Snorri se tient debout. Son coude droit se trouve sur la paume de sa main gauche, sa main droite au-dessous de son menton, afin de simuler un état d'interrogation dans lequel il ne se trouve pas vraiment. Sa chaise est à côté de lui, mais il ne s’assoit pas. Dans un mouvement savamment étudié, il lève la tête en plissant les yeux, s’assurant de montrer, par toutes les rides de son corps, qu’il se trouvait dans un état de profonde réflexion. Au milieu de la cafétéria, il ne se soucie pas de l’image qu’il renvoie. Les gens se sont trop habitués à son caractères excentrique pour que la moindre attention ne lui soit accordée. À cette heure de la journée, Yakiniku n’est pas ardemment fréquentée. Les personnes présentes ne relèvent pas la tête, concentrées sur leur travail, leur nourriture ou leur discussion. Si Snorri était plus intelligent, il arriverait probablement à percer la carapace de l’impassibilité japonaise, et se rendre compte que son comportement exaspérait les étudiants asiatiques. Il s’en doute probablement, certains lui ont dit qu’il était un parfait imbécile. À ceux-là, il leur répondait, avec le sourire, qu’il était un imbécile heureux.
(Il préférait passer pour un sorcier stupide que pour un loup monstrueux.)
Le jeune homme jette un œil à son téléphone, afin de vérifier l’heure. Son apprentie allait arriver d’une minute à l’autre. C’est le temps de préparer ses poses, de sortir le grand jeu et de l’i m p r e s s i o n n e r, pour montrer que dans cette aventure, il méritait le rôle de Sherlock. Un regard à la table suffit pour voir que ses effets personnels sont savamment dispersés, son carnet est ouvert sur une page dans laquelle il a déjà commencé à écrire, ce qui montrerait qu’il avait préparé la rencontre en amont (non). Sa plume est posée dans une diagonale impeccable, à en faire frémir Death the Kid. Des photos sont face verso, afin de préserver l’élément dramatique au moment où il les retournera. Il a déjà pratiqué 14 fois son exclamation de surprise. ♡ Différents versions du menu de la cafétéria sont imprimées, en noir et blanc, parce qu’il n’avait plus suffisamment d’argent pour utiliser la cartouche de couleur. La touche finale, la plus importante, se trouve dans le coin supérieur gauche, une casquette qui avait appartenu à son grand-père maternel (on ne pouvait pas faire porter le chapeau à Fenrir, sur tout !) Oui. Snorri avait tout prévu. Dans. Les. Moin-dres. Dé-tails. ♡
Prenant la boîte sur la table, seule ombre au tableau steampunk/rustique/britannique, il en sort un Pocky, qu’il met dans sa bouche, à la manière d’une cigarette. Il se connait bien. Il ne la croquera pas. Il a choisi la saveur qu’il aimait le moins, le matcha, pour s’assurer de ne pas le manger et de conserver son apparence casuelle et décontractée de détective au-dessus de ses moyens.
« Je vous attendais. » Snorri se retourne vers la jeune femme, en hochant la tête. « Merci d’avoir apporté les boissons. » Le plan de travail est maintenant complet. Habituellement, il fallait du thé pour une telle investigation, mais pour celle-ci, il avait besoin de vivifier son corps et son esprit, d’avoir des ailes qui lui permettraient de voir le problème sous une autre perspective. Emi le connait bien, elle sait qu’il ne peut pas travailler sur une enquête sans avoir son Redaeth.
Le prenant entre son pouce et son majeur, il le lève à la hauteur de ses yeux. « Salt Fruit. » lit-il. La saveur tombait à point. Il était extrêmement salé. Pour une raison importante. Le déposant sur la table, il observe sa collègue. D’un ton grave, il lui annonce la funeste nouvelle.
