tes grands yeux noirs me font la tête,,

la boule au ventre s'installe au fur et à mesure que yuan ramasse ses vêtements pour les mettre en vrac dans le fond de son sac - la réalité s'échoue en fracas dans ses yeux d'habitude éteints quand il réalise qu'il est censé l'attendre à l'extérieur du terrain. des aurevoirs en demi-teinte, il laisse chacun de ses camarades quitter le vestiaire avant de se décider à en sortir à son tour, rien d'étrange chez l'enfant sauvage. pourtant, l'espoir se cache dans un pessimisme usé, parce qu'il ne sera pas là, qu'il n'arrête pas de se répéter, comme pour s'en persuader. mais c'est lorsqu'il voit sa silhouette dans la pénombre qui commence à s'installer en haut du mont qu'il se stoppe net (pour respirer). le pas repris une fraction de seconde après sans écouter la respiration un peu coupée, "so you're here." qu'il lâche sans le regarder, les cheveux encore humides de la douche prise.

clope au bec pour consumer l'angoisse, kavi est nonchalamment adossé contre l'un des murs qui cloisonnent le stade de quidditch. d'ici, il perçoit quelques cris, quelques rires - quelques chocs qui se réverbèrent en échos lointains. il lui a dit qu'il viendrait, à yuan, mais le temps tarde à venir avant que l'abandonné ne pointe le bout de son nez, et les pensées s'entrechoquent au-dessous du ciel nuagé - il est toujours possible de partir, de ne pas ressasser le passé. de laisser les cœurs figés, tels qu'il les a laissés il y a de ça une éternité. mais la silhouette apparaît devant lui, ne s'extirpe pas tout-à-fait de la pénombre comme si elle y avait toujours appartenu ; kavi se débarrasse de sa cigarette avant de lui lancer un sourire qui manque de sincérité. "of course. wouldn't miss the sight of you with wet hair." les taquineries sont de mise, un brin de passé qui se glisse dans ses mots - c'est toujours plus simple que d'affronter la réalité (celle qui lui hurle que tout a changé). "l'entraînement s'est bien passé ? you're still a komodo's player?"

l'étrange sensation de se sentir totalement à sa place et de vouloir être tout sauf ici le bouscule jusqu'à devant kavi. le sac s'échoue au sol et aucune commissure ne se soulève à la remarque, l'amertume qui le submerge fige son visage sans qu'il n'arrive réellement à le regarder en face (stupide habitude) et yuan ne sait pas faire semblant, la poitrine ne décolère pas et les mains se cachent dans les poches du jogging. "ouais, le coach nous a encore fait faire du rab." c'est presque sa manière de s'excuser de l'avoir fait un peu trop attendre. "for now, i'm supposed to join de giant next month." il aimerait lui demander où lui en est mais ça se bloque dans sa gorge dès qu'il éprouve l'envie de parler. "tu veux qu'on s'installe ailleurs?" c'est là qu'une barrière s'étiole dans un soupire las devant celui qui est parti le premier.

la plaisanterie se tarit - le ton est donné. kavi n'a jamais cru pouvoir s'en sortir aussi facilement, mais il pensait obtenir peut-être un peu d'indulgence, des cendres d'empathie. pure utopie, yuan est sans pitié, blessé jusqu'à la moelle, et l'artiste décide de continuer à porter le fardeau des bonnes apparences, même s'il doit le faire seul. "it's okay. i got a lot of time to kill now you know." il ricane, amer ; son quotidien est bien vide. il préfère en rire à présent, en a déjà trop pleuré. "oh, that's pretty cool. got the chance to play again with your old teammates, i'm happy for you." les pas s'entament sans accord formulé, pour tuer le malaise entre eux. mais il possède la sensation de stagner, d'observer yuan avancer sans lui, impuissant - ça le terrifie maintenant que ses yeux peuvent le constater. les mains de kavi viennent se loger dans ses poches pour dissimuler l'anxiété, et il tourne son visage vers lui quand il propose de s'éclipser - d'aller ailleurs. "yeah, why not. got a place in mind?"

il ne veut pas ressentir la colère, yuan, la subit trop depuis si longtemps - à chaque jour son besoin d'enfoncer son poing dans le visage de quelqu'un ou dans tout ce qui pourra lui faire mal car c'est tellement plus simple de ressentir la douleur sur sa peau qu'en-dessous. en réalité, c'est un soulagement de voir et d'entendre l'artiste près de lui, à quelques mois d'intervalle, il en aurait rougi mais, ce soir, il gaspille son énergie pour ne pas laisser place au brouhaha qui gronde si fort dans chacun de ses pores. le bruit s'accumule, c'est presque salvateur de quitter l'endroit pour emboîter le pas, récupérant le sac pour le mettre sur son épaule. "follow me." il retrace alors le chemin à peine fait pour le rejoindre quelques minutes avant pour traverser le long couloir qui mène à l'intérieur du stade mais yuan n'emprunte pas celui-là, grimpe dans les escaliers en bois qui mènent tout droit aux gradins, là où la vue sur le terrain et l'école est imprenable. "on sera tranquilles ici." qu'il affirme en s'installant sur un des bancs, laissant totu l'espace à kavi pour s'asseoir où il veut.

