Folie des âmes — Soo

Cristal des dieux, roule entre les doigts comme une perle sans valeur, plus jamais précieuse aux yeux des plus grands, comme usée par le temps, de s'être roulée dans la poussière, contre le sol d'un vieux grenier, sous quelques meubles où se cachent les souvenirs d'antan ! Comme des vieux rires qu'on ne fait que recycler pour ne jamais perdre l'éclat de la vie, celle qui berce, la douce et tendre, qu'il n'a jamais réellement connu, se laisse bercer par les flots. Kasai qui brûle, dans ses entrailles c'est tout un enfer, les cendres s'accumulent pour en bénir les braises. Tout s'éteint, à petit feu, quand il ne rentre dans aucune case, il n'est pas la pièce manquante d'un grand puzzle, il existe sans réellement en avoir le droit ;
On lui a ôté il y a bien longtemps.
Ne se souvient plus des merveilles de l'enfance, mémoire cassée ; pour son bien.
Les paysages de la Corée sont brouillons à ses yeux. Il ne connaît que le japon, que cette vieille maison au milieu des champs, le sourire de Kenma quand ils n'étaient que des gamins à s'amuser des dangers du monde ! Maintenant prisonnier à cette vie qui ne semble pas correspondre, masque théâtrale sur son visage, il en cache bien des douleurs, enchaîné à cette école, à cette coloc, famille qui lui permet de rayonne encore, de le faire vivre. Tête reposée contre le bois alors qu'il soupire, les yeux fermés, qu'ils rouvrent avec lenteur pour constater que les minutes sont longues durant son cours. Il voudrait s'échapper, se retrouver au milieu d'une forêt, loin de tout, avec lui, unique et fidèle partenaire. Attention qui se déporte soudainement vers la porte de la salle, quand silhouette s'y trouve, des gestes étranges, et il lui faut un moment avant que ça monte à son cerveau, réalise son identité. Ah! S'échappe de ses lèvres, retenant l'attention des autres personnes autour de lui ; comme du professeur qui se retourne vers lui. Fuck. I... I have to go out, olala I have a stomach ache, aie aie aie! Qu'il se lève dans la précipitation, remballe ses affaires avec rapidité et sort de la salle sans même se retourner, attrapant l'imposteur par le poignet pour s'en éloigner, coup d'oeil jeté derrière lui avant de s'arrêter au bout de quelques mètres. What are you doing here? you’re not gonna tell me you’re coming back to school... So ? Les mains se portent à ses hanches, fausse autoritée quand le sourire est roi à ses lèvres. But you saved me from that awful class, thank you. Main qui vient frapper avec douceur son épaule, quand le rire résonne déjà dans les couloirs.