« Les mochis ont disparu du menu de la cafétéria. » Il lève la main pour inciter la Emi à se calmer. Prenant une bonne inspiration, il se force à rester calme en dépit de la situation angoisse, incitant la jeune femme à ne pas paniquer. Leurs pires craintes s’étaient avérées concrétisées. « Je sais. Je sais. » Le volume de sa voix diminue, dans une apparence de résignation, mais ce n’est que pour donner plus d’éclat à sa résolution, et à ses belles dents qu’il venait tout juste de brosser. ♡
« Nous allons donc enquêter, ensemble, sur la disparition des mochis du menu de la cafétéria Yakiniku. » Sortant son téléphone de sa poche, le jeune homme tapote à toute vitesse, levant un œil vers son acolyte. « Je fais un [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] pour rassurer la population étudiante et leur assurer que nous sommes sur l’affaire. » Il range le précieux gadget dans sa poche. « Je ne pourrais pas accomplir cette mission, seul. J’aurais besoin de ton aide. Je suis terre-à-terre, mais cela ne me suffit pas, sur ce coup-ci, je pense que nous aurons besoin de ton éclair de génie. » Terre. Daichi. Éclair. Denki. Décidément, il avait de l'esprit. Comme quoi le Redaeth faisait déjà effet !
Snorri mordille le Pocky et sort un bloc-notes de sa poche arrière, un stylo à la main, délaissant tout son arsenal. La table, c’est plus pour faire stylé que consigner les données importantes de leur investigation. Et aussi pour leur Insta, il faut l’avouer. ♡
« Avons-nous des suspects? » demande-t-il à sa camarade, avec sérieux, attendant sa réponse.
Chers mochis. Ce n’est qu’une question de temps.
Justice sera enfin rendue.
« Papaaaaa ! Tu trouves que ça fait détective, ça ? »
Emi descendit l’escalier de leur maison à Fuji, vêtue d’une veste en tweed trouvée dans un placard. Depuis qu’elle était petite, Emi avait l’habitude de fouiller dans les affaires de ses parents pour se déguiser. Certains vêtements avaient même fini dans sa propre garde-robe, à l’instar du pull jaune de son père, devenu depuis son préféré.
« C’est beaucoup trop grand pour toi, Emiko. » Emi tapota sa baguette deux ou trois fois sur la veste, l’ajustant ainsi à sa taille. « Comme ça c’est mieux ? » Yeux à peine levés de ce qu’il était en train de lire, Yasha sourit. « Un détective, c’est censé être discret. Tu vas attirer l’attention habillée comme ça. » Une voix s’éleva dans la pièce d’à côté. « C’est encore un de tes jeux ? » La Denki fronça les sourcils, et l’ampoule au plafond se mit à clignoter. « Ce n’est PAS un jeu, maman ! C’est très très sérieux ! » Elle referma les boutons de la veste. « C’est une question de vie ou de mort, on enquête sur la disparition des mochis du menu de la cantine ! » Les parents éclatèrent de rire, et Emi se renfrogna tandis que les lumières s’éteignirent totalement.
« Pfff, vous comprenez rien ! J’y vais, Snorri m’attend. Et oui, c’est bon, pas la peine de me dire de faire attention, blablabla, je sais que je devrais pas lui faire confiance, mais un jour vous comprendrez. Puis Papa t’es le premier à dire qu’on n’est pas sa famille je te le rappelle. Bon aller ciao, à plus ! » Et elle se dirigea la tête haute vers la porte d’entrée, sans jeter un regard vers ses parents. Son père l’avait entraînée depuis son enfance pour qu’elle devienne un agent de terrain et lutte contre le Ministère… mais il n’était pas serein à l’idée qu’elle fréquente le petit-fils de Greyback. Alors qu’il suffisait de passer quelques minutes avec Snorri pour se rendre compte qu’il n’y avait pas plus inoffensif que lui. Inoffensif, sauf quand il s’agissait de retrouver le coupable de la disparition des mochis… Aucune pitié, pour mener à bien leur enquête.
