brûler le feu (jp)

le ciel est gris au travers de nuages opaques, ceux qui déversent une pluie si imperméable que chaque poussée dans le camp ennemi est soit une perte de temps, soit une prise de risque. le corps tendu par l’effort et la tension d’une défaite qui apparaît, elle, nettement à l’horizon, sam tient tout de même les comptes dans sa tête depuis que la voix de l’arbitre est systématiquement arrêtée par l’orage. it's not good. le fait qu’ils soient menés par les komodo n’a rien à voir avec le temps, cela dit - le manque d’attaques concluantes le fait grincer des dents depuis le début du match, parce qu’elles dépendent directement de la cohésion inexistante entre les trois poursuiveurs, qui s’installe petit à petit depuis des mois déjà. de l’ignorance de jp à son égard, des balles perdues au milieu du vide plutôt qu’envoyées vers lui, et de son propre manque de communication pour régler le problème avant que le reste de l’équipe n’en pâtisse.

en dépit du score pitoyable, des potentiels sponsors présents dans les tribunes, et de son affection pour le capitaine, sam n’a pas la force de combattre son arrogance, aujourd’hui. alors les points s’enchainent, et le match s’achève sur une défaite amère, sans positif aucun. la colère enfle de son côté, aussitôt le terrain quitté, accentuée par la fatigue et par l’accumulation, mais il tente de conserver son rôle habituel ; s’assure que keita va bien d’une tape dans le dos et d’un “you did great bud”, fait le tour des batteurs et checke la gardienne, qui reste sous son épaule jusqu’à atteindre les vestiaires. pas un mot ne s’échange entre les poursuiveurs, en revanche.

la tête se serre entre ses mains, couverte par une serviette trempée. il respire mieux, une fois la carcasse affalée sur le banc, le temps de récupérer un peu avant une douche chaude qui le sauve à peine de ses songes. les réprimandes sont peu nombreuses, le silence parle de lui-même, en vérité. leur coach sait qu’ils sont capables de prendre du recul individuellement pour savoir où ils ont merdé, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.

au final, ils sont libres de partir, le moral à sec et -
jp choisit ce moment pour le bousculer, trop fort pour que ce soit tout-à-fait involontaire, et sam craque ; le rattrape et le pousse à son tour contre l’un des casiers adjacents.

“okay - what’s your fuckin problem jones??” sa gorge se serre, et sam se dit vaguement qu’il devrait lâcher l’affaire mais n’en a pas envie - est trop épuisé cette fois pour passer l'éponge comme toutes les précédentes.

“i swear to merlin just spill it. i’m fucking tired of your shitty attitude.”

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Encore une performance inacceptable et bien en dessous de ses capacités. JP se souvient du regard désobligeant de neomä lorsqu’il avait raté sa feinte de porskoff sur le terrain de nawa. Il est piètre poursuiveur en ce moment, boulet de sa propre équipe qu’il n’arrive pas à propulser dans les airs comme il le souhaiterait. ça n’empêche qu’il se déchaîne envers et contre tout. Il récupère le souafle, le repasse, le vole à nouveau et tire – ça ne marche pas. Il aimerait pouvoir mettre la faute sur le jeu des dragons et assumer qu’ils ont été meilleurs (il préférerait en crever), la vérité est que : jp n’a plus la tête au quidditch depuis un moment. ça se ressent au sein du groupe et surtout du trio d’attaquants ; leur synergie habituelle a disparu. il a merdé. et s’il n’était pas saint capitaine de cette équipe, il irait s’inonder sur la plage en attendant que la tempête passe. mais non, fairplay obligé. il doit féliciter l’équipe d’en face : geonu, marlon, seiren et même yuan. Pff. Vie de chien.

Grognon face à la défaite, il descend de son balai et traîne les pieds au sol, ses épaules rentrées dans son corps. Ce dernier est si lourd dernièrement. Pourtant il est bon acteur ce joao. Il esquisse un sourire, ce beau visage qui charme les foules et les sponsors et qui rassure comme le héros fougueux d’un manga : je suis là, tout ira bien. arrogance qui galvanisait au départ n'est devenue que nuisance.

dernier à rejoindre les vestiaires, l’atmosphère est trop noyée sous la tension pour qu’il ajoute quelque chose. De toute façon, il n’a jamais eu besoin de mots pour se faire comprendre. Et récemment, c’est bien parce qu’il les utilisait à mauvais escient qu’il se mettait dans la merde.
Le coach les encourage au lieu de les enterrer et JP apprécie le geste mais il ne s’en sent pas légitime. Il voudrait qu’on lui tire dessus, qu’on l’étrangle et le plante car lui seul est responsable de cette défaite. et si Granny était encore de ce monde, elle lui répéterait en vain que son orgueil continuait de l’aveugler : après tout, le quidditch se joue en équipe. il jette un regard noir autour de lui, capitaine debout contre les casiers, attendant que ce carnage s’arrête. que le temps cesse de tourner. supplie qu’on vienne mettre fin à ce supplice.

