no one else makes sense

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Il lui semblait être en dehors de tout car trop ancré en lui. Jun bizarre et vieux jeu, qui parlait à ses plantes et qui leur donnait des noms. Naeun ne le connaissait que très peu et pourtant, elle le voyait tout à fait s’accroupir près d’elles alors qu'il les arrosait, leur murmurant des mots doux. Tu fais donc partie de ces gens qui parlent à leurs plantes et leur font cinq compliments par jour. Amusé mais pas moqueur, un sourire doux sur ses lèvres. Car elle n’était jamais méchante, Naeun, appréciait juste un peu trop fort la vie. Elle aimait rire et taquiner, aimait oui prendre à la légère tant qu'il était possible de le faire. Tu sais que c’est scientifiquement prouvé que les voix de femme sont plus efficaces pour les faire pousser ? Demandé l’air de rien car l’information venait de lui traverser l’esprit. Naeun qui était tombée sur le papier de recherche alors qu’elle surfait sur le web, à la recherche d’articles scientifiques pour venir enrichir un de ses dossiers.

N’avait pu s’empêcher de rajouter un petit sourire taquin sur la fin, une lueur joueuse dans le regard. Car il n'était pas une femme. Quoique, elle ne disait pas ça pour qu'il la séquestre chez lui, la forçant à le rejoindre dans ses cérémonies d’entretien où elle devrait trouver chaque jour des compliments différents. Le quartier résidentiel traditionnel te va bien. Avait-elle commenté sans insister lorsqu’il avait dit habituer à Fuji. Elle-même appréciait le quartier et ses maisons traditionnelles en bois, qui faisaient honneur à la culture japonaise et même parfois coréenne. Vivait-il seul ? Avec des membres de sa famille ? Des colocs ?

N’était-ce pas les premières questions que l’on posait en temps normal ? Le prénom, l’âge, l’occupation, le lieu de résidence… Des informations précieuses qui permettaient de savoir comment s’adresser à la personne, surtout en coréen : de monter une fiche contact et d’agir en conséquent. Puis venaient les hobbies, et tout ce qui pouvait bien se glisser naturellement dans la conversation. Venait le verre au bar, puis un second, parfois une activité de jour, parfois un restaurant. Venait également l’intimité, celle qui durait comme celle qui n’était pas vouée à continuer.

Naeun perdue dans ses pensées alors que le silence s’était instauré entre eux. Aussi la question de Junseo avait manqué de la faire tressauter. Prenant un moment pour réfléchir à la question, un hmm avait flotté dans l’air. Venant se passer un doigt sous les lèvres, Naeun avait réalisé qu'elle n’était pas certaine d’en avoir une préférée. J’ai peu de choses préférées, j’ai plus tendance à aimer dans la globalité. Avait-elle un plat favori ? Elle n’en était pas certaine. Même le choix de la couleur lui semblait complexe.

Naeun aimait tout, beaucoup.
Elle aimait à différents niveaux d’intensité : avait des fleurs qu’elle appréciait plus particulièrement, mais pas forcément une unique qui lui venait en tête. Pour les fleurs, en réalité c’est surtout les bouquets que j'aime au quotidien. Donc je vais plutôt réfléchir en termes de composition florale ? Visuellement je vais reconnaitre les différentes fleurs que j’aime, mais de là à connaitre leur nom… Courte pause alors qu'elle avait conclu, d'un presque rire : Il y en a trop. Puis c’était différent quand il était question de s’offrir à elle ou d’offrir aux autres ! Pour Sunhee, elle avait envie d'offrir des centaines de marguerites, des bouquets frais mêlant blanc, jaune et rose. Pour Somi, c’était majoritairement du rose. Pour d'autres, ça allait plutôt être du bleu voire du rouge. Pour elle…. Tout était question de son envie du moment. Mais elle aimait les gros bouquets, ceux composés de belles fleurs mais également de plus petites pour donner un côté aéré. Elle n'aimait pas forcément les mélanges sauvages aux couleurs criardes : préférait les harmonies colorées douces. Je pourrai toujours te montrer quand on sera à Kinonaka, j’ai plein de photos sur mon téléphone. Car il était plus pratique d’être assis pour regarder un écran, marcher tout en essayant d’expliquer quelque chose sur son portable n'était jamais une bonne idée.

Et lui, quel assortiment floral était-il ?
Une question qu'elle se poserait probablement la prochaine fois qu'elle passerait devant son fleuriste préféré. Mais toi, parle-moi de toi. Car elle l’avait enfin dit, Naeun, simplement et sans le moindre amusement dans son ton de voix.

Juste de la lumière, juste une attention sincère alors qu’elle l'avait regardé.
Car elle voulait vraiment savoir, Naeun.
Qui était Jun.
Ce Junseo qui n’était pas sien mais qui aurait probablement bien aimé qu'elle le soit pour lui.
(sienne)

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Il pourrait la corriger en lui disant que, non, il ne fait pas cinq compliments par jour à ses plantes. Il l’aurait peut-être fait s’il n’était pas aussi occupé par ses études et son internat ; mais il préfère ne pas utiliser le peu de temps qu’il a à complimenter des plantes. Même s’il tient beaucoup à elles. « Ah bon ? Il va falloir que j’invite une femme chez moi pour qu’elle complimente mes plantes, alors ? » demande-t-il avec un ton hilare, tant la situation serait loufoque. Ou bien devrait-il essayer de prendre une voix très aiguë et leur faire croire que c’est une femme qui les complimente ? La situation serait d’autant plus ridicule. « En tout cas, si ça t’intéresse un jour, fais le moi savoir. » rajouté avec la même voix, il se sentirait presque insulté si elle venait pour ses plantes et pas pour lui.