Après avoir fait un détour par le konbini, Emi pénétrait dans la cafétéria de Mahoutokoro. Sur le seuil de la porte, elle balaya l’ensemble de la salle du regard, à la recherche de son acolyte. Elle le trouva près d’une table remplie de divers objets, qu’elle identifia les uns après les autres au fur et à mesure qu’elle se rapprochait. « Woaaaah j’adore ta casquette ! » Large sourire à Snorri, mais contrairement à son habitude, il resta extrêmement sérieux. Alors Emi se reprit instantanément et déposa les boissons qu’elle venait d’acheter sur la table de la caféteria. Du Redaeth pour le loup-garou, et un matcha glacé aromatisé à la mûre pour elle. Il leur faudrait au moins tout ça pour avancer sur leur enquête. « Cher Détective Greyback, pouvez-vous me rappeler l’ordre précis de la mission du jour ? » Elle avait les mains qui tremblaient – la disparition des mochis n’était jusque-là qu’une rumeur, simple menace qui planait au-dessus d’elle sans qu’elle n’ait le courage de vérifier. L’air grave de Snorri lui confirma que le pire était arrivé, avant même qu’il n’ait le temps de parler. Les larmes aux yeux, Emi hocha la tête et vida la moitié de sa boisson fraîche.
« Vous pouvez compter sur votre fidèle Emi Watson, je ne vous quitterai pas tant que cette enquête ne sera pas résolue. La disparition des mochis est ma priorité absolue. » Elle ne savait pas si on pouvait vraiment parler d’éclair de génie la concernant, mais nul doute que son entraînement auprès d’AEGIS lui serait fort utile. Après tout, on lui avait même donné des cours d’interrogatoire pour récupérer des informations secrètes. Cette enquête serait une excellente mise en situation. Imitant Snorri, elle attrapa un Pocky et l’avale en deux bouchées. Elle réfléchissait mieux quand sa glycémie était élevée. Son regard balaya la salle, à la recherche de suspects potentiels.
A une table, quelques membres des Three-Headed Dogs semblaient beaucoup trop joyeux pour la situation. « Les joueurs de Quidditch, je suis sûre qu’ils trouvent les mochis trop lourds. En en mangeant, ils ne peuvent plus décoller de leur balai. » A la table d’à côté, plusieurs professeurs sont en plein débat. « Ou alors l’équipe enseignante. Les élèves sont moins attentifs après le repas du midi, ils auraient pu désigner les mochis comme responsables. » A la fin de son tour de salle, son regard s’arrêta sur les employés chargés de distribuer les repas. « Le personnel ! La pâte à mochi c’est collant, et puis les voir toute la journée sans pouvoir les manger, je suis sûre que c’est une torture. » En tout cas, ç’en serait assurément une pour elle.
« Je pense que c’est par là qu’il faut commencer. » Elle indiqua la file des étudiants en train d’attendre leur plateau. « Nous devons nous faire passer pour des élèves normaux, peut-être qu’on réussira à obtenir des informations en ayant l’air innocent. » Se rappelant les mots de son père, elle retira sa veste en tweed et la déposa sur le dossier de la chaise. Instantanément, elle retrouva sa moue un peu enfantine et son regard pétillant. « Tu es prêt, Snorri ? » qu’elle lui demanda avec un clin d’œil.
Pourtant, elle n’avait jamais été aussi sérieuse de sa vie.
On ne rigole pas avec les mochis.
Snorri aime les enquêtes. Il a développé son amour pour les investigations quand il a commencé à lire des romans. Il pouvait les dévorer, seul dans sa classe, au sommet de son arbre, et pendant un moment, il devenait une autre personne, il devenait le héros de sa propre histoire. Ne se fiant pas aux apparences, il cherchait à repérer les véritables coupables. Sherlock a bercé son enfance, lui a fait prendre conscience que ce ne sont pas les apparences qui comptent, que les pires ordures se dissimulaient dans la foule, que même si le sang d’un meurtrier coulait dans ses veines, cela ne faisait pas nécessairement de lui une mauvaise personne.
Le jeune homme affine ses techniques, se pratique, chaque observation lui permet de devenir un meilleur policier, chaque parole renforce son habileté à travailler en équipe. Snorri ne rêve pas de chasser les mages noirs ; il veut seulement prendre soin des gens alentours, et cela commençait en leur assurant que le meilleur repas leur soit servi à la cafétéria. Il fallait retrouver le coupable de la disparition des mochis. Sinon, il allait chialer. ~ ♡
Emi lui assure qu’il pourra compter sur lui. « Merci de ton dévouement. Cela me briserait le cœur de devoir faire appel à Kana Moriarty. » Il pose la main sur son cœur, dans un élan dramatique, regardant loin devant lui, histoire d’avoir l’air de réfléchir davantage qu’il ne le fait véritablement. Emi prend un Pocky, Snorri en reprend un deuxième. Il comprend maintenant pourquoi L de Death Note ne peut pas travailler sur une enquête sans manger des friandises. Ce sucre était nécessaire pour faire fonctionner leurs neurones et peu importe les calories, il les dépenseraient par le biais de leurs intenses réflexions, ma foi, très intellectuelles ! Rien ne creuse plus un appétit qu’une étude de terrain. C’est ce qu’Emi propose. Subtilement, Snorri suit la trajectoire de son regard et s’arrête sur les Three Headed Dogs.