puis il se réveille et ils sont soudainement congédiés. juste comme ça, la vie reprend son cours. jp secoue la tête. il ne veut pas partir et affronter ses démons. le vestiaire commence à se vider, à l’abandonner, et il doit leur en empêcher. un élan possédé le frôle contre osamu, un chouïa trop brutal, mais peut-être que c’est ce qu’il voulait. comme le poing dans la gueule de neo quelques semaines plus tôt. qu’on le haïsse aussi fort qu’il se hait. le résultat escompté est apprécié. “my problem? you’re my fuckin’ problem, miura. if only you were capable of receiving a little pass.” rétorque-t-il du tac-o-tac. il n’avait pas besoin de répéter son texte pour provoquer sam de si bon jour.

le capitaine s’étire avec toute la nonchalance du monde, trempé de sueur. la soudaine fraîcheur du métal contre sa peau n’allège pas sa colère. la voilà enfin, cette occasion pour créer du chaos. dire ce qu’il a sur le cœur depuis un moment. et il a tellement de choses à dire à son cher coéquipier. “my shitty attitude? if you spent more time training instead of playing Casanova, maybe we wouldn’t be here, ya know.” il ricane. le son ressemble davantage aux cris d’une hyène qu’aux pleurs de détresse d’un être humain, et pourtant, la seconde option prévalait.

qu’on le sauve de lui-même ou qu’on le laisse se noyer près de la mer, bien loin, dans une contrée qui n’existe plus.

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y'a le feu de la défaite qui enfume ses pensées, qui crame sa patience amenuisée par des mois de combat infernaux - alors il n'en existe plus aucune en réserve pour encaisser l'attitude de jp sans broncher, ce soir. ils ont tous pris le pas, les giants, et sam fait pas exception ; à se faire à l'idée que le capitaine a cet égo surdimensionné en guise de masque englué contre sa face, qu'il fait ressortir pour cacher tout le reste, l'enfouir si profondément qu'aucun d'eux pourrait entrevoir une goutte de bonté dans ses mots. il a toujours été meilleur dans les gestes, jones, pour montrer ce qu'il ressentait - parce qu'il sait pas parler, écrase la communication jusqu'à ne plus pouvoir l'éviter. c'est souvent sam qui s'interpose, d'ailleurs, à séparer les corps échauffés quand le ton monte, quand tout part en vrille, quand le porteur du brassard brillant s'implique dans un conflit inévitable. et jusqu'ici il jurerait que ça a bien marché, qu'il a su assumer son rôle telle une ombre bienveillante, un ange gardien un peu hasardeux, à jouer le pilier qu'il est censé être quand jp est pas capable de tout encaisser seul. jusqu'à il y a quelques mois, tout possédait un équilibre bancal, mais qui fonctionnait suffisamment pour leur permettre de faire tourner la grande machine qu'était cette équipe.

jusqu'à il y a quelques mois jp était une énigme limpide, régulière, aussi facile à déchiffrer que l'action d'une équipe adverse - aujourd'hui, sam possédait juste l'envie irrésistible de l'encastrer.

“my problem? you’re my fuckin’ problem, miura. if only you were capable of receiving a little pass - if you were capable of doing a good one, maybe i could receive it, you fuckin scumbag?” les mots claquent, le ricanement est épuisé. “my shitty attitude? - yes? - if you spent more time training instead of playing casanova, maybe we wouldn’t be here, ya know - i’m literally training all the time, and you're supposed to be a fuckin pro. ask yourself the good question for merlin's sake, because my game is definitely not the only problem here.” la voix accélère, se perd dans les reproches. sam ne sait pas pourquoi il attaque autant où ça fait mal, pourquoi il ne parvient pas à prendre du recul pour arrêter ce qui débute à peine, avant qu'il n'y ait davantage de blessures à faire cicatriser.

peut-être parce que jp sait qu'il se donne corps et âme dans ses entraînements, qu'il reste jusqu'à ce que l'astre blanc scintille là-haut, systématiquement, enivrant et dangereux, à l'avertir que l'épuisement s'approche, que la nuit n'est pas un terrain prudent pour s'améliorer, pour gommer les failles et renforcer ses facilités.

jp connaît ses insécurités ; mais il choisit tout de même de les piétiner.
alors pour une fois sam choisit de jouer son jeu, de laisser tomber la raison qui cogne contre ses tempes.

“is this why you're so tense, lately? me being with someone and you being single? how old are you to be this jealous, 12?” il le pousse une nouvelle fois contre les casiers dans son dos, puis une seconde, cherche la petite bête - la mèche qui fera partir ses dernières résolutions en fumée. “go get laid if you’re that touchy about it, you know? maybe you'll get this fuckin broomstick out of your ass and start acting like a real quidditch player, somehow.”

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