---

Similaire à quelques exceptions près, elle le cherche un peu avec le désespoir au ventre. Il y a bien longtemps qu'elle est devenue l'ombre d'elle-même nichée à une mélancolie qui abuse sans cesse dans ses veines. Il a une question de mal à être qui l'avait poussé à se cacher dans sa propre ville, se sentant clouée à l'île, incapable de la quitter vraiment, les porteloins qui ne voulaient pas d'elle. Elle aimerait pouvoir visiter les terres desséchées. Retrouver la partie. Le continent, comprendre les racines qu'on lui a retirées pour un statut. Puis à force, ils ont tendance à s'inquiéter en silence pour l'un et l'autre, sans jamais vraiment le dire. À force de danser et d'abuser des bonnes choses, il y voit bien clair dans leur jeu et leurs prunelles vides ou tout ce qu'ils veulent oublié ou déjà effacé. La case figure quelque part, même si elle n'est pas à porter de main, là tout de suite. Elle reconnait les briques auxquelles n'a jamais réellement porté attention. Les défauts imbriqués dans le marbre, le sol un peu trop fade, comme les cours qu'elle devait assister. Elle veut l'aider à fuir, encore une fois, comme avant. Alors elle se positionne devant la classe, aux aguets, cherchant l'attention du partenaire. Il en faut peu pour l'arriver à sortir, quelques gestes, code bien à eux pour le convaincre quand c'est en réalité la surprise qui fait le tout. Parce qu'elle revient de nouveau, sur les anciens trépas. Et si deux mois ne sont rien sur l'infinité du temps, il l'est quand l'évasion est vitale. Sans même entendre les paroles, elle pourrait deviner la connerie qu'il appose, à lui arracher un sourire rare, jusqu'à ce qu'il la tire, loin, mais jamais assez loin de ce monde. On pourrait encore plus fort, tant qu'il nous reste de l'air dans nos poumons. «Arf, plutôt mourir que de revenir ici.» L'enthousiasme n’est jamais vraiment là, mais le reste des émotions non plus. Il récolte tout pour les deux. À la main sur les épaules, elle le pousse gentiment contre sa poitrine avant d'en faire de même avec des bières. «Deux mots.» Un paquet de clopes s'ajoute sur la tour, pièce réaliste dans ce puzzle qui attise les flammes de tous les deux. «J'ai pas besoin de te faire un dessin, non ?» Espiègle, gamine, elle en ouvre les bras subitement pour venir le prendre dans ses bras, malgré le reste avant de reprendre un pas lent vers la sortie. «Vite avant que le professeur remarque ton absence, ça serait malheureux.» En contradiction avec ses propres arguments oubliant la vitesse.

---

Et te souviens-tu ?
De comment c'était avant.
Avant que l'alcool prenne possession de son esprit ;
Avant que la drogue ne controle chacune de ses pensées,
Lors de ces insomnies qui ne prennent jamais fin.
Parce qu'il ne sait plus ce que c'est de réellement vivre, ressentir l'air qui soulève sa poitrine, tout est anesthésié, les sentiments, le sang qui pulse dans ses veines, tout n'est qu'un vulgaire poison, dont il est le seul créateur. Faux. Et il n'est pas toujours là, Kenma, pour le ramener à la réalité, lui ouvrir les yeux, lui offrir cette bouffée d'oxygène, quand il a l'impression de se noyer sous ses propres pensées, comme une vague immense qui l'emporte, loin de tout, faisant pression sur sa poitrine. Et que se passera-t-il, quand il n'y parviendra plus ? Quand tout sera trop lourd, si la réalité l'attrape une nouvelle fois, tirant sur ses propres chaînes. Il n'y a plus rien à lire, dans le fond de ces yeux trop souvent défoncés, et peut-être que personne n'y prête réellement attention, à ce qui ne brille plus dans les orbes sombres.
Faible lueur d'espoir, au fond du tunnel ;
A travers ces portes fermées autour de lui,
Quand il n'y a que des fuites dans son esprit, des envies d'ailleurs, de liberté, pour qu'un jour son coeur ! Ô retrouve sa grande liberté.
Ouais j'me disais bien, ça serait weird af de te revoir ici. J'ai pas autant besoin d'être perturbé dans ma vie, t'sais ? Rire qui en brise le silence, alors que les yeux se bercent sur elle, et ce qu'elle vient presque faire danser devant lui, comme pour en narguer l'appétit destructrice au fond de lui, le sourire est malicieux, se forme aux coins de ses lèvres. You know how to talk to me, baby. Et les doigts s'emparent vivement du paquet de cigarettes, l'une d'entre elle qu'il coince déjà entre ses lèvres, peu importe où il se trouve, il sait qu'il ne l'allumera pas ici. Calin qui lui retourne, car il ne ferait que mentir, s'il disait qu'elle ne lui avait pas manqué, dans toute sa noirceur, dans tout ce qu'elle est, aujourd'hui. Courte durée, car les corps ne sont pas fait pour s'aimer pour toujours, pas même plusieurs minutes. Ouais ouais, il l'a déjà remarqué, t'inquiète, mais trop vieux pour me courir après, il a l'habitude. Les pas suivent l'amie alors qu'il passe un bras autour de sa taille. Accroche-toi. Prononcé avant de faire transplaner les corps hors de ces murs qu'il a trop vu pour la journée, se retrouvant à l'extérieur du bâtiment, retrouvant l'air frais du printemps et la verdure de l'herbe. Bien mieux ici, allez donne moi une bière, je crève de soif. Sans violence, alors qu'il vient allumer la cigarette toujours coincée entre ses lèvres, vient en remplir ses poumons avant de tout relâcher. J'ai pas fumé de tabac depuis un bail, goût bizarre ton truc. Sans pourtant s'en débarasser ;
Trop accroché à ce qui le fait respirer.

