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melodramanaori x rion
Le malaise. Le vrai, le palpable, celui qui a une odeur quand ils sont tous les deux dans la même pièce. Ils remontent à loin, les regards en biais et les corps près à bondir. Naori le hait aussi fort qu’il la hait, et ils ont au moins ça en commun. Sauf peut-être que Rion l’aime. Un peu. Parfois. Quand il oublie les insultes – toujours renvoyées avec le même venin –, les coups bas et les coups de coude pour avoir la première place auprès des parents. Quand elle n’est pas là, surtout. Parce que son visage, il lui rappelle pourquoi il déteste ses petits airs de nana trop brillante qui fait des études trop brillantes qui vont changer la vie de trop de gens alors que lui ne changera la vie de personne. Même aux repas de famille, on lui demande plus par politesse qu’autre chose si tout se passe bien, en quelle année il est, maintenant, si ça lui plait de ne pas vraiment faire de magie. C’est moins mémorable. Et au milieu papa, qui a le culot de jouer à l’offusqué quand son bâtard va fumer une clope ou regarder son portable pendant que l’enfant prodige raconte son bordel technique. Bordel qui n’a d’intérêt, il en est certain, que de faire briller les yeux de mamie, qui hoche la tête mais ne comprend rien.
Ce n’est qu’un détail parmi les mille raisons qui lui filent la nausée lorsqu’ils partagent leur espace. Les parents s’en tapent pas mal, de leurs vieilles rancœurs, ils sont ces putains de militant pacifistes enchaînés à des arbres au milieu des tronçonneuses. Ils sont plein de bonnes intentions et de naïveté, sans doute persuadés que ça y est, leur progéniture a découvert la fraternité cachée derrière des années de guerre. Et le pire, le p i r e, c’est qu’ils pourraient avoir raison. Pas d’armistice signée, à peine une trêve tacite et des silences qui tiennent des jours entiers. C’est mieux que rien. S’il savait faire autrement, promis, il le ferait. Il y a des jours comme ça, il a presque envie de la prendre dans ses bras et de lui dire pardon.

Même dans la douleur, naori est ce genre de personne à la dignité intacte, même pas fissurée au coin des lèvres. Encore un domaine qu’elle maîtrise mieux que lui. Pour une fois, et une fois seulement, il en est heureux. Rion ne sait pas réconforter les autres, il a le verbe démuni face aux larmes et à la voix qui se brise. Face à sa sœur, c’est probablement pire. Ils ne se connaissent même pas assez pour aller au-delà des banalités. Quand il entend la porte se fermer il peut juste souffler un « Comment il va ? ». un peu brutal, un peu sans bonjour. Pour se faire pardonner, il a déjà du café dans les mains. Un pour elle, un pour lui. A la base, c’était juste pour éviter l’incident diplomatique majeur provoqué par la vieille odeur de tabac froid dans le salon, cette espèce de no-go zone de la cohabitation. Maintenant, c’est une excuse minable pour l’approche minable du frère minable qu’il est. « Enfin… il y a du nouveau ? » et il lui tend sa tasse en restant le plus loin possible. Quand ils se rapprochent, il lui fait mal.