Lui dire que le quartier traditionnel lui va bien est-il une autre façon de lui faire comprendre qu’il est bizarre et un peu vieux-jeu ? La question le traverse sérieusement, mais même si c’est le cas, il ne peut pas nier que c’est vrai. Ce quartier lui va bien, il aime bien l’ambiance et la structure des logements, préfère ça aux maisons et appartements modernes et simplistes. Il ne pense pas à rétorquer la question à la jeune femme, principalement parce qu’il sait déjà dans quel quartier elle habite.

Il écoute avec grand intérêt sa réponse, acquiesce simplement quand il faut répondre, rigole quand elle rigole. Lui-même aurait du mal à choisir une plante ou fleur préférée ; tout dépend des humeurs, parfois même des saisons. « Avec plaisir. » Parce qu’il aime les fleurs, les compositions florales, mais surtout parce qu’il aime Naeun, et que même si elle lui avait proposé de montrer sa collection de timbre, il aurait accepté avec plaisir — et juste un peu de jugement.

Puis elle lui demande de parler de lui et il est pris au dépourvu par la demande un court instant. Habitué à ce que les autres aiment parler d’eux, Junseo n’est pas vraiment le type d’homme à beaucoup s’étaler sur lui. Déjà, parce qu’il n’est pas sûr que ça intéresse qui que ce soit, ensuite parce qu’il aime ne pas trop se dévoiler aux autres.
Mais il peut comprendre la demande de la jeune femme.  Là où lui connaît tout sur elle, elle se retrouve face à un inconnu dont elle connaît uniquement le prénom, le quartier résidentiel, son amour pour les plantes et ses techniques en tai-chi.
« Mh… », commence-t-il avant de réaliser qu’il n’a pas la moindre idée de ce qu’il devrait dire. Comment les autres parlent d’eux, en temps normal ? « Pour les informations générales, je m’appelle Na Junseo. Je suis de 98 et je suis en sixième année de sciences médicomagiques pour être pédiatre. Je suis aussi interne à l’hôpital depuis plusieurs années. » Il marque une pause de quelques secondes. « Au-delà de ces informations banales, je viens de Mokpo, au bord de la mer, donc j’ai un lien particulier avec la mer et l’eau en général. Je pense que c’est à peu près tout ce qu’il y a à dire ? Le reste se découvre petit-à-petit. » termine-t-il avec un sourire en coin, en espérant avoir satisfait la curiosité de la jeune femme.

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Le grand méchant loup commençait à prendre forme dans son esprit. Il n’était plus tout à fait ce point d’interrogation persistant, cet homme inconnu pourtant présent, là, à ses côtés. Na Junseo. Répété doucement, à peine audible, alors qu’il avait lui-même semblé marquer une pause. Naeun qui ne le réalisait pas tout à fait, mais qui prononçait son nom pour la première fois à haute voix. Elle n’avait rien dit car il avait continué à parler, mais elle trouvait la combinaison harmonieuse. Na Junseo. Voilà qui lui allait bien, nom qui avait fleuri sur ses lèvres plus naturellement que tout au monde. Et comment n’aurait-elle pas pu se l’approprier ? Comment aurait-elle pu, oui, ne pas rendre cette prononciation sienne, personnelle ?

Elle avait passé sa vie à prononcer ce prénom comme s’il représentait tout pour elle.
Et c’était le cas : il était tout.
(n’était plus rien)

Junseo étudiant en médicomagie dans le but de devenir pédiatre. Voilà qui lui allait bien, à ce garçon un peu bizarre, à l’extérieur de la société car trop en lui. Junseo calme et concentré, qui s’appliquait du mieux qu’il pouvait à atteindre son objectif. S’il lui avait demandé de deviner le depuis quand, elle lui aurait probablement répondu depuis toujours. Il semblait de ces âmes à découvrir leur vocation dès la tendre enfance, un évènement les frappant et révélant à eux leur futur. Quel âge avait-il pu bien avoir ? Sept ans ? Il n’avait pas dû être bien plus âgé.

N’était pas de ceux perdus alors même que les ASPICS approchaient, pas de ceux non qui ne savaient toujours pas alors qu’ils avaient enclenché les études supérieures, commencé des stages.

Puis il avait parlé de Mopko, de la mer et de son amour pour l’eau. Junseo ce Mizu qui était né dans un environnement similaire au sien, qui avait du connaitre comme elle la plage en hiver et l’odeur salée de l’air, légèrement iodée.

