cold blooded (baisho)

le manteau automnal recouvre à présent kanto, alors traversant l'avenue de bijinesu après avoir transplané jusqu'au quartier, la froideur de la saison se fait ressentir sur son épiderme bien que couvert par son long manteau noir. la silhouette indistincte du yakuza engouffrée par l'obscurité de la nuit se dirige vers le lieu de convocation, l'oyabun a convié les membres les plus importants du clan autour d'un dîner il y a quelques jours de cela, mais personne ignore la véritable raison de ce rassemblement: l'admonestation publique de l'ainé baisho après son échec total au tournoi des éléments.

arrivant à destination, l'entrée familière du restaurant japonais traditionnel et haut de gamme se dessine à ses yeux, un endroit de prédilection pour son père qui rassemble toujours le clan ici. ainsi à peine a-t-il franchi la porte qu'une hôtesse s'empresse de l'accueillir, récupérant d'abord son manteau et le conduisant juste après vers la plus [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] du restaurant avant de repartir aussi tôt. faisant glisser le shōji, bien que joji soit ponctuel certains membres du clan sont déjà assis en seiza derrière les tables basses. sièges prédéterminés, en tant que second fils du clan le yakuza prend position derrière l'une des tables proche de celle au bout de la salle, encore inoccupée puisque que le chef arrive toujours en dernier. dans l'ordre, sa sœur viendra s'asseoir à ses côtés tandis que son frère sera en face de lui près des ainés.

et en parlant du loup, joji lève les yeux en entendant le bruit de la porte coulissante pour voir l'ainé faire son entrée. si le silence absolu était déjà présent dans la salle avant qu'il n'arrive, la présence nouvelle d'isai emmena lourde tension. choisi dans la fratrie pour rapporter honneur à la famille, non seulement d'avoir été éliminé dés la première épreuve, isai en était ressorti blessé, un double affront à la dignité des baisho. en apprenant pour sa défaite, joji s'est dit que les cieux l'avaient probablement entendu, il avait tant maudit son frère ce jour-là que celui-ci a fini par lamentablement échouer. et si joji le plaint légèrement en cet instant ne voulant définitivement pas être à sa place, il doit l'admettre qu'après avoir été confronté au sourire fière et narquois d'isai  pour avoir été désigné par l'oyabun au dessus de lui pour aller au tournoi, qu'il se nourrit présentement de ses infortunes. le cadet ne déteste pas isai, très loin de là puisqu'il est définitivement l'une des rares personnes à laquelle il tient le plus, mais la rivalité ne disparaitra jamais entre eux car tout comme lui, joji tient aussi à devenir le prochain oyabun.

le suivant du regard en train de s'asseoir à son opposé, joji brise le silence en choisissant de le saluer par politesse ou peut-être aussi par provocation, — comment vas-tu mon frère? tout le monde dans ce pièce sait qu'isai va mal, l'expression sombre de son visage en disant suffisamment, après tout c'est son humiliation qui l'attend dans quelques minutes.

convocation qui résonne dans son esprit depuis que l'oyabun a donné la date. bien trop conscient de la raison pour laquelle ils seront rassemblés. son échec. son douloureux échec. ça n'a pas été dit officiellement, pas encore du moins. mais il sait que c'est la seule raison possible pour une convocation par son père. comme il sait que tout le monde a déjà compris pourquoi ils se rassemblent. la honte est présente et ronge tout son être. envie de disparaitre un moment et refaire surface quand de l'eau aura coulé sous les ponts. envie de se faire petit pour limiter le courroux de l'oyabun. mais ce serait leur donner raison à tous alors isai avait passé les derniers jours à s'entrainer. s'il n'avait pas été le meilleur au tournoi cette année, il deviendrait le meilleur pour l'année d'après. rester sur un échec n'étant pas une option.

il transplane aux abords du lieu de rendez-vous, finissant le reste du chemin à pieds. endroit qu'il connait bien, théâtre de toutes les convocations de l'oyabun. restaurant où il a toujours écouté, en s'imaginant un jour se tenir à la place de son père. sans jamais penser que viendrait le moment où la convocation serait à cause de lui. la tête haute quand il entre dans le restaurant et donne son manteau à l'hôtesse en lui faisant signe de rester là. pas besoin d'être accompagné pour retrouver le chemin de la grande salle. il hésite un moment avant de passer la porte. besoin d'ériger ses défenses autour de son esprit, de créer le mur qui le sépare des émotions qu'il va ressentir une fois dans la salle. il ne peut pas se permettre de se montrer faible. il ne peut pas se permettre de craquer, peu importe ce qu'il sera dit sur lui. besoin de garder la tête haute tout du long s'il veut garder ses chances de devenir le prochain oyabun. il sent presque la honte et la colère se rétracter au fur et à mesure qu'il se concentre, jusqu'à parvenir à totalement les cadenassés aussi loin que possible. une dernière grande inspiration et il entre dans la salle.

