A BRIEF HISTORY OF TIME
Le nom est porté ainsi pendant presque vingt ans. Le nom est faux, le nom pèse sur sa conscience et abîme son coeur à chaque fois qu’il le coule dans de l’encre. Le nom n’est pas sien, il n’est qu’un mensonge, une couverture. Il grandit avec ce nom Teddy et pourtant, pourtant jamais il ne l’aura vu comme sien. Le majordome dont il a les lettres de noblesse ne l’a jamais traité comme un fils ; Theo ne l’a jamais vu comme un père. Il n’y en a qu’un qu’il voit comme ça, l’un avec qui il n’a rien en commun il semblerait -- ni les traits, ni le sang, ni le caractère, ni le nom. Pourtant il grandit avec lui. Pourtant il fait tout pour briller aux yeux d’un père qui n’en est un que dans son coeur.
Quand les papiers sont signés, il a l’impression de respirer un peu mieux. Quand il le dit pour la première fois, ses lèvres s’étirent dans un sourire. Enfin, il a le nom du père. Enfin, il le voit. D’un patronyme inconnu, Teddy il passe au blason et aux armoiries. L’or des lettres correspond enfin à son éducation, à tout ce qu’il a appris, à tout ce qu’il a toujours aspiré à être. Il passe de l’absence de reconnaissance à toutes les portes qui s’ouvrent. Il passe de l’anonymat à l’enfant bâtard. Et il adore cela.
Il voit le jour dans les fin fonds de la campagne anglaise, à l’abri de tous les regards. Sa mère est exilée dans une résidence privée de sa plus proche amie pendant les sept mois de grossesse où cacher son indiscrétion est impossible. L’on ment, et dit qu’elle est partit faire une longue retraite. Il pousse son premier cri alors que la châtelaine est censée être au Népal. Elle revient au domaine familial de Lowestoft seul. Il arrivera une semaine plus tard, dans les bras du majordome. Parce qu’officiellement, il n’est qu’un enfant de domestique, un né hors marriage, un que les Baker accueillent généreusement. Un ami auprès duquