i need you ((soojin))

il avait l'impression que rien n'allait. il avait l'impression que rien ne tournait rond. c'était toujours comme ça, à cette période de l'année. c'était toujours comme ça quand il arrivait à la fin mars. c'était pire ces dernières années. neuf ans. ça faisait déjà neuf ans depuis l'accident. le temps était passé trop lentement mais trop vite en même temps. neuf ans, c'était trop. elle aurait du se réveiller depuis longtemps. plus le temps passait et plus il avait peur. pour elle, pour lui, pour trop de choses. neuf ans c'était beaucoup trop. il avait peur que d'un jour à l'autre, la famille de bora décide d'arrêter. que les médecins annoncent qu'il n'y a plus aucun espoir qu'elle se réveille enfin. il avait peur qu'un jour, elle ne soit juste plus là. juste parce que leurs chemins s'étaient croisés le temps d'une soirée.

il se sentait de plus en plus coupable à chaque fois qu'il voyait bora sur son lit d’hôpital. il se sentait à chaque fois un peu plus coupable, quand il la regardait. elle avait l'air de dormir. elle avait l'air paisible. mais il savait très bien que ce n'était pas le cas. il savait très bien ce qu'il lui avait fait. et ça le rongeait de l'intérieur un peu plus chaque jour. en particulier à cette période. ça lui rappelait beaucoup trop l'accident. ça lui rappelait ce soir là et les autres qui avaient suivit. et il se sentait profondément mal. il aurait voulu crier la vérité, pouvoir expliquer à tout le monde ce qu'il s'était passé, mais les mots mourraient dans sa gorge avant qu'il n'ait pu les lâcher. il n'y arrivait pas. il en était incapable, quand bien même il l'aurait voulu. cette fichue magie qui le liait à son père. cette fiche magie qui l'empêchait de parler. il aurait voulu, pouvoir parler, raconter la vérité, une bonne fois pour toute. mais il ne pouvait pas et il s'en voulait pour ça.

il avait envoyé un message à soojin lui demandant de passer. il avait besoin de compagnie. il devait éviter de penser trop. essayer de mettre de côté le fait que rien n'allait comme prévu. qu'il était coupable et qu'à cause de lui, une fille qui n'avait rien demandé était en train de passer à coté de ce qui auraient du être la meilleure période de sa vie. il avait besoin de soojin à ses cotés, pour qu'elle le rassure et qu'elle lui dise que tout irait bien, même sans savoir ce qui le mettait dans cet état. il avait besoin qu'elle soit là, pour se prouver qu'il était capable de faire des choses biens. il avait juste besoin d'elle, parce qu'elle comptait énormément à ses yeux. parce qu'elle avait toujours été là et qu'elle serait toujours là. même après, quand elle saurait. il trouverait un moyen de s'excuser et que eux-deux, ça continue de fonctionner.

il l'attendait, étalé sur son canapé, le corps enroulé dans un plaid bien chaud. dormeur faisait la sieste sur ses genoux, grincheux était au pied du canapé et ses quatre autres vulptices pointaient le bout de leur nez de temps à autre, comme s'ils étaient inquiets pour leur maître. peut-être parce que soobin avait pleurer comme un bébé, à gros sanglots bien bruyant, la demi-heure d'avant. peut-être parce qu'il restait là dans son canapé, sans bouger d'un poil. mais il n'avait aucune motivation soobin. il était juste là, écraser par le poids de sa culpabilité.

