we return to each other in waves ☾ geonhee

Elle était restée encore un instant dans ses bras, Sunhee. Geonu qui avait accepté ses sanglots et avait attendu que l’orage passe : que petit à petit elle réussisse à rassembler les morceaux éparpillés d'elle et se redresser. Sunhee si forte pourtant si fragile, Sunhee si vibrante pourtant si abimée. Ne s’était-elle donc jamais autorisée à flancher ? Ne s’était-elle donc jamais priorisée ? Lui si différent, qui avait si longtemps été égoïste (se protégeant avant tout et contre tout). Peut-être arriveraient-ils à trouver un compromis, à deux.

Avait senti le froid lorsqu’elle s’était éloignée, car elle n’était plus là.
Plus là contre lui, mais bien face à lui : encore hésitante, quelque peu gênée.
Aurait aimé lui dire que la culpabilité ne lui allait pas, surtout lorsqu’elle n’avait pas raison d’être. Qu’elle n’avait à craindre son regard et se concentrer sur le sol, qu’elle n’y trouverait que toute l’affection qu’il lui portait. No s-word. Pas de pardon entre eux, non, avait-il cherché à répondre le plus gentiment possible. Geonu peut être un peu doux, à cet instant, car il ne voulait pas la brusquer. Souhaitait qu’elle soit confortable.

Toujours, à ses côtés.
A thank you was enough sourire alors que rien n’avait changé en lui, cette petite moue taquine fleurissant sur ses lèvres tout naturellement : and you’re welcome. Geonu qui était venu l’attraper par l'épaule pour la tourner de nouveau vers la vue, vers les cerisiers et la mer. Qui avait enroulé son bras le long de ses épaules et avait repris la marche. Car il fallait continuer à avancer : car il ne la lâcherait pas. Maintiendrait le contact aussi longtemps qu’elle en aurait besoin pour être rassurée.

Pour arrêter de culpabiliser.
Je suis content de pouvoir être là pour toi. Lâché l’air de rien, quoiqu’avec ce petit quelque chose de sérieux car il ne plaisantait pas. Pas avec ça. Autour d’eux les cerisiers timides commençaient à peine à fleurir, leur odeur se mêlant à l’air marin qu’il aimait tant. Et touché d’avoir été une des premières personnes à qui tu en as parlé, même si j’aurais aimé que tu puisses en parler à quelqu'un bien avant, bien plus tôt. Comment avait-elle fait, pendant toutes ces années ? Comment oui avait-elle fait pour endurer ? Sunhee si forte qui s’était sacrifiée encore et encore, qui avait du voir de nombreuses fois ses défenses voler en éclats mais qui était restée forte. Car tout ne dépendait pas d’elle, car ils étaient deux et qu’elle ne pourrait jamais flancher, jamais céder : pas face à lui, pas alors que lui y croyait tant.

Rêvait encore si fort.
Et il aurait aimé qu’elle puisse se confier bien plus jeune, qu’elle puisse avoir quelqu'un oui à qui elle aurait tout avoué. Lui-même était probablement si serein car il avait la chance de pouvoir s’entretenir avec des psychomages plusieurs fois par mois, si ce n’était plusieurs fois par semaine, lorsqu’il alternait entre celui de sa formation et celle de la brigade. Geonu qui ne partageait pas ses démons avec ses amis : qui préférait les gérer seuls, accompagné de professionnels avec qui tout était si différent. Fais ce qui est bon pour toi, ce qui te rend heureuse. Toute personne t’aimant finira par comprendre, quoique tu choisisses. Qu’elle préfère se sacrifier pour participer à l’accomplissement des rêves de son partenaire, ou qu’elle préfère se recentrer sur elle et tout arrêter.

Lui serait toujours là.

Et n’oublie pas de manger. Comme pour briser la glace et finir de la remettre à l’aise, secouant de sa main libre le sandwich  qu’ils n’avaient au final jamais entamé. Ne savait pas comment il allait faire, lui qui ne voulait pas la lâcher.

Geonu a beau lui interdire, elle a envie de continuer à s’excuser. Elle n’est pas sûre qu’un merci suffise pour l’aide qu’il lui a apporté ; se rend-il au moins compte de combien ça l’a aidé ? Elle n’est même pas sûre de comprendre, elle-même, à quel point avoir enfin parlé de tout ça l’a soulagé d’un poids. Ce qui n’est pas plus mal, parce qu’elle n’a pas envie d’y penser plus longtemps. Quand il lui sourit et la prend par l’épaule pour la tourner vers les cerisiers, elle se met à sourire aussi, dans un air décidé à chasser tout le reste de la journée. Si elle ne peut pas retourner en arrière pour s’empêcher de fondre en larmes, elle peut au moins passer le reste de l’après-midi à faire oublier ce moment désagréable. Elle aura toute sa soirée pour y repenser, se dit-elle, et prendre conscience de combien elle avait besoin d’en parler.

