(fb) second thoughts and maybes ☾ geonhee

Court éclat de rire, prise par surprise. « Non, tu l’avais pas précisé ! » rétorque-t-elle sans pouvoir s’empêcher d’être amusée. « Je suis pas parfaitement convaincue par ta théorie » Elle secoue la tête et sourie en disant ça, pourtant elle se dit que ça peut être amusant : renverser les règles, faire les choses à l’envers. « Mais tu m’as donné envie d’essayer. La prochaine fois qu’on se voit, c’est le chocolat chaud marshmallow, mais celle d'encore après, ce sera un ice-tea. » Un air de défi en disant ça, comme si elle cherchait à lui prouver qu’elle pouvait le faire aussi, bien consciente que c’est complètement puéril. Sans vraiment s’en rendre compte, elle promet déjà une troisième rencontre, vivant déjà dans un futur où ils se voient régulièrement. Un futur qu’elle évoque sans même se demander s’il est probable ou pas ; il s’impose à elle, comme une évidence.

Son sourire ne disparaît jamais de son visage, mais il y a des moments où il s’agrandit ; comme quand il propose de rester ici, parce que ce sera plus pratique pour elle. « Ça te ressemble bien. De penser à ce qui est plus pratique pour les autres. » souligne-t-elle avec un regard complice. Peut-être que Geonu se lève à l’aube et boit du café, maintenant, mais il y a toujours des côtés de lui qui ne changent pas ; et c’est ce mélange de familiarité et d’inconnu qui la fait sourire comme ça. « Pas de souci ! » Elle n’a rien de particulier de prévu, elle, alors il aurait pu lui dire n’importe quoi et elle aurait acquiescé. « Des cours de quoi, d’ailleurs ? Tu fais quoi comme étude ? » Quand elle pose la question, elle ressent soudainement les années qui les ont séparée. Comment peut-elle avoir l’impression de le connaître si bien tandis qu’elle en connaît si peu ?

Puis le plateau arrive, et elle oublie tout pour ne penser qu’au sandwich aux fruits. « Bien sûr que j’aime le kiwi ! » En fait, ça fait longtemps qu’elle n’en a pas manger, mais elle sait qu’elle va aimer. « Je ne suis pas difficile en goût non plus, je mange de tout » précise-t-elle. Alors elle brandit son téléphone, photographie le plateau, le chocolat chaud, le toast, les sandwichs, lève l’objectif vers lui. « Je n’ai pas pris de photo de toi ! » répond-elle sur la défensive. « Donc ce n’est pas encore trop tard pour demander. » Même si elle aurait eu l’air fine, avec son téléphone vers lui, s’il lui avait répondu « non ».

Comme un enfant qu’on promène, elle suit Geonu jusqu’à la table, rigole quand il lui parle de la luminosité. Elle s’assied sur la chaise qu’il a déplacée pour elle, se sent comme une princesse, mi-gênée et mi-touchée par la galanterie du garçon. « Tu es plus soucieux que moi » Sunhee adore les photos, mais elle est du genre à prendre les choses comme elle les voit, sans chercher à les rendre plus esthétiques ni plus jolies, persuadée qu’il y a du beau même dans les photos banales. Elle attend qu’il tourne la tête vers la fenêtre pour prendre sa photo. Elle laisse s’écouler quelques secondes durant lesquelles elle se demande ce à quoi il pense pour avoir un air presque mélancolique, puis quand le silence devient trop long, elle tourne l’écran vers lui. « Tu es d’accord pour que je la garde ? » Inquiète de faire quelque chose qui lui déplaît, de l’offenser ou de le mettre mal-à-l’aise.

Geonu avait mal mais n’avait rien dit.
Lorsque Sunhee l’avait complimenté, il n’avait su quoi lui répondre. Était embarrassé par sa spontanéité et son innocence, par cette gêne qu’elle-même avait du ressentir pour lui offrir ces doux mots. Tu es plus intentionné que moi. L’était-il, vraiment ? Lui qui n’avait répondu à son message malgré ses promesses et qui avait été prêt à renoncer à leurs retrouvailles. Lui victime d’évènements qu’il n’aurait pu prévoir mais bien coupable des choix ayant suivi.