La journée est déjà bien avancée lorsqu’elle reçoit le texto de Soobin. La tête dans les devoirs, les examens, et les problèmes familiaux, elle pense pas à regarder tout de suite son téléphone. Puis, c’est fort possible que ce soit encore les aventuriers des toiles qui se mettent à discuter. Et tant que son téléphone ne se met pas à vibrer frénétiquement, c’est probablement pas une urgence. Elle aurait su qui lui avait envoyé un message si elle avait mis le son et pas juste le vibreur. Sonnerie différente selon la personne qui lui envoie un message. Des conversations qu’elle lit plus rapidement que d’autres. Ceux des triplés qu’elle lit en priorité, dans la seconde, ceux de celle qui tient une bombe au dessus de sa tête qu’elle lit ensuite. Puis ceux de Soobin, pour finir, quand seulement elle a le temps et qu’elle n’a plus rien d’autres à faire, et qu’elle a lu tous ses autres textos, ceux des aventuriers des toiles. Parce que ça part en général sur une discussion et elle s’arrange pour ne plus rien avoir à faire alors. Au cas où, elle préfère continuer à bosser. Elle regardera après. Quoique ce soit, qui que ce soit, ça peut difficilement être plus important que de passer ce contrôle de droit après demain. Sa plume qu’elle agite frénétiquement sur sa feuille alors qu’elle renvoie les mots tels qu’elle s’en souvient en essayant de faire en sorte qu’ils fassent sens. Le droit sorcier parfois, lui paraît si illogique, si imparfait. Elle a du mal à se garder de commenter. Elle a du mal à se dire qu’il faut juste qu’elle redonne son cours, les lois qu’elle a apprise, qu’en tant que juge, elle devra appliquer ces lois là. Elle trouve ça injuste. Trop de ces lois ne sont pas applicables à beaucoup de cas. Beaucoup de ces lois ne regardent pas plus loin que les faits. Et y’a toujours tellement plus que ça, les faits. Les deux pages entièrement noires de mots auxquels elle ne croit pas, elle finit par lâcher une longue expiration avant de finalement prendre son téléphone et regarder ce qu’elle a raté. Elle a trois textos. Deux dans la conversation des aventuriers des toiles. En général, cette configuration de deux messages, c’est Kyung Ho et Min Ho qui ont décidé de se prendre la tête en public. Elle ne prend même pas la peine de lire les messages et passe directement au troisième. Soobin.

Il lui demande de passer et Soojin sourit face à la demande. Elle a vraiment plus rien à faire au niveau de ses devoirs, puis elle a bien envie de le voir. Elle regarde l’heure et ses yeux tombent sur la date. Soojin le connaît, l’homme qu’elle aime depuis si longtemps. Il est toujours déprimé à cette période de l’année. Un mois avant leur anniversaire, moins d’un mois avant le sien, d’anniversaire, à Soojin. Elle a jamais su pourquoi, pas faute d’avoir demandé, mais elle a jamais vraiment exiger une réponse. Ils fonctionnent pas comme ça. En tout cas, elle ne fonctionne pas comme ça. Elle considère que le jour où il voudra lui en parler, alors il le fera. Que c’est pas sa place, pas son rôle, de le forcer à en parler. Que sa place, son rôle, c’est de l’aider à passer cette période compliquée pour lui. Elle se dépêche de se changer pour mettre quelque chose d’autre que son uniforme et sort de l’école pour aller rejoindre Soobin chez eux. Elle croise pas grand monde sur le chemin, ou en tout cas personne d’important. Elle lance des sourires, dit des bonjour, mais rien de plus. Elle ne s’intéresse pas vraiment à ce qu’ils veulent, ni à qui ils sont. Soojin n’a qu’une idée en tête, rejoindre Soobin. Il lui a manqué. Elle transplane dès qu’elle peut et se retrouve devant l’immeuble où ils habitent.

Lorsqu’elle pousse la porte d’entrée, certains des chats sont là pour l’accueillir. Pas tous, mais certains. Elle se baisse pour leur offrir quelques caresses, les remercie entre ses lèvres en chuchotant des remerciements pour avoir pris soin de Soobin quand elle ne le pouvait pas. Pas qu’il en ait besoin. Même si en ce moment, peut-être bien que si. Sac déposé dans l’entrée, chaussures retirées, elle se dirige automatiquement vers le salon. Et Soobin est là, avachi sur le canapé, comme une loque sans vie. Elle n’aime pas le voir comme ça. Savoir qu’il est mal, ça lui procure des sensations désagréables. Elle s’approche du canapé et pose ses mains délicatement dans les cheveux de l’homme face à elle. Le chat sur ses genoux la fait sourire et Soojin attrape délicatement la tête de Soobin pour la lever et s’assoir là où elle était posée avant de la reposer sur ses cuisses. Ses mains retrouvent automatiquement ses cheveux qu’elle caresse délicatement. “Salut Bini… Désolée d’arriver si tard, j’étais sur des révisions de droit.” Ses doigts qui s’enroulent autour des mèches du garçon allongé sur le canapé et un doux sourire sur le visage. Elle aime ces moments calmes, juste entre eux. Elle est là pour lui, elle l’est depuis qu’ils se connaissent, et elle espère bien qu’il lui laisse la possibilité de l’être jusqu’à ce qu’au jour où elle ne pourra plus être là pour personne.