Peut-être avaient-ils plus en commun que ce qu’ils semblaient être, là, à marcher tous deux vers le portail de l’école. Naeun qui avait pris un instant à s’habituer à la lumière naturelle du jour lorsqu’ils étaient sortis du bâtiment secondaire. Elle avait laissé flotter le silence entre eux, appréciant l’air contre sa peau et la fraiche odeur qu’il transportait avec lui. Elles ne sont pas banales. Répondu calmement, ses paupières fermées, appréciant l’instant présent. Qu’il était bon d’être en vie. Elles ne sont pas banales, Junseo : elles sont ce que tu es. Répété une seconde fois, de cette voix toujours placide. Naeun qui avait rouvert ses yeux pour venir le dévisager, posant momentanément sa main sur son bras, non loin de son coude.

Elles sont ce que tu es.

Comme répété dans son regard, lourd de sens. Comment pouvaient-elles banales ? Elles étaient tout ce qu'il y avait de plus précieux.
Et c’était peut-être là le réel pouvoir de Naeun. Naeun qui n’était pas juste emplie de magie, mais d'un amour profond pour tout homme, toute vie sur terre. Elle irradiait d’un calme particulier, difficile à exprimer qui pourtant finissait souvent par éclater au grand jour, telle une évidence : la sérénité.

Naeun ne doutait pas de ce qu’elle disait. Pas à cet instant précis, non. Car elle y croyait si fort, à la valeur de chacun et à leur préciosité individuelle, unique. Elle était de ceux semblant être faits pour vous aimer, créés dans le seul but de vous irradier d’un amour infini, de vous transpercer de son regard qui semblait voir et qui pourtant n’était pas tout à fait inquisiteur. Elle voulait simplement savoir, connaitre : voir sous son véritable jour. Naeun trouvait les visages beaux non pas car ils l’étaient forcément, mais car ils étaient uniques : eux-mêmes. Elle aimait la singularité de chaque homme et aimait si fort qu’elle semblait ne jamais ployer.

Et pourtant.

L’instant s’était brisé entre eux alors qu’elle avait rompu le contact, inspirant l’air d’une grande inspiration, appréciant la chaleur des rayons du soleil contre sa peau, les mains liées dans son dos (elle avait recommencé à marcher). Quand es-tu né, précisément ? Elle avait rajouté le précisément au cas où il lui répèterait son année, comme si elle n'avait pas bien écouté.

Junseo aurait pu être de ces enfants du printemps. Mais car elle était elle-même un enfant à l’inverse de son image, née en plein coeur de l’automne à quelques semaines de l’hiver, elle s’était sue incapable de deviner. Si le printemps lui allait bien, penser à sa propre date de naissance lui évoquait soudain les feuilles jaunies puis rougies par la fin de l’été et l’arrivée de la pluie, du gris. Les paysages étaient si beaux, à cette période de l’année : les temples et palais resplendissaient, couverts de feuilles aux multiples couleurs.

Comment avait-elle pu naitre si proche de l’hiver ? Alors que les feuilles avaient fini de tomber et qu’il ne restait que le gris ? Naeun qui aimait toutes les saisons, car elles étaient toutes belles et précieuses. Et si je n’ai pas envie de découvrir petit à petit ? Soudain ajouté, car la dynamique avait changé. Ils étaient après tout encore en avril. Étaient encore coincés dans ce printemps capricieux où chaque minute apportait son lot de nouveauté : où tout pouvait changer.

Elle l’avait regardé de ce regard bizarre, car il était lourd d’un message pourtant indéchiffrable. Naeun soudain si sérieuse, quoique toujours un peu légère, taquine (peut-être).


Et si elle n’avait pas envie de découvrir petit à petit ?
Et si elle voulait découvrir beaucoup tout de suite, puis encore et encore ?
Car elle avait des années à rattraper sur sa vie, avait besoin d’un condensé, d’une fenêtre sur tout ce qu'il avait pu être et était aujourd’hui. Elle avait besoin de connaitre, d’aller en profondeur : demain serait déjà nouveau, demain serait déjà source de petit à petit.

Il était impossible de connaitre quelqu’un dans son entièreté, car chaque jour apportait son lot de nouveauté.

L’intérêt de Naeun pour les autres étaient un puits sans fond.
Alors elle avait semblé réitérer, dans son regard : parle-moi de toi.
Encore.
Continue.


Révèle-moi ta famille, Junseo, perds-moi dans tes pensées tout autant que tu t’y perds, fais-moi découvrir ce qui te traverse à l’esprit à cet instant, immédiatement. Car comment est organisé ton esprit ? Comment paniques-tu face au fait de devoir parler de toi ? Certains ne paniquent pas, tu sais, jamais. Alors toi, comment ordonnes-tu tout ce qui est en toi lorsque la question de pose ?

Encore, parle-moi encore de toi. Dit sans que cela ne sonne comme une conclusion, de cette même voix inébranlable et calme, alors que son regard s’était plongé en lui.

Peut-être qu’un sourire avait fleuri sur son visage, doux, presque espiègle (tendre).
Car Naeun aimait trop pour sembler froide, car elle aussi était une enfant de l’eau, et que l’eau s’infiltrait partout.

Alors elle voulait savoir qui était Junseo, ce garçon qui ne réciproquait jamais les questions.
Ce garçon bizarre mais qui elle le devinait, était attachant.