Le temps était doucement passé entre eux sans que le garçon ne le réalise. L’espace-temps n’était pas le même à l’intérieur qu’à l’extérieur de soi. Tressautant face à la voix de Sunhee, Geonu avait entraperçu le téléphone tendu. Pardon Souri brièvement face au silence qu’il avait instauré malgré lui, suivi d’un petit merci à peine audible.

Se concentrant sur le cliché, venant effleurer ses doigts des siens pour orienter l’écran de manière à réduire les reflets, il s’était exclamé : Bien sûr ! Si tu pouvais même me l’envoyer ? Elle irait bien sur les réseaux. Lui souriant, il s'était reculé, s'adossant contre le dossier de la chaise. Attrapant son café glacé, il en avait bu une puis deux gorgées. Avait attendu que Sunhee essaie également ce qui était devant elle, soucieux de savoir si tout lui convenait. Si elle aimait.

Pour les études, je suis en double cursus magie pure. D'un côté j'ai l'étude des vestiges et civilisations sorcières, qui permet de devenir briseur de sorts, et de l'autre, la brigade de police, qui permet de devenir tireur de baguette d'élite. Je travaille à la brigade de Fuji, je sais pas si tu vois ? Je devrais obtenir mon shūshi à la fin de l'année. Il avait parlé lentement et avait cherché à être le plus clair possible. Les cursus de la magie pure, comme ceux du département de la technomagie, pouvaient être difficiles à appréhender. Il espérait que les exemples de métiers donneraient à Sunhee une vision plus concrète de son quotidien. Sinon je suis aussi batteur pour les Komodo Dragons. Et capitaine, mais ça, c'était une autre histoire.

Et il ne le sortirait pas de sa propre bouche.
Geonu piégé depuis près de deux ans à présent dans une équipe par obligation plus que par passion. Il se sentait responsable de ses camarades, trop attaché à ses acolytes qui étaient devenus de vrais amis. Comment partir et renoncer à l'un des plus beaux souvenirs de sa vie étudiante ? Les joueurs de Quidditch étaient ce qu'il y avait de plus proche de son cercle social.

Ça te plait ? demandé alors qu'il avait semblé montrer les deux sandwichs devant elle. Lui en avait profité pour attraper son toast et en prendre une bouchée. Il n'avait toujours pas déjeuner et mourrait littéralement de faim.

Elle ne remarque pas précisément les différents états par lesquels le jeune homme passe. Le regard rivé sur le plateau qui fait briller ses yeux, elle ne réalise le silence qui s’est installé qu’à l’instant où il s’en excuse. Elle répond pas un sourire, prise au dépourvu par la petite voix qui est si différente de celle à laquelle elle est habituée. L’a-t-elle embarrassé ? Dérangé ? Quelle part précisément de ce qu’elle a fait ou dit ? Elle n’en a pas la moindre idée, alors décide de ne pas s’en préoccuper plus que ça — il lui sourit, alors il ne doit pas lui en vouloir de quoi que ce soit.

Le contact de leurs doigts qui se frôlent et un sourire rempli de fierté quand il lui demande de l’envoyer. « Bien sûr ! » s’exclame-t-elle avec une voix joyeuse, parce que ça veut dire qu’il trouve sa photo réussie. Puis elle range son téléphone pour se concentrer sur le vrai protagoniste de la journée — le toast et le sandwich. Elle n’attend pas plus longtemps pour les découvrir, et ses yeux s’illuminent à la première bouchée, mais au même moment, Geonu prend la parole, alors elle retient son exclamation pour mieux l’écouter.

Tout est un peu flou dans son esprit, parce qu’elle n’a toujours eu qu’une scolarité adaptée. Elle est partie en SPASM pour rester dans ce monde magique, dans cette université qu’elle a si peu fréquenté, mais n’a jamais eu le temps de s’attarder sur les autres cursus — encore moins sur ceux qui nécessitent une puissance magique qu’elle est incapable de fournir. Alors ses yeux transmettent son admiration, parce qu’elle ne comprend pas tout, mais elle comprend que Geonu est fort. Briseur de sort ? Tireur de baguette d’élite ? Brigadier ? Que des mots qui respirent la puissance magique. « Je vois ! » Elle met un peu trop de conviction dans sa voix mais ne s’en rend compte que quand elle a fini. « C’est trop classe ! Un double cursus, ça doit te demander tellement d’efforts ! Dans des cursus aussi exigeants en plus ?! » Elle ne peut pas cacher son admiration, alors que peut-être qu’elle devrait être plus maîtrisée dans ses compliments. « En même temps, c’est pas si étonnant. Tu as toujours été fort en magie. » qu’elle rajoute comme un commentaire, parallèle entre l’homme sous ses yeux et le garçon de ses souvenirs, parce que peut-être qu’il n’est pas né aussi puissant qu’il l’est maintenant, mais il l’a toujours été bien plus qu’elle. « Je savais pour les komodo dragons ! Ça a l’air tellement difficile, le quidditch. » Elle le savait parce qu’elle a parcouru son compte instagram en large et en travers, Sunhee, dans l’attente d’un message qui n’est jamais venu.