la tension est palpable sitôt qu'il met un pied à l'intérieur. le silence est pesant et il sent les regards se poser sur lui. pourtant il avance sans y prêter attention, l'air sombre sur le visage. déjà prêt à faire comprendre au premier qui osera lui faire une réflexion qu'il est loin d'être aussi faible que son échec le laisse présager. il avait des circonstances atténuantes en plus. les vagues d'eau qui s'étaient écrasées sur lui l'avaient empêcher de réfléchir correctement, trop en proie à la peur. il s'assied en face de son frère qui ne peut s'empêcher d'ouvrir sa grande bouche. "ça va." ton froid et sec, laissant très clairement entendre que ce n'était pas le moment de le chercher. il avait beau avoir l'air calme, il était prêt à démarrer au quart de tour isai. il garde cependant un semblant de politesse, le ton légèrement adouci. "et toi ?"

le monde est à présent mordoré d'éclats orangés, les feuilles meurtries, éparpillées sur le bitume humecté. nami transplane près de l'avenue de bijinesu et finit par se fondre dans le paysage, elle-même, fille de l'automne, cette demi-saison où la nature se meurt pour finalement revivre au son des chants printaniers. et tandis que les paysages peints se veulent d'un ton morose, tandis que les symphonies se veulent dissonantes, symbole de la discorde, du pater courroucé qui se cache derrière cette convocation – la sérénité semble décorer ses traits éthérés. son visage de porcelaine inhabité par l'anxiété, car elle n'est pas celle qui, ce soir, se fera réprimander.  

à vrai dire l'impétueuse s'était faite plutôt discrète ces derniers temps, coïncidence ou bien était-elle trop occupée à préparer sa prochaine mystification ? qu'importe ses intentions, l'ekisha avait su rester loin du radar paternel, trouble sagesse enveloppant son image de (diablesse) princesse. la victime de ce rendez-vous nocturne n'est autre que l'aîné, le miséreux et sa défaite pitoyable ont certainement su faire brûler l'ichor de l'oyabun. et il y a un soupçon de désolation qui s'est épris de son encéphale, tel un couplet magistral dans une terrible chanson. malgré la rivalité enchevêtrée dans ses veines, ses frères restaient ses piliers, fondamentaux dont on ne pourrait lui priver. cependant substitue dans ses cellules, des résidus de noirceur. cette part de rage, celle d'exceller, d'être adulée qui bout dans son vermeil, qui la fait jubiler – sentiment silencieux tapi sous la déception et le manque d'intérêt porté à cette soirée. car elle n'a jamais été le premier choix et encore moins le second; le malheur d'isai ne ferait donc pas son bonheur et elle en était d'une certaine façon soulagée, bien qu'un goût amer persistait sur son palais.

dernière de la trinité, dernière du trio à arriver, le besoin d'intention qui se reflète dans ses gestes. elle a la philosophie du paraître accroché à ses cellules grises, camouflage de cette envie parfois de disparaître. lorsqu'elle pénètre dans la salle privatisée, la benjamine n'est exposée aux regards qu'un court instant, la vedette n'était pas pour elle aujourd'hui. très vite les onyx se tournent à nouveau vers le centre de l'attention, révélant au passage l'âpre atmosphère qui s'échappe de la table du déshonoré. la sorcière rejoint alors ses frères, entre les deux s'étirent une onde d'électricité. "bah alors c'est quoi cette tête d'enterrement isai ? t'es pas content de voir ta soeur préférée ?" (rectification, son unique soeur), feignant l'ignorance nami tente d'apaiser les tensions, à sa manière, tandis qu'elle salue les personnes attablées avant de prendre place aux côtés de joji. ce soir est l'un de ces rares moments, à la volée,  où la devineresse envie l'enfant du milieu et non pas l'aîné tant admiré, car dans les défaites de ce dernier réside la gloire de l'autre – et non la sienne.