il aurait du dire merde à son père. c'est ce qu'il se répète sans cesse. il n'aurait pas du accepter l'espèce de chantage qu'il lui avait fait à l'époque. soobin aurait du être fort, se montrer courageux et oser dire ce qu'il avait fait. il aurait du prendre la responsabilité de son acte à ce moment-là. mais il ne s'imaginait pas se sentir si coupable des années après. il ne pensait pas que l'idée de ne rien pouvoir dire le mettrait si bas. il pensait juste à ce que les gens diraient s'ils apprenaient ce qu'il avait fait. il pensait juste à l'avenir de la compagnie familiale, à son avenir à lui. il ne pensait pas vraiment aux conséquences, il n'imaginait pas que ça allait durer aussi longtemps. à l'époque, son choix lui avait paru être le bon. et il regrettait maintenant, neuf ans plus tard.

il s'en voulait tellement, il se sentait si coupable. c'était de sa faute et il ne pouvait rien faire. chaque année, il se disait qu'il devait prendre l'apparence de bora en cette période, justement pour fêter le fait qu'il lui offrait une vie, à sa manière. mais il n'y arrivait pas. il n'y arrivait jamais. il ne parvenait pas à se mettre dans sa peau à cette période. ça ne faisait que le faire se sentir plus mal encore. parce qu'il avait l'impression d'être un imposteur. ce qu'il était, d'une certaine façon. il n'était rien de plus qu'un imposteur qui prenait qui vivait la vie d'une fille qu'il avait lui-même blessé. il se faisait passer pour se faire pardonner, du moins c'est ce qu'il pensait. il doutait toujours de son choix en cette période. est-ce qu'il faisait réellement les bons choix ? est-ce qu'il faisait bien de poursuivre sur cette voix ? il n'en avait aucune idée. ça lui paraissait la meilleure solution, à chaque fois qu'il y réfléchissais. mais là, il était juste assailli de doutes. peut-être que finalement, il faisait uniquement cela pour lui. après tout, il aimait se glisser dans la peau de bora. il aimait la liberté qui l'accompagnait, sitôt qu'il devenait elle. il aimait le fait de pouvoir prendre la direction qu'il voulait, sans que personne ne cherche à influencer son choix. il aimait le fait de pouvoir rencontrer des personnes avec lesquelles il n'aurait jamais parlé en étant juste lui-même. il aimait pouvoir faire les conneries qui lui passaient par la tête sans avoir à se demander quelles seraient les conséquences sur la réputation de sa famille. quand il était bora, il était libre d'être comme il le souhaitait. et c'est sûrement la partie qu'il préférait le plus. celle qui lui faisait le plus peur aussi, parce qu'il n'était pas censé aimer tout ça. il devait juste lui créer une vie, pour qu'elle ai quelque chose le jour où elle se réveillerait. ce n'était pas censé être le moyen pour lui d'échapper à la pression qui accompagnait son nom de famille. pourtant, c'est ce qui arrivait parfais. ce qui le faisait se sentir encore plus coupable qu'avant.

il réfléchissait trop, son cerveau se rappelant les neufs dernières années. il repensait à tout ce qu'il avait vécu depuis, tout ce qu'il avait pu faire et que bora ne connaîtrait jamais, à cause de lui. il réfléchissait trop et il avait besoin de soojin à ses cotés. elle seule serait capable de l'aider à arrêter de réfléchir, sans jamais lui demander pourquoi il se sentait aussi mal. c'est sûrement l'une des choses qu'il aimait le plus chez elle, le fait qu'elle ne le force pas à parler. elle était là pour lui, présente à ses cotés quand il en avait besoin mais sans l'obliger à quoique ce soit. il s'en voulait un peu, de ne pas lui raconter ce qu'il se passait mais il ne pouvait pas. fichu serment inviolable qui le ballonnait. il s'en voulait de ne pas être totalement honnête avec elle mais peut-être que c'était mieux comme ça. il n'avait pas vraiment envie de découvrir comment elle allait prendre toute cette histoire. il voulait croire que ça irait toujours entre eux une fois qu'elle saurait mais il en doutait un peu quand-même. et ne plus être avec soojin était quelque chose qu'il ne parvenait pas à envisager.

un moment c'était écoulé entre son message à soojin et l'arrivée de celle-ci. il aurait aimé qu'elle arrive directement, qu'elle soit là plus tôt pour lui éviter de s'enfoncer trop loin dans ses remords mais il comprenait. elle avait tellement de travail à faire pour ses cours et pour tout qu'il ne pouvait pas lui demander de tout lâcher pour lui. il ne répondit rien quand elle s'excusa pour son retard. elle n'avait pas à s'excuser déjà. elle était là maintenant et c'est tout ce qui comptait. puis il avait envie de pleurer aussi, encore une fois. l'utilisation du surnom lui rappelant d'un coup à quel point il était un connard. c'était la cousine de sa meilleure amie. pas n'importe qu'elle fille qui avait croisé sa route mais une personne que soojin connaissait bien. il l'avait vu pleurer à cause de cette histoire et il n'avait rien dit. et maintenant, elle était là pour le réconforter alors que tout était de sa faute à lui. il se retrouve avec la tête sur ses genoux, ses mains dans ses cheveux et il se sent mieux. c'est plus facile quand elle est là. "merci d'être venue." il est tellement content qu'elle soit là. il avait besoin d'elle, plus que ce qu'elle peut l'imaginer sûrement. "t'as pu avancer comme tu voulais sur ton droit ?" l'entendre parler de ses études plutôt que de se concentrer sur sa culpabilité, c'est le mieux à faire pour le moment. penser à soojin plutôt qu'à lui.