Avec sa question, elle prend conscience qu’elle a fini par oublier de lui dire. « C’est très bon ! » rétorque-t-elle avec un grand sourire. « Le pain est particulièrement goûteux !! Croustillant mais pas trop !! » Et c’est bien pour ça qu’elle l’a presque englouti, mangé si vite qu’elle n’a pas le temps de ressentir la satiété. Peu importe, parce qu’il lui reste le sandwich aux fruits, et sa bouche salive rien qu’en voyant les fruits et la chantilly qui déborde.

Sunhee aux ourlets innocents qui irradiait d’une chaleur singulière. Elle lui rappelait la douceur du printemps, les rayons diffus du soleil en hiver lorsqu’il était à l'abri derrière les baies vitrées de son appartement. Geonu qui perdait les mots face à cette joie pure, si spontanée qu’elle ne se maitrisait pas. Il savait qu'il ne pourrait en trouver, mais cherchait malgré lui des étoiles dans ses yeux, comme si elles allaient finir par se matérialiser et changer tout autour d’eux.

Souriant, il avait répliqué d’un demi-rire : tu es une des seules qui dois te souvenir des nuits que j’ai pu passer dans les dortoirs à étudier. Geonu n’était pas un génie et savait qu’il ne le serait jamais. Si Sunhee lui rappelait le soleil, lui était constant et rigoureux. Il n’irradiait aucune lumière, mais savait se distinguer par ses capacités de concentration et son dur labeur. Sunhee aussi, d’ailleurs. Car il fallait du travail au-delà de la passion pour réussir à se hisser là où elle en était aujourd’hui. Il avait cru comprendre qu’elle était une championne Olympique, ce qui n’était pas rien, s'il se souvenait de ses lointains cours sur les us et coutumes moldus. Initialement j’étais uniquement dans le cursus pour devenir briseur de sorts, mais j’avais en option la plupart des cours pour la brigade. Au final j’ai basculé en double cursus car c’était plus adapté. Lui qui n’avait jamais su avec exactitude ce qu’il voulait faire : qui avait contemplé la vaste étendue de possibilités sans réussir à se décider. Il s'était forcé à choisir pour réaliser par la suite qu’il n’était, en réalité, pas obligé de faire un choix. Pouvait faire les deux. Si possible, j’aurais aimé être encore plus fort. Son regard s’était voilé alors que la remarque lui avait échappée.

Geonu qui ne pouvait oublier l’évènement sinistre du douze octobre.
Se reprenant, il avait complété : Aimerais ? Être encore plus fort.

Car il ne pourrait jamais l’être assez.
Pas face à l’imprévu, pas face au drame.
Mais tacherait d’être le plus armé possible pour que plus jamais il n’ait à perdre ce qu’il aurait pu, pourtant, protéger.

C’est un peu barbare. Rire sincère alors qu’il n’avait pu que s’amuser du commentaire perplexe de Sunhee. Lui-même l’avait toujours pensé et le pensait encore. Un peu comme si on risquait sa vie à chaque fois qu’on montait sur son balai ? Un truc de sorciers, c’est sur. Eux qui avaient la chance de quasi tout pouvoir soigner : les fractures ne restaient pas même 48h, les maux de ventre n’existaient pas et les rhumes n’avaient pas le temps d’apparaitre qu’une potion les avaient déjà fait disparaitre. Mais les joueurs sont absolument sympas. Et dans son esquisse s’était lu quelque chose de sincère. Geonu si attaché à ces personnes, à ses amis. Il continuerait pour eux, malgré le manque de temps et de passion. Lui ne voulait plus pratiquer, ne voulait plus investir autant d’énergie mais ne pouvait pourtant renoncer à ce que ce sport lui apportait.