Ses connaissances mythologiques (principalement tirées de ses bandes dessinées et de trois recherches Ecosia) lui permettaient de savoir que le cerbère aimait les gâteaux aux miel. C’est probablement le cas du cerbère grec, mais le cerbère japonais avait peut-être des préférences plus adaptées à sa culture, telles que les haricots rouges ! Snorri prend la parole, mais sa camarade lui dit que les mochis sont trop lourds, qu’en mangeant, il ne serait pas possible de décoller de leur balai. Avec égards, il doit s’opposer à cette opinion. « Comme le dirait un grand auteur, winter is coming. » Snorri se retourne vers sa camarade.
« L’hiver arrive, mais le Quidditch ne part pas. ♡ En mangeant des mochis, les joueurs prennent un poids calculé, leur assurant de demeurer stables sur leur balai, même en cas de grands vents. » La saison froide arrivait, ce qui voulait dire que les matchs seraient terribles. Les lunettes seraient de sortie et les équipes devaient se préparer à toutes les intempéries. Cet embonpoint pourrait bien faire la différence entre la défaite et la victoire. Le nouveau Holmes prévient son amie. « Nous devons demeurer méfiants, Watson, nous ne pouvons pas nous fier aux apparences. Les joueurs de Quidditch ont la réputation d’être des athlètes, mais certains sont aussi connus pour avoir des cheveux magiques. Qui sait si leur estomacs ne le sont pas également ? Ils pourraient digérer des mochis à une vitesse qui n’a jamais été atteinte, qui repousse les limites même de l’humanité, une célérité qui ferait pâlir d’envie la vitesse même du son ! »
Quant à l’équipe enseignante, celle-ci pourrait faire l’objet de suspicions. Snorri les regarde, et considère l’hypothèse d’Emi. Il doit lui accorder raison. Effectivement, les classes sont marquées par des étudiants qui ont un coup de fatigue, vers les alentours de 14h00. Snorri lui jette un regard alarmé. « La situation est pareille, au niveau universitaire. » Il réfléchit, un moment, avant de continuer. « Maintenant que tu le dis, c’est vrai que les professeurs ont pris un peu de poids. La chemise de Karkaroff-san n’a jamais été aussi serrée. » Ce doit être pour cela qu’il porte souvent des cravates. Il tente de cacher les boutons de sa chemise qui menacent d’éclater. Enfin, le dernier suspect se trouvait dans le personnel de la cafétéria. « Le coupable revient toujours sur les lieux du crime. Il pourrait également ne pas le quitter. » Emi avait identifié un mobile potentiel. Maintenant, il fallait passer à l’action et faire une enquête de terrain. « Ce sont toujours les plus innocents dont il faut se méfier. » fait Snorri, en souriant. Il fait un clin d’œil à sa camarade avant de taper dans ses mains, se mordant la lèvre inférieure, anticipant déjà le plaisir de la chasse. Il demeurait un loup, mais rien ne l’empêchait d’être un louloup. ♡
« Séparons-nous. Tu t’occuperas des menus du jour et je me charge des plats à composer. » Snorri est un loup et comme la plupart des siens, aimait griller (ou plutôt, ne pas griller ♡) ses propres viandes. « Il faut déterminer s’il y a des traces de haricots rouges dans les repas qui sont servis, aujourd’hui. Cela nous permettra de savoir si le personnel de la cafétéria avait les ingrédients nécessaires, pour cuisiner les mochis. » Snorri hoche la tête, prend un plateau et se sépare de son amie, se dirigeant vers le grill.
