curiosity killed the cat (jasper)

Sasha gigotait de partout. Certes, l’énergumène n’avait jamais été très immobile ; enfant hyperactif dont les mains s’occupaient toujours avec les stylos à sa portée, adulte pétillant dont les expressions se faisaient trop nombreuses pour un âge où l’on commençait à se calmer. Mais là, tout était décuplé, sa jambe n’avait pas arrêté de trembler de tout le repas et il n’avait cessé de lancer des regards en biais à Jasper, son voisin de table. Sasha était capable de garder des choses pour lui, de respecter les limites de chacun et d’attendre que l’autre soit prêt pour lui avouer les choses, mais il était si curieux. Sa patience, déjà faible, se faisait largement engloutir par sa curiosité et il voulait savoir, tellement savoir, ce qui s’était passé entre Silene et Jasper. Ça n’avait pas de sens, ils étaient arrivés à Mahoutokorou l’air si heureux, et maintenant, les voilà divorcés. Il voyait bien les coups d’œil que Jasper jetait à Silene et comprenait que cette rupture n’était pas tellement une rupture : plutôt une rupture forcée alors que les cœurs étaient encore liés. Par respect, Sasha avait agi comme tous leurs collègues et évité d’évoquer le nom de Silene en présence de Jasper (même si souvent, il laissait échapper des bêtises par habitude, et il changeait vite le sujet, l’air paniqué). Sauf qu’il n’était pas tellement doué à éviter un sujet, Sasha, et que ça le chiffonnait de voir cette tension entre les deux divorcés sans en comprendre le fond du problème. Sasha n’était pas fan de s’immiscer dans la vie privée des autres, mais là, ça concernait Jasper, et il l’aimait bien, Jasper ; alors tout naturellement, il s’inquiétait aussi pour lui, s’inquiétait de l’état de sa relation avec Silene.

Après le repas, il s’était donc dirigé vers Jasper le plus normalement possible, les autres collègues partant vaquer à leurs diverses occupations. Normalement, Sasha devrait retourner à son bureau pour préparer ses prochains cours, et certainement que Jasper aussi, mais il ne le laissera pas faire ça aujourd’hui. Non, aujourd’hui, Sasha était déterminé à entendre Jasper lui expliquer ce qui s’était passé. Problème : dès qu’il fut en face de lui, Sasha perdit soudainement sa langue, les membres se figeant pour la première fois depuis que Jasper était entré dans son champ de vision ce midi. Comment est-ce qu’il devait amener le sujet ? Il ne pouvait quand même pas directement lui dire « hey collègue, dis-moi, pourquoi t’as divorcé avec Silene déjà ? »… Alors Sasha invoqua son meilleur rire (un rire bien forcé) et gratta l’arrière de sa tête, tel un personnage comique de dessin animé. « What a beautiful day, right ? I saw you glancing at the window several times when we were eating, so I guess you're going for a walk now ? Why not go with me ? » La vérité, c’était que Jasper avait jeté des coups d’œil à Silene, qui mangeait près de la fenêtre. Et si Jasper n’avait pas eu envie de se promener, trop tard, Sasha commençait déjà à marcher, lui faisant signe de la main de le suivre, les pas étrangement trop raides pour un homme aussi à l’aise que Sasha, normalement.

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un soupir s’échappe, une nouvelle fois. le regard partout et nulle part quand celui-ci ne s’arrêtait pas sur un point précis avant que les prunelles ne divergent vers son assiette. c’était la même scène qui se répétait depuis qu’ils s’étaient éloignés, et depuis le divorce, terme qui lui faisait grincer les dents ; la chute a été trop grande pour l’éviter. il n’avait pas vu les premiers signaux pour ne voir que les derniers, trop grands à ignorer et détestable à regarder, les lèvres qui se plissent dans un sentiment de dégoût. l’homme retourne dans la réalité quand il réalise qu’il a dû faire quelque chose pour que son voisin de tablée ne lui jette un bref regard, something wrong, artaega ? hoche négativement la tête avec un sourire poli avant que son regard ne se pose malencontreusement sur elle, toujours. une habitude qui avait trainé, jusqu’à la troisième décennie. dur d’effacer une telle habitude, c’est comme ça qu’il se pardonnait de faire cette erreur, encore. le profil est sublime, comme la cascade de cheveux ébènes si familière avec ses doigts, tout lui était familier, trop familier. tout était si récent après tout, et ses collègues ne pouvaient que assister et subir l’étrange orage qui apparaissait quand les deux se savaient à proximité, dans la même pièce. ils étaient professionnels, mais ils étaient aussi rancuniers. trop d’histoire d’hier, un peu trop de sang, et des secrets. jasper sent alors son téléphone vibrer, une bouée de sauvetage à ses yeux et a les yeux qui pétillent quand il voit qu’il s’agit d’une photo d’amaia envoyée par sa nourrice, assez pour le remettre sur pied et lui faire oublier toutes ses idées noires, même si elle avait les traits de silene, amaia.