Ravi que ça te plaise. Suspens pour celui aux fruits, alors… Moue amusée alors qu’il avait lui-même fini son toast, engloutissant son café glacé de plus de la moitié. Il ne restait qu’un fond face à un Geonu un peu plus rassasié. Il n’était pas forcément friand des sucreries, mais s’y était fait de force : tous ses amis préféraient le sucré au salé.

Sunhee ne semblait pas y échapper.

Une phrase simple et pourtant son sourire s’agrandit aussitôt. Une sensation de chaleur réchauffe son coeur. L’un des seules. Comme s’ils avaient une relation privilégiée, comme si elle le connaissait mieux que les autres. Elle sait bien que ce n’est pas vraiment le cas — Geonu a sans doute plein d’amis qui le connaissent bien mieux qu’elle ne le connaît lui. Mais elle est « peut-être l’une des seules » pour quelque chose et ça lui suffit. Pour elle qui n’a pas eu l’occasion d’entretenir des relations à long terme dans sa jeunesse.

Alors elle ne le contredit pas, même si elle doute que ce soit vrai. Il y a sans doute plein d’étudiants conscients du travail que ça lui a coûté pour en arriver là, mais ils ne lui disent pas forcément. Sunhee sait ce que c’est de s’entendre dire à longueur de journée qu’on a du talent, qu’on est né pour faire quelque chose. Elle connaît cette sensation que les efforts sont oubliés au profit d’un prétendu talent inné. Pour autant, elle sait que de nombreuses personnes sont bien conscientes du travail que ça lui a demandé — des personnes comme Geonu. « Tu as bien fait, si les deux te plaisent. C’est mieux que de sacrifier un des deux. » répond-elle en souriant. Mais son sourire se dissipe quand le ton de la conversation change.

Elle ne comprend pas pourquoi mais même elle ne peut que le remarquer. Le regard de Geonu qui se fait un peu plus vague et son ton qui change. Quelle émotion est-ce que c’est exactement ? Même elle ne le sait pas, pourtant très empathique en temps normal. Geonu est une énigme pour elle, pour l’instant. Si différent de celui qu’il a connu, malgré quelques côtés qui n’ont pas changé. Il est comme le second tome d’un livre qu’elle a adoré — elle l’explore, à la fois excitée des changements et ravie de retrouver les points communs. « On n’est jamais assez fort. » Elle récupère son sourire, mais il est plus discret, plus calme. « Même en étant le plus fort pendant des années, il y a toujours un adversaire plus fort qui finira par apparaître. C’est une des premières choses qu’on apprend dans le monde de la compétition. J’imagine que c’est pareil en magie. Il y aura toujours plus fort et ce n’est pas de notre faute. » Elle essaie de lier ce qu’elle connaît à ce que Geonu dit, même si les sujets sont diamétralement opposés au premier abord.

Elle rigole aussi quand il reconnaît la violence du sport qu’il pratique. « J’aimerais bien essayer, un jour, parce que ça a l’air d’être beaucoup de sensations fortes ! Mais quand je le regarde, je réalise à quel point c’est terrifiant. Sans compter que je vole mal sur les balais ! » Exclamation accompagnée d’un sourire. « J’ai vu une vidéo de toi sur ton balais et tu es trop fort, on a l’impression que tu es né sur un balais ! » Une agilité qu’elle n’a pas, mais à défaut de trouver l’équilibre sur les balais, elle le trouve sur les patins à glace. Et son regard s’illumine lorsqu’il parle de ses coéquipiers, comme un miroir qui reflète la sincérité de Geonu. « Je n’en doute pas. Ça aide, les coéquipiers, pour tenir. » Là aussi, elle sait ce qu’elle dit. Elle a déjà pensé à tout laisser tomber, Sunhee. Quand les remarques étaient trop difficiles à encaisser, quand elle ne faisait que tomber sur la même figure, sur les mêmes pas, sur les mêmes enchaînements. Quand elle a eu l’impression de ne plus du tout progresser. Quand elle a eu la sensation qu’elle était trop grosse pour être charmante. Mais à chaque fois que c’est arrivé, c’est la force de son coéquipier qui l’a relevée — et elle est contente d’avoir tenu à chaque fois, parce que les moments de joie partagés sont bien plus explosifs que le reste.

