29 mars, 16h Il est enfin arrivé. Ce jour tant attendu par nombre de tes camarades, celui qui concrétise des années de travail continu et marque la fin d'un chapitre décisif. Partout autour de toi ce sont des sourires, des éclats de rire, des embrassades. On s'interpelle, on se congratule. Et toi tu te sens terriblement étranger à cette liesse générale. T'es qu'un imposteur. L'annonce des résultats quelques jours plus tôt avait réussi à te surprendre sans pour autant réellement t'étonner. Running gag annuel auquel tu as fini par t'habituer, t'avais toutefois le mince espoir ((en était-ce vraiment un ?)) que cette année serait différente des autres. Parce que tu ne te fais aucune illusion: tu n'iras nulle part avec ce diplôme volé.
Lèvres forcées de s'étirer lorsque tu salues les uns et les autres, ton chemin croise celui deKeita ,Amai ,Andrea ,Reiko et tant d'autres. L'enthousiasme est toujours feint lorsque tu échanges une étreinte avecKatsu etEiji , les félicitations de la denki sonnant comme autant de rappels silencieux à ton escroquerie. Incapable de te détacher de cette culpabilité, t'en deviens incapable de te réjouir pour les autres et tu désespères de voir la fin d'une cérémonie qui n'a même pas encore commencée. Tu rejoins dès que possible ton siège pour t'enfermer dans ta bulle, ignorant l'arrivée du directeur et écoutant d'une oreille distraite le nom des élèves appelés les uns après les autres. Les lettres défilent et tu sens ta nervosité se raviver à vitesse exponentielle lorsqu'on approche du K. L'envie de fuir, de transplaner n'importe où ailleurs qu'ici te prend aux tripes jusqu'à te donner la nausée. Tu luttes pourtant pour conserver un visage impassible, comme tu sais si bien le faire.« Kazama, Narsis. »
Tu te lèves et avances machinalement vers l'estrade, sourd aux applaudissements plus mitigés que d'ordinaire de la foule. Tu attrapes rapidement le parchemin qui t'est tendu, et tes yeux jusqu'alors baissés se relèvent furtivement. L'espace d'une demi-seconde, ils croisent ceux du directeur. Ce qu'ils y lisent te font regretter d'être né.
Tu te dépêches de rejoindre ton yokai, desserres le poing crispé qui renferme l'amulette à graver. Inconscient de ce qu'il se passe autour, tu n'entends plus que le vacarme de tes pulsations désordonnées. Ton regard se perd face au bakeneko qui déploie sa magie et la tâche accomplie, tu te retires avec humilité et gratitude empoisonnée. La silhouette de nouveau tournée vers l'ensemble des spectateurs, tu dessines un nouveau sourire sur ton visage tout en rejoignant ta place.
- Spoiler:
Narsis sait qu'il ne mérite pas son diplôme mais fait bonne figure auprès de tout le monde. Lorsque le directeur - son père - lui remet le précieux parchemin, le gamin lit toute sa déception et sa honte dans son regard. Il continuera de faire semblant d'être heureux tout le reste de la soirée.
[Pas de bulletin.]
[Post unique.]