un coup d’oeil à l’heure le fait se relever ; il était encore un peu tôt mais il n’avait rien d’autre à faire sur place. le programme se fait plus clair dans sa tête avant que sasha n'apparaisse comme par magie devant lui, les cils battent avec surprise. « … yes ? » qu’il répond, intrigué par les mots de sasha. le garçon de douze ans son cadet était toujours le bienvenue, agréable à avoir à ses côtés. « sure, why not. we should ejoy it. » répondu avec politesse, un sourire aux lèvres avant qu’il ne suive son collègue sur son trajet, les deux quittant le bâtiment pour profiter du premier rayon de soleil à leur portée. les prunelles remarquent aussitôt la marche de celui-ci mais ne préfère pas faire de commentaire, du moins pas tout de suite. le professeur inspire alors l’air à plein poumon, se sentant soudainement plus emprisonné.  « it feels good, you were right. » aussitôt complimenté, alors que les deux continuent de marcher. jasper ne tarde pas et rajoute le plus tranquillement possible un « everything is okay ? », qu’il n’avait pas à hésiter s’il avait quelque chose en tête.

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Copiant le sourire de Jasper, lèvres finement pressées entre elles, Sasha se mit à marcher avec Jasper, de pas un peu trop raides, de gestes peu naturels, comme lorsqu’on se disait comment on marche, déjà ? et qu’on se retrouvait à ne plus savoir comment marcher. Là, c’était pareil : Sasha était tellement stressé par le fait de devoir avoir l’air normal qu’il n’avait absolument plus l’air normal. Un peu surpris, ne s’attendant pas à ce que Jasper prenne la parole (alors que, c’était normal, ça faisait déjà quelques secondes qu’ils marchaient, il fallait bien parler à un moment donné), il rit légèrement, d’un son un peu creux, pas très naturel. « Right ? Always feels good to take a good walk. » Il disait ça comme s’il se promenait souvent alors que s’il le faisait, c’était plutôt accompagné de l’un de ses animaux ou plutôt, ses bébés, comme il les appelait. « Everything is okay ? » Sasha faillit s’arrêter en plein milieu de la voie mais continua à marcher comme s’il n’avait pas eu un léger mouvement de surprise, touché en plein dans le mille. En réalité, lui, il allait bien (on pourrait s’y méprendre), mais c’était peut-être quelqu’un d’autre, qui n’allait pas bien. Le quelqu’un d’autre qui se promenait à côté de lui, justement. « Yeah, yeah, everything is okay, » dit-il, un peu à bout de souffle alors qu’ils n’avaient fait aucun effort physique. « Is… um… everything okay with you, though ? » Il regarda Jasper d’un air un peu intimidé, maladroit. « I mean… If something’s wrong, you can tell me. » Please tell me.

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Jasper se fait patient, loin de la malice du kitsune. Rien ne pressait, mais au bout de deux années de pratique dans l’académie, il avait bien fini par cerner les personnages qui occupaient mahoutokoro. Ça n’avait jamais été compliqué pour lui de se mêler dans la foule, et de se faire sociable avec ses collègues, accessibles ou non, acceptant les marques de distance avec respect et se mêlait avec le reste qui acceptait sa présence. Sasha était l’un d’eux, Sasha qui n’avait pas l’air de se rendre compte qu’il était tout sauf discret alors que l’aîné se retenait de ne pas rire jusqu’aux larmes par respect, tête baissée et le regard ailleurs. Il fallait bien que le cirque ne cesse, pour son bien comme pour celui du professeur de magizoologie qu’il voyait avec les plus grands égards. Un sourire haussé et les lèvres étirés quand celui-ci lui dit que tout va bien, le directeur des denkis ne peut s’empêcher de lui lancer un regard qui voulait tout dire, are you sure about that ? avant que sa propre question ne lui soit retournée et que son cadet essaie de se faire rassurant et ça l’intrigue d’un coup. Est-ce que ça se voyait autant que ça ? « everything’s fine. » Premier mensonge avant de grimacer ouvertement face à ses propres mots, c’était comme s’il avait avalé quelque chose de travers. « .. almost everything. » un bref songe, puis un soupir avant de pincer l’arête de son nez. « Is it that obvious ? » qu’il demande, penaud.

