glace s'était élancé à travers les rues de l'île, dans le seul espoir d'atteindre Feu au plus vite. En ce qui lui sembla être une éternité, mais qui n'avait été véritablement que quelques minutes, voilà qu'il était perché devant la porte d'entrée du phénix. Incapable de penser. De réfléchir, pour se rendre compte de son erreur. Pour surtout réaliser que, même s'il avait raison, Babylone ne l’accepterait pas chez lui. N'accepterait pas même de l'entendre. Non ? Qu'importe. Alors le poing faisait violence à la porte. Ujinori martelait comme un fou furieux contre la surface lisse, dans l'espoir qu'on vienne le trouver au plus vite. Que son soleil lui ouvre la porte, soit toujours là, bien en vie, et rayonne contre lui. Le pire, pour que le meilleur inonde enfin sa vie. Peut-être.

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Le cœur en miettes, à s'imaginer ce qu'il trouverait. Ou plutôt ce qu'il ne trouverait pas. Tout lui était soudainement insupportable. Respirer, bouger... vivre. Comme si Babylone était son unique raison, lointaine et évasive, d'exister. Car les langues ne s'étaient même pas trouvés. Dans les songes, peut-être. Mais cela ne comptait pas. Rien des soupirs rêvés ne comptait. Et Ujinori crevait d'envie, justement, de rendre un écart contre lui important. Un souvenir qu'il n'oublierait pas. Un souvenir qu'il ne s'autorisait pas à créer, quand bien même tout son être réclamait son absolution entre ses bras. Pourquoi ne pouvait-il pas juste être heureux ? Impossible de mettre la faute sur ses bourreaux seulement. Sa servilité, il l'entretenait de son plein gré. Bêtement. Persuadé qu'il en était obligé, quand il était pourtant le seul maître de sa destinée. Sous l'émotion, sa raison s'était éteinte. Son soleil ne pouvait se coucher sans l'avoir brûlé une seconde fois. La simple idée de ne pas lui faire sentir tout ce qu'il pensait de lui le rendait malade. Et si le gouvernement était venu le chercher, jamais ils ne seraient heureux. Ni ensemble. Ni tout seul. Taureau obnubilé par le rouge fictif sur cette pauvre porte. Porte martelée, si puissamment, qu'elle en aurait presque pu tomber.

Lumière fébrile, d'une télé au loin, qui venait faire fleurir mille et une ombres tout du long de cette silhouette, adorée, adulée, qui venait de se présenter. Le cœur battait trop fort, trop violemment, pour qu'il puisse entendre ses complaintes. Pas une once d'hésitation, à se jeter contre lui. L'enserrer de ses bras puissants, meurtris. Le premier sens satisfait. Celui du toucher. Les doigts qui s'attardaient contre lui, lui imposaient sa présence. Puis le visage venait tomber, lourdement, là où ses clavicules prenaient vie. Odeur jamais oubliée, aussitôt ravivée par ce rapprochement beaucoup trop soudain. Ce qu'il avait entrevu, pressenti, tous ces mois auparavant. Cette senteur avec laquelle il avait rêvé de se parfumer. De cette trace indélébile laissée par ses lèvres, par la pointe de sa langue. Si des mots s'étaient échappés des tréfonds de son corps, ils n'auraient été que suppliques. Auraient réclamé qu'il le détruise, un vice à la fois. Il en était incapable, de parler, de toute façon. Car la parole ne reviendrait que quand tous ces sens lui seraient inféodés. A son phénix. A l'unique. Le seul qui était parvenu à briser la glace. La cacophonie de ses battements ne lui laissaient entendre qu'une seule autre chose. Le même rythme, derrière ces contours qu'il désirait ardemment. L'autre palpitant, battant à l'unisson avec le sien. Amour.