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melodramanaori x rion
Ce long dédale de couloirs blanc, Naori ne le connaissait que trop bien. Chaque fois qu’elle s’y aventurait, son pas était plus rapide, moins hésitant tant elle était devenue une habituée. « Je suis en retard, excusez-moi. » Un médicomage spécialisé en rééducation était assis sur le lit d’Eren et avait déjà commencé les exercices du jour. « Vous ne l’êtes pas. C’est mon travail, pas le vôtre. Reposez-vous un peu. Je veux m’en occuper. » Le sorcier se leva pour lui faire face, lâcha un soupir puis un petit sourire. « Très bien. Je m’occupe des membres inférieurs et vous, faites les mouvements de pronation et supination des poignets. Puis flexion/extension et la même chose avec les bras. » Tout ce vocabulaire scientifique était devenu familier, un peu trop à son goût. Naori s’exécuta immédiatement, en silence. Bien-sûr, elle aurait préféré être seule avec lui. Pour discuter, lui raconter sa journée, encore, faire la conversation seule. Et puis, menacer de le tuer avant que le coma ne s’en charge s’il ne finissait pas par se réveiller, rire un peu, parce que ça l’aidait à ne pas perdre la tête, de lui lancer des piques. Comme ils avaient l’habitude de le faire. Oublier le temps de quelques minutes puis se rappeler la réalité. Et être de nouveau triste. Le même schéma qui se répétait tous les jours depuis deux mois. « Les potions pour éviter que ces muscles ne s’atrophient ont déjà été administrées ? Oui, en début d’après-midi. D’accord, merci. » Une demi-heure de travail par jour et divers traitements, c’était la seule chose qu’ils pouvaient faire. Alors si les séquelles dues à l’alitement prolongé pouvaient être réduites, elle devait faire le maximum. Parce que oui, il allait se réveiller, il n’avait pas le choix. Elle n’allait pas lui laisser le choix. « C’est tout pour aujourd’hui. On se retrouve demain ? Oui, j’essaierai de me libérer un peu plus tôt. Ou alors peut-on repousser les exercices à plus tard ? Je vérifie mon emploi du temps et on en reparlera. Merci, bonne soirée. »

Ces derniers temps, Naori avait pris pour habitude de marcher le soir, ce qui parfois la faisait rentrer assez tard. Ça lui permettait de s’aérer l’esprit, ne penser à rien, ni au boulot, ni Eren, ni à la famille, même s’il lui était difficile de ne pas penser à lui, en permanence. Elle perdait un peu la notion du temps, s’étonnait de l’heure qu’affichait sa montre une fois à la maison. « Comment il va ? » Elle leva les yeux, se retint de lui hurler dessus en lui balançant qu’il lui avait fait peur. Mais pas ce soir, elle n’en avait pas la force. « Enfin… il y a du nouveau ? » Elle ne remarqua qu’après la tasse de café tendue vers elle, avec cette même distance de sécurité qu’il s’efforçait de garder. Lequel des deux était vraiment le plus dangereux ? « Merci, Rion. » Elle prit la tasse puis s’installa sur le canapé. « Du nouveau ? » Petit rire nerveux. « Il est… stable. Enfin, ils essaient de limiter les dégâts quoi… » Il n’allait pas mieux que la veille, mais son état n’empirait pas pour autant. « C’est comme si sa vie avait été mise sur pause. » lâcha-t-elle dans un murmure, presque imperceptible. La tasse de café chaud entre ses mains, elle en but une petite gorgée. Il n’était pas si mauvais et ça faisait un bien fou après cette longue et fatigante journée. « T’as encore fumé ici ? Camoufler les odeurs avec un enchantement c’est de ton niveau non ? » Elle ne lui reprochait pas sa consommation excessive de cigarettes, elle s’y était mise plus que de raison ces deux derniers mois, mais plutôt de les consommer à l’intérieur de leur maison. L’odeur de tabac froid l’agaçait profondément et elle craignait que les tissus ou meubles ne finissent par s’en imprégner. « Enfin bref. T’as mangé ? Je vais me commander quelque chose. » L’heure n’était pas aux disputes. Rion avait fait un effort, elle devait faire de même.
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melodramanaori x rion
Il aurait voulu s’installer dans le fauteuil – son fauteuil, il a littéralement passé un après-midi à en abîmer le tissu pour mettre son nom dessus – pour rester à distance respectable, mais l’horreur poilue a décidé d’y établir son campement. Plutôt que d’admettre qu’il a une peur maladive de s’en approcher, de le toucher pour le dégager de là, il s’affale aussi lourdement que sa petite carcasse le permet sur le canapé en lançant des regards courroucés à la sale bête. Si elle décidait maintenant de changer de place et de s’approcher de lui, il pourrait en pleurer. Ça ferait plaisir à Naori de le voir comme ça. « Ma baguette est trop loin. J’ai travaillé dans le salon pendant que ton truc dormait sur mon bureau. J’étais bloqué. » Et comme preuve ultime, il montre les piles de livres, de feuilles, les stylos encore décapuchonnés qui traînent sur la table, l’absence évidente de bout de bois au milieu de tout ça. La flemme, la vraie. Il se sent déjà victorieux, et complètement conscient d’avoir tué dans l’œuf le dossier Eren. Ça le met mal à l’aise, d’avoir à faire semblant d’en avoir quelque chose à faire, juste parce que c’est quelque chose de normal quand quelqu’un s’amuse à franchir la limite assez floue entre la vie et la mort. « Enfin bref. T’as mangé ? Je vais me commander quelque chose. » Elle n’a pas l’air de prendre mal son slalom entre les sujets compliqués et il la remercie pour ça. Il n’a pas envie de semer la discorde ce soir. « Laisse tomber, je vais faire des pâtes. » Aucune surprise, les pâtes constituent approximativement 90% de l’alimentation désastreuse du gosse. C’est, de plus, sa seule assurance pour qu’elle ne commande rien de potentiellement vert. A sa place et avec des informations aussi sensible qu’une vieille rancune contre les légumes, il ferait exprès de commander une salade. Il ne peut pas prendre le risque qu’elle ait la même idée.

