promiseland

Les émotions en vrac pendant des mois, quand Senri se remet à marcher un pas devant l’autre après son arrêt pour dépression. Remet le nez dehors, sa vie sur des rails qui ont dérivé là où elle n’a pas vraiment souhaité aller - mais faut faire avec, ravale ta fierté, relève le menton. Rei l’aide à se remettre sur pied, dans une relation qu’elle n’avait pas trop vu déraper, mais qui semble leur convenir à tous les deux, alors que l’alchimie avait toujours été difficile à ignorer.

Sort peu à peu faire ses courses, retrouve la force de quitter ses jogging pour s’apprêter. Reste deux éléments cruciaux avant de pouvoir laisser cette histoire derrière elle - envoyer un message à Taizo pour le notifier de son retour sur l'île, et payer sa prune. Plus sereine à l’idée de pénétrer au bureau des Aurors la queue entre les jambes pour sortir les Gallions de cette amende à la con que voir Taizo se foutre de sa gueule pour cet échec cuisant - bien que Senri ait déjà réfléchi à quelques tacles sur les rides apparues aux coins de ses yeux, gardés en stocks pour protéger sa fierté.

Cet après-midi, elle payera donc son amende - qui traîne depuis trois mois, dont elle a passé une fois la deadline, Rei ayant été lui en négocier une nouvelle au vu de son état psychologique. Senri enfile une robe et des baskets, et se traîne jusqu’au Bureau - un transplanage un peu bancal qui la mène un peu trop loin en bas de la rue. Se présente à l’accueil, où on la guide vers un numéro de bureau, s’adresser à la cheffe des Aurors, à ce qu’il paraît - sans trop savoir depuis quand son amende était assez pompeuse pour ce genre d’égards, mais peut-être qu’ils prennent les troubles à l’ordre public un peu plus à coeur qu’un excès de vitesse en voiture volante.

Ses pas la mènent jusqu’au bureau de la cheffe en question, le nez penché sur un dossier. Senri se laisse tomber dans l’un des sièges, pour s’accouder presque sur la table. Hi, are you the person I should pay my fine to? lance-t-elle avec assurance, un peu fort, sans fioritures - comme à son habitude, dans cette impression d’être à l’aise partout. Well, I guess, yes, répond la femme d’un air presque agacé, sans croiser son regard. Senri fronce les sourcils. Et lorsque son interlocutrice lève la tête, leurs regards se croisent pour s’écarquiller légèrement de surprise. No shit, laisse échapper Senri avec un rire en reconnaissant les traits, un peu plus âgés, de Hyena. Des plombes qu’elle ne l’a pas vue, depuis son diplôme de Mahoutokoro - et pourtant n’a pas changé. I knew the voice was familiar, répond Hyena avec un léger sourire, brisant le masque de glace - que Senri met sur le compte du statut. Que cheffe des Aurors, ça vient forcément avec son lot de crédibilité à maintenir. It’s been a while. Nice to see you again. Senri lâche un nouveau léger rire surprise. If anyone had told me I’d have to pay a fine for disorderly conduct to Yang Hyena one day… lâche-t-elle en haussant les sourcils, passant une main dans ses cheveux, amusée par la situation - achevant de dédramatiser la procédure administrative longtemps repoussée pour ne pas avoir à l’affronter. Elle n’a rien capté quand on lui a mentionné le nom de son interlocutrice, Senri, confuse de ne pas avoir fait le lien avant - et ses yeux glissent sur la plaque dorée posée sur le bureau avec un nouveau froncement de sourcils. Who the fuck is Hana, though? raille-t-elle de nouveau, en jetant un mouvement de tête vers la plaque, surprise sur surprise. Ils ont peut-être foiré leur coup en lui attribuant des kanji éclatés, le classique coup de flip de l’adminstration quand il s’agit de noms étrangers.