La raison ne revenait pas. Pas encore. Et pourtant elle essayait, de reprendre le dessus. De mettre fin à cette erreur. A cette rencontre, qui viendrait tout remettre en cause. Les sentiments se faisaient légion, dirigés par général Cupidon. Ne laisseraient personne remettre en question, cette potentielle rédemption. Ujinori crut bien défaillir, un instant. Mais il était accroché bien trop solidement à son soleil pour qu'il ne s'affaisse. L'étreinte n'en était que plus forte, profonde. Entre deux respirations difficiles, ses lèvres l'autorisèrent enfin à briser le silence. Là, dans le creux de son cou. - You're safe... Oui, il était là. Encore là. N'était peut-être pas, finalement, la prochaine victime du gouvernement. Sa faculté à réfléchir n'était pas revenue. Tout n'était qu'instinct. Celui de le protéger. Et d'un même mouvement, se protéger aussi. Alors sans crier garde, il l’entraîna à sa suite à l'intérieur de l'appartement. Le pied refermant, au passage, d'un mouvement plus qu'habile, la porte derrière eux. Mieux valait ça, que de se disputer, ou s'aimer, sur le palier. Si le danger n'existait pas vraiment, il ne saurait tarder, à ainsi s'effleurer. - Please... Don't go. Ultime litanie, susurré d'un soupir presque indécent. Le désir était pourtant encore bien loin. Seule l'inquiétude, l'animait. Pour le moment.

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Ujinori n'avait aucun droit. Pas le droit d'être là. Pas le droit d'être heureux. Certainement pas avec lui. Il s'était acharné à le repousser, tout ce temps. Menteur, à la verve acérée. Des mensonges si habilement tissés, pour que jamais il ne soit sien. Pour que sa présence ne lui inspire rien d'autre que du dégoût. Violence et malveillance, derrière chacun de ses mots, gestes. Déjà détestable par nature, mais d'autant plus horripilant quand il se paraît de glace. Cette simple idée, qu'il puisse le repousser, ne lui venait même pas à l'esprit. Et pourtant son soleil n'aurait dû lui offrir que dédain, rejet. Trop obnubilé par cette peur irascible, celle de le perdre à jamais, pour s'en préoccuper. Tant mieux. Tant mieux, car pour la première fois depuis des mois, il se montrait enfin sincère dans l'expression de ses sentiments. Le pire, ou en tout cas cette éventualité que le pire lui soit arrivé, le rendait infiniment meilleur. Il était temps, après tout ce temps. Au plus profond de son cœur, là où l'horreur s'était fait jusqu'à présent roi, un soupçon de bonheur, d'amour, prenait vie. Tout ça seulement parce qu'il était en vie. Car il le sentait, contre lui.

Et puis la folie s'était envolée, quand enfin cette étreinte se fit réciproque. La raison revenait, doucement. Suffisamment pour que la panique le submerge, à nouveau. Une toute autre panique. Celle qu'il méritait de subir. Sentir ses doigts, dans son dos, était la preuve ultime qu'il allait bien. Pour le moment. Pour toujours, peut-être. Comment avait-il pu aussi lourdement se fourvoyer ? Ujinori n'avait pourtant pas la force de bouger. Se délectait, égoïstement, de ce qui serait peut-être leur ultime entrevue. Seul l'aimé saurait l'éloigner. Car de son propre chef, plus jamais il ne voulait le quitter. Condamné, là dans les tréfonds de son intimité. L'attente était insoutenable. Quel verdict son soleil allait-il rendre ? Ou plutôt, de quelle manière l'autoriserait-il à trépasser ? Les souffles se rapprochaient, dangereusement, sans jamais s'unir sous les coups du désir. Le petit prince ressentait chaque bruissement orchestré par ces lèvres qu'il rêvait de découvrir. Savait dire là où le phénix se tenait, dès qu'il expirait. Cette hésitation était comme un cataplasme tout du long de son palpitant. Pourquoi ne l'avait-il pas déjà chassé, d'entre ses bras, de son chez soi ? L'hésitation faisait naître l'espoir. Celui que, malgré tout ce qu'il lui avait infligé, il voudrait, peut-être, encore de lui.

Il n'irait nulle part. Tirade à double tranchant. De ce tranchant qui faisait vibrer de joie. Ne pas quitter, ses bras ? Ne pas quitter, le monde des vivants ? Dans les deux cas, Ujinori s'en réjouissait. Incapable de soutenir son regard, quand bien même il se saisissait des contours de son visage. Ses prunelles sombres le fuyaient. Il ne voulait pas être vu ainsi. Transi de peur. Transi d'amour. Le visage, habituellement glacé, bien trop rose. Et les questions continuaient à pleuvoir. Douche froide, lui faisant immédiatement comprendre qu'il avait fauté. Tant pis. Trop tard. - Because of what you are. Because of them. And me. Litanie accompagnée, enfin, d'une œillade timide. Quelle erreur, de prendre la pleine mesure de ce visage sur lequel il voulait marquer sa pleine propriété, un baiser à la fois. Certains sentiments, jusque là refoulés, l'accablaient plus violemment que jamais, comme une marée revenant inéluctablement s'échouer sur les berges de son existence. - It's all a lie. Everything. Everything, but this. Et succombant aux sirènes, son visage tombait. Tombait pour le rencontrer, pour la première fois d'aussi près. Les lèvres se faisaient conquérantes. D'abord dans le creux de son cou. Puis contre sa mâchoire. Et enfin, là où il réclamait de siéger, entre ses lèvres. Refusant de partir, tant que l'asphyxie n'était pas. Tant que son parfum, n'était pas devenu le sien. Les doigts dansaient, venaient découvrir les parures de son amant. S'attelaient contre son torse, là où l'étoffe prenait fin. Le froid s'invitant, juste assez pour fragiliser ce qui gardait encore son épiderme. Juste assez, pour qu'il déchire, d'une manière beaucoup trop assurée, ce qui dissimulait son trophée.

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Irréel. Et pourtant, le songe était bien loin derrière eux. Des mois, derrière eux. La passion était retournée, au centuple. Comme un défi. Et Ujinori le relevait avec plaisir. Envie. Amour. Le souffle coupé. Sa vie en jeu, pour lui montrer à quel point il le voulait. Lui faire ressentir ce qui s'était tu jusqu'à présent. Les corps s'imbriquaient, sous l'impulsion de l'un, ou de l'autre. Difficile à dire. Si son soleil n'était pas convaincu, par ses baisers, gémissements et caresses, peut-être que ce qui se décidait à grandir, enfin, entre ses cuisses, suffirait. Ne formant plus qu'un désormais, seul un parfait abruti n'aurait pas compris. Senti. Un soulagement, de subir ses assauts. La réciprocité, blessée et frustrée. Mais elle était là. Un présent des cieux. Voilà ce qu'il était. Ce qu'il découvrait entre ses lèvres avait le goût de l'ambroisie. Tout du long de son épiderme, aussi. Comme si la perfection était un parfum, et qu'il portait son nom. Babylone. Le glacier s'était évanoui sous les flammes de cette passion déraisonnée. Jamais le petit prince ne s'était senti ainsi. Aussi bien. La sensation d'une vraie chaleur, qui s'emparait de tout son corps. Des soubresauts brûlants, quand il tirait ses cheveux, s'extasiait de ses étreintes. Le bonheur incarné. Bonheur passager, ou éternel ? Difficile à dire. Pas envie de réfléchir.

Et les réjouissances s'achevaient, soudainement, après un instant tout à la fois trop long, et trop court. L’incompréhension, juste une fraction de seconde. Pourquoi briser quelque chose d'aussi beau, puissant ? Quelque chose qu'ils avaient tous deux attendu avec impatience, depuis leur rencontre ? Puis la réalisation, immédiate, de ce qu'il devait se tramer dans l'esprit de son soleil. Pensées partagées, d'un esprit à l'autre. L'évidence. Ujinori ne méritait pas. Ne le méritait pas. S'était amusé à l'accabler tout ce temps. Le détruire, pour que plus jamais il ne le désire. Comment se racheter ? Des excuses ne changeraient rien. La peine resterait. La promesse d'un avenir radieux, alors ? Même ça, il ne pouvait lui promettre. Rien à donner. Rien d'autre qu'un secret, celui d'une nuit passée ensemble. Une nuit dont il ne voulait pas. Et à juste titre. Babylone devait être honoré, entièrement. Ne le serait pas, à ses côtés. Pas maintenant. Peut-être jamais. Mouvement de recul immédiat, pour instaurer une distance d'autant plus froide entre eux. Son instinct le suppliait de fuir, d'être fidèle à lui-même. Un lâche. Décamper face aux larmes, face à cette réalité qu'il avait évité, tout ce temps. Quelque chose avait changé. Une réalisation soudaine, sourde, que sa présence lui était nécessaire. Au-delà du bonheur. Il était devenu son air. Il ne pouvait plus s'en défaire. Devait soutenir les conséquences de son ignominie.

Le voir ainsi s'effondrer lui fendait le cœur. Le petit prince n'osait plus bouger d'un pouce, quand bien même tout son être lui sommait de le prendre à nouveau entre ses bras. Chasser ses larmes. Il n'en avait pas le droit. Tout était de sa faute. Sa mine était grave, mais autrement qu'à son habitude. Le froid n'était plus. Seule l'inquiétude restait. Le regard plongea une dernière fois sur l'épiderme de l'aimé. Tout en silence, Ujinori vint se saisir de sa baguette, tissant un sort pour réparer les dégâts sur ce pauvre haut. Désir que d'y goûter une dernière fois, à cette peau dont il se rêvait seul explorateur. Mais le désir ne primait plus. S'était envolé, aussi vite qu'il était venu. - I'm so sorry. Il le pensait. Sincèrement. Les faux semblants envolés. Le vrai lui, habituellement dissimulé derrière ses mensonges. Ses stratagèmes. - I can't give you what you want. Constat acerbe. Il se sentit mourir, de proférer de telles horreurs. - It doesn't mean I don't want to. Pour une conclusion délicieuse. L'envie de mourir restait, pourtant. - It's precisely why I've been like that, towards you. Mean. Cold. Les doigts venaient recouvrir son visage, avant de se perdre parmi ses boucles. Angoissé, terrifié... Malade d'amour. - What I feel when I'm with you is too dangerous. I can't allow that. They won't allow that. Le sentiment que son monde tout entier était sur le point de s'écrouler. C'était la fin. Ne pouvait qu'être ça. A quoi rimait la vie, sans lui ? Comme avant ? Plus jamais il ne voulait vivre comme ça. Comme un chien. Le sang-froid, de ses premières tirades, se réchauffait. Ça lui brûlait le fond de la gorge. Ce qu'il voulait vraiment dire, sans tourner autour du pot. - I go to bed thinking of you. I dream of you. Wake up feeling cold because you're not there. My heart aches. And it will stay this way. Le dos enfin tourné, comme une montagne lointaine. Il voulait partir. N'en pouvait plus. - I should go. It was foolish of me to come. Don't... D'ultimes mots jamais prononcés, le visage plaqué contre la porte d'entrée. Lui aussi, n'avait qu'une seule envie : pleurer.