En gage de bonne foi, il l’abandonne pour aller chercher sa baguette et nettoyer un peu son bordel. Tout pour ses beaux yeux. Tout pour qu’elle ne s’énerve pas, surtout. C’est encore une chose difficile à admettre, la douleur vive qu’elle provoque quand elle vise juste avec ses mots. Presque aussi juste que lui quand il décide de lui envoyer un presse-papier au visage. La pensée ravive la culpabilité, et avec elle l’envie d’être, pour une fois, un bon petit frère. « Ça va aller, si quelque chose avait dû arriver, ce serai déjà passé. Il est solide. » Ou pas, Rion n’en sait rien du tout. Sa seule compétence en médecine consiste à se mettre un pansement sur une coupure et se tromper dans les dosages de médicaments. C’est en lâche il lui balance son piètre réconfort de l‘autre bout du salon, volontairement du mauvais côté pour qu’elle ne puisse pas apercevoir son manque de conviction, et il se retranche dans la cuisine pour la suite. « Peut-être qu’il faudrait laisser un peu de temps ? Ne pas y aller tous les jours ? C’est ta vie qui va finir sur pause. » Il pourrait rajouter qu’elle a une sale gueule quand elle rentre le soir. ça lui chatouille les lèvres avec beaucoup trop de force. « Papa et mam- ta mère vont finir par s’inquiéter en plus, tu les connais. D’ailleurs ils t’attendent dimanche. » Il a fait l’erreur de l’appeler maman une seule fois devant elle. Pas deux. Surtout qu’il en a une autre, de maman, et que Nao n’en a qu’une seule. Même si ça l’agace, il croit qu’il la comprend au moins un peu. Parfois, il est capable d’agir en adulte.
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melodramanaori x rion
« Ma baguette est trop loin. J’ai travaillé dans le salon pendant que ton truc dormait sur mon bureau. J’étais bloqué. » Elle avait presque oublié son truc de chat, Pia, qui malgré l’indifférence de Rion avait l’air d’avoir survécu à sa journée. Avec lui, elle se méfiait toujours de retrouver sa boule de poile en état le soir. En guise de réponse, un regard noir qui aurait pu facilement être renommé le regard-spécial-rion. « Laisse tomber, je vais faire des pâtes. » Haussement d’épaules. Pas sûre de ce que ça va donner, mais elle s’en contentera. Ces derniers temps, elle mangeait plus par nécessité que par réel plaisir de toutes façons. Et elle n’avait franchement pas la foi de cuisiner quoi que ce soit. L’instant d’après, il rangeait ses affaires, éparpillées un peu partout. Ils avaient au moins un point commun : l’incapacité à travailler sans s’étaler autour de soi. Alors elle se leva à son tour, prit Pia dans les bras pour l’emmener un peu plus loin, dans sa chambre, là où l’animal ne viendrait pas embêter son demi-frère. Des airs de drapeau blanc déguisé, parce qu’évidemment, elle ne faisait pas ça pour Rion mais plutôt pour assurer la protection de la bête. Et elle retourna s’affaler sur le canapé.