« Oui !! Suspeeeens !! » murmure-t-elle avec un regard malicieux, le temps de croquer dans le sandwich — et sa réaction immédiate. Elle n’a pas fini de mâcher que son sourire s’agrandit, yeux écarquillés parce qu’elle ne sait pas à quel goût elle s’attendait, mais pas à celui-ci. « C’est délicieux ! Tu en veux la moitié ?! C’est dommage de passer à côté ! » s’exclame-t-elle après avoir pris le temps de tout mâcher, parce que malgré tout, elle ne veut pas avoir l’air impoli en face de lui.

Tant qu’on l’est assez pour protéger ceux qu’on aime, Sunhee. Geonu dont le ton calme n’avait rien laissé paraitre. Son regard, pourtant, avait trahi quelque chose de plus lourd : plongé un long moment dans celui de son amie.

Car lui n’avait jamais cherché à être le meilleur.
Son tempérament discret l’avait éloigné des projecteurs : Geonu qui se préférait en personnage secondaire qu’en protagoniste d'une oeuvre qui le dépassait en tout. Lui voulait vivre une vie paisible à la hauteur de ses efforts, vivre heureux sans causer le moindre remous. Aussi avait-il oeuvré inconsciemment dès son plus jeune âge à ne pas finir premier, se satisfaisant d’une seconde ou troisième position. La quatrième place était idéale : qui se souvenait de celui ayant manqué le podium ?

Geonu ne voulait pas briller.
Il voulait protéger.

Protéger ses rêves et son entourage. Protéger tout ce qui comptait pour lui, sans jamais faillir. Geonu garçon tranquille qui avait réalisé avec le temps que le métier de briseur de sorts ne serait jamais la bonne chaussure à son pied. Il s’était perdu, avait manqué de s’élancer dans une activité solitaire le coupant de tout ce qui pourrait un jour le rendre heureux.

Car il avait appris, Geonu, où résidait le bonheur. Avait réalisé qu’il ne pourrait jamais être plus heureux qu’entouré des êtres aimés. S’il n’était soleil, il aimait baigner dans la lumière vive d’un entourage qui rayonnait, pulsant à ses côtés. Il aimait la chaleur de l’été et la sensation de corps proches au sien. Aimait oui entendre les rires spontanés, difficiles à contrôler. Geonu qui de par sa nature introvertie avait souvent besoin d’être seul pour se ressourcer, mais qui pourtant dépendait de ses amis pour se sentir vibrer.

Et peut-être aurait-il dû chercher à être le meilleur.
Mais il n’en avait pas le tempérament. Comment aurait-il pu chercher à l’être alors qu’il n’avait jamais cherché à être reconnu par autrui ? Geonu qui n’avait jamais ressenti le moindre besoin de reconnaissance. Comment être compétitif oui lorsqu’il avançait seul vers ses objectifs, indifférent du regard des autres et de leur probable approbation. Il n’avait jamais eu envie de se prouver aux autres : se suffisait entièrement. Sunhee était une des rares à connaitre sa tendance acharnée, car elle l’avait connu dès son plus jeune âge et avait cherché à le décrypter. Mais qui de ses amis aujourd’hui connaissait le Geonu studieux ? Qui était capable de parler de ses capacités Godaï ou de féliciter sa rigueur ? Aucun de ses amis ne connaissait réellement le Geonu académique ou professionnel, car il n’en parlait pas. Mais quels types d'amis parlaient des cours lors de leur temps libre ?

Il n’était pas intéressé à l'idée de se prouver aux autres, préférait au contraire partager d’autres choses : à deux. Il aimait découvrir les autres, partager des moments et des expériences. N’avait que faire que ses amis sachent qu’il était un bon élève. Il n’avait pas le tempérament d'un champion, n’avait rien de comparable à Sunhee : n’avait pas sa force, ni sa hargne.

Sunhee championne qui avait été sacrée meilleure du monde. Sunhee pourtant sage et lucide, qui savait que son sacre finirait par prendre fin.

Personne ne pouvait lutter contre le temps.

Ceci dit, même s’il y aura toujours plus fort, rien n’enlève au fait que tu as un jour été la plus forte. Moment d'arrêt. Au monde ! Sourire chaleureux alors qu’il avait cherché à transmettre toute son admiration. Elle avait été la meilleure au monde. N’était-ce pas incroyable ? Elle avait triomphé et avait réussi à briller plus que tout autre personne. Ses efforts avaient payé, et aux côtés de son partenaire ils s'étaient hissés au plus haut.