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« Everything’s fine. » Il y avait quelque chose dans le ton de sa voix qui faisait que Sasha savait qu’il venait de mentir. Pourtant, ce n’était pas comme s’il pouvait forcer son aîné à dire la vérité, car s’il n’avait pas envie d’en parler, c’était tout à fait dans son droit, aussi. Simplement, Sasha était curieux, et s’il pouvait en savoir plus sur cette étrange affaire entre deux de ses collègues, il en serait ravi. Il comprendrait enfin pourquoi l’air se tendait quand ils se trouvaient dans la même pièce, les regards incessants de Jasper vers elle, la source de ses inquiétudes. « … Almost everything. » L’aveu fit arrêter les pas de Sasha qui regarda Jasper, d’un air un peu peiné, désolé. C’était lui qui voulait que Jasper en parle, mais ce n’était jamais plaisant de se voir confronté au vrai malheur des autres (parfois, c’était mieux de se dire qu’on s’était trompés, que notre intuition était fausse ; au moins, ça voulait dire que l’autre allait bien). « Is it that obvious ? » « Eh… A bit ? » répondit Sasha avec une grimace en le mesurant entre ses doigts, à peine un centimètre d’écart. « I don’t think everyone picked it up, though. I personally tend to see those things quite easily, I just don’t speak about it. » Il en voyait, des tonnes de situations, il en entendait, des tonnes de mensonges. Mais si ce n’était pas de son ressort, si ce n’était pas ses affaires, il ne pouvait rien faire d’autre qu’être un témoin. C’était cette attitude qu’il avait adoptée avant de finir par craquer, se disant que, non, Jasper était aussi bien son ami que son collègue, alors il avait bien le droit de s’inquiéter et de vouloir savoir ce qui se passait. « So… What happened ? Only if you’re comfortable telling me, of course. If you’re not, well, I know a lot of stuff to do to boost one’s mood. Actually, people tell me I’m a funny person, so I might be able to make you laugh and feel better. » Il sourit de toutes ses dents, fier comme un enfant le serait.

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il est presque gêné de pas avoir été discret dans ses affaires, loin d’être professionnelles. gêné pour que cela soit si visible que le kasai ne vole à sa rescousse, ou tente, en partie. un « sorry. » s’échappe à la réalisation, comme s’il avait commencé à bien intégrer les coutumes de la communauté sorcière locale. désolé qu’il s’en est aperçu, désolé qu’il aille jusqu’à prendre sur lui et aller le voir pour savoir ce qui n’allait pas. il soupire, et ne peut que sourire faiblement quand sasha tente de se faire rassurant, et notant par la même occasion qu’il pouvait être plus observateur que l’aîné pouvait le penser. « ... it's reassuring, i guess. i don't really pay attention to what's going on around me lately. » marmonné, le regard perdu dans le ciel. ça ne ressemblait pas à l’ancien auror de son état, mais il tentait de se distraire de la situation quand il le pouvait, et manquait de peu les commérages ou autres regards, bien qu’il savait qu’ils existaient, qu’ils étaient là. « you are the first person to come to me. you are the bravest person here. » ajouté avec un petit sourire, le premier à venir le voir à propos de tout ce cirque et c’est assez pour l’apaiser. il savait que son cadet n’était pas de ceux à commérer, même s’il ne les craignait pas réellement. il y a de la surprise, toujours, face au flux de mots capable de sortir de la bouche de l’homme, de la surprise mêlée à de l’amusement. c’est vrai qu’il pouvait être amusant par moment. un rire s’échappe à la place, chaleureux. une main tapote tranquillement l’épaule de sasha, « let me order us a coffee first. come on. » qu’il l’invite gentiment alors que les deux ne s’approchent d’une des cafeterias de l’académie. l’affaire se fait rapidement, et il tend un des deux goblets fumants au professeur avant que les deux ne reprennent l’air à nouveau. « here. now... you wanted to know what happened. you mean the divorce ? » le mot brûlant entre ses lèvres.

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La mine surprise, Sasha cligna des yeux à l’excuse soudaine de Jasper. Désolé pour quoi ? Qu’il n’ait pas réussi à cacher sa détresse ? Sasha se rappela soudain alors de ce même mot sorti de la bouche de son père, allongé sur son lit d’hôpital, la première fois que Sasha avait découvert son état de santé. Sorry I couldn’t hide it better. À l’époque, face à son père et à l’adolescent de dix-sept ans qu’il était, il n’avait pas su quoi dire et n’avait que fondu en larmes. Mais il ne reproduirait pas la même chose cette fois, et rassurera Jasper. « You don’t have to be sorry for that. It’s okay not to be okay. » Hypocrisie involontaire, car si Sasha pensait sincèrement ces mots pour les autres, ça ne s’appliquait pourtant jamais à lui (pauvre homme qui pleurait seul dans sa chambre les lumières éteintes).