---

Don't leave me hanging
Waiting for something
Believing in nothing
With somebody else
Ça serait bizarre, étrange, improbable même de la ravoir refaire chemin inverse pour reprendre place contre les pupitres. C'est pourtant ce qu'il fait en revenant dans la ville maudite. À revenir vers l'ancienne vie, près de lui quand elle devra se faire pardonner à celle qu'elle a donnée la vie. Mais si elle a l'impression que la vie l'a quitté, la honte ronge les entrailles à se sentir horrible. Une mère dont elle ne devrait pas être, à même tout coller tout ça à son existence, se demandant comment ses parents arrivaient encore à tenir la tête haute. Elle était défaillante et chacun voulait s'enfouir la tête dans le sable, encore et encore. Elle voulait de l'honnêteté, qu'on scande haut et fort qu'elle n’avait pas sa place ici, à maintenant rapatrier les fleurs dans une vulgaire fleuriste. C'est tout ce qu'elle se peut s'offrir. C'est tout à ce qu'elle pense, égarée au beau milieu du vide, sans chemin pour connaitre la sortie. Mais moi j'en ai besoin d'être aussi perturbée. «Je suis pas si perturbante, même plutôt tranquille.» Paroles toujours soufflées si lentement. À n'avoir des excès que dans ses gestes. Jamais dans ses paroles. Il n'y avait qu'un être pour lui soutirer toutes ses colères et maintenant il l'ignorait dès qu'il en avait l'occasion. «La jeunesse qui se dissipe si vite, c'est triste...» Il n'en faut pas plus pour qu'il accepte, qu'il dépose sa main contre sa hanche, qu'il les fasse disparaitre des murs étouffants, avec une facilité déconcertante à faire apparaitre un nouveau paysage. Elle aimerait en faire pareil, détaler en deux trois mouvements et ne plus jamais se retourner. Elle aimerait pouvoir s'envoler autant qu'elle aimerait garder les pieds sur terre. Nager comme les poissons à travers les coraux. Ne se soucier de rien, oublier la vie d'adulte et se rappeler quand tout rimait qu'à une kitkat aux fraises échangée. Le corps qui retombe, bière qu'elle lance vers lui à en ouvrant déjà la sienne. Descente trop rapide de l'alcool qui roule contre sa gorge et canette qui se meurt déjà, aux dernières gouttes qui restent sur les lèvres. «La satisfaction.» Regard de défi un peu dans sa direction qu'il en fasse de même en venant voler la cigarette pour qu'elle ne fasse pas obstacle pour tirer sur le tabac, poison parmi tant d'autres dans leurs vies. «Goût terrible, mais terriblement addictif. Chacun ses conneries, on est si faibles.» Puis elle peut se montrer si impatiente, à vouloir se déconnecter de la réalité. Dépêche-toi avant que je ne me souvienne du pourquoi je suis revenu. «Tu bois pas vite pour un gars qui crève de soif.» Toujours ce sourire espiègle.

