house of memories —

Les jours étaient devenus semaines, les semaines étaient devenues des mois. Et les trois mois de leur relation s'approchaient à grand pas, faisant doucement sourire le plus âgé même si ce dernier savait bien qu'ils n'auraient pas l'occasion de les souhaiter. Parce que leur histoire serait terminée d'ici ce soir et qu'il sera probablement décrit comme le méchant de l'histoire. Rôle qu'il acceptait déjà d'avance, sans se plaindre une seule fois, en sachant pertinemment que ce n'était qu'une vérité qu'il ne pouvait nier : il était un idiot dans ses actes et paroles, n'était pas l'homme parfait que Kouta semblait croire qu'il était. Il ne méritait pas d'être le petit-ami de Kouta de toutes façons, se sachant loin d'être la personne idéal avec qui ce dernier pourrait sortir. Et il allait mettre fin à leur histoire après lui avoir proposé une journée parfaite, une journée qui lui permettrait de pas trop souffrir lorsqu'il repensera au temps qu'il avait perdu auprès d'Eiso.

C'est pour cela qu'il avait été le chercher dans une envie soudaine d'aller se promener dans la "nature" en sa compagnie, de se perdre un peu dans ses bras avant de lui briser le cœur. Sa main dans la sienne, il observait les divers arbres et plantes qui se regroupaient en se tournant de temps à autre vers le plus jeune pour lui parler de ce qu'il ressentait. " — Je suis content d'être venu me balader ici avec toi, je trouve que c'est un endroit plaisant. Tu ne penses pas ?" L'interrogeant sur ses ressentis, il finissait par rejoindre le bas d'un arbre coloré de bleu. Il savait donc que le salon était libre, ce qui était parfait à ses yeux. Alors, une fois installé dans le salon à ciel ouvert, il se tournait doucement vers son petit-ami, la mine aussi tendre que possible. " — J'espère que tu passes une bonne après-midi ? Parce que c'est tout ce que le kasai espérait en cet instant.

Kouta nageait au paradis. Pour sa première relation, il avait l’impression que tout se passait bien : Eiso prenait soin de lui, était toujours très gentil avec lui, au point que ça le touche profondément dans le cœur. Ça faisait longtemps, qu’il n’avait pas vécu une telle gentillesse, ne s’était pas senti aussi aimé, apprécié. Et sans doute se noyait-il là-dedans en ignorant tous les signaux contraires (un petit-ami trop gentil, trop parfait, n’était-ce pas parce qu’il jouait un rôle ?), car il refusait de voir la vérité en face. Comprendre qu’il n’était pas aimé, du moins, pas aimé comme ça. Il n’était pas la personne la plus importante aux yeux d’Eiso, et Eiso n’était pas non plus la personne la plus importante aux yeux de Kouta. Eiso aimait quelqu’un d’autre, Kouta aussi ; pourtant, ils sortaient ensemble, ayant essayé de se convaincre qu’ils pourraient marcher, ensemble (mais donner seulement un bout de cœur à l’autre n’était pas suffisant pour tomber amoureux).

Kouta naïf, ne se doutait pas que le jour fatidique était arrivé. Il serrait la main d’Eiso, observant la nature à leurs côtés, le cœur en paix. Ils avaient passé une belle journée, elle n’avait pas de raison de mal se finir, pas vrai ? « Moi aussi, » admit Kouta, petit sourire aux lèvres. Il se tourna vers Eiso, le regard tranquille, calme, confortable. Kouta se sentait bien, parce qu’il se sentait aimé (il ressemblait enfin aux autres, avec un petit-ami à ses côtés ; lui aussi, pouvait être aimé !). Installés tous les deux dans le salon, sous un arbre bleu, Kouta hocha vivement la tête, les yeux presque éclairés d’étoiles. « Très bonne, et toi ? » Il ignorait la mine trop tendre d’Eiso, l’atmosphère un peu étrange sur le point de s’installer : Kouta ne voulait pas y croire.
Il voulait croire qu’il pouvait être aimé comme tout le monde.