« Ça va aller, si quelque chose avait dû arriver, ce serai déjà passé. Il est solide. » Elle hocha la tête, il n’avait pas tort. Eren avait tenu jusque-là, son corps ne l’avait donc pas totalement lâché et c’était assez encourageant. Les pensées positives avaient envahi son quotidien, elle s’efforçait d’y croire, de se répéter que la situation aurait pu être pire, que c’était mieux de le voir allongé sur ce lit d’hôpital plutôt que de l’imaginer sous terre ou dans une urne. Pourtant, ça ne l’empêchait pas d’être constamment terrifiée. Dès l’instant qu’elle quittait l’hôpital, elle craignait l’appel lui annonçant la fin. Parce qu’à force de puiser dans ses dernières forces, il ne lui resterait peut-être plus rien. Et si ça devait arriver, elle ne voulait pas qu’il soit seul. Aussi difficile que ce soit d’imaginer assister à cette scène, elle se devait d’être présente. Elle ne supporterait pas le contraire, ne se le pardonnerait pas. Tout comme s’il venait à se réveiller un jour, elle aimerait être le premier visage à apparaître dans son champ de vision, celui qui serait familier, rassurant et heureux. « C’est sympa, de faire comme si ça t’intéressait. Vraiment. » La tête posée sur le canapé elle fixait le plafond. « C’est pas comme si je pouvais en parler à n’importe qui, merci. » Elle avait ses amis, mais c’était différent de… la famille. Mot qu’elle ne prononcerait jamais devant Rion, évidemment. « Peut-être qu’il faudrait laisser un peu de temps ? Ne pas y aller tous les jours ? C’est ta vie qui va finir sur pause— Répète ce que tu viens de— » Fermer les yeux, prendre une profonde inspiration, respirer. Répéter, répéter, répéter. Et ne pas dire n’importe quoi. Elle réprimait cette colère qu’elle sentait gronder en elle. C’était tellement fatiguant de faire des efforts. Rion se trouvait dans la même situation mais semblait mieux gérer. Il était plus calme que Naori, alors que d’ordinaire c’était plutôt le contraire. « Papa et mam- ta mère vont finir par s’inquiéter en plus, tu les connais. D’ailleurs ils t’attendent dimanche. » Elle avait ignoré le presque-maman. Le simple fait de l’entendre l’appeler ainsi suffisait à la blesser, traduisant immédiatement ce sentiment par de l’agressivité gratuite. Il prenait constamment des pincettes avec elle, alors que Naori restait cette enfant qui ne grandissait pas. Un point de plus pour les efforts. A force, on pourrait croire que la mauvaise dans l’histoire, c’était elle. Dans le fond, elle l’était sans doute.

Ce fameux brunch familial du dimanche, elle avait décidé de le bouder. On l’invitait chaque semaine, quand même. Principalement sa mère, puis son père et parfois Rion. Le travail comme excuse principale, qui était plus que valable. La fatigue qu’elle accumulait, ce corps qu’elle n’écoutait plus, auquel elle ne faisait plus attention. Et cette bulle dans laquelle elle s’était enfermée peu à peu avec Eren. Elle pensait que la simple force de ses pensées et son soutien quotidien contribueraient à le sortir de ce long sommeil. Un raisonnement plutôt naïf, même débile (son elle passé lui mettrait bien une paire de claques), mais comme on dit, l’espoir fait vivre. Et ses journées reposaient sur ce fameux espoir. La magie faisait des miracles et il restait encore beaucoup de choses à découvrir sur le corps humain, alors pourquoi pas ? C’était également une manière de compenser ce sentiment d’inutilité qui la gagnait un peu plus chaque jour. Elle ne servait absolument à rien. Elle essayait, mais ses recherches avaient besoin de temps pour donner de bons résultats. « T’y vas aussi ? » Elle marqua une petite pause, remit le sujet de son petit-ami comateux sur la table, au grand bonheur de Rion. Une invitation cachée à lui poser des questions et peut-être révéler ce qu’elle gardait en elle depuis si longtemps. « J’ai un plan. Pour Eren. Ça va paraître fou, mais mes recherches pourraient peut-être l’aider à aller mieux. » Le dire à voix haute lui permettait d'y croire un peu plus. Sur le papier, c’était intéressant et le projet avait un potentiel énorme. D’un point de vue réaliste, c’était plus compliqué… « Le temps, c’est fascinant, hein ? Ça l’est encore plus quand… quand tu peux le contrôler. Et le contrôler peut contribuer à en comprendre le fonctionnement. » C’était fou. Fou de penser pouvoir s’améliorer assez vite pour aider, sauver Eren. Fou de croire que ça pourrait marcher. Fou de s’imaginer capable de réaliser de telles choses. Elle préférait de loin être folle plutôt que rester résignée.