---

Hauru n'a jamais eu de bonnes raisons d'être bon à l'école, de suivre ses cours, pas même lorsque son grand père était encore en vie et qu'il lui répétait d'être plus sérieux, au risque de tout gâcher. Il n'a jamais eu la volonté de s'y attacher, pas même malgré l'intelligence que renferme son esprit, ou bien même la facilité dévorante pour lui de tout comprendre. Enfant que l'on aurait presque qualifié de génie s'il n'était tout simplement pas rongé de l'intérieur. Et elle le connaît bien, Soo, pas besoin de mirages pour l'imaginer au bord de la débauche, quand ils connaissent très bien le vrai visage de l'un et l'autre. Hauru ne le cache pas, pas à elle, quand il voudrait plus que tout y faire plus attention, petite âme fragile, et la vie pourrait s'envoler trop facilement. Les rires viennent habiter les couloirs, comme deux vieux amis qui se fréquentes de nouveau, comme autrefois, lorsque la vie n'était pas aussi meurtrière, qu'elle ne fuyait pas encore les pupitres et les enseignements. Tout a changé, pourtant. Délicatesse à les faire transplaner, il a besoin de respirer quand il étouffe trop souvent, comme un vieux poison qui valse dans les airs. Cigarette coincé entre le bord de ses lèvres, allumée, pour en aspirer toute sa fumée, avant qu'elle ne s'échappe de nouveau, bière rattrapée entre ses mains. Les yeux déposés sur elle alors qu'il la regarde descendre une bouteille d'une traite. Soon I’ll call you Richard, 56, addicted to his old beer. Il rit alors qu'il se sépare un instant de la nicotine, assez pour en ouvrir la boisson, quelques gorger qu'il fait glisser dans le fond de sa gorge, sans même l'imiter. I’m a little less a fan of being drunk on the school grounds, I’m not like you, I don’t risk getting fired. But just enough to laugh and not get bored. Bière qu'il lève vers elle avant d'en reprendre quelques gorgées, le corps qui vient s'asseoir contre l'herbe chaude du printemps, main qui tape avec douceur la place à ses côtés. Come before you can’t stand on your legs. l'attirant vers lui, nouvelle bouffée de poison dans ses poumons, recrache comme si c'était la pire chose au monde. You got plans tonight? Adresses qu'il ne connaît que trop bien, quand il a envie d'oublier un peu ; Hauru.

---

Elle aimerait qu'il lui dise qu'ils n'ont pas besoin de grandir. Qu'ils n'ont pas besoin de faire face au monde et de s'époumoner sur la réalité qui n'apporte que malheur. Elle aimerait entendre qu'ils peuvent danser jusqu'au matin sans jamais s'arrêter. Que leur souffle qui s'échappe est la seule limite qui pourrait les atteindre. Et puis dans cette bulle, sans qu'elle ne soit encore vraiment revenue dans ce monde, lointaine pendant quelques mois, elle peut encore se cacher avec lui, à rigoler sur des conneries, sur une descente trop prononcée du houblon dans sa gorge. Sourire qu'elle aime, humour de merde, Hauru se cache bien, les plaies vives sur sa peau elle peut quand même les voir, mais elle préfère les ignorer comme il le fait pour un moment de répit dont ils ont besoin. Mais je ne te laisserai jamais couler. «Richard, hum, that's too cliche.» Elle hausse les épaules sur l'idée de se faire renvoyer quand elle a quitté les murs depuis un moment, par elle-même. Elle qui pensait que le paradis se trouvait à Mahou quand elle pouvait enfin faire comme les autres. Bière nouvelle déjà en main, elle trinque à distance avec lui. Elle est aussi éphémère que toutes les autres. Le corps frêle se laisse retomber près de lui, se collant à lui la tête sur son épaule, la cigarette qu'elle lui vole à ses lèvres. «Tu sais pas les savourer, elles sont précieuses...» Prunelles sur l'horizon, elle accroche ses doigts contre le hoodie de l'ami, bercée par le vent et les idées qui se bousculent dans sa tête. «Dance with u all night, nothing else.» Qu'elle relâche avec certitude sans jamais trop d'éclat, tirant sur les cordons de son hoodie pour l'embêter en retournant vers sa bière, les lèvres encore humides, canette qui devient aussi vide que la précédente. «J'ai pas envie de rentrer à la maison.» Tout comme chez Mini. Elle préfère se diriger vers l'oubli.

---