à l'ordre-demande, kavi s'exécute sans discuter davantage. les pieds traînent un peu, pour retarder l'instant où il devrait tout expliquer, tout justifier, alors que les plaies sont encore ouvertes et brûlantes. le chemin est emprunté, les escaliers gravis deux à deux. face à lui, la vue est fantastique, probablement - mais son attention est ailleurs, comme toujours. parce que kavi l'observe lui, dans toute sa complexité ; il semble toujours un peu moins grand, les traits tirés par la fatigue (l'entraînement, sans doute), et ses mèches sont perlées de gouttes d'eau intarissables. son visage reste impassible, alors qu'il s'assied le plus près possible de son corps, leurs genoux séparés par un rien. "you should maybe dry your hair, or you'll catch a cold." attention maladroite ; il n'a plus le droit de se préoccuper de lui, pas après l'avoir abandonné aussi lâchement. ses jambes s'étirent, le corps se raidit. il sait qu'il est censé parler, maintenant, mais ignore par où commencer. alors il choisit le plus évident : "i'm sorry i left without saying a word. i didn't mean to hurt you." c'est un bon début.

le regard rivé sur le terrain-gouffre qui s'étend totalement devant eux, ses coudes sont posés sur le devant de ses cuisses, les doigts entremêlés dans un poing nerveux. il n'ignore pas le peu de distance qu'instaure kavi entre eux, la colère n'est qu'un voile faible qui se troue par la douce et effrayante chaleur que son corps si près du sien lui a toujours fait subir, même encore après une année. la pointe du pied tape au sol sous le stress envahissant sa jambe, spams frénétiques qui ne s'arrêtent que lorsque le chanteur prend la parole. la bonne vieille habitude qui lui arracherait presque un semblant de sourire, il passe sa main dans ses cheveux pour que, d'un sort informulé, ils sèchent totalement, stoppant le frais qui s'engouffrait contre son crâne par le vent. il observe ensuite les mouvements de l'homme à ses côtés du coin de l'œil et s'acharne sur sa lèvre inférieure lorsque les excuses sont présentées. "yeah... you left me jobless." comme si c'est tout ce qui comptait et, dans le silence, il cueille les mots qu'il a toujours eu du mal à sortir. "je croyais qu'on était... proches." la parole est lourde à haute voix, craquelée par la confiance rare détruite sans aurevoir. "anyway." mais se rétracte si vite sous les confessions dérangeantes.

c'est presque comme s'il n'était jamais tout-à-fait parti, maintenant qu'il se retrouve à nouveau proche de lui ; comme si leur duo un peu biscornu avait conservé l'ensemble de son atypique complexité et que des mois d'absence ne possédaient pas le pouvoir de changer cette vérité. un sort plus tard et ses mèches retrouvent leur éclat, demeurent chaotiques comme le serait un village après le passage d'une tornade dévastatrice - kavi s'y perd un instant et éclipse le but de sa présence ici, comme hypnotisé, avant que le bruit étouffé de son talon contre le sol ne rattrape son attention désarticulée. les mots lui tirent un sourire, qu'il n'a pas besoin de feinter comme tous les précédents qu'on lui a tirés depuis son retour, malgré le sérieux de leur discussion - he can't help it. la taquinerie à demi voilée de vérité est somme toute méritée, et kavi renvoie l'ascenseur, retrouve gaiement le jeu qui a toujours bercé leur flirt amitié avant qu'il ne s'enfonce dans son royaume de ruines.

"your true face is finally revealed, i knew you hated me." réponse immédiate avec le même entrain d'antan, une arrogance factice qui ne doit plus tant berner yuan. pour autant, il la conserve, ne sait pas vraiment faire sans le sien, de masque. "that's pretty much why I didn't have the guts to tell you anything - about all of this. pandore was the only one to know, and she kinda find out because she knows me too well for her own good, not because i told her." à parfois regretter intensément leur proximité, qui fait autant leur force que leur faiblesse. "i was afraid to disappoint you. still am." il ne sait faire qu'avec le vide qui berce sa vie, incapable de donner de raison valable à sa fuite - peut-être de peur qu'on y trouve des solutions, à cet instant, une excuse pour pousser toujours plus son âme à l'épuisement, là où son corps ne trainait plus la moindre énergie, là où son esprit s'était étanché de la moindre parcelle d'inspiration. "i don't know if leaving was the best thing to do and i really regret how i did it, i swear. but time passed and it was just fuckin rude to comeback to you - to any of you, with no reason. no plan. i don't even have a proper explanation to make it up, to be honest. at some point everything was just too, much to handle ; the tour, the expectations, the accident." the drugs. mais les lèvres restent scellées quant à ce secret qu'il n'est pas prêt d'évoquer à haute voix, de peur d'y donner soudainement trop d'importance. à la place le corps pivote de nouveau vers lui, envieux de lui transmettre tout ce qu'il ressent. "i'm really sorry yu'."