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melodramanaori x rion
Peut-être qu’il ne fait pas semblant. Peut-être qu’il en a quelque chose à faire, qu’à chaque fois qu’il lui demande comment elle va, il a envie de le savoir. Quand il la hait il ne lui dit rien. Quand il essaye de l’aimer un peu elle l’envoie se faire foutre. Il est usant cet amour, autant que le sont tous les autres. A croire qu’il n’a pas le droit aux choses simples et belles comme les autres. Même avec un mec presque mort, Nao a le culot de s’en tirer mieux que lui. « C’est pas comme si je pouvais en parler à n’importe qui. » Souffle coupé. Lui aurait dit ça en hurlant, elle balance ça sur le ton de la conversation. Pourquoi ça fait mal de se faire remballer ? Sensation de coup de poing dans les côtes. « Va parler à n’importe qui alors, je m’en fous. » Rion a la clope mécanisme de défense. A la moindre irritation il allume, il tire, il pose, et il sème. Les gestes en répétition jusqu’au calme béni ou à la rage aveugle. Comme sa mère. Pas maman, l’autre. Elle faisait tout le temps ça. Fait. Elle fait tout le temps ça quand elle ferme les volets et qu’elle pense que les gens vont venir et lui faire du mal. Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre et toutes ces conneries, en somme. Il sent son regard meurtrier sur lui quand il se manque. C’est brûlant, agressif, beaucoup trop efficace pour faire bouillir le sang. Deuxième cigarette pour passer l’envie de la gifler et de lui dire pardon en même temps. Si elle avait fait le moindre commentaire – un de plus, un de trop – il aurait explosé. Parce qu’il faisait de son mieux et que ce n’était toujours pas assez bien. Grâce à son silence ou son désintérêt, elle était passée à une seconde de la crise, des trucs qui volent et des insultes immatures. Pardon, pardon, pardon.

« T’y vas aussi ? » Ils ne s’engueulent jamais sur le dimanche. C’est un truc immuable, une sorte de tradition gravée dans la roche. Tout, absolument tout, peut être matière à hurlements, mais pas le dimanche. Parce que ça reviendrait à blesser les parents. Il ne sait pas pour elle, mais il a l’impression qu’ils en ont déjà trop fait. « J’y suis allé la semaine dernière. » Et celle d’avant, probablement toutes les fois de ces derniers mois, aussi. Parce que Naori a décidé d’être égoïste et de sauver l’amour de sa vie en se laissant crever. Redoutablement efficace, il n’en doute pas. Il dit juste qu’elle a l’air amaigrie, épuisée, globalement aussi mourante qu’Eren. Eren, Eren, Eren. Il n’y a plus que ça pour raviver ses yeux. Sauf que ceux de maman aussi ont besoin de leur petite flamme. Elle ne le dit pas mais il le sent quand elle lui ouvre la porte, elle est heureuse de le voir, mais elle voudrait serrer sa vraie descendance dans ses bras. Pas le gamin taré d’une grande malade qui a manipulé son mari. Il s’en brûle les doigts contre la casserole de pâtes même pas trop cuites cette fois. « Un plan ? On a besoin de plans pour soigner les gens ? » La clope au bec et un air de défi sur le coin de la gueule, il lui apporte son repas dans une assiette et se réserve la casserole. Tout est toujours meilleur dans le plat mais il sen cogne un peu maintenant qu’elle a ouvert une brèche. Qui se referme presque, qu’il pense. « Le temps, c’est fascinant, hein ? » Sérieusement. L’intérêt retombe un peu. Normalement, c’est son job de philosophe junior de balancer ce genre d’absurdité inutile. « Ça l’est encore plus quand… quand tu peux le contrôler. Et le contrôler peut contribuer à en comprendre le fonctionnement. » Haussement de sourcils. Ça y est, elle est devenue tarée. Son adorable grande sœur a pété les plombs avant lui et ça le fait crever de jalousie. Elle lui vole même ses drames existentiels, la garce. « Hm. Fascinant. Surtout parce que ça ne se contrôle pas très bien, la plupart du temps. » Il ne s’en veut pas le moins du monde de la casser dans son délire. C’est le désespoir qui parle, pas sa sœur la scientifique, la petite fierté de la famille dont on exhibe les diplômes devant les invités. Il sait y faire avec celle-là. L’autre, c’est une inconnue. Rion, le déni. Le déni, Rion. C’est un aveu presque parfait qu’elle lui sert sur un plateau et il trouve le moyen de le rejeter en bloc. Ce genre de choses, ça se voit, ça se comprend, ça se devine éventuellement. Ils ont vécu ensemble trop d’années pour qu’un détail lui échappe. « Et si tu pouvais contrôler le temps, ça changerait quelque chose ? Il serait vivant ? »

Vivant. Il réalise trop tard. Il ne peut même plus se rattraper, juste la regarder les yeux grands ouverts et attendre que ce soit à son tour de se vautrer dans le déni. A la maison, personne ne le dit tout haut, mais il est sûr que tout le monde y a pensé. Eren est mort ou pas loin de l’être. C’est, ironiquement, une question de temps avant que Nao ait besoin d’être ramassée à la petite cuillère. Il essaye de penser à sa défense comme s’il pouvait justifier ça. Rien ne s’échappe de ses lèvres pincées. Sous peu ce sera lui, l’homme mort de l’histoire.
