André Aciman, Call Me By Your Name.
It's not how he thought he would go.
Clarté d'une pensée fugitive, s'échappant de son esprit au même rythme que les rares bulles d'air s'écoulant encore de sa bouche bleuie, pression infâme de l'eau salée entrée dans ses poumons sans espoir de sortie. Le jeune homme ne se débat plus, prisonnier d'une étreinte maternelle qui lui parait réconfortante, chaleur factice d'un corps marin occupé à tisser sur sa peau une enveloppe mortelle. La lune disparait par intermittence, moments de conscience perdus à chaque battement de paupière, yeux habitués à l'obscurité de la nuit et de l'eau silencieuse, cherchant à s'accrocher à tout autre objet que la masse mouvante et écailleuse qui l'a attrapé.
He's losing time.
Dissociation liée à l'absence d'oxygène et à la peur, noyade et choc de l'agression se combinant pour le rendre malléable, l'enfonçant dans la mort à chaque seconde perdue. Il essaie - il n'arrive plus à mettre un mot sur ce qui le touche, voix volée avec sa vie, précieux air perdu.
Il était sur la plage - il croit. La nuit à peine tombée, le ressac lui permettant en fermant les yeux de se croire à des lieux d'ici, rentré chez lui, pieds nus dans le sable chaud des plages de son enfance, qu'il regrette maintenant qu'il en est exilé. L'eau s'infiltre entre ses orteils découverts, le fait s'enfoncer doucement dans les grains, présence sentie contre son épiderme et plus loin encore de ce liquide qui désormais fait partie de lui. Il ne connait rien aux godais, rien à la mer si ce n'est son immensité et sa beauté.
Accroupi, il exhale un air embué et goute les sels marins, doigts filant à travers l'écume pour chercher le contact, la main tendue. Il ne rencontre que le vide, aucune étreinte si ce n'est celle du chagrin.
Marcher sur le sable, sans but, seule méditation qui fonctionne. Peu importe les panneaux - de toute manière, il ne sait pas lire japonais encore, kanjis se brouillant sous ses yeux comme des glyphes de langues disparues. Il est seul avec ses pensées tumultueuses, seul avec cette affinité révélée qu'il ne maitrise aucunement, encore un signe du destin pour le pousser dans une direction qui ressemble à une prison.
Sa vue se brouille.
Il y avait une femme, sur la plage. A moitié immergée, une plainte sortant de lèvres carmins, une supplique auquel il ne pouvait pas résister, healer to the bone (closer to the end than he thought). Course à travers l'eau et demande urgente de lui indiquer ce qui n'allait pas, doigts glissants contre son cou si froid pour prendre son pouls, pouvoir cherchant, déjà, tout liquide dans ses poumons. Elle lui avait répondu, du japonais, des mots dont il a oublié la sonorité, gémissement finissant en rire, avant - la traque. La chute. Le fond.
Elle (est-ce une femme ? une sirène ? autre chose ? il n'a jamais pris créatures magiques à poudlard et le regrette amèrement) lui tient les bras, baguette qu'il ne peut faire sortir de son poignet, air chassé et drogue des profondeurs qui s'infiltre en lui.
Il va vraiment mourir là. Bêtement, comme son frère avant lui, laissant plus de questions que de réponses derrière lui. Vont-ils croire au suicide, encore ? Restera-t-il quelque chose de son corps ou est-il voué à finir dans le ventre d'une créature et de ses petits ?
Il était prèt à rendre son corps à la mer, un jour. Pas si vite, pas comme ça. Torpeur évanouie avec les dernières bulles d'oxygène, magie jouant son va-tout, claque d'eau qui ne repousse le monstre que de quelques centimètres, rien qui ne le sauve.
If he dies tonight, then he dies fighting.