Prenant une paire de baguettes, il inspecte la section des fruits et légumes, dans les étagères, s’assurant de ne pas se faire repérer par un cuisinier. Snorri n’était pas connu pour aimer la nourriture de lapin, il devait s’assurer de maintenir sa couverture. Faisant griller de la viande, il observe les alentours, ne trouvant aucune trace d’haricots rouges. Prenant son assiette pleine, il se balade du côté des desserts. Il veut vérifier où cette piste le mène, et se rend compte, trop tard, qu’il avait bien raison de douter. Snorri passe en caisse et présente sa baguette. Il rejoint Emi à la table.
« De retour au QG. » fait-il. Il ne s’assoie pas, il dépose le plateau, mais conserve les paumes de ses mains sur la table, s’accotant de manière à avoir l’air aussi impressionnant que ses personnages préférés. « Le présentoir à mochis ne contenait aucune trace de farine. On peut supposer qu’aucun mochi n’a été préparé pendant la journée. La section des plats composés ne comporte aucune trace d’haricots rouges. » Une fois son rapport fait, il demande à sa camarade : « Qu’as-tu trouvé de ton côté ? »
Emi n’était pas aussi chevronnée que Snorri en matière d’enquêtes. Sa plus grande enquête, avant de rencontrer le Daichi, avait été de finir en entier tous les épisodes de Professeur Layton. Cependant, même dans les jeux, elle avait été obligée de demander de nombreux indices pour réussir toutes les énigmes (à tel point qu’elle avait souvent usé de son don pour découvrir l’indice, puis revenir quelques secondes en arrière et ainsi éviter de dépenser trop de pièces de triche). Mais l’intense sentiment de satisfaction lorsqu’une énigme était résolue l’avait poussée à accepter de devenir l’assistante-en-chef du Détective Greyback. Et puis, c’était absolument hors de question de laisser sa place à qui que ce soit, personne mieux qu’elle ne pouvait enquêter sur la disparition des mochis. A l’instar du Dr Watson avec Sherlock Holmes, et de Luke avec le professeur Layton, elle serait l’acolyte parfaite.
Et pour être une bonne partenaire, elle avait encore à apprendre beaucoup de Snorri. Elle écouta avec attention ses théories, notamment sur les joueurs de Quidditch. Elle acquiesçait de temps à autres, prenant en note mentalement les étapes de raisonnement du Daichi. « Maintenant que vous en parlez, Détective Greyback, d’étranges scènes me reviennent en tête. Saviez-vous qu’en Norvège, les joueurs de Hockey sur Glace sont pesés la veille de chaque match ? Mon cousin m’a expliqué que les joueurs passaient des heures dans un sauna pour perdre du poids, puis se goinfraient de hot dogs et de viande de renne pour être plus lourds sur les balais le jour du match ! Peut-être que les joueurs japonais ont remplacé le renne par des mochis ? Nous ne pouvons alors écarter l’hypothèse qu’une équipe ait fait retirer les mochis du menu pour prendre l’avantage sur une autre… »
En ajoutant les professeurs et le personnel de la cafétéria, ils avaient maintenant une longue liste de coupables potentiels. « Vous avez raison, il ne faut négliger personne. Il n’y a qu’un esprit fourbe pour être coupable d’un tel crime, sûrement quelqu’un de très doué pour brouiller les pistes. » Et Emi ne pouvait qu’être d’accord avec lui sur la nécessité de se méfier des plus innocents. Elle était l’exemple parfait que derrière un air angélique pouvait se cacher quelqu’un de très entraîné ♡ Avant de partir pour la recherche d’indices sur le terrain, Emi attrapa la plume qui se trouvait sur la table pour recopier sur le carnet de Snorri les différents suspects. Il était important de bien documenter leur enquête, qui sait, peut-être qu’un jour quelqu’un écrira un livre sur leur duo d’enquêteurs. Snorri Greyback et Emi Takahashi : les plus grands mystères de Mahoutokoro.