La torture se faisait lente et douloureuse dans l'esprit lorsqu'elle s'écoulait dangereusement dans les veines de celui qui s'apprêtait à briser le cœur d'une des seules personnes qui avaient osées s'aventurer dans une relation amoureuse avec lui. D'un point de vue extérieure, lorsque l'on ne savait pas ce qui le liait à un autre, on pourrait croire que c'était par peur d'être blessé qu'il préférait blesser en premier mais la vérité était toute autre. Évidemment, il mentirait s'il disait qu'il n'avait pas peur de finir le cœur broyé mais ce n'était pas Kouta qui l'effrayait en cet instant, mais un autre. Le seul qui pouvait se vanter de faire battre légèrement, presque de façon invisible, le cœur d'encre noir qui s'agitait sur la poitrine du plus âgé. Pourtant, c'était auprès de Kouta que Eiso avait su trouver un semblant de bonheur, quelque chose qui se rapprochait assez de sa vision de la joie qu'il en avait oublié que les sentiments devaient entrer en jeu un jour ou l'autre. Alors il avait attendu, s'était terré dans la patience et l'attente d'une révélation qui n'était pas venue même s'il le savait. Il était conscient de cet attachement qu'il ressentait envers son cadet, de cette envie de le garder à ses côtés même s'ils n'étaient pas destinés à être ensemble. Parce que Kouta méritait mieux que lui, et que Eiso ne voyait plus que par Keita. Keita et sa façon de tout foutre en bordel dans sa tête même lorsqu'il n'était pas à ses côtés.

Sûrement était-ce pour cela qu'il avait emmené Kouta dans un lieu où il n'était jamais venu en présence de son colocataire, désirant se trouver dans un endroit où il pourrait se consacrer une dernière sur Kouta et juste lui. Le sourire aux lèvres, sa main dans la sienne, il feignait une humeur exquise, quelque chose d'assez parfait pour que le daichi ne se doute de rien et qu'il puisse avoir un dernier souvenir parfait de leur dernière journée en tant que couple. Et ils s'installaient enfin en haut d'un arbre, Eiso restant près de Kouta pour le sentir contre lui alors qu'il hochait la tête. " — Je n'aurai pas rêvé mieux comme journée à tes côtés." Il n'aurait surtout pas rêvé mieux comme dernière journée avec lui, aimant se trouver à ses côtés même s'il savait que c'était sûrement la dernière fois avant un long moment. " — Je viens rarement ici mais c'est toujours aussi bien à chaque fois, c'est vraiment l'un des endroits les plus apaisant qu'on puisse trouver sur l'île." Il en avait certainement déjà parlé la première fois qu'ils étaient venus ici mais il ne pouvait s'empêcher de mentionner une nouvelle fois cette information si précieuse à ses yeux. " — Est-ce que tu veux boire ou manger quelque chose ?" Tentative vaine d'allonger le temps, de repousser au maximum le moment crucial où il viendrait briser le cœur de celui qui s'était offert à lui sans se méfier de ce qu'il pourrait lui faire.

Kouta se sentait en paix. Là, dans ce splendide endroit, accompagné de son petit-ami. Il avait l’impression d’être le personnage principal d’un roman et l’être pour la première fois, ça lui faisait du bien. Ça le faisait croire qu’il pouvait être heureux aussi, malgré le fait qu’il était pauvre, cracmol, et peu attirant. Ignorant, ne se doutant de rien, il ne savait pas ce qui allait lui arriver dans les prochaines minutes ; pour l’instant, le cœur en paix (la paix avant qu’un tremblement de terre n’émèche la surface). « C’est vrai, » admit Kouta, sourire aux lèvres en regardant Eiso. Son petit-ami était si parfait, comment ne pas l’aimer ? L’image d’Alma venait en tête, mais il l’effaçait rapidement, se concentrait sur les traits d’Eiso (c’était Eiso qu’il aimait, Eiso qui l’aimait en retour, comment ne pas être heureux ?). « Non, et toi ? » Mais plus il observait Eiso, plus il avait l’impression que quelque chose n’allait pas. Comme si Eiso avait quelque chose qui lui trottait derrière la tête et qu’il cherchait l’opportunité pour tout avouer, mais quoi ? Innocent, Kouta se disait que c’était une demande un peu embarrassante qu’il voulait lui faire (un truc du genre, viens habiter chez moi, ou alors, j’aimerais t’emmener en vacances quelque part — pas un rompons). Il pressa la main d’Eiso dans la sienne, lui sourit légèrement, se voulant réconfortant. « Ça va ? » demanda-t-il, le regard doux sur son petit-ami. Donnant le bâton pour se faire battre.