Il haussa des épaules, suivant le regard du plus âgé, observant les nuages du ciel. « Nothing interesting happened around us, don’t worry. I’ll keep you updated of all the things that I see. » Tentative d’humour, il sourit en coin, d’un air complice à son ami. Sasha curieux des rumeurs et commérages qui se passaient autour de lui, sans jamais y participer, parce que ce n’était pas son truc (il écoutait et après, on se demandait comment il était au courant de tout). Et puis il éclata de rire, lançant sa tête en arrière. « Or more like, the most impatient person. I couldn’t wait any longer to ask you what’s wrong. » Alors sans surprise, il posa la question, et ils s’approchèrent ainsi d’une cafeteria pour se prendre un café, pour bien tenir l’après-midi (ou plutôt, pour tenir cette conversation). Gobelet chaud entre les doigts, Sasha soufflait sur le café brûlant après avoir remercié son aîné. Mais les pensées s’arrêtèrent soudainement quand il entendit le fameux mot. Divorce. Enfin, il allait savoir. Le cœur accélérant d’appréhension, de curiosité, Sasha releva la tête et planta son regard dans celui de Jasper, un peu plus sérieux que d’habitude. « Yeah. What happened with your… divorce ? » Sasha porta le gobelet à ses lèvres, le café brûlant sa langue, sa gorge, grimace tirant son visage (comme pour l’empêcher de parler, pour ne laisser la parole qu’à Jasper).

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it’s okay not to be okay. l’homme ne pouvait que cligner des yeux aux plus que sages paroles de sasha. et quand son esprit fit la connexion, il réalise qu’il avait complètement oublié cela. lui qui avait toujours vécu au jour le jour jusqu’à l’arrivée d’amaia où il s’était alors passé en deuxième dans sa vie, priorisant complètement son enfant. il s’était complètement déconnecté de la réalité, jasper. les prunelles sont douces, face aux mots de réconfort de son cadet. « you’re right. you’re right. » il ne peut s’empêcher de se répéter, et se retient même de tapoter l’épaule de celui-ci pour éviter de le secouer comme un prunier. y a de la reconnaissance dans son regard alors qu’ils prenaient leur chemin. certes de loin, ce n’était pas grand chose, mais aux yeux du professeur, c’était beaucoup. on s’oubliait quand on devenait parent, lui qui voulait qu’amaia ne voit que le meilleur de son père. un soupir s’échappe à la pensée, avant de se ressaisir et de revenir le jasper qu’il était au quotidien sans les traits un peu trop dépités dernièrement. il laisse échapper un ricanement à la promesse lancée, c’était toujours facile de le dérider. « i’m counting on you. » dans le même ton, une oreille toujours à l’écoute s’il y avait une information utile à savoir. et c’était toujours intéressant d’en apprendre plus sur les personnes qui les entouraient dans la salle des professeurs.  « you’re right. though i don’t mind if it’s you. » qu’il ajoute simplement derrière sa tasse de café, bien que cela ne soit pas un secret. un léger grognement ne pouvant signifier qu'une langue brûlée s’échappe d’entre ses lèvres, oubliant la chaleur entre ses mains avant de jeter un regard amusant à son cadet victime du même sort et de se poser enfin sur la question qui l’avait fait venir à lui. « to be honest with you, i don't even know what happened. » un petit rire nerveux s’échappe alors, un rire qui ferait presque pitié mais il était perdu, jasper, ne voyait pas le départ. tout était flou au début, il ne voyait que la dégringolade finale avant la chute. « i'm still looking for what happened. i'm still looking for my mistakes, what i missed that made it all fall apart. » il s’arrête un instant pour prendre une gorgée brûlante, avant de claquer ses doigts. « five years gone, just like that. i’m not perfect, but i can’t be blind. » glissé instinctivement en guise de défense, il y avait eu plus de cinq ans entre eux d’eux, mais sasha n’avait pas besoin de le savoir. une anecdote lui revient. « i almost got married for the first time... at your age i think ? will it be your turn soon? » une lueur curieuse dans son regard, un sincère intérêt pour le professeur et sa vie en dehors des salles de classe.