L’air le plus innocent possible, Emi attrapa un plateau et se dirigea vers la partie que Snorri lui avait assignée : les menus du jour (non sans avoir fait un détour par les entrées et les desserts, juste pour remplir son plateau). Si la Denki avait bien un avantage sur son partenaire, c’était celui d’avoir grandi ici et donc de connaître sur le bout des doigts la gastronomie japonaise. Si elle faisait semblant d’hésiter sur son choix, c’était simplement qu’elle analysait chaque plat pour éliminer la présence de haricots rouges. Mais comme on trouvait les fameux azukis plutôt dans les desserts, leur absence du tableau d’affichage n’avait jusque là rien d’inquiétant. Elle commanda son curry japonais (comme tous les mardis, elle devait garder sa couverture), avant d’entamer la discussion avec Haruna, l’employée de la cafétéria, qu’elle connaissait bien. Après avoir pris de ses nouvelles, elle s’exclama d’une voix innocente : « Tiens, il n’y a déjà plus de mochis ! Vous êtes victimes de votre succès ? » Les mains d’Haruna se mirent à trembler pendant qu’elle versait le riz dans un bol, et elle bafouilla des excuses plus ou moins cohérentes. Emi dissimula son trop grand intérêt pour la question en changeant de sujet, il ne fallait surtout pas qu’elle se fasse repérer. Son assiette de curry fumante, elle remercia l’employée avant de scruter avec attention les autres stands de la cafétéria. Elle fit un détour par l’endroit où l’on posait les plateaux vides, et revint à sa table en laissant traîner une oreille du côté de la table des professeurs…
Contrairement à Snorri qui restait debout, Emi s’assit à leur table et s’attaqua à sa salade de chou. Bien que l’enquête soit sa priorité numéro 1, elle ne pouvait négliger la nourriture. Cependant, elle s’arrêta bien vite de manger quand Snorri confirma qu’aucun mochi n’avait été préparé de la journée. C’était donc pire qu’une simple pénurie. « Aucun plat à base de haricots azukis ne se trouvait du côté des plats du jour. Cependant, j’ai eu un échange plutôt intéressant avec l’une des employées. Elle était au bord des larmes quand j’ai évoqué le manque de mochis, je suis sûre qu’elle en savait plus que ce qu’elle a bien voulu me dire. Elle avait l’air bouleversée, je ne pense pas qu’elle soit coupable. Mais c’est évident qu’elle avait peur… » Elle laissa un blanc théâtral, pour laisser s’installer un côté dramatique. « Je ne vois que deux options : soit il s’agit d’une pénurie de haricots, et dans ce cas, il nous suffit de trouver une autre source d’approvisionnement pour régler le problème. Soit… » Nouveau silence, Emi attrapa le carnet et griffonna un schéma à la va-vite. « Soit nous ne visons pas assez haut dans nos suspects. Réfléchissons un instant : penses-tu qu’une équipe de Quidditch ait l’autorité nécessaire pour faire interdire les mochis ? Quant aux membres du personnel, ils sont en première ligne face aux étudiants en colère, ils ne peuvent pas être à l’origine de cette disparition. Ce qui nous laisse les professeurs, mais j’ai entendu le professeur Ryujinchi, celle qui donne les cours d'alchimie, se désoler de cette disparition. Évidemment, cela ne suffit pas pour les éliminer de notre liste de suspects, mais je pense que nous devrions nous concentrer sur… » Dernière pause dramatique. « … Le Directeur ! » Elle entoura plusieurs fois le nom du suspect principal. Cet homme mystérieux, dont ils ne savaient presque rien, était la figure de pouvoir de l’école. Depuis qu’Emi était petite, on lui avait appris à ne pas se fier aux autorités, que même le Ministère avait ses secrets et ses actions contestées par l’opinion publique. « Cette enquête semble plus compliquée que prévu, Détective Greyback… » Ils allaient avoir besoin d’énergie pour arriver au bout, alors Emi s’empressa de manger avant que son curry ne refroidisse. C’était un plat qu’elle adorait, mais aujourd’hui, il n’avait pas la même saveur que d’habitude, parce qu’il n’était pas accompagné d’un mochi en dessert. « Quelle est la prochaine étape ? Devons-nous interroger des témoins ? Ou nous introduire dans les cuisines pour espionner les employés ? »
Depuis sa plus tendre enfance, il a toujours fait des enquêtes, pour des bonnes et des mauvaises raisons, parce qu’il voulait comprendre, parce qu’il regardait des émissions, dans sa tanière, et se rendait compte que la plupart des monstres étaient, en réalité, des humains se cachant derrière des masques. Il s’improvisait Fred à chaque fois qu’il répartissait les tâches et les endroits à inspecter, mais bien évidemment, il demeurait un bon Britannique. Si son cœur en entier savait apprécier les Mystères et compagnie, le ventricule droit appartenait à Arthur Conan Doyle et le gauche ne devait la vie qu’à Agatha Christie. ♡
Emi est attentive, plus attentive encore que Monsieur Christie, qui fait des bons biscuits, comme à l’habitude, elle complète le portrait qu’il brosse d’une manière qui lui semble si superficielle. Son analyse comparée est tout simplement incomparable. Snorri ne peut que répondre par un hochement de tête, alors qu’il repense aux paroles de sa camarade. Cela serait une conspiration de la part des équipes sportives pour prendre l’avantage sur une autre. Cependant, il fallait demeurer attentif et n’écarter aucune piste à un stade aussi peu avancé de l’investigation.