Elle prend une grande inspiration quand elle se remet à marcher, pour s’imprégner de toutes les odeurs qui l’entourent. Les odeurs du début du printemps, des fleurs qui commencent à fleurir, de la mer pas loin, et cette odeur de verveine qui ne la quitte jamais. Elle est bien consciente de son bras passé autour de ses épaules mais le contact ne la dérange pas ; naturellement tactile, mais en plus, habituée à la présence de Geonu. C’est presque naturel. « D’accord. Merci. » répond-elle faiblement, le regard tourné vers les cerisiers, qu’elle voit vraiment pour la première fois. Elle ne sait pas quoi dire d’autre. Ne peut pas lui promettre qu’elle fera vraiment que ce qui la rend heureuse, mais reconnaissante qu’il la soutienne dans ses choix à elle, quoi qu’il arrive. Rassurée de savoir qu’au moins lui comprend, sans la juger, sans être déçu.

« Oh mon dieu ! C’est vrai ! Le bulgogi sandwich ! » s’exclame-t-elle quand il lui montre le sien. Elle l’a mis dans son sac juste après avoir quitté le café, et avec tout ce qui lui est passé par la tête depuis, elle avait complètement oublié combien elle avait faim. Avec son sourire qui est renaît, elle plonge la main dans son sac et ressort le sandwich, utilise ses deux mains pour pouvoir croquer dedans. « Toi aussi, il faut que tu manges ! » rajoute-t-elle en lui jetant un regard en biais, après avoir fini de mâcher.

Geonu qui aurait aimé lui dire qu’elle n’avait en rien gâché le moment, mais qui n’avait pas voulu rajouter à sa culpabilité. Alors il s’était contenté d’agir normalement, calme et décontracté, un sourire persistant sur ses lèvres. Ne l’avait pas lâchée, quand elle s’était exclamée : ni quand elle s’était penchée pour aller récupérer le sandwich dans son sac. C’est bon ? Demandé alors qu’elle venait de prendre sa première bouchée.

Sa voix manquant de s’entrecouper avec la sienne.
Petit rire alors qu’il avait du s’avouer vaincu : Alright, alright. Mains levées sans que ses bras ne suivent, conservant le contact jusqu’au dernier moment. Avait à son tour sorti son sandwich de sa poche pour croquer dedans. Il n’était pas celui ayant fait du sport ce matin, mais avait tout de même faim. Aurait bien repris un café pour aller avec. Tu veux qu’on s’assoit ? Proposé alors qu’il avait montré d’un geste un banc plus loin, avec vue sur la côte. Il n’était pas bon de manger en marchant, avait-il entendu un jour.

Et il ne voulait évidemment que le meilleur pour elle.
Savait qu’ils seraient plus confortables, pourraient enfin apprécier les cerisiers et le bruit des vagues.

Le sandwich a exactement le goût attendu de la part d’un sandwich bulgogi, ce qui n’empêche pas Sunhee de sourire de bonheur après avoir avalée sa première bouchée. « Très bon. Ça faisait longtemps que j’en avais pas mangé. » répond-elle en tournant la tête vers le jeune homme, toujours si près d’elle. Sans que ça ne la mette mal-à-l’aise pour autant, bien au contraire. Elle rigole quand il lève les mains en l’air, dans un air de capitulation, puis continue de manger son sandwich, affamée. Ces derniers jours, même en ayant faim, elle ne prenait plus de plaisir à manger — elle a l’impression d’avoir son premier vrai repas depuis qu’elle sait qu’elle va reprendre la compétition en mai. Comme si son appétit s’était vraiment débloqué.

Elle hausse les épaules, lève les yeux vers Geonu. « Comme tu veux ? Ça fait du bien de marcher, aussi. La vue est jolie. » Elle tourne de nouveau la tête vers les cerisiers, au début de leur floraison. Le vent est encore frais, mois de mars oblige, et les pétales ne tombent pas autant qu’ils le feront un mois après. Pour autant, le paysage est magnifique pour la jeune femme : les arbres roses pâles, la mer bleue, le ciel dégagé. Les couleurs lui paraissent plus douces et agréables que tout-à-l’heure, sans doute parce qu’elle-même se sent soulagée d’un poids.

Elle semblait apaisée. Sunhee qui, une fois l’averse passée, retrouvait sa douce lumière. Et elle était si forte pour avoir traversé toutes ces épreuves, fait face à l’adversité jusqu’à s’oublier elle-même. Sunhee qui avait ri puis souri, qui l’avait observé avec sincérité. Comme tu veux. Voilà qui lui allait bien, prioriser les autres alors que lui-même lui demandait son avis. Continuons, alors. Dit de ce petit air serein alors qu'il avait regardé devant eux, Geonu. Car lui la prioriserait, ferait en sorte de desceller ses envies et de les rendre réalité. Car lui n'était pas si compliqué à vivre, et que la suivre lui irait très bien.

Avait repassé plus tard, une fois leur repas fini, un bras autour de ses épaules.
Car il ne la lâcherait pas.
Surtout pas aujourd’hui.
(encore moins demain)