Les traits de Hyena n’ont que peu changé, si ce n’est cette expression rigide que Senri découvre, habillée par les années ayant séparé leur dernière rencontre. Et peut-être que Hyena se fait la même réflexion, de son côté - alors que Senri n’a finalement que peu changé, en dehors de caractéristiques physiques plus gracieuses maintenant que durant son adolescence. I never saw someone coming to pay their fine with a smile. Senri laisse échapper un petit rire en se redressant sur son siège, croisant les jambes au passage. Well, I kinda deserved it. Not that I regret anything, though, réplique-t-elle en levant les paumes vers le ciel dans un haussement d’épaules presque insolent de détachement - comme toujours. Si quelque chose n’a pas changé, c’est aussi bien les quelques soucis de Senri face aux formes d’autorité - belle ironie.

Elle cultive le mystère sur ce qui l’amène ici, Senri, même si en réalité, c’est peut-être aussi pour se sauver la face et ne pas accepter ses failles. Elle préfère poser les questions qui dérangent aux autres, plutôt que d’y répondre elle-même, même si ce coup porté à ce vigile, elle s’en venterait probablement d’ici quelques mois, une fois son état psychologique stabilisé pour de bon, une fois débarrassée de ce sentiment d’avancer sur un fil à se balancer entre désespoir et apaisement d’un jour à l’autre. Senri s’étonne sans prendre de gants du nom affiché sur le bureau de sa vieille amie. I am Hana. I changed my name. Haussement de sourcils, et Senri esquisse un mouvement de recul interrogateur. Wait, what? Why? enchaîne Senri avec un regard surpris. What was wrong with your na- Would you please talk more quietly? Le ton tranchant de Hyena la prend de court - alors qu’elle ne l’avait encore jamais vraiment vue comme ça. Autoritaire. Affirmée. Senri s’interrompt pour lâcher un rire aussi surpris qu’un peu insolent, incapable de vraiment prendre quoi que ce soit au sérieux tant qu’elle n’aurait pas toutes les explications. What’s with all the mystery, Hana? raille-t-elle en insistant sur le prénom en question. D’une voix légèrement plus basse, mais alourdie de cette touche de provocation que Hyena - ou Hana ? - doit bien connaître. You on an undercover mission? continue Senri en venant attraper la petite plaque métallique gravée au nom de son amie, pour la contempler d’un air distrait, mais relativement contrôlé. Les questions, l’indiscrétion, ça avait toujours fait partie du package - de ce que Senri utilisait pour pousser Hyena à voler de ses propres ailes, à l’époque. Ces gros sabots qui ne s’excusent de rien à personne, et surtout pas d’exister.

Maybe we should leave and talk, répond simplement Hana, et Senri lève une nouvelle fois ses mains en silence en guise de réponse. Elle est venue payer son amende, c’est chose faite - et elle a bien mieux à faire, désormais, à commencer par savoir pourquoi son amie a pris la peine de changer de prénom. Have you got some time? Senri lâche un léger rire, rejetant ses cheveux en arrière. I’ve got all the time in the world, my friend. Marque une pause, avant de hausser une épaule avec une moue peu impressionnée. Another price I have to pay for what I’ve done to end up in this seat. Marquant aussi un léger progrès dans son acceptation des choses - elle peut en rire, maintenant, petit à petit. Donnant l’air à ses frasques plus dramatique qu’elles ne le sont réellement - bien que le crime en dise trop peu sur ce qu’il cache plus profondément.

Hyena termine sa paperasse, et Senri fait les cent pas face au bureau, incapable de tenir en place, pour scruter les objets, les meubles, même les visages des autres Aurors à leurs bureaux dans l’open-space d’à-côté. What the fuck happened to you to end up in that seat though? lance-t-elle à la volée. Surprise, c’en est une - Senri n’aurait jamais imaginé la gentille Hyena devenir Auror, et encore moins leur cheffe. I’m surrounded by cops these days, someone’s gonna be maaaaaad, commente-t-elle avec un léger rire narquois - qu’elle a encore repoussé sa reprise de contact direct avec Tai, depuis l’incident, un peu honteuse de n’avoir qu’un burnout, une mise à pied et un boyfriend flic à lui raconter, pas vraiment assez prête à complètement assumer ses conneries. Et avec Hyena cheffe des Aurors, c’est vraiment le pompon qu’elle décroche, pourtant toujours à couteaux tirés avec les autorités.