Les moments comme ceux là sont précieux. Assez pour que Soojin ait envie de les graver d’une pierre rouge pour les garder en mémoire pour toujours. Pas que Soojin ait tendance à oublier les choses, loin de là. Non, Soojin est plutôt douée pour garder en mémoire les choses qui comptent pour elle. Et Soobin compte pour elle, beaucoup. C’est son premier amour, ils sont ensemble depuis presque onze ans, et Soojin a bien l’intention de rester avec lui pour le reste de sa vie. Peut-être. Probablement. C’est pas comme si elle avait quoique ce soit comme comparatif qui puisse lui dire comment serait la vie sans Soobin. Elle n’a jamais vécu sans lui. N’a pas réellement de souvenirs d’avoir été “célibataire”, parce que depuis qu’elle a l’âge d’être en couple, elle l’est avec lui. C’est normal, c’est habituel entre eux. C’est la routine, d’être avec lui, à l’aimer, lui caresser les cheveux, le regarder réfléchir, rire, déprimer, lui sourire. Elle le connaît par coeur, et pourtant elle le connaît si peu. Y’a tant de choses de lui qu’elle ne connaît pas. Tant de choses qu’il ne semble pas lui dire. Mais après tout, y’a presque autant de choses, sans aucune doute, qu’elle ne lui a jamais dit. Mais ce n’est pas grave. Ça compte pas. Parce que l’amour qui existe entre eux est bien plus fort que ce que les secrets pourraient leur apporter comme désespoir, ou comme disputes. Soojin est persuadée qu’ils pourraient se relever de tout. Parce qu’elle l’aime, et qu’elle n’imagine pas son futur sans lui.
Il la remercie d’être venue et Soojin ne semble être capable que de sourire. Oh, elle est contente d’être là. Elle est content d’avoir réussi à terminer ce devoir et d’être venue le voir. Il lui manquait, beaucoup. Elle est contente de le voir alors qu’autour d’elle, tout semble n’être que travail, droit sorcier et sociologie. Elle aime ses cours, elle aime travailler, ça la détend presque. Mais les cours qu’elle a pris. Heureusement qu’elle sait ce qu’elle veut, et qu’elle sait pourquoi elle le fait. Sans ça, elle ne supporterait probablement pas les conneries qu’elle écoute en cours de droit. Comment est-ce que c’est possible, des lois stupides comme ça ? Comment c’est possible des choses injustes, comme celles-ci. L’idée même que la loi soit la même pour tous lui semble désuet. Parce que tout le monde est différent et que tous les cas le sont aussi. Comment juger quelqu’un dont les parents n’ont jamais été présents de la même façon que quelqu’un qui a été couvert d’amour. Comment dire que la mère a la priorité sur la garde de l’enfant quand parfois elle n’est juste pas là ? Les lois sont désuètes. Vieilles. Et Soojin veut aider les enfants, alors elle continue là dedans, mais c’est compliqué. Si compliqué. De voir l’évolution de la société aller vers quelque chose qui va contre la majeure partie de ses principes.
Il lui demande si ça a été, son droit, et Soojin lève la tête en arrière, la posant sur le rebord du canapé, les yeux vers le plafond. “Oui, j’ai fini. Il faudra que je prenne un petit moment demain pour réviser. Une ou deux heures devraient suffire. Mais d’ici là j’suis toute à toi.” Elle le pense. D’ici à ce qu’elle ait de nouveau à réviser, elle peut lui être totalement dédiée. Puis il a besoin d’elle, elle le sent. Elle a envie d’être là pour lui. Dans ce moment difficile. Même si elle ne sait pas pourquoi, ni comment, ni les raisons qui ont entraîné ça. Mais elle veut être là pour lui. “Qu’est-ce que tu veux faire ?” Elle relève le visage pour le baisser de nouveau sur lui, un léger sourire aux lèvres. Il est beau. Et il est sien. Parfois, après plus de dix ans, elle a encore du mal à le réaliser.