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Peut-être pour la première fois depuis qu’il a mis les pieds dans la salle du cours de tai-chi, Junseo se sent calme. Ses pensées ne sont pas agitées, elles ne partent pas dans tous les sens et il n’imagine aucun scénario irréalisable. Non, il est au contraire apaisé, dans l’instant présent qu’il partage avec la sorcière. Côte-à-côte, en train de discuter naturellement. Pas de drame particulier, pas de joie immense non plus ; un brin du quotidien naturel, comme on pourrait discuter avec n’importe qui.

Bien sûr, il a bien conscience que la situation en elle-même n’est pas courante. Il vient d’inviter à dîner une femme qui ne le connaît pas, mais qu’il connaît depuis aussi longtemps qu’il étudie la médecine — ce n’est pas peu dire. L’intimité de la situation se mélange au naturel de la conversation, et créée ce mélange confortable de nouveau et de connu en même temps.

Son calme est perturbé quand elle prononce son nom entier ; il sent son coeur louper un battement et s’accélérer en même temps. Quelque chose qui se serre dans sa cage thoracique, parce qu’il n’a jamais imaginé qu’elle prononcerait son prénom un jour. Ou plutôt, il l’a imaginé tant de fois qu’il lui semble irréel qu’elle le prononce vraiment, maintenant, aujourd’hui. Comme si c’était un énième scénario de son imagination, ceux qu’il se plaît à inventer quand il la croise dans les couloirs et qu’il s’imagine l’interpeller, même en sachant pertinemment qu’il ne le fera jamais.
Il l’a fait aujourd’hui.

Et il a toujours trouvé son nom joli mais il prend une sonorité différente entre ses lèvres ; peut-être que pour la première fois depuis des mois, il ne déteste pas l’idée de s’appeler Junseo. Junseo, comme par hasard, le prénom du grand-frère décédé de son crush depuis des années, comme il s’en plaignait régulièrement à Geonu. Pourquoi Junseo parmi tous les prénoms qui existent ?!

Il se rend compte aujourd’hui que son prénom est une arme à double tranchant ; que malgré le hasard cynique de porter le prénom de celui que Naeun pleure quand personne ne la regarde, c’est aussi ce prénom qui permet de créer un lien silencieux entre eux. Il peut le sentir quand elle le prononce comme ça, il l’entend dans sa voix, ce privilège qu’il n’aurait pas eu s’il ne s’était pas appelé Junseo. Oui, peut-être que c’est ce prénom qui lui permet d’attiser plus encore la curiosité de la jeune femme. À lui d’en faire quelque chose de bon ; de tourner à son avantage cet intérêt, sans rendre la situation malsaine.

Son sourire en coin s’évapore presque entièrement dès qu’elle le contredit. La main posée sur son avant-bras, avec une force délicate, lui envoie des décharges qui serrent son coeur ; mais pas comme quand on est triste, le coeur ne se serre pas douloureusement. C’est plutôt l’impression d’être à court de souffle pendant un bref instant, comme si le coeur lui-même avait oublié comment battre durant quelques secondes. N’est-ce pas la toute première fois qu’ils se regardent droit dans les yeux, si proches l’un de l’autre ? La première fois qu’ils se sont rencontrés, elle ne l’a regardé avec une lueur brillante dans les yeux que quelques secondes — qui lui ont suffi pour succomber — et les autres fois, elle n’a pas monté son regard jusqu’à ses yeux.

Lorsqu’il se rappelle comment respirer et comment parler, il ne trouve rien d’autre à répondre que : « Sans doute.. Alors qu’il aurait pu détailler son idée, expliquer pourquoi il appelle ça des idées banales ; ça ne décrit rien à propos de lui. Que peut-elle faire de ces informations ? Il étudie la médecine, comme des centaines d’étudiants, il s’appelle Na, comme des milliers de coréen, il est de 98, comme des millions de personnes. Ses goûts, en revanche, l’endroit où il est né, ce qui l’a accompagné dans son enfance ; voilà pour lui des informations qui font ce qu’il est, vraiment.

Puis l’instant se brise comme une bulle flottante éclate. Soudainement, c’est presque comme s’il n’avait jamais existé, il ne persiste que dans les souvenirs de ceux qui l’ont vu. L’environnement, qui semblait avoir disparu, réapparaît brutalement ; les bruits ambiants, les passants.

La question qu’elle lui pose le surprend quelques secondes, durant lesquelles il se demande : est-elle une de ses personnes qui croient en l’astrologie occidentale ? Va-t-elle lui dire quel est son signe astrologique, son ascendant ? Il n’en a pas rencontré beaucoup, mais ça lui est déjà arrivé ; à l’hôpital, une femme lui a expliqué un jour tout ça, sans qu’il n’en retienne grand-chose. Junseo trop pragmatique pour croire à des choses pareilles. Il avait répondu avec un sourire amusé, silencieux jusqu’à ce que les explications soient terminées. « Le premier septembre. Et toi ? » rétorque-t-il en ayant récupéré son sourire. Non pas qu’il ne connaisse pas sa date d’anniversaire — le douze novembre — mais il se dit qu’il devrait poser des questions, lui aussi, pour ne pas donner l’impression qu’il n’a aucun intérêt pour elle.
Il en a trop, justement. Il sait déjà toutes les informations de base.