Dans une autre vie, un autre univers, il était persuadé que sa vie aux côtés de Kouta serait certainement celle qui lui était véritablement destinée. Comme deux bougies jumelles qui brillaient simultanément et qui se consumaient en même temps. Peut-être était-ce ce dont Eiso aurait toujours rêvé, ce qu'il aurait aimé avoir plus que tout. Mais dans cette vie, il n'était destiné à rien d'autre que faire souffrir (ne serait-ce que temporairement) l'homme qui se tenait à ses côtés, comme si la vie n'était pas déjà assez cruelle comme cela. Le sourire aux lèvres, il jouait cependant son rôle à la perfection, désirant laisser de bons souvenirs pour leur dernier moment ensemble. S'exprimant cependant sur son ressenti vis-à-vis de l'endroit où ils se trouvaient, parce que c'était plus simple que de parler de ses propres ressentis. De ces sentiments qui sont si contradictoires mais qui doivent pourtant mener à une prise de décision importante si le kasai ne voulait pas faire souffrir tout le monde. Parce que, plus le temps passait, et plus le monde autour de lui souffrait de ses actes et paroles. Lorsque la réponse négative de Kouta vint jusqu'à ses oreilles, il haussa les sourcils sans même s'en rendre compte avant de réagir. — Oh. Non, c'est bon, j'irai boire après- enfin en rentrant !" Le sourire presque trop doux sur les lèvres, Eiso l'observa avec attention avant de serrer sa main dans la sienne. " — Oui !!! Enfin, oui, ça va. Ne t'en fais pas." Se penchant doucement vers lui, ses lèvres venaient à la rencontre de sa joue en espérant gagner un peu de temps. Venant se redresser, il l'observait avant de reprendre la parole. " — C'est juste que... il faut qu'on parle, Kouta." Mais le moment fatidique était enfin arrivé, annoncé si simplement que s'il disait un simple "bonjour". " — Tu sais, je suis vraiment heureux à tes côtés, surtout depuis qu'on est ensemble. Avant toi, je n'avais pas eu de relations amoureuses depuis... des années ? Ma dernière relation s'était très mal terminée et je refusais de me mettre en couple avec quelqu'un d'autre, encore moins de tomber amoureux. Enfin, c'est compliqué ce que je dis. Mais je suis vraiment heureux à tes côtés. Depuis qu'on est ensemble, j'ai pu prendre conscience que j'avais le droit au bonheur moi aussi, tu vois ?" Marquant une légère pause, il reprenait son souffle avant de s'enfoncer dans son siège. " — Et... je pensais que c'était la meilleure chose qui pouvait m'arriver, parce que tu es génial. Tu es parfait, tu sais ? Plus parfait que n'importe lequel des hommes que j'ai pu rencontrer jusqu'à maintenant. Mais... je pense que je ne suis pas celui qu'il faut pour toi, Kouta ? Tu mérites quelqu'un de bien, quelqu'un qui.. n'a des sentiments que pour toi. Et je suis vraiment désolé, tu n'imagines pas à quel point. J'ai essayé de l'oublier et de ne penser qu'à toi, de ne pas laisser mon affection pour lui emporter sur tout ce que je ressens pour toi." L'impression soudaine de marcher sur les œufs venaient s'éprendre de lui alors qu'il lâchait sa main, n'étant pas certain que Kouta veuille encore le toucher après tout ce qu'il lui disait. " — Je pense que... on doit rompre." Les derniers mots sonnant dans une voix bien trop grave, il baissait le regard avant de reprendre la parole une dernière fois. " — Je suis vraiment désolé... je n'ai jamais voulu te blesser." Tant de paroles sans jamais parler de celui qui possédait son cœur depuis des années sans qu'il ne le sache, sans parler de celui qui partageait bien plus qu'un logement avec lui.

