VIOLENT WASTE ft. remi ((charon))

Démons dansent sur leurs ruines. Corps en décadences, s’effritent aux coups portés de haine. Comme à chaque valse avec la mort, ils y laissent des petits morceaux de vie. Un fragment de cœur noircit et tombe. Plus ils s’enfoncent, plus tout devient sombre – leurs âmes s’enchaînent un peu plus aux ténèbres.

Tourbillon des malheurs qui les emportent. Les diables s’enragent derrière le grillage, attirés par tout ce rouge qui se répand, ces gestes sans grâce qui fendent l’air et les chaires. Relèvent les souffles expiés, mesurent le sang écoulé. Diagnostique à l’envolé, nombre de côtes brisées, compte à rebours avant que le premier ne vienne s’effondrer.

Paume offerte se fait fourreau à la lame traître. Ce n’est plus que le bras qui repousse le tranchant planté dans sa main défaite. Trouée. Et d’un poing qui met tout le monde d’accord, décide de quelle tournure prend le combat. Bruit mat, choque d’une frappe contre la chair, qui se répète. Le cœur n’y est plus, ne reste que la rancœur. Perfide fiel qui s’éprend de son palpitant. S’accroît à chaque coup décerné, laisse en honneur de vilaines traces sur la face du damné.

Le chant du sang qui bat dans leurs tympans. Rendus sourds, ils ne s’entendent qu’eux, attentifs aux sons de craquements, des brisures de l’âme d’en face, des éclats roques perdus dans leurs voix. Devinent sur les lèvres ouvertes les mots, pâteux, étouffés par le cruor qui les empoisonne. Ce souffle puant de l’effort, étranglé par leur gorge meurtrie. Deux carcasses offertes aux chiens, avides de ronger leurs os.

Confidences dans l’absence de mots, simplement l’écho de leurs âmes qui s’entrechoquent. L’une contre l’autre. Déverse l’un dans l’autre ce qu’ils ont de plus laid en eux. Placent toute cette violence au creux de leurs ventre, échangent leurs vices, se confient leurs malédictions. Si ce n’était pour mieux se détruire. But I'm... Still breathing... Laisse leurs souffles brûlants ponctuer son arrogance.

Aucun ne se vaut. Tous deux détruits. Maintenus debout par la fierté crasse de survivre. Ce qu’ils ont toujours fait. Mieux qu’aucun autre dans le Monde d’au-dessus. Parasites corrosifs. Akira sera le dernier à tomber. Depuis qu’il est né, il ne fait qu’hurler sa rage d’exister. Et il n’a pas terminé de voir le monde brûler. Il est venu le faire voler en éclat et trembler du bout de ses doigts.

Né avec un appétit vorace pour la destruction.

Dans l’élan de son crâne qui se fait boulet de canon, Akira vacille. Les os anguleux de Charon lui fendillent la tête, choc qui résonne jusqu’à sa colonne. Malgré le flou qui défait sa vue, il peut voir le visage en face de lui s’échapper en arrière. Tomber à la renverse. Bras qui s’élèvent vers le ciel comme pour atteindre une force invisible, se rattraper dans le vide.

Souffle emporté par la chute – le retour sous terre. Charon envoie ses mains chercher le dernier rempart. Ne trouvent que l’autre connard. Bascule encore sur ses pieds qui manquent d’équilibre, lasser de lutter, de porter ce corps en ruine qui pèse une tonne. L’appui est précaire, bancal. Se penche en avant, en quête de souffle. Mais ne trouve à sa portée que les mains défoncées de Charon, qui brassent l’air.

Se portent à son collier. Les doigts souillés s’agrippent comme les serres d’un rapace. Tirent en avant, dans la chute qu’ils précipitent. Attirent vers lui, l’emporte pour mieux tomber. Réflexe de chien errant, qu’aucune laisse n’a jamais pu tenir, et Akira s’arrache à la prise, élan du cou – et tout vole en éclat. La chaleur de la chaîne le quitte, les maillons se disloquent et libèrent la bête.

Charon est tombé. Avec lui, la muselière du démon.

La vague de magma est immense. Akira fait un pas en arrière, le temps de comprendre ce qu’il vient de se passer. D’instinct panique, il porte la main à son cou – mais le vide qu’il trouve à sa gorge lui est plus violent qu’une claque. Aussitôt ses yeux se portent au sol, où le reflet doré des chaînons se dissimule dans la poussière. No. No no no. La réalisation n’est pas aussi brutale que les sensations.

