Mais ce n’est ni amant ni fiancé qu’elle vient chercher, Sawako. Lui, il est déjà sur l’île, concentré sur l'un de ses cours – celui de potions, à cette heure, elle le devine. Non, c’est sa famille qu’elle espère voir apparaître sur un bâteau, quelque part. C’est la voix de Nino qu’elle veut entendre, avec ses timbres cristallins qui ont toujours fait vibrer les marées. C’est son rire qui lui manque, lui qui pouvait secouer les montagnes avec un peu de joie.
Près d’elle, il y a un père et sa fillette, dont la petite paume est maintenue bien en sécurité dans la poigne paternelle. Elle gigote, visiblement excitée face à l’arrivée imminente de ferry. Sawako sourit, d’abord à la petite puis à son parent. En apparences, elle ressemble à l’homme, calme comme le ciel éclairé du jour ; à l’intérieur, son cœur vrombit aussi fort que celui de l’enfant impatiente de retrouvailles.
Et puis, il apparaît, le bâteau. Elle le reconnaîtrait entre mille ; c’est le même qu’elle a emprunté, sept ans plus tôt, lorsqu’elle quittait elle aussi Arlathan et ses merveilles. C’est le même qu’elle n’a pas revu depuis deux bonnes, elle qui n’a pas osé refouler le sol maternel.
Elle inspire lorsqu’il s’approche, sautille lorsqu’il accoste. Le regard verrouillé sur la planche qui relie terre et mer, elle inspecte les visages les uns après les autres. Enfin, sa petite bouille surgit, et Sawako ne retient pas son « NINO-KUN ! » crié à pleins poumons d’une voix extatique. Ses pieds la propulsent vers l’avant, la fait bousculer quelques voyageurs auprès desquels elle s’excuse en un coup de vent. Ses bras se lèvent en un rire aigu sous la joie pour emprisonner le garçon dans son étreinte. « I can’t believe you’re here ! Not just to pay me a visit, but for good ! How exciting ! » Elle se recule, non sans garder ses mains bien posées sur les épaules plus carrées qu’à son souvenir. « Heavens, I forget you’re not that little kid anymore. You’re so tall now ! So handsome ! Look at you ! » Et puis, un soupir – pas le sien, bien évidemment, mais celui d’un passant mécontent que le quai soit ainsi bloqué par l’hystérie – la fait lâcher Nino avec douceur, mais ne chasse pas son sourire. « Come, give me your things ! I’ll help you !We can’t make it levitate here ; there’s too many thieves at this time of day, it’s not safe. » Regard qu’elle veut rassurant en direction de son cadet, avant de le lever vers le ciel. « What a beautiful day ! It’s like Minami is giving you a welcome gift ! »