Un court éclat de rire s’échappe de lui ; en fait, il est une nouvelle fois étonné par sa question, mais c’est l’amusement qu’il trahit. Comment fait-elle pour le surprendre sans cesse ? Lui qui a tendance à voir les gens venir, à parfois savoir ce qu’ils vont dire rien qu’en croisant leur regard. « Dans ce cas-là, ça risque d’être un très long récit. » répond-il avec un ton amusé, le rire est toujours là, quelque part dans sa voix.

Et il ne peut pas refuser la requête quand elle le regarde avec une telle lueur qui éclaire ses yeux, ne peut pas rétorquer il faut laisser un peu de suspens si elle lui demande avec un sourire aussi doux. Alors, il se lance dans un exercice qu’il n’a jamais fait, celui de se décrire et de se révéler à voix haute, tandis qu’ils continuent de marcher l’un à côté de l’autre. « Je n’ai pas l’habitude de parler de moi. » commence-t-il, parce qu’il sait que c’est déjà, en soi, une information à propos de lui. « Je suis né dans une famille avec trois garçons, et je suis celui du milieu. Mes deux parents sont des personnes très bavardes et expressives, et mes deux frères ont pris après eux, donc la maison est toujours très bruyante. Soit parce qu’ils discutent — et ils parlent toujours très fort — soit parce qu’ils se disputent — et alors, ils parlent encore plus fort. Au milieu de tout ça, je suis un peu l’extraterrestre de la famille, puisque je ne parle jamais fort et que je ne me dispute jamais non plus. »
Il ne précise pas qu’il n’a pas non plus hérité de cette tendance impulsive à prendre des risques. « C’est pour ça que la mer est aussi importante pour moi ; c’est là que j’allais quand je voulais du calme, enfant. C’était mon refuge, et je pense que ça l’est toujours. » Est-ce que ces informations sont trop détaillées pour être intéressantes ? « Ça ne m’empêche pas de tenir à ma famille. Je prends soin de mes deux frères comme si j’étais l’aîné — j’ai souvent l’impression que c’est le cas — et je rends régulièrement visite à mes parents. Il n’y a probablement rien que je ne ferais pas pour eux, mais je reste content de ne plus vivre avec eux. Après une journée entière à l’hôpital, j’ai besoin de calme ; je ne supporterais pas de rentrer dans une maison où mes frères s’insultent mutuellement parce que l’un a pris le pull préféré de l’autre. » Il rigole en disant ça, parce qu’il revit ces souvenirs d’enfance.
À la fin de sa phrase, il remarque les portes de l’école à quelques mètres d’eux. « C’est d’ailleurs à mon petit-frère que je dois mon rêve d’être pédiatre. » complète-t-il avec un sourire presque nostalgique.

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Elle avait eu envie de venir poser ses doigts contre son avant-bras une seconde fois, de les faire courir dans une danse improvisée, sans que pourtant ils ne se décident à se poser. Naeun qui aimait sentir la vie tout près d'elle, l'éclat d'un rire sincère et la chaleur d'une main dans la sienne. Elle aimait sentir ceux qu'elle aimait tout contre elle, aimait sentir oui la respiration lente d'une Sunhee assoupie dans ce lit qu'elles partageaient souvent, cette dernière ayant cédé aux bras de Morphée alors qu'elles n'avaient pas vu les étoiles se hisser dans le ciel, discutant dans la pénombre intime de la chambre.

Mais elle n'avait rien fait, Naeun. S'était contentée de passer ses bras derrière elle et de lier ses doigts, de serrer ses mains comme pour les empêcher de briser une seconde fois la distance pourtant déjà maigre qui les séparait. Tu es un enfant de l'été. Souri doucement alors qu'elle était venue chercher son regard, un petit quelque chose d'indéchiffrable dans le regard. Elle n'avait pas imaginé Junseo être de ces enfants du soleil, quoique septembre lui allait bien. Nombreux étant ceux associant déjà septembre à l'automne, à la rentrée et aux feuilles qui n'allaient pas tarder à tomber. Elle était la même, avec son novembre aux airs d'hiver. Combien d'entre eux se surprenaient encore et encore de réapprendre chaque année que l'hiver ne commençait que fin décembre ? En automne, le 11 novembre 1997. Répondu simplement alors qu'il avait enfin réciproqué l'une de ses questions. Junseo bizarre qui s'était présenté sans lui demander son prénom, qui avait répondu aux questions élémentaires sans sembler se soucier des siennes à elle. Son kidnappeur avait-il à ce point prémédité son passage à l'action ? Lui qui avait pourtant admis ne pas y avoir pensé avant de commencer cette session de sport à ses côtés. Tu trouves que cette saison me va bien ? Quel enfant suis-je, Junseo. Toi l'enfant de l'été qu'on pense automne, moi enfant de l'automne qu'on pense hiver. Ils étaient décalés et tout compte fait, Naeun trouvait que ça leur allait bien.