C’est sur ces mots qu’ils se séparent. Lorsqu’ils se retrouvent, ils se donnent les résultats de leur investigation de terrain. Apparemment, aucun plat à base de haricots rouges ne se trouve dans les plats du jour. Snorri baisse la tête pour regarder le plan de travail, plus ébranlé par la nouvelle qu’il ne voulait l’admettre. « Il s’agit, pourtant, d’un ingrédient de base de la cuisine asiatique. Les étudiants étrangers aiment dire que la fin du monde, ce n’est pas la fin des haricots, mais la fin des haricots, c’est la fin du monde, oserai-je dire, la faim du monde ! » Snorri frappe la table de son poing, faisant tourner les têtes en leur direction, et passe ses mains dans ses cheveux, tentant de penser à une nouvelle manière de mener l’enquête, l’investigation. Pour reprendre son calme, il prend une gorgée de sa boisson énergisante (il faut le pardonner, c'est plus logique dans sa tête ~)
Emi lui fait comprendre qu’ils ne cherchent pas suffisamment loin en lui soulignant que ni les sportifs, ni les professeurs n’ont l’autorité nécessaire pour faire interdire le plat. Snorri ne comprend pas où elle veut en venir jusqu’à ce qu’elle entoure le nom du directeur, l’homme menant cette école à la baguette, au sens propre et figuré du terme. ♡ Il lève la tête vers sa camarade, pris par une soudaine réalisation. C’est à son tour de prendre le crayon pour tracer des idéogrammes et les encercler, jusqu’à temps que la mine se casse et que le crayon ait… mauvaise mine. Jeu de mot de quali-thé supérieure, mesdames et messieurs.
« Toshiko Ryujinchi est la directrice adjointe. » C’est au tour du jeune homme de tracer un schéma rapide des professeurs de l’école et du personnel administratif pour avoir une idée des liens les unissant. « Gin Ryujinchi est désolée de la disparition des mochis… mais elle en sait peut-être plus que nous le pensons. » Après tout, elle a un lien familial avec une des principales suspectes de l’affaire. Snorri adore la professeure, mais il sait pertinemment les conséquences auxquelles sa camarade et lui s’exposent (et en l’occurrence, aussi le compte Instagram éponyme.)