Peut-être ne pouvait-il pas se retrouver dans sa compétitive, mais il se retrouvait dans son sens de la responsabilité. Sunhee étroitement liée à son camarade de patinage artistique. Et si elle pouvait sembler aux yeux d'autrui partager l'effort et le fardeau avec son partenaire, Geonu lui savait qu'elle devait en réalité porter sur ses épaules le poids non pas d'une mais de deux personnes. Il ne s'agissait pas uniquement de sa carrière, de ses rêves : mais également de ceux de Yuyeon.

Bravo à vous deux. Dit plus doucement alors qu'il avait fini sa boisson. Pour le quidditch, tu peux toujours venir un matin sur le terrain. Il y a peu de monde le samedi matin, par exemple. Les joueurs s'entrainent principalement l'après-midi en semaine, ou en fin de matinée et début d'après-midi le weekend. Il avait semblé réfléchir un instant, le regard dans le vide. C'est clair que niveau sensations fortes tu seras servie. Mais ça reste un sport assez traumatisant ? On sort rarement d'une saison sans avoir fini à l'infirmerie une bonne demi-douzaine de fois. Rire et main gênée derrière le crâne. Un sport de barbare, oui. Lui préférait la mise en place de stratégies. C'était peut-être pour ça qu'il avait réussi à tenir son rôle de capitaine, malgré son absence récent aux entrainements suite à son accident. Il n'était pas le meilleur et ne le serait jamais, mais appréciait réfléchir aux forces de chacun pour qu'ensemble ils puissent ne faire qu'un. Une équipe modérée mais unie, profitant des forces de chacun et palliant les points de faiblesse avait plus de chance de gagner qu'une équipe individuelle composée de nombreux talents. L'atmosphère était de nouveau détendue et joyeuse, alors qu'ils parlaient avec amusement de ce sport atroce pourtant élu sport favori des sorciers depuis des décennies.

Il fallait être un peu fou pour y jouer.
Mais les sorciers n'étaient pas réputés pour être très sains d'esprit.

Je suis ravi que ça te plaise. T'inquiète pas pour moi, j'ai déjà goûté ! Je t'aurais pas pris quelque chose sans être certain que ça se mange. Geonu qui avait laissé s'échappé un rire bref, décontracté. Genre le côté Instagrammable est important, mais faut aussi que ce soit bon. Et aux yeux de Sunhee, ça semblait l'être. Tu me diras des nouvelles du chocolat chaud avec les mini-marshmallows ! Car il n'oubliait pas, non.

Il avait attendu que son amie finisse de manger et souffle un coup, avant de reprendre : Je suis désolé mais je vais devoir y aller. Comme dit je dois absolument repasser chez moi avant d'aller en cours. C'était super chouette de te croiser ceci dit ! On peut se revoir la semaine prochaine si tu veux ? Les cours se seront arrêtés. Sortant son téléphone, il avait regardé l'heure.

Geonu qui allait probablement devoir se taper le sprint de sa vie s'il voulait rentrer à temps chez lui, récupérer son balai et filer en cours.
Vraiment très chiant, cette impossibilité de transplaner.

Une réponse énigmatique et une lueur dans le regard qu’elle ne parvient pas à interpréter. La jeune femme ne sait rien du désir de protéger ceux qu’on aime par la puissance magique — elle serait incapable de se protéger elle-même. Personne ne s’est jamais attendu à ce qu’elle les protège et elle n’a jamais cru qu’elle en serait capable. Et si elle ne comprend pas à quoi Geonu fait référence, elle comprend au moins que ce n’est pas la même chose pour lui.

Elle ne sait pas quoi répondre parce que le sujet semble la dépasser. Elle voit bien qu’elle ne connaît pas suffisamment les tenants et les aboutissants pour conseiller ou même rassurer. Et elle aimerait comprendre, Sunhee, comme toujours. Elle aimerait avoir le pouvoir de rentrer dans sa tête, dans son coeur, et de tout connaître de lui. Ce qui le tourmente et ce qui l’amuse, ce qui le tracasse et ce qui le motive. Elle aimerait savoir tout ce que les autres savent à son sujet, et bien plus encore.