Elle souriait seule, paisible et contente alors qu'ils avançaient en direction du portail de l'école. Car il était facile d'évoluer à ses côtés, de rire avec ce garçon vieux-jeu, de le taquiner et se perdre en tout ce qu'il était. Car il était bon de sentir son regard et de se savoir désirée, de se prêter à ce jeu de séduction qui ravivait en elle une flamme que trop souvent endormie.

Il avait évoqué la longueur du récit et des mots lui avaient brûlés les lèvres, sans pourtant les franchir.
Dans ce cas là, je risque de rester très longtemps à tes côtés.

L'air s'était levé entre eux, arrivant de derrière et les dépassant, emportant avec lui cette pensée qu'elle n'avait pas réussi à extérioriser. Car il y avait une ligne à ne pas franchir et une incertitude qui persistait, pesait entre eux : car il n'y aurait peut-être pas de ce soir et encore moins de demain. Car rien n'était défini et que quelque chose en elle s'était pincé. Tant mieux, car je suis très intéressée. S'était-elle alors contentée de répondre, le malice de retour dans tout ce qu'elle incarnait, son sourire un peu joueur quoiqu'aussi un peu tendre.

Et il s’était mis à parler.
A raconter Junseo, Junseo qui ne se racontait que très peu : qui devait être ceux qui écoutaient plutôt de ceux qui étaient écoutés. Ce garçon qui se rattrapait à sa famille car elle était la première chose qui lui venait, à ses frères qu’il aimait malgré le brouhaha et les disputes, malgré ces parents bruyant dont pourtant émanait tant de chaleur. Il était le calme dans la tempête, mais de ces tempêtes chaudes d’été, de ces orages tant attendus aux gouttes brûlantes quoique rafraîchissantes. Il était ce garçon s’étant construit dans le silence là où tout autour de lui n’avait été que bruit, il était ce paisible dans cette marée d’impulsivité et de spontanéité.

Aussi avait-elle voulu lui dire quelle belle famille, quelle belle famille tu as Junseo. Naeun qui devinaient entre les lignes toute l’affection qu'il pouvait leur vouer, et tout ce qu’ils représentaient pour lui. Il était de ces personnes pouvant vivre seules car elles avaient grandi dans un environnement stable, car rien ne l’avait cloué au sol mais tout l’avait aidé à déployer ses ailes.

Il avait parlé de la mer et elle avait elle-même été happée par les souvenirs, par cette île qui berçait son enfance et ses étés, par la main chaude de son frère et les rires de l’autre alors qu’ils couraient sur la côte. Tirée en avant elle trébuchait dans le sable et adorait sentir le vent dans ses cheveux, sur les plis de son t-shirt ou l’une de ses robes. Elle aimait se sentir en vie et le sel contre sa peau, aimait prendre la mer aux côtés de ceux qu’elle aimait plus que tout au monde, apprendre à éviter le mat, tendre les voiles, sauter sur le gouvernail. Pus tard, elle aimerait oui s’attacher à la corde et faire contre poids de son maigre corps à peine sorti de l'adolescence pour que le catamaran ne se renverse pas, adorait la sensation de l’écume chatouillant son visage et piquant ses yeux.

Elle aimait vivre, aimait vivre intensément car alors tout était si fort. Car alors les rires s’ancraient en elle à jamais et elle sentait son coeur battre à mille à l’heure, car tout était décuplé et que plus rien ne semblait importer si ce n'était le moment présent.

Aimait partager ces moments, ne s’était jamais sentie aussi bien qu’entourée des personnes aimées, le soleil brulant leur peau alors que l’effort dissipait la moindre pensée : ils ne pouvaient se concentrer que sur les sensations, les directives et les rires. Que sur cette joie énorme, palpable, si grosse qu’elle semblait pouvoir éclater et vomir mille autres petits bonheurs.

Tu es aimé. Échappé doucement, comme un murmure alors qu’il avait semblé lui-même s’arrêter dans son récit : les portes de l’école étaient à quelques mètres. Junseo être paisible, garçon vieux jeu qui irradiait ce quelque chose de stable. Il était aimé et aimait en retour, était certain de ce pour quoi il se levait chaque matin.

Aurait bien répondu qu’elle s’en était doutée lorsqu'il lui avait confié l’origine de sa vocation, mais n’avait pas voulu s’immiscer et laisser miroiter une prétention qu’elle n’avait pas. Alors elle s’était contentée de le dévisager de ce regard doux sans être surpris, qui semblait accepter tout ce qu’il avait été et tout ce qu’il pourrait être. Naeun qui ne savait en réalité rien de Junseo mais qui l’aimait pour ce qu’il était, de cet amour infini qu’elle semblait déverser en chacun. Junseo attachant qui devrait bien reprendre son récit ce soir car elle était et resterait celle suspendue à ses lèvres.

