Ce n’est qu’un détail parmi les mille raisons qui lui filent la nausée lorsqu’ils partagent leur espace. Les parents s’en tapent pas mal, de leurs vieilles rancœurs, ils sont ces putains de militant pacifistes enchaînés à des arbres au milieu des tronçonneuses. Ils sont plein de bonnes intentions et de naïveté, sans doute persuadés que ça y est, leur progéniture a découvert la fraternité cachée derrière des années de guerre. Et le pire, le p i r e, c’est qu’ils pourraient avoir raison. Pas d’armistice signée, à peine une trêve tacite et des silences qui tiennent des jours entiers. C’est mieux que rien. S’il savait faire autrement, promis, il le ferait. Il y a des jours comme ça, il a presque envie de la prendre dans ses bras et de lui dire pardon.
Même dans la douleur, naori est ce genre de personne à la dignité intacte, même pas fissurée au coin des lèvres. Encore un domaine qu’elle maîtrise mieux que lui. Pour une fois, et une fois seulement, il en est heureux. Rion ne sait pas réconforter les autres, il a le verbe démuni face aux larmes et à la voix qui se brise. Face à sa sœur, c’est probablement pire. Ils ne se connaissent même pas assez pour aller au-delà des banalités. Quand il entend la porte se fermer il peut juste souffler un « Comment il va ? ». un peu brutal, un peu sans bonjour. Pour se faire pardonner, il a déjà du café dans les mains. Un pour elle, un pour lui. A la base, c’était juste pour éviter l’incident diplomatique majeur provoqué par la vieille odeur de tabac froid dans le salon, cette espèce de no-go zone de la cohabitation. Maintenant, c’est une excuse minable pour l’approche minable du frère minable qu’il est. « Enfin… il y a du nouveau ? » et il lui tend sa tasse en restant le plus loin possible. Quand ils se rapprochent, il lui fait mal.