La brûlure de sa gorge se répand à son cou, sa nuque et dévale son échine. C’est une étincelle qui s’enflamme à chaque extrémité de ses nerfs. La fièvre s’empare de tout son corps, inarrêtable, insupportable. Incontrôlable. Tout va trop vite. Les calculs, rapides. It’s been three weeks. Tout autant de temps que la colère du démon est embouteillée, filtrée pour être assez vivable. Ne pas la laisser déborder.

Mais tout à coup elle surgit, comme un volcan. Un feu de l’intérieur, qui monte sans cesse jusqu’à l’inonder. Le démon l’envahi, se rue à l’intérieur de lui pour s’emparer de ses pensées ; écarteler son esprit, l’infiltrer tout entier. Feulement dans la gorge, quand Akira attrape son crâne à pleine main. Don’t. DON’T. Sent son crâne vriller sous les souvenirs qui surgissent des abysses.

Grondement de fureur

Le rugissement se fraye un passage jusqu’à sa gorge, expulse la démence. Recule, recule encore en lui-même. Se perd un peu plus dans ses propres entrailles qui lui hurlent de s’abandonner. ‘Cause i need it so much. La jouissance extrême de s’oublier à la Rage, de laisser la Colère le consumer. i want it so bad. Cette sensation de légèreté qui imprègne tous ses muscles, laisse exploser ses sentiments dans un feu d’artifice dévastateur. Yes, please…

I’m so angry

D’une colère sans pareille, d’un rouge qui n’existe nulle part ailleurs. Saisi par la plénitude que lui provoque la libération de sa magie, démoniaque. Soudain il n’a plus mal. De son corps brisé, il oublie les fractures, les contusions, les plaies béantes. Sa main pleure encore, d’un sang qui ne cesse de se répandre, mais il s’en moque. Toutes ces sensations ne convergent plus que vers une seule ; la fièvre incandescente a raison de tout.

he beat up Pandore
he stalks Atlas
he wants my demon

Pensées déviées par la colère qui le gagne. Le démon ne sait voir que ça. De sous ses mains barrières, il sent les cornes fendre son crâne. Tente de les retenir, mais n’essaie pas avec la conviction qu’il voudrait. they could see me. La lucidité vogue lentement dans son esprit défracté, miroir brisé aux milles reflets. they can’t see me. i got to keep it low. Bref éclair de raison appel à ses pensées. Akira relève la tête. Teinté de sang et de la carne maudite, une couleur qu’on explique mal. Le visage défiguré par l’angoisse et la colère, il cherche chez les damnés le visage de leur Prêtresse.

Remi.

help me. before it’s too late.

Lorsque ses yeux la trouvent, ils ne sont déjà plus tout à fait les mêmes. Démon ou Akira. La mâchoire se serre, souligne d’un regard entendu qu’eux seuls se connaissent. Make it stop. i’m losing control. Et elle sait. Remi sait que ça ne peut être permis. Liés eux aussi par le sang qu’ils ont échangé. Se sont infligés.

Le souffle est perçant, chaque inspiration est un pieu planté dans ses poumons, corps entier qui se fait entrave avant la débâcle. Douleur de taré. Quand il est si enivrant de s’abandonner, de laisser le flot du brasier aller. Retenir la bête, c’est désormais là que se tient le vrai combat.

Et il ne durera pas longtemps avant que les derniers remparts ne cèdent. Le cœur n’y est déjà plus, n’a que pour désir de terminer Charon. Ne reste que la raison, et la peur lointaine d’exposer un secret qui ne peut être révélé. Pas maintenant.

Mais déjà le colosse s’avance, ivre de la magie maudite qui l’habite. Grandit par les forces du monstre. Carcasse en vrac, gondolé par l’acharnement de la Vipère. Courbé sous le poids des os brisés, l’adrénaline enveloppe sa dépouille et lui donne cette force inédite d’approcher. Ramper comme une menace jusqu’à l’autre dépravé, ruiné au sol coloré. Se suffit à approcher de son côté, tombe à genoux ; égaux, brisés.

Regards atroces qui se pénètrent. Démon croise le fer avec Vipère. Quelque chose d’insaisissable s’infiltre pourtant, une menace de mort, une fatalité obscure. Aveu informulé.

Les griffes (ne sont plus cachées) viennent trouver le cuir chevelu poisseux, plein de sueur et de poussière. S’y enfoncent sans grâce, sans délicatesse. D’une rapidité presque irréelle, saisissent ce crâne abandonné. Les élans d’horreur, désirs murmures insufflent de l’arracher – séparer tête du corps. Gore au cœur. Mais la lucidité tempère. Modère. Gagner du temps. L’ogre soulève la tête en disgrâce, poids presque mort qu’il fait trophée.

Avant de venir l’exploser sur le sol. Embrassades sanglantes.

feels so good