Elle ne se risque pourtant pas à l’exprimer. Parce qu’elle se rappelle du petit garçon qu’était Geonu. Elle se rappelle avoir déjà essayé de le comprendre et avoir été percutée par un mur. Un mur de questions laissées sans réponses, de sourires énigmatiques, de changements de sujet. Elle n’a jamais réussi à percer le mystère de Geonu. Si elle souhaite toujours y arriver, elle ne veut pas foncer la tête la première dans le mur, comme autrefois. Alors elle se contente d’un sourire pour répondre. « Oui. » Une affirmation simple, neutre, à la place des « s’ils acceptent d’être protégés » ou « il faut parfois accepter d’être celui qui est protégé » qu’elle aurait voulu répondre.
Si elle n’avait pas eu peur de répondre quelque chose de complètement déplacé, face à une situation dont elle ne connaît rien.

Et son sérieux disparaît quand il la félicite, éclat de rire spontané. Une main vient cacher une partie de son visage, inconsciemment timide face aux compliments. « Merci. » Sa voix est petite, aiguë, sincèrement touchée — elle pince ses lèvres pour essayer de retenir son sourire, mais elle n’y parvient pas. Ça lui fait toujours une sensation étrange quand quelqu’un évoque son titre de championne du monde, comme si elle ne méritait pas le compliment. Elle aimerait soit en être ouvertement fière, sans embarras, soit en être complètement gênée, sans fierté. À la place, c’est un mélange des deux, l’excitation et les doutes qui s’entremêlent. Quand c’est Geonu qui la félicite, c’est encore plus étrange — comme s’il parlait d’une autre personne. La sunhee sur la glace, et pas la sunhee qui mange le sandwich aux fruits. Comme si elles étaient deux personnes et qu’elle volait le compliment d’une autre. « Merci beaucoup. » Et pourtant c’est agréable parce qu’elle peut voir l’admiration dans son regard. Et ça a un goût particulier, d’être félicitée de la part de quelqu’un qu’elle admire elle-même.

Sa timidité est chassée quand il lui parle du Quidditch et ses yeux se mettent à briller à la possibilité de venir, un samedi matin, et de monter sur un balais sous les instructions d’un joueur comme lui. « Je vais venir !! » Une promesse qu’elle ne manquera pas, le jour où elle osera sauter le pas. « J’imagine que c’est ça qui fait son charme, de savoir le danger qu’on court, l’adrénaline que ça peut provoquer. Et c’est admirable de passer au-delà de la peur de se blesser. Au final, c’est comme si vous étiez prêts à vous sacrifier pour ramener les victoires. » Elle qui voie toujours tout d’un œil positif ne s’est jamais dit que c’était un sport de fous ou de violents. Plutôt un sports de courageux.

« Je suis honorée d’avoir un goûteur, alors ! » Elle rigole en disant ça, en quelques sortes flattée qu’il n’ait pas voulu lui faire manger le premier plat joli, mais quelque chose que lui-même a apprécié. « Je te dirai tout à propos du chocolat chaud avec les marshmallows, tu veux dire ! Ça doit être tellement sucré ! » Elle ne peut pas s’empêcher d’imaginer le goût, alors même qu’elle vient à peine de finir la dernière bouchée de son sandwich aux fruits.

Et elle ne peut pas s’empêcher d’être un peu déçue quand il lui dit qu’il doit partir, mais elle sourit quand même, yeux brillants, parce qu’il lui promet déjà une prochaine fois. Elle est ravie car il a l’air sincèrement content de l’avoir revue par hasard, et cette fois-ci, peut-être que c’est la bonne ? Peut-être qu’ils vont vraiment renouer les liens. « La semaine prochaine, c’est parfait ! Le 27, si ça te dit ! » Une date dite au hasard, parce que le vingt-cinq c’est Noël et le vingt-six c’est le repos. Quand il acquiesce, elle se lève pour sortir avec lui. « Merci beaucoup pour la bonne adresse et le bon moment, Geonu. Moi aussi, ça m’a vraiment fait plaisir de te revoir. » Une dernière phrase, un au-revoir aux tons d’adieux, au cas où ils ne se revoient pas. Mais elle n’a pas l’air triste, elle a les yeux qui brillent, parce que l’espace d’un instant, elle aura oublié tout ce qui la travaille, et parce qu’elle repartira avec l’espoir d’une prochaine fois.