« Si nous poursuivons cette piste, plus rien ne sera comme avant. » La hiérarchie japonaise est stricte et il est mal vu de la remettre en question. Snorri s’assoit, se laisse tomber contre le dossier de sa chaise et se gratte le coin de la bouche, commençant à réfléchir à la prochaine étape. Emi propose d’interroger des témoins ou d’espionner les employés. « Les deux options sont bonnes, mais nous n’avons pas besoin de nous introduire dans les cuisines. Certaines entités sont présentes, en permanence, à la cafétéria. »
Snorri se redresse. Les photos ont enfin leur rôle à jouer. Vérifiant que personne ne leur porte attention, il se penche vers la jeune femme. « Il est possible de faire appeler aux fantômes. C’est une enquête plus compliquée que prévu et qui remet en question le monde dans lequel nous pensions vivre. » Il prend une pause. « Cependant, il est risqué de lever le voile séparant le monde des vivants de celui des morts. Il est plus prudent d’interroger un seul fantôme, afin d’éviter que des oracles malveillants ne nous lancent des malédictions. » Snorri retourne la première photo et à la manière du Miroir dans Shrek 1... ♡
« Dodomeki, le diminutif de Dorobomeki, une voleuse de renom, s’en prenant surtout aux plus jeunes et aux étudiants étrangers qui viennent d’arriver dans des contrées inconnues. Certaines personnes pensent qu’il est impossible d’avoir le beurre et l’argent du beurre, mais Dodomeki y arrive quotidiennement. Lorsqu’elle passe, ton estomac et ton compte en banque trépassent. » Il doit, cependant, souligner les forces de celle qui était Bonnie et Clyde, en même temps. « Par contre, comme elle passe son temps à prendre les commandes, elle est au courant de l’inventaire, et ne manque aucune édition limités. »
Le Youtube Game avait encore un long chemin à faire s’il pensait pouvoir battre la fidèle Dodo-chi. ♡
Snorri retourne la seconde carte, où deux jumeaux sont visibles. « Les jumeaux Fudagaeshi, à ne pas confondre les jumelles Tsunashi ou les jumeaux Mochizuki. D’ailleurs, Mochi, Azuki, Mochizuki, on est peut-être sur une piste, mais je m’égare. » Le jeune homme sourit, mais ne tarde pas à retrouver son sérieux. « Leur apparence leur donne un air mignon, ce qui leur permet d’attendrir les personnes naïves, leurs victimes préférées. Lorsqu’elles acceptent de les aider, ils leur en font voir de toutes les couleurs. Cependant, contrairement à Dodomeki, ils ne fréquentent pas uniquement la cafétéria. Ils couvrent une plus grande zone, recouvrant l’entièreté de l’école et même la forêt, selon certaines publications Instagram. Cela augmente nos chances qu’ils répondent à nos questions, mais on ne peut pas forcer les jumeaux Fudagaeshi à faire ce dont ils n’ont pas envie. Ils sont petits, mais voraces. » Voici un mot qu’il n’a pas utilisé depuis longtemps. Il est si satisfait de l’avoir casé. ♡ Snorri mange un morceau de viande avant de continuer. « Nous avons, finalement, Garei, il hante les dessins et les sculptures, mais il n’est impressionné que lorsque l’on ne lui parle d’impressionnisme. Il est occupé, un peu plus loin, avec les étudiants en arts visuels, donc nous ne pourrons pas l’interroger. » Même si cela ne se fait pas, Snorri le pointe de sa baguette.
Après avoir heurté la politesse japonaise, une énième fois, il retourne la quatrième photographie. « Okiku est un passionné de vaisselle. À chaque fois qu’une assiette se brise, il pleure, à chaque fois qu’un verre éclate, il éclate avec lui, à comprendre ici, il éclate en sanglots. Peu le reconnaissent à sa juste valeur, mais il faut se rappeler que kiku veut dire écouter. Il connait les criminels, les vandales, les voyous de l’école, il sera plus apte à nous guider sur la voie des suspects. Il faut être délicat avec lui. Comme le dit l’expression, tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle se casse, et quand on sait à quel point Okiku-kun déteste que la vaisselle se brise… » Finalement, il retourne la dernière photo. « Nous avons enfin Sansei. Il pense que le sel est plus précieux que l’or, voit un diamant dans chaque flocon. Cependant, le mochi ne se déguste pas uniquement sucré. » Pour appuyer ses dires, Snorri prend sa Redaeth et montre la saveur, Salt Fruit. « Il se déguste aussi salé. Se priver de son expertise serait comme se priver de sauce soya… un désastre et une salvation pour l’état de nos artères coronaires. » Snorri sourit et regarde Emi. Il fait glisser les photo sur la table avec la délicatesse (et la self-satisfaction) d’une voyante montrant un jeu de tarot à un néophyte. « Quel fantôme préférerais-tu interroger ? »
Une question simple, en apparence, mais qui pourrait se révéler déterminante pour leur mission. Snorri savait qu’il ne pouvait faire confiance qu’à Emi pour prendre une telle décision.