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L'envie qu'il disparaisse. Pour ne plus souffrir. Ne plus le sentir s'amarrer à son épiderme. Déchirer son cœur, en faisant danser ses doigts à travers ses cheveux. Et d'un seul mouvement, il aurait pu mettre fin à tout cela. Le briser. Lui briser, le cœur. Le cou. Tout cela ne parvenait pas à outrepasser ses autres sentiments, si houleux, puissants. Ceux qui l'imploraient de s'inféoder pleinement à son aimé. D'oublier ses responsabilités, juste pour l'aimer. Longue inspiration, là contre lui, une ultime fois avant que le froid ne s'invite à nouveau dans son existence. Serait-il à nouveau satisfait, après ça ? Est-ce que le souffle d'un, d'une, autre suffirait à le réchauffer ? Il en doutait. Elle pas. Et la rencontre de l'humain, et du monstre, ne donnait qu'un chaos inintelligible. - So I should let you ? Un soupir, jusque là prisonnier de son gosier, enfin s'échappait. Babylone lui demandait beaucoup. Beaucoup trop. Devait-il briser ses chaînes, pour qu'il puisse lui en installer de toutes nouvelles ? Il n'était pas comme ça, et pourtant cette simple tirade lui glaçait, un peu plus, le sang. L'amour emprisonnait, au même titre que la peur, la douleur. D'une geôle à l'autre, alors ? Impossible de démêler ce qu'il voulait, et ce que les autres lui imposaient.

L'envie de disparaître, aussi. Et cette fois, rien ne parvenait à rendre aphone les sirènes. Supplique. Fuir, il devait fuir. Pour ne pas tout perdre ? Pour ne pas gagner, surtout. De cette cacophonie pourtant s'élevait une voix qui lui imposait de rester. Son soleil criait, pleurait, réclamait. Interdit, contre la porte, Ujinori n'osait plus ciller. Le souffle à nouveau coupé, en sentant les contours du visage de l'aimé contre ses omoplates. Pas d'autre choix que d'écouter. Prendre la pleine mesure de ce qu'il voulait. Des lubies, irréalisables. Le petit prince voulait, mais ne pouvait pas. Ne parvenait pas à trouver une solution pour le satisfaire. Voilà la raison, pourquoi il s'était échiné à le repousser tout ce temps. Car il ne savait pas comment le rendre heureux. - How ? Si peiné que les mots s'échappaient difficilement d'entre ses lèvres. Comme un murmure, tout juste audible. - How can we be together, mh ? Tell me. Constat sévère, qui n'était que sa vérité à lui. Mais au fond, ce n'était peut-être pas le pire. Ce qu'Ujinori ne comprenait vraiment pas, c'était pourquoi lui. Pourquoi le choisir lui ? Et sans même se retenir, voilà que ses pensées se trouvaient verbalisées - Why with me ? I don't deserve you.

Et Ujinori osait, enfin, lui faire face. Laissait à son phénix, surtout, le plaisir de l'étreindre une ultime fois. Le petit prince en profitait pour se saisir lui aussi de ses contours, juste un instant. Un instant suffisant pour le repousser. Qu'il n'empiète plus sur son espace vital. Qu'il ne l'empêche plus de penser. - Don't come near me. I can't think straight. S'était-il déjà montré aussi honnête ? Ce qu'il contenait habituellement était déversé sans honte. - I already told you. It's not about wanting you. I want you. I was fairly explicit about it, wasn't I ? Les regards se croisaient, enfin. Détruire tous ses espoirs était sa seule issue. Babylone ne le laisserait pas autrement partir. Mensonge auquel il essayait désespéramment de se rattacher, quand son cœur réclamait de rester pour que l'amour prévale. - Talk about what ? What could we say that would make this possible, easy, less painful ? Une possibilité restait. Qu'un jour, dans un lointain futur, il soit disposé à l'aimer ouvertement. Lui demander d'attendre, peut-être pour toujours, n'était pas bien mieux que de lui dire non. Babylone méritait des certitudes. Et voilà que leurs esprits ne faisaient plus qu'un, se portaient tous deux, au même instant, sur le même problème. - I don't want that for you either. I can't promise you anything. You deserve to be happy, thriving. Secure.