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Sasha sourit simplement d’un air solennel face à l’expression de Jasper. Des mots simples étaient sortis de sa bouche mais Sasha avait vu à quel point ça l’avait affecté, et tant mieux. Il voulait qu’il se souvienne de ça les prochaines fois où il irait mal, les prochaines fois où il se dirait qu’il devait prétendre aller bien alors qu’en fait, il pouvait se relâcher, de temps en temps. Ce n’était pas normal d’aller bien tout le temps, il y avait toujours des périodes moins bonnes où l’on se sentait plus mal, et ce n’était pas à rejeter. Sasha aimerait qu’aller mal soit normalisé et en même temps, il faisait tout le contraire lui-même, à toujours sourire, jamais pleurer. Espérer que les gens puissent montrer qu’ils aillent mal sans lui-même le faire ; voilà le paradoxe.

« Of course, » répondit Sasha avec un sourire fier, frappant l’épaule de Jasper de la surface latérale de son poing, comme pour lui faire une promesse d’homme à homme. Et puis il toucha sa propre poitrine, petite expression agréablement surprise sur le visage. « I’m very honored then, Mr. Artaega. » Café dans sa main, il se brûla la langue tout comme Jasper et il en aurait peut-être fait une vanne s’il ne venait pas tout juste de poser la fameuse question qui le taraudait depuis des semaines. What happened ? « I don’t even know » Jasper répondit. Étonné, Sasha avait les yeux rivés sur ceux de Jasper, cherchant presque à lire dans ses émotions, ses pensées. Mais finalement, il n’avait pas besoin d’utiliser son don pour le comprendre, le rire nerveux dévoilant tout le mal-être de Jasper face à la situation. Un homme simplement perdu, ayant perdu le contrôle de sa vie, obligé d’être témoin de la catastrophe devant lui sans pouvoir rien y faire. Devenu spectateur au lieu d’acteur. Sans voix, Sasha en oublia même son café dans son autre main, toujours à fixer Jasper jusqu’à ce que celui-ci change le sujet de la conversation, partant sur Sasha. Était-ce sa façon de dire qu’il ne voulait pas en parler davantage ? En même temps, ce n’était pas bon de garder ce genre de choses trop longtemps pour soi. Sasha ne pouvait pas se la jouer psychomage, mais il voudrait bien apaiser le cœur de Jasper. S’il en avait le pouvoir, il aurait aspiré toutes les émotions négatives de son ami. À la place, il utilisa son don de legilimens pour transmettre ses propres émotions à Jasper : un sentiment de calme, sérénité, paix. « No, not soon, » répliqua Sasha en rigolant, la main rejetant la possibilité. « I hope that I’ll get married in the next few years… » Il pensait à Hana, se disait que Hana ferait forcément de la place dans les années à venir, non ? Plus tôt que Sasha ne l’aurait pensé à vrai dire (comme quoi, il n’était pas ekisha). « And of course, when that time comes, I’ll invite you. I’m looking forward to your suit on that day. » Légèrement joueur, il lui esquissa un sourire. On pourrait presque penser que le précédent sujet était oublié, déjà rangé dans un coin du cerveau, enseveli sous la terre, mais Sasha déterra tout ; perdit son sourire amusé. « So… you don’t have your closure, hm. That’s not good. You need to have your closure to be able to let go. Otherwise the wound will sting for a very, very long time. » Il avait dû faire face à des départs précipités aussi, et peut-être pas de personnes qu’il aimait autant que Jasper aimait Silene, mais il savait que ça faisait mal. Il n’osait même pas imaginer la douleur de Jasper. « I guess she doesn’t even want to talk to you ? Hm… » Il leva les yeux au ciel d’un air pensif. « Sometimes there are misunderstandings. Sometimes people think they got the other when they didn’t. Sometimes people make decisions on their own because they think they’re right even if they didn’t properly listen to what the other had to say. And these are things you don’t have any control on, so you shouldn’t be hung up on these. It does hurt to lose five years like that, but in my point of view, you didn’t really lose them. You lost her but you still have you. It hurts and it’d be better if you didn’t have to hurt at all, but since you do, you can learn from your experience and move on from it to become a better Jasper. Your daughter needs it, right ? The best dad in the world. » Sasha tapota l’épaule de Jasper et lui sourit. « Well, a dad that can cry in front of her, too. A best dad doesn’t have to be happy all the time. » Il regarda devant lui, se rappela ensuite de son gobelet de café. « You’re doing reaaally great, Jasper. Really. Let yourself be hurt. You need that in order to heal. » Il lui esquissa un sourire puis avala son café. « Oops, now it’s too cold. I never know when is the right time to drink hot coffee. » Il éclata doucement de rire.

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