Était venue passer son bras autour du sien alors qu’ils approchaient du portail et que la magie bientôt se ferait de nouveau entière. S’était tenue à lui comme s’ils se connaissaient depuis toujours et qu’il s’agissait là de la chose la plus naturelle à faire. Naeun qui avait marqué une hésitation avant de laisser s’échapper, sa voix assez forte pour être entendue et pourtant aussi calme qu’un murmure : Seuls ceux qui ont vécu en bord de mer connaissent sa beauté en hiver. Elle était là sans l’être, tout aussi en elle que lui était en lui. Je suis née à Jeju et y suis retournée quasi tous les étés, aime comme toi la vue de l’océan et le bruit des vagues. Je pourrais passer des heures à écouter le va et vient de ces dernières, le son particulier qu’elles émettent lorsqu’elles se brisent. J’aime l’odeur iodée de ces jours où la pluie n’est pas loin, quand l’air est chargé de sel. Je rajouterais aussi le vent sans que j’arrive à l’expliquer, quoique j’ai fait de la voile dès ma plus tendre enfance et en fait encore de temps en temps. Avait quelque peu cessé après la mort de son frère, car tout le ramenait à lui et car la pratique n’était plus sans risque. Naeun qui n'avait jamais eu peur de tempêtes, qui se jetait sans se soucier du clapot et des vagues, s’épuisait sur son catamaran jusqu’à tout ce que son corps lui fasse si mal qu’elle se retrouve sans la moindre pensée. Yunho était déjà venu la chercher lorsque la pluie commençait à tomber, éclatant de colère car sans Junseo leur équilibre ne serait plus jamais le même. Car il n’y aurait plus de bousculades sur le canapé, d’innocence et de larmes de rire. Car tout était à présent si lourd et que la mort ne rapprochait pas toujours : les avait projetés de part et d’autre du gouffre béant de son absence. C’est amusant de se dire que nous étions l’un en face de l’autre, perdus dans l’horizon, séparés par la mer jaune. Puis le silence.

Car quelque chose en elle ne se sentait pas parler d'elle.
Car il ne posait pas les questions et qu'elle aimait les histoires.

Surtout celle des autres.
Ce qu'ils étaient, ce qu'ils incarnaient.

Voulait tout savoir de ce Junseo grand méchant loup quoique pas si terrible. Aurait aimé lui dire qu'elle aussi, était issue d'une fratrie de trois enfant. Qu'à son contraire, elle était la dernière et qu'elle aimait cette position. Qu'elle n'avait jamais eu l'impression d'être leur mère comme lui avait pu se sentir le plus ainé des trois. Qu'elle était la seule fille et que ses frères aussi, étaient très aimants. Aurait aimé lui demander s'il était conscient de ce très qu'il utilisait encore et encore pour les décrire.

Aurait aimé lui dire qu'il racontait bien les histoires.
Et c'était peut-être pour ça qu'elle n'avait pu résister et avait glissé son bras gauche sous le sien, les liant.
Naeun qui elle aussi aimait la mer mais le vent surtout.

Qui appréciait l'humour naturel dans son ton, la mention des pulls préférés après l'utilisation excessive du parler très fort. Qui avait senti quelque chose en elle fleurir quand il lui avait confirmé sans se douter ses prédictions sur la découverte de sa vocation. Quel âge avais-tu ? aurait-elle pu laisser tomber, comme pour s'assurer des sept ans.

Était venue poser sa main droite sur son avant-bras lorsqu'ils avaient enfin franchi le portail, comme pour attirer son attention. Comment s'y rend-on ? Allait-il lui proposer de transplaner ? Les faire marcher dans l'épaisse forêt bordant l'école ? S'ils n'avaient pas réservé, ils devraient probablement faire la queue en inscrivant leur nom sur la liste d'attente. Pas que ça la dérange. Elle pourrait lui demander de raconter une autre histoire, savait qu'elle ne verrait pas le temps passer dans ce monde qui s'ouvrait peu à peu à elle. Elle serait patiente car n'était pas certaine d'avoir un jour été pressée. Quoique.

Ne voulait pas connaitre petit à petit.
Voulait tout connaitre de ce Junseo pour être la mieux parée lorsque demain viendrait et qu'ils le découvriraient à deux.
La version de lui-même que lui-même ignorait.

no one else makes sense
Trop submergé par ses propres pensées et ressentis pour remarquer en détail ce qui se passe autour de lui, il ne remarque pas quand les mains de la jeune femme s’entrelacent dans son dos. Ses bras à lui pendent naturellement sans qu’il n’y pense, et parfois, il sent qu’il frôle Naeun. Ils sont si proches l’un de l’autre, pour des personnes qui ne se sont jamais vraiment parlés jusqu’à là ; mais il a l’impression qu’ils ne sont pas assez proches pour autant. Comme s’ils étaient des aimants, une force l’attire vers elle, plus près, toujours plus près — et il n’essaie pas tellement d’y résister. Il laisse leurs épaules se frôler, leurs bras se toucher, jusqu’à ce qu’elle ne mette les siens derrière son dos. « Un enfant de l’été. » répète-t-il à demi-voix, comme pour réfléchir au sens derrière ces mots. Junseo aime l’été parce qu’il aime l’eau, et qu’y a-t-il de plus agréable que de nager dans une eau fraîche quand la chaleur est étouffante ?
Pourtant, il ne pense pas que ce soit sa saison préférée ; encore moins la saison qui le représente. L’automne lui va mieux — tout comme elle sied parfaitement à Naeun. « Peut-être ? » rétorque-t-il avec un sourire. Y a-t-il vraiment une saison qui correspond à tout le monde ? « Le printemps t’irait peut-être mieux. » commente-t-il, incertain. Le printemps, c’est le renouveau, la renaissance, et c’est un peu ce que la jeune femme lui évoque. Un phœnix qui renaît de ses cendres.