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Profonde injustice, dans tout ce qu'il vociférait. Comment pouvait-il lui reprocher ça ? Babylone n'était que beauté, incendie, dans sa morne vie. Jamais il ne serait comme eux. Même si son oiseau de paradis essayait, désespéramment, de l’affliger, jamais il n'y parviendrait. Car il représentait le meilleur. Cette possibilité d'être heureux, un jour. Qu'il l'étouffe sous ses baisers, qu'il l'étrangle de ses doigts fins... qu'il le rejette. Rien ne saurait être laid, si c'était lui. Les pires ignominies balayées, en sacrifice pour cette adoration qu'il lui vouait. Ujinori en avait conscience. Mieux que personne. Alors tout ce qu'il cherchait, c'était des excuses. Des excuses pour que l'homme qu'il aimait ne sombre pas avec lui. Jamais il ne se pardonnerait de l’entraîner à sa suite vers les profondeurs des enfers. - I know. Just... Forget it. Le petit prince rêvait lui aussi de liberté. En avait rêvé toute sa vie. Mais ce n'était qu'une lubie. Un vain espoir. Il ne parvenait pas à concevoir son existence sans ses bourreaux. Que serait-il, sans eux ? Un monstre ? Pire qu'un monstre ? Ses désirs ne comptaient pas. N'avaient aucune importance. La survie du monde sorciers en dépendait, il en était persuadé. Tout sacrifier, pour la société.

Pourquoi se battait-il pour lui ? Le phénix s'accrochait désespéramment. Il ne comprenait pas ce qu'Ujinori était. Ce qu'il avait fait. Ce qu'il représentait. Le croque-mitaine. Le cauchemar des enfants. Celui qui s'échappait du monde des rêves, et venait instiller peur et angoisse dans le cœur des plus fragiles. - You don't know me. Not entirely. Not everyone deserves happiness. I've lost my chance a long time ago. Constat froid. Un de plus. Que devait-il faire, dire, pour que Babylone comprenne enfin qu'il ne méritait pas d'être sauvé ? Que son âme était damnée ? - You wouldn't be here, if you knew. And I can't tell you. So would you still take that chance ? Be with me ? Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres. Ses doigts venaient trouver les contours de son visage. L'arrachaient à la réalité. Offraient à ses yeux rien d'autre que le vide. Un instant de répit. - I'm not giving you a choice, because I know better. Ujinori s'était-il déjà montré aussi cruel ? Difficile à dire. Jamais son cœur ne s'était ainsi amouraché d'un autre. Et ces frondes n'étaient que l'expression de ses sentiments profonds. Parce qu'il l'aimait, pensait l'aimer, il ne pouvait rester à ses côtés.

Des frissons dévoraient son épiderme, à l'écoute de cette ultime tirade. Que savait-il vraiment ? Son affiliation au gouvernement ? Impossible. Il ne pouvait pas, il ne devait pas, savoir. Simple déduction de sa part, en ce cas ? Ujinori n'en avait aucune idée, mais cela le terrifiait encore plus. Peur qu'il ne parviendrait pas à le faire fuir. - You're a liar. You know nothing. And... Hésitation, qu'il n'essayait même plus de cacher. Le temps des faux-semblants était révolu. Le petit prince n'en avait plus la force. - You had to be secure, sure, of something, anything, once in your life. And it's not only about our powers, or what you think. It's about others, as well. Loyalty, affection, love. I've never felt that. There is always doubt, deceit, fear. Derrière tout ça, les travers d'Ujinori se faisaient de plus en plus apparents. Incapable de faire confiance aux autres. La sincérité, ça ne se mesurait pas. - Don't you dare contradict me. Because there is, indeed, something you can be sure of. My love, for you. Aveu terrible, stupide, après tout ce qu'ils venaient de se dire. Mais si le jeune homme comptait souffrir, dépérir, jamais certain de quoi que ce soit, Babylone lui ne méritait pas ça. Et il était temps, vraiment, de fuir. La porte claquée derrière lui, les escaliers dévalés, vite. Comme un lâche. Comme l'abruti qu'il était. Pour ne pas entendre sa sentence.

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