OS - Examen de médicomagie 2022

Assit à sa table d’examen, alors que tout ça lui semble vain. Concours dérisoire. Poing serré sur sa tempe, Akira soutient sa tête qui lui pèse des tonnes sous le poids des réflexions – mais aucune ne concernent véritablement les questions qui parcourent les documents en face de lui. C’est un doute d’ailleurs, qui le retient de poser la pointe de sa plume sur le papier.

Déjà hier, il n’a rempli le questionnaire que pour bien faire. Pas convaincu de ce qu’il faisait, ni d’où ça allait le mener. Le concours national de médicomagie lui semble dérisoire désormais qu’il se trouve devant sa copie. Réalisation que peu importe les résultats, il ne retournerait plus à l’hôpital de Kanto. Que son ancienne cheffe lui a défendu de revenir y pratiquer, pour ne plus avoir à fermer les yeux sur ses écarts.

Ça n’avait plus de sens. Parce que ça n’a jamais était la direction qui l’intéresse, en réalité. Études de planqué, qu’il a choisi par dépit et pour lesquelles il s’est défoncé – davantage par la motivation de rester dans les rangs de Mahoutokoro, à l’abri du gouvernement et des agents du Département des Mystères. Mais voilà sept ans qu’il se cache, qu’il s’entête à faire le guérisseur pour échapper au danger. Sept ans qu’il galère à bouffer du protocole, alors que la seule chose qu’il aime dans la médicomagie, c’est la médecine d’urgence – précaire et pressante, les seules situations qui comblent son besoin d’adrénaline.

Rien à foutre de l’étude des risques cardiaque que provoque la magie noire et les malédictions qu’encourent ses utilisateurs. Il s’en cogne de l’étude gastroentérique chez les rokurokubis et la consommation du sang artificiel. Aucune ambition à se spécialiser dans la levée des sortilèges maudits, ni en pathologies magiques avancées qui l’ennuie profondément. Ce qui lui plaît c’est le danger, c’est l’appel du risque, c’est la vie et la mort poisseuses dans ses mains. Alors à quoi ça sert d’aller plus loin, si finalement il n’a plus sa place à l’hôpital. S’il peut trouver son compte ailleurs, en guérisseur au temple d’Izanami, s’orienter vers le poste d’ambulancier, ou rejoindre les firewizards pour être au plus près des catastrophes.

Un attrait contre lequel il ne peut véritablement lutter ; attiré là où se trouve la maladie, la violence, le chaos et la misère. Comme un aimant que lui confère son hensoku, il se sent complet lorsqu’il est exposé au danger et aux accidents – si ce n’est pour les provoquer. Un besoin presque vital, qui fait son essence, et dans lequel il baigne depuis toujours. De sa naissance crasse, à l’épidémie de l’orphelinat, à l’incendie du cirque qui l’a recueilli, jusqu’aux expériences hensokus qui ont fini de l’achever et de le rendre accroc. Besoin de saigner pour se sentir en vie, d’exister sur le précipice du risque.

C’est comme si la médicomagie ne lui suffisait plus, désormais. Davantage lorsqu’il sait qu’il n’a d’autre choix que de poursuivre ses études pour devenir médicomages, ou partir exercer ailleurs, à défaut de rester aux urgences de Kanto. Alors quel intérêt.

Et sa feuille qui le nargue, dans des théories qu’il a envie d’envoyer chier, dont il se moque, maintenant qu’il est exposé, à découvert – plus question de se cacher à l’hôpital. L’internat est terminé, alors il n’a plus de raison véritable de rester. Akira continue de fixer le bout de papier – puis il relève la tête pour contempler les autres étudiants, absorbés par l’examen, grattant le papier avec pour seule ambition d’être les mieux placés dans le classement. Mais tout ça il s’en fout, Akira. Ça n’a jamais été sa place, en réalité. Et il lui aura fallu sept ans et une bonne claque pour comprendre qu’il n’a fait que se cacher comme un lâche, et passer à côté de ce qu’il veut vraiment.

A cette réalisation, les copies de l’examens le dégoûtent soudain. Les résultats d’hier ne l’intéresse plus. C’est le vide devant lui, vaste et inachevé. Une opportunité de partir et exister ailleurs. Quand il les voit tous galérer sur leurs feuilles, Akira a soudain envie de hurler et de se péter le crâne – se sent tout à coup comme un lion en cage, qui réalise les barreaux qu’il s’est mis lui-même autour de lui.

Envie de partir. Envie de tout recommencer. Envie de se péter le crâne d’avoir attendu tant d’année, sans véritablement regarder les choses en face. De s’être menti à lui-même. De s’être manqué de respect et de fidélité. Mais tout ça n’a pas servi à rien – ça l’a forgé, et il saura s’en servir pour rebondir. Sept ans de médicomagie – dont un redoublement – qui ne seront pas vains ni oubliés. Détruire la vie ou la soigner, c’est ici qu’il a tout appris. Sa place n’est juste plus la même. Et il s’en va conquérir celle qui lui appartient vraiment.

Alors Akira se lève dans un raclement métallique de sa chaise sur le sol – sous le regard des professeurs en charge de surveiller la salle. Ne prend même pas la peine de ramasser sa copine, intacte, pour la remettre sur le bureau. Se contente d’attraper son sac sans aucune discrétion et de se diriger le pas décidé jusqu’à la porte. fuck it feels good. it feels good d’enfin prendre la bonne direction. De se défaire des derniers liens de gamin qui le retenaient dans cette école. Elle l’a bien protégé, elle l’a bien accueilli. Mais Akira a vingt-sept ans et il n’est plus un gosse. Il est temps de vivre sa vie, et d’arrêter de se trouver des excuses.

Fait coulisser la porte de la salle de classe, et sans un regard en arrière ni un mot de trop, il se tire et laisse derrière lui toutes ces conneries. Léger. Infiniment léger et sûr de lui.