Et il hésite à se lancer dans un récit personnel, même quand elle insiste. Il ne l’aurait peut-être pas fait si elle ne l’avait pas regardé comme ça, si elle n’avait pas prononcé ces mots-là.
« Je suis très intéressée. »
Il n’a pas besoin d’avoir un grand nombre d’expériences amoureuses pour percevoir le ton dissimulé dans cette phrase, le regard joueur qu’elle lui lance en disant ça. Et lui-même plonge son regard dans celui de Naeun, sourire amusé sur les lèvres. « Si tu es très intéressée, alors. » répondu avec le même ton, avant de difficilement trouver quelque chose à raconter.
Parler de lui. Une épreuve presque insurmontable. Alors il raconte les premières choses qui lui passent par l’esprit, parle de sa famille — sans vraiment réaliser qu’il ne parle pas directement de lui. Junseo qui pense sincèrement qu’il faut savoir d’où vient quelqu’un pour vraiment le comprendre ; alors expliquer d’où il vient lui est une clé importante pour le comprendre. Pour savoir pourquoi il n’a pas l’habitude de parler de lui, déjà.

Il n’entend presque pas son murmure. Elle le dit si doucement qu’il se demande même s’il a bien entendu, puis il finit par comprendre que oui. C’est le genre de réponse que Naeun pourrait donner à un récit comme ça. Pas de phrase superficielle, pas de d’accord ou de réponse du genre. Tu es aimé, voilà une phrase qui n’aurait pu que venir de Naeun. Et comme souvent, la jeune femme a raison. Junseo est aimé, en effet ; et c’est peut-être ce qu’il a voulu dire à propos de lui, à travers tout ça. Peut être que c’est sa façon d’expliquer qu’il est aimé et qu’il aime aussi, sa façon de raconter comme il est aimé et comment il aime.

Le silence s’installe entre eux quelques secondes parce qu’il ne trouve rien à répondre. Ou plutôt, il se retient de surenchérir : tu l’es aussi. Par ta famille, par ton frère, même s’il n’est plus là. Par tes connaissances et tes amis.
Et par moi, aussi.

Ses pensées sont coupées courts, tout comme sa respiration, quand il sent la main de Naeun glisser sur son bras, s’y poser, l’agripper. Si naturellement, elle a coupé toute distance entre eux. Et même si sa chemise a des manches longues, il est certain qu’il peut sentir le toucher de Naeun directement sur sa peau. La chaleur de sa main transperce la chemise et il sait que quand elle enlèvera sa main, il lui manquera quelque chose. Que la sensation de la jeune femme agrippée à son bras ne le quittera plus, pendant longtemps, peut-être pour toujours.

Il se concentre sur son récit. Dans sa tête, quand elle parle, il  sent projetée face à la mer en hiver. Le ciel nuageux et la mer grise. La brise froide qui le transperce, l’écume qui se mélange à la petite bruine hivernale. Le calme autour de lui, comme si la mer absorbait tous les bruits ambiants. Il peut sentir l’odeur de la mer dans chacun des mots de Naeun, et il note silencieusement les détails. Il ne savait pas qu’elle avait fait de la voile. Il remarque aussi qu’ils portent de l’importance aux mêmes choses. Comme lui, elle pense au bruit des vagues, à la pluie dans l’air marin.

Il ne répond rien. Il laisse le silence s’installer de nouveau, mais cette fois-ci, dans ce silence, il a l’impression d’entendre le bruit des vagues flotter entre eux. Il se revoit assis face à la mer, enfant, et il imagine Naeun, assise comme lui, à l’autre bout de la mer. Pendant un instant, il se demande ce qu’ils seraient devenus s’ils s’étaient rencontrés à cette époque-là. S’ils s’étaient croisés sur une plage, deux enfants seuls au bord de mer, cherchant la paix de l’océan. Il sait qu’il aurait été attirée par elle, curieux à son propos. Il l’aurait observée à la dérobée, sans oser lui parler. Il se serait demandé ce qui se cache derrière ce regard, quelles pensées la traversent au moment où il la regarde.

Il sent la main de la sorcière bouger contre son bras, toucher — presque caresser — son avant-bras et il sort de ses pensées, se concentre sur l’instant présent. Elle lui pose une question qu’il n’avait pas anticipée. « Comment préfères-tu y aller ? » s’enquiert-il en tournant la tête vers elle, croisant de nouveau son regard. Junseo qui n’aime pas choisir pour les autres, qui n’a pas de préférence de toute façon. Mais est-ce vraiment correct de laisser le poids des choix sur elle, alors que c’est lui qui a proposé le rendez-vous ? « Peut-être qu’il vaut mieux transplaner, après la séance de sport ? » Peut-être qu’elle est fatiguée ? S’ils doivent faire la queue là-bas, peut-être vaut-il mieux garder de l’énergie pour le temps d’attente ?