( black swan — mina )

ces deux syllabes sont devenus le douloureux rappel d’une existence maternelle qui ne subsiste que dans ses souvenirs, et son cœur. auparavant, ces lettres symbolisaient leur amour. maman avait choisi ce prénom. petite, quand elle avait tenté de lui expliquer sa signification, elle lui avait répondu qu’elle ne comprenait pas vraiment. aujourd’hui, elle n’en saisit toujours pas le sens. mais aujourd’hui, maman n’est plus là pour l’aider. ça ne veut plus dire grand chose.

papa, toujours papa. papa que maman avait décidé d’aimer jusqu’à la fin des temps. personne n’aurait pu prédire que la fin se révélait si proche. mina aime bien papa. mais papa sans maman, la différence se fait trop sentir. la tristesse de papa grandit de jour en jour, car maman lui manque. une semaine après l’enterrement, alors que les larmes et les cris paternels ne cessaient d’envahir la maison, elle lui a demandé de se taire, car elle aussi, le deuil la rongeait, mais elle n’emmerdait pas les autres pour autant. elle n’aurait pas dû prononcer ces paroles, seulement elle ne sait pas mentir. depuis, elle et papa ne se voient plus qu’une fois par semaine ; le dimanche, généralement, au restaurant. papa fait semblant de sourire, et sa peine transparaît quand il relève la tête pour regarder avec affection, comme par habitude, la personne qui n’est plus.

au beau milieu de la campagne, de ses fleurs précieuses, de ses oiseaux chantants, puis de ses champs qui s’étendent à perte de vue, elle a éclos.  alors que le soleil inondait la région de sa lumière aveuglante, et que la chaleur estivale étouffait les alentours, mina a poussé son premier cri, ses premiers pleurs, a fait le bonheur de ses parents.

le vingt-cinq août deux-mille-deux, sa toute première fleur lui fut offerte ; car le jour de sa naissance, tel un signe du destin, toutes les fleurs de maman avaient fini par voir le jour, il était tradition que de lui en donner à chaque anniversaire. mina a reçu dix-sept fleurs. les deux dernières, elle n’en a jamais voulues, pour oublier le fait que personne ne sera plus jamais là pour les lui offrir. mina déteste les fleurs.

le pays du soleil levant résonne à travers tout son être : il façonne son faciès poupin, dessine les contours de sa voix, marque sa carte d’identité, lui transmet sa culture qu’elle embrasse et chérit à chaque instant, finalement, la construit telle qu’elle est. malgré tout, un soupçon français se glisse dans son âme, car des années passées là-bas n’ont pas su la laisser de marbre devant la beauté et la grandeur d’un tel pays. « française » ne figurera sûrement jamais parmi les inscriptions de ses papiers, mais restera certainement gravé dans son esprit, aux côtés de « japonaise ».