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melodramanaori x rion
« Va parler à n’importe qui alors, je m’en fous. » Naori haussa les épaules, très peu étonnée par la réplique de son demi-frère. Elle l’aurait fait, si elle avait pu et Rion le savait bien évidemment. Se tourner vers lui en évoquant un sujet aussi personnel n’était pas dans ses habitudes et s’il avait fallu dresser une liste des personnes à parler, Rion se serait sûrement retrouvé tout en bas de la page, juste ‘au cas où’, s’il n’y avait aucune autre solution, une option qu’elle aurait préféré ne jamais avoir à utiliser.

Parfois, Naori voulait abandonner. Se résigner, accepter l’idée que tout était terminé pour Eren. Que passer des heures à son chevet, réfléchir à ce qu’elle pourrait faire de plus pour améliorer la situation, ne changerait absolument rien. C’était assez fou de penser qu’elle trouverait une solution alors que les médicomages se montraient plutôt pessimistes. Bien-sûr, on lui avait clairement dit que les nombreux traitements n’aboutiraient pas en une guérison miracle, qu’ils faisaient simplement en sorte de le maintenir en vie le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’une véritable solution soit trouvée. Naori comptait sur eux pour ça et avait reconsidéré ses attentes : la médicomagie n’était pour le moment pas capable de le ramener. Alors s’ils parvenaient à le maintenir dans cet état sans que ça ne s’aggrave, c’était suffisant. Ces derniers temps, il lui arrivait d’essayer d’inverser les rôles, de se demander ce qu’Eren aurait fait à sa place : se battre quitte à s’oublier un peu plus chaque jour ou abandonner ? Non, abandonner n’est pas le mot exact, qu’elle se répétait, le libérer plutôt. Le laisser s’en aller était peut-être la meilleure chose à faire. Il n’était ni mort, ni vivant, et quelque chose en elle savait qu’il n’aurait pas voulu être dans cet état. Au final, elle agissait par pu égoïsme. Naori avait besoin d’Eren plus qu’il n’avait besoin d’elle. Elle s’accrochait beaucoup trop et n’était pas encore prête à faire ses adieux. « J’y suis allé la semaine dernière. » Evidemment, il ne ratait jamais le brunch dominical, contrairement à elle. « Tu… tu pourrais embrasser papa et maman de ma part, s’il-te-plaît ? » Être un enfant plus digne que je ne le suis ? Elle savait déjà à quelle réponse s’attendre : Rion lui dirait tout simplement de le faire elle-même. « Oh et puis, laisse tomber. »

« Hm. Fascinant. Surtout parce que ça ne se contrôle pas très bien, la plupart du temps.— Je suis sérieuse, Rion » Elle le coupa immédiatement, avant de reprendre. « Et je suis la mieux placée pour savoir à quel point c’est difficile, contrôler le temps. » Toujours aussi perplexe, il la regardait comme si elle venait de perdre la tête. Elle avait peut-être l’air désespérée mais n’était pas encore assez folle pour inventer de telles bêtises. « Et si tu pouvais contrôler le temps, ça changerait quelque chose ? Il serait vivant ? » Pertit rire nerveux, vivant… Elle se racla la gorge, choisit de rester silencieuse quelques secondes pour se ressaisir, essayer de réprimer des larmes qui menaçaient de couler n’importe quand et contrôler cet élan de colère qui l’envahissait, une fois de plus. « Essaye de te mettre à ma place. Et si… et si c’était Yiren ? T’aurais fait quoi, hm ? Me fait pas croire que t’accepterais la situation sans rien faire. Mais tu comprendras jamais, parce que t’es incapable de comprendre ce qui te concerne pas directement. Et crois-le ou