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Ils ne sont pas des créatures diurnes.

C'est quand les étoiles se lèvent, quand l'obscurité tombe en averse sur Iwo Jima qu'ils se rencontrent enfin. A la croisée des chemins turpides et dispendieux, où les rires commencent au fond d'un verre et se finissent au fond d'une rue, Raffaele surgit. Les gestes larges, la coupe détendue de ses fringues de riches, vestiges d'une ancienne vie bringueballées de soirées en soirées, fuit les lignes de son corps. Le col défraichi de sa chemise s'ouvre comme un coeur sur son thorax et les manches déboutonnées pendouillent au verso de son poignet.
Une mèche d'un cuivre sale et collant, s'écrase solitairement sur son front luisant, juste au dessus de ses orbites brûlantes. L'iris dilaté par les whiskys-purs feu qu'il est désormais incapable de compter, dévoile une mer trouble et furieuse. Ses lèvres sont d'une forte rougeur, leur charnure à l'oeil d'un néon blanc est sanguine.

Il est seul depuis qu'il a dit au revoir aux quelques amis qui ont fait route avec lui jusque là, et à présent disparu à l'angle d'une rue et à la détonation d'un transplanage.

Raffaele s'avance d'un pas tranchant, gouverné par un désir unique qui a fendu son corps comme une océan. Au bout de ses yeux, une flamme s'allume ; il fait nuit et pourtant le soleil y monte avec une chaleur caniculaire. La méditérannée a bruni son regard et s'infuse sous tous les champs de sa peau.

La nuit, Raffaele se rappelle à la vie. Il s'y rappelle d'une manière fracassante et tonitruante en se dépouillant de la gangue blasée qu'il porte le jour. Elle tombe en lambeaux à ses pieds furieux et l'envie rageuse trop souvent peu vécue, d'apprécier l'existence, le mène à la combustion.

C'est dans cet état-là, seul et unique, porté à ébullition, qu'il se fait connaître de Yume. Il est l'éternelle histoire d'une montée fulgurante puis de la descente interminable qu'elle sous-entend. Dans un paroxysme qui se renouvelle sans cesse, Raffaele à tout de l'Icare d'un soir et il ne prétend guère à mieux pour flirter avec une fille comme elle, qui combure comme un soleil de nuit.
Il n'y a que dans cette configuration unique qu'ils se rencontrent. Dans les ténèbres du soir, où tout se métamorphose, il se forme un lieu enchanteur où toute la magie du monde se jette aux pieds d'une demoiselle capricieuse.
Ce qui l'insupporte le jour est devenu la nuit, une attraction inexpugnable qu'il ressent avec le délice d'un vice prêt à consommer et pourtant celui-ci n'a jamais été croqué. Et c'est cet acte manqué qui le rend si délirant. Raffaele garde au nez le parfum de tous ses échecs entêtants et cette maudite odeur lui fait perdre la tête.

Quand il rouvre les yeux, Yume n'a jamais été aussi mystique.

A présent qu'elle est là, devant lui, tangible et à quelques centimètres de sa peau, quelque chose émane de ses profondeurs. Il a oublié combien de verres l'ont emmené ici, la substance qui a formé le début de ce soir et toutes les choses qui composent le monde ; Les yeux de Yume l'engloutissent.

Il rit bêtement. "alors". C'est une heure de la nuit où plus rien ne fait sens. Le dernier bout raison gît dans un coin oublié, la conscience se dilate en vapeur dans l'athmosphère. Il ne reste plus que des esprits trop incandescents pour s'éteindre tout seul. Ils iront épuiser leurs ardeurs jusqu'à la fin du noir.
Ici il n'y a que Yume, à contempler comme ce qu'il y a de plus ravissant sur toute la terre. Pris par le premier des instincts, il observe ses lignes qui se découpent dans le décor du bar, plus incisives que n'importe quel croc de dragon." Je te paie un verre ?"