you can cry, drinking your eyes ✿ himari

Tout s’était enchaîné si vite, ces dernières semaines - événement après événement, venant bousculer son quotidien et ses pensées de plus belle. Et comme ça, Sawako est revenue dans la vie de Himari aussi brutalement qu’elle avait essayé d’en sortir, alors qu’elle apprenait encore à peine à s’ajuster à son départ. Quatre jours à peine entre ces messages reçus après des lettres échangées pendant quelques semaines, venant combler en quelques minutes un long mois de silence ou d’ellipses au profit du médium papier. En quelques minutes, Himari se retrouve de nouveau propulsée au coeur de la relation entre Sawako et Felix, en quelques minutes, le rendez-vous est pris, sans même prendre le temps de savoir exactement comment elle accuserait ces nouveaux changements.

À peine un mois s’est écoulé depuis le départ de Sawako. Et pourtant, Himari a l’impression d’avoir une vie entière à lui raconter, à rattraper le temps perdu à contenir ses propres problèmes pour privilégier un mariage qui n’était jamais arriver, à attendre d’avoir de ses nouvelles, à écrire des missives qui n’exprimaient sans doute pas le centième de ce que Himari aurait pu déverser en personne. Elle a l’impression que son amie s’est absentée des mois, des années, presque - et si le temps ne fait pas preuve des changements, peut-être que ça se voit, que l’eau a coulé sous les ponts en un temps record.

Peut-être que ça se lit dans ses messages à Sawako au milieu de la nuit lorsque sa relation évidemment houleuse avec Felix revient sur le tapis. Peut-être que ça se lit lorsqu’elle ne répond pas tout de suite, moins souvent chez elle, moins souvent seule, même depuis peu. Ça se lit sans doute sur son visage et ce qui se dégage de Himari lorsqu’elle passe le pas de la porte du Winter Flower Café, dans un quartier qui pendant longtemps lui était très étranger, fière habituée de la serre de Hinai. Moins souvent fréquenté que le Vivaldi, et Himari cherche Sawako dans la salle - avant de croiser son regard par-dessus ses lunettes de soleil.

Assise dans un coin, du premier coup d’oeil, elle n’a pas changé - et Himari ne sait pas trop ce à quoi elle s’attendait, quand ça ne fait qu’un mois. Et Himari détaille sa tenue, moins soignée, l’absence de maquillage, les cheveux un peu emmêlés, dans une version de Sawako qu’elle n’avait encore que très peu vue, d’ordinaire apprêtée de la tête aux pieds. Soupir qui s’échappe de sa poitrine, et quand elle s’avance, c’est dans les bras l’une de l’autre qu’elles tombent. Les yeux humides et un léger rire soulagé de se revoir après plusieurs semaines de distance autant physique qu’émotionnelle, et Himari s’écarte légèrement pour regarder Sawako avec un sourire. I’ve missed you, laisse-t-elle échapper d’une petite voix trahissant légèrement les émotions qu’elle retient de la submerger, avant de se retourner. Did you order anything? Do you want- commence Himari, avant de s’interrompre. Stay here, it’s on me, ajoute-t-elle, pour s’éloigner un instant vers le comptoir et commander deux maccha latte et deux parts de baumkuchen à la barista.

Himari revient s’asseoir face à Sawako, lissant sa jupe d’un geste, pour lui adresser un nouveau sourire. It’s nice, right? It’s not the Vivaldi, but… commente-t-elle en levant la tête pour indiquer la déco - sans vraiment cacher leur attachement émotionnel au salon de thé de Hinai. The owner has a really cute pet kabuso, he loves asking for treats to customers, ajoute-t-elle, avant de laisser un silence s’installer. It feels like it’s been months, years maybe, souffle Himari avec un léger sourire un peu nerveux, avant de croiser le regard de Sawako, un peu plus sérieusement. How are you? Has he... said anything else since last time? Sans mentionner le nom de Felix, mais l'ellipse parle suffisamment pour elles - et Himari n'aurait sans doute pas pensé se retrouver dans cette situation, des mois plus tôt, le souvenir encore vif d'avoir frappé chez Sawako en larmes pour obtenir ses propres réponses. C'est Sawako, l'aînée, la grande soeur, celle qui a de l'expérience pour la guider, pas l'inverse - et pourtant.