Toutes les précédentes paroles d’Eiso s’étaient faites aspirer dans un tourbillon dès lors qu’il avait dit qu’il fallait qu’ils parlent. Parler ? Mais parler de quoi ? Eiso avait beau serrer sa main, lui planter un baiser sur sa joue, c’était trop tard, tout le bonheur s’était écroulé comme un château de cartes. Eiso commençait à parler. « Tu sais, je suis vraiment heureux à tes côtés, » non non, non. Non, ça commençait trop bien, ça ne pouvait pas être ça, Eiso avait trop tenté de le rassurer avant de parler, il aurait pu dire ça dès qu’ils s’étaient assis mais il ne l’avait pas fait parce qu’il voulait lui dire quelque chose d’autre. Il avait préparé le terrain, fait en sorte que le sol ne soit pas trop dur, pas trop cornu, qu’il y ait des matelas dessus ; mais peu importe l’état du sol, une chute de cent mètres faisait quand même mal. Kouta se sentait avancer vers le bout de la falaise, pouvait presque voir le gouffre dans lequel il allait tomber (non non Eiso s’il te plaît, non, non !). « Depuis qu’on est ensemble, j’ai pu prendre conscience que j’avais droit au bonheur moi aussi, tu vois ? » Kouta était désormais face au vide, la boule au ventre, le regard scrutant la moindre expression d’Eiso. Eiso ne le regardait pas. « Et… je pensais que c’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver, » le sol sur lequel il se tenait s’effritait, il manquait de perdre l’équilibre, de tomber à la renverse, « Mais… je pense que je ne suis pas celui qu’il faut pour toi, Kouta ? »
Kouta chuta.
Chute libre, il voyait le ciel devant lui et se disait, ah, qu’il était beau, ce ciel bleu ! Ce ciel bleu sans nuages, cette journée parfaite, ce n’était pas un jour où on versait des larmes normalement ; et pourtant. « Tu mérites quelqu’un de bien, quelqu’un qui… n’a des sentiments que pour toi. » Kouta se prit une branche qui trancha sa peau, fit gicler le sang, témoin des gouttes de son propre sang qui volaient en l’air. Eiso était amoureux de quelqu’un d’autre. « J’ai essayé de l’oublier, » Kouta ferma les yeux, le cœur réduit en miettes, le corps se préparant désormais à l’impact ; la main abandonnée par Eiso (le cœur abandonné).
« Je pense que… on doit rompre. »
Kouta s’écrasa au sol. Il entendit quelque chose craquer dans son dos, sûrement quelques uns de ses os. Le crâne lui faisait mal, il devait perdre du sang, tellement de sang, mais la douleur n’était rien face aux mots qu’Eiso venait de prononcer.
« Je suis vraiment désolé… je n’ai jamais voulu te blesser. »
Et Kouta était là, allongé au sol, gisant dans son sang, entre la mort et la vie. Il n’était pas fait pour être aimé. Il le savait. Eiso n’avait été qu’une illusion. Qu’un pansement pour se faire croire qu’il pouvait être aimé et aimer quelqu’un d’autre qu’Alma, mais non. Non, la vie ne marchait pas comme ça.
Parce qu’Eiso aussi, s’était servi de lui.
Avait tenté de tomber amoureux de lui alors que son cœur était déjà pris.
Il le savait pourtant, Eiso lui avait dit dès le départ qu’il voulait bien essayer.
Il ne lui avait rien promis.
Alors pourquoi Kouta en était aussi blessé ?
Pourquoi est-ce qu’il se sentait autant trahi ?
Pourquoi est-ce qu’il s’était autorisé à imaginer autant de choses avec Eiso ?
Imaginer un futur heureux, où ils iraient découvrir encore plus d’endroits ensemble, partiraient en voyage, riraient dans les bras l’un de l’autre, emménageraient ensemble, choisiraient leur mobilier, se moqueraient des goûts de l’autre, cuisineraient l’un pour l’autre, s’endormiraient sur le même lit ?
Pourquoi avait-il été aussi naïf ?

