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there should be
one safe place : this world.
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R omi remue ses épaules et s’affaisse dans son siège.
Elle a travaillé sur les docks tous ces derniers jours, survivant grâce à une tasse de cloud tea qui ne se vide jamais et des caramels beurres salés. Le hangar est minuscule. II fuit de partout, les volets claquent, et ses voisins sont des poivrots mais il est haut de plafond, a une mezzanine, une cave secrète où elle store toutes ses frasques, et surtout : il est tout à elle. Or almost, well, close enough. She tries really hard not to think about the money she still owns – and probably always will – to Surgito for that. La règle est appliquée généralement. Elle évite de songer à toutes ces petites choses insolites (et illégales) qui peuplent son nouveau quotidien. Nothing is the way it used to be. Elle le sait, elle le sent et elle le dénie catégoriquement. De ses péchés, Romi a fissuré la voûte céleste de son destin ; elle s’approprie maintenant l’ecstasy des astres hérétiques, attendant patiemment qu’ils la déchiquettent.
Finalement, la bâtisseuse amatrice se lève, les mains tendues au plafond et tout son corps craque et grogne. A ses pieds, une pancarte où les mots Nimai & Co : Auctions & Art s’étalent fièrement. Un coup d’œil aux grandes fenêtres, elle n’est pas sûre de l’heure, ni du jour ; la seule chose qu’elle ne questionne pas est la faim qui ravage ses entrailles. Si Tetsuo était là, il lui ferait un festin. Et si Tetsuo venait là ? La grande sœur l’a tenu à l’écart du projet, l’envie de l’épater une fois fini, mais ça faisait déjà des mois et Romi n’était pas connue pour sa patience.
Le savon efface sous l’évier les traces de peinture qui s’étaient nichés jusqu’à sous ses ongles. Alors elle sort son portable et tape frénétiquement : Got a surprise, you free tonight? Promise I’ll buy you a drink!
Un quart de cadran plus tard, Romi envoie l’adresse d’où elle se tient.
Elle savait sans le savoir qu’il viendrait. Huit mois depuis son retour, huit mois qu’elle tâchait de recoudre les pans de sa vie qu’elle a laissé se déchiqueter au fil des années. Comme huit mois sans glaner des idées sur les noms de la gare aux port-au-loin, frontière tracée du fait de sa propre dictature, pour rester. Rester pour lui.
De la fenêtre ouverte, l’air frais fouette sa nuque et Romi inspire pour mieux profiter de la fraîcheur de ce début de soirée. À cette heure où la nuit ne faisait plus qu’un avec l’infini, seuls les cœurs endoloris et anesthésiés partagent le flambeau d’un anonymat sacré par la lune. D’un côté, la mer s’engouffre sous les pilotis de son cabinet en devenir. De l’autre, les devantures sont bercées par les ombres donnant des airs lugubres à un quai autrement désert. Quelques ivrognes riaient aux éclats, tristes cœurs échoués cherchant dans les ambres la force de sustenter une faim sans limites.
Puis, elle l’aperçoit descendre la rue, accompagné du dernier pourpre du soleil.
Quelques secondes plus tard, elle pousse les lourdes portes coulissantes et pose dramatiquement devant sa nouvelle propriété -- un pied calé contre la rouille et la main sur la hanche, le menton levé et Gérard le perroquet sur l’épaule lui grignote le lobe. A ses côtés, l’enseigne à son nom qu’elle vient de finir est accrochée.
❝ So, what do you think? Should I have used bigger letters? Maybe some neons! How about – and hear me out here – little forever fireworks? ❞
Elle s’enquiert sans laisser le moindre doute de ce dont elle parle, son regard passant sans cesse entre son frère et l’enseigne.