non, mais je suis pas assez mauvaise pour espérer que ça t’arrive aussi, espérer que tu ressentes cette même douleur. Je le souhaite à personne, pas même à toi. » Pendant une grande partie de sa vie, Naori avait voulu le malheur de Rion. Elle avait fait en sorte de le pourrir, tout en se pourrissant au passage. C’était encore le cas, aujourd’hui. Elle avait la sensation que quoiqu’ils puissent faire, c’était trop tard. Rien ne parviendrait à recoller les morceaux, encore faut-il qu’il y en ait eu un jour. « Tu sais… t’es pas obligé d’être aussi méchant, mais ça m’étonne pas, de ta part. » Elle se leva, prit la direction de la cuisine pour attraper quelque chose à boire, souffler un peu. Malgré ses efforts, elle finissait toujours par perdre ses moyens face à Rion, c’était un fait. Elle fit quelques pas, puis revint s’asseoir. « Ou-oublie ce que je viens de dire, tu veux bien ? » Le visage dans les mains, elle prit une profonde inspiration. Il fallait qu’elle se calme, elle devait se calmer et lui parler. Tout lui expliquer, enfin. « Pas de si qui tienne, Rion. Le temps peut se contrôler. Certaines personnes utilisent des artéfacts magiques, comme les retourneurs de temps par exemple, et d’autres n’en ont pas besoin. Ecoute-moi, avant de dire que je suis folle. » Naori n’avait jamais su comment elle avait pu acquérir une telle particularité. C’était encore trop peu connu pour le moment, et elle ne savait pas réellement vers qui se tourner sans risquer d’être à découvert, ou se mettre en danger. L’inconnu fait toujours peur, et elle n’avait pas envie d’échanger les rôles et devenir le sujet de recherches plutôt que de les mener. « C’est comme les animagi ou les métamorphomages… c’est seulement une autre forme de magie. Sauf que dans ce cas, dans mon cas, il s’agit pas d’un changement d’apparence mais plutôt d’une modification de l’écoulement du temps : suivre le cours de la rivière, ou nager à contre-sens. Ce que j’essaie de te dire, c’est que je peux remonter le temps. C’est pas parfait, bien-sûr. Juste quelques secondes, minutes au début et puis à force d’entraînement, c'est devenue des heures et j'espère bientôt, des jours. » Elle n’aurait jamais cru un jour révéler cette information à Rion, peut-être au reste de la famille, mais sûrement pas lui. Elle ne voyait pas d’autre solution, il fallait qu’il sache pour qu’il puisse comprendre les raisons de son acharnement. « Si un jour, j’arrive à maîtriser ce don comme il le faut, je pourrais arrêter le temps autour d'Eren, assez longtemps pour le maintenir en vie et éviter que son état s’aggrave. Et ça me laissera la possibilité de m’entraîner encore plus, m’entraîner pour réussir à remonter plusieurs mois en arrière, modifier le passé et empêcher que cet accident se produise. » Un petit sourire timide se dessina sur ses lèvres, il devait vraiment la prendre pour une folle. « C’est pour ça que je m’acharne autant. Parce que je sais que je peux faire quelque chose… » C’était son dernier espoir, elle ne pourrait vivre avec elle-même si elle n'épuisait pas toutes ses chances. « Si tu me crois pas, je peux te le prouver. Dis-moi quelque chose. Ces mots que tu réprimes mais que tu rêves de me balancer à la gueule. Lâche-toi. Et dans quelques minutes, tu te souviendras même pas les avoir prononcé. » Elle espérait que l’offre était assez alléchante pour piquer sa curiosité, croire en elle ne serait-ce que quelques secondes. Elle ne demandait que ça, c’était suffisant.
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