Kouta ne répondit rien. Il n’avait pas repris la main d’Eiso, il n’avait pas relevé son regard sur Eiso. Il regardait le sol, regardait le paysage en face d’eux, et reconnut les cadenas, censés représenter des promesses infinies, des vœux qu’on souhaitait exaucés. Kouta et Eiso avaient placé un cadenas. Ils s’étaient promis de s’aimer jusqu’au bout.
Encore un menteur.
Les larmes aux yeux, la gorge serrée, Kouta serra ses mains et se leva. « Si tu voulais rompre avec moi, il n’y avait pas besoin de prétendre qu’aujourd’hui était une journée normale. Tu n’avais pas besoin de jouer avec mes sentiments comme ça. Tu n’avais pas besoin de prétendre de m’aimer. Tu pouvais me dire les choses directement. Pas besoin de passer par autant de chemins. Au final, le résultat est le même. » Il tourna sa tête vers Eiso, et une larme coula sur sa joue, Kouta se pinçant les lèvres. « J’ai mal, Eiso, » gémit-il. « J’ai mal. » Il s’avança ensuite vers la rambarde avec les cadenas, et fouilla parmi eux pour essayer de trouver le leur, mais il y en avait tellement, où est-ce qu’ils l’avaient mis, déjà ? Si, Kouta s’en souvenait, parce que c’était la première fois qu’il avait fait ça et que son cœur avait tellement bondi dans sa poitrine qu’il avait gravé ce souvenir dans sa tête (voulait l’effacer, à présent). Et le voilà, il était là, ce foutu cadenas, et il sentit Eiso juste derrière lui, peut-être en train d’essayer de comprendre ce qu’il était en train de faire : alors Kouta se redressa, la main fermement attachée au cadenas. « Brise ça, » supplia-t-il. « Brise-le. Parce que tu m’as menti. Alors brise-le. Brise le cadenas, puisque tu as brisé ta promesse. » Tu as promis de m’aimer pour toujours et en fait, c’était un mensonge dès le départ : car tu ne m’as jamais aimé. Tu n’aimais pas Kouta.
Tu aimais Keita.

Il avait tenté, en vain, d'éviter l'inévitable, de repousser ce qui ne pouvait être annulé, et s'était écrasé au sol à vitesse grand v lorsqu'il avait compris qu'il ne pouvait plus faire marche arrière. Parce que ce serait lâche de sa part de ne pas mettre fin à cette relation qui maintenait les deux protagonistes dans une situation de faux bonheur alors qu'ils avaient sûrement un bonheur encore plus éclatant dans les bras d'autres personnes. Mais Eiso ne voulait pas faire souffrir Kouta, n'avait jamais voulu le faire souffrir une seule seconde et ne pourrait sûrement pas supporter de faire souffrir le cœur de celui qu'il affectionnait tant. Si l'amour, avec un grand A, ne s'était pas instauré dans son cœur, il ressentait pourtant une affection sans limites pour le daichi et ne pouvait la cacher derrière les paroles pourtant sincères. Il ne voulait que son bonheur, que son bien, mais était celui qui allait le détruire pour lui permettre de mieux se reconstruire. Alors, les paroles s'enchainaient entre ses lèvres, venant couper le fil du bonheur et de l'amour naissant pour ne laisser que douleur et tristesse. Et le choc ne vint qu'une trentaine de secondes plus tard, lorsque les paroles du plus jeune eurent le temps de faire le tour entier de son cerveau et qu'il capta toutes les émotions exposées aux yeux de tous. " — Kouta..."

Il ne pouvait pourtant pas nier le fait qu'il avait raison, que Eiso avait eu tort de vouloir enrober la douleur dans du sucre perlé et de la camoufler avec du colorant rose bonbon. Il avait cependant espérer que cela faciliterait ce qu'il allait faire, que cela permettrait à Kouta de ne pas trop souffrir. Parce qu'il ne pouvait pas l'aimer aussi fort que cela, non ? Personne n'aimait jamais autant Eiso, pas assez pour souffrir en tout cas, alors il avait préféré se rendre aveugle plutôt que d'appréhender la vérité. Mais Kouta n'était pas Shilo, Kouta l'aimait vraiment. Sauf que Kouta n'était pas non plus Keita, n'était pas celui avec Eiso avait besoin d'être pour se sentir entier même s'il l'aidait pourtant à se sentir lui-même. Il garda donc le silence, le laissant se lever après avoir sentit son cœur se serrer à la vue de la larme solitaire. Mais il le suivit, espérant comprendre ce qu'il désirait faire avant de sentir le sol s'effondrer sous ses pieds à la demande de l'âme éplorée. " — Non." Il n'avait même pas pris le temps de réfléchir avant de répondre, sachant déjà que sa réponse serait négative. Il s'approchait doucement, avec précaution, avant de venir essuyer la larme du bout de son pouce, osant à peine toucher à celui qui était encore son petit-ami quelques minutes plus tôt. " — Je ne peux pas faire ça, Kouta. Je... je n'ai pas brisé ma promesse, tu sais ? Mes sentiments pour toi, ils sont toujours identiques, toujours présents. Mais... ils ne sont pas ceux d'une personne amoureuse. Et ils ne changeront jamais, ne disparaitrons jamais. Parce que je tiens à toi, pour de vrai. Je tiens vraiment à toi et je ne peux pas briser ce cadenas parce que cela voudrait dire que... nous aussi, on serait brisés entièrement." Pourtant, il le voyait bien que Kouta souffrait des aveux qu'il avait fait, ce qu'il avait pourtant essayé d'éviter le plus possible. " — Je n'ai jamais joué avec tes sentiments, Kouta. Tu es une personne spéciale à mes yeux et tu le seras toujours, tu auras toujours une place unique dans ma vie et je veux pas que tu penses le contraire, d'accord ? Et je sais que tu as mal, j'en ai conscience..." Mais que pouvait-il faire pour alléger la douleur de celui qu'il avait tant aimé chérir ? Si ce n'était oser l'improbable ? C'est ce qu'il fit, s'approchant pour l'entourer de ses bras, se doutant qu'il serait sûrement repoussé dans les minutes, voire les secondes à venir. " — Tu peux me haïr, tu peux même vouloir que je disparaisse de ce monde, mais ne me demande pas de briser notre cadenas. S'il te plaît. Je pourrais supporter tous les supplices que tu veux, toutes les tortures imaginables ou non, mais pas cela." La tête non loin de la sienne, bien qu'il se sentait petit, il fermait les yeux avant de répondre. " — Tu mérites d'être aimé de la bonne manière par quelqu'un de bien, par quelqu'un qui te donnera plus que de l'affection et qu'une protection. Tu mérites le bonheur, Kouta. Et je suis vraiment désolé que... ce ne soit pas auprès de moi. Je sais qu'on aurait pu être heureux ensemble, qu'on aurait pu vivre longtemps même, mais je ne voulais pas te mentir plus longtemps." Parce qu'il connaissait la douleur d'un cœur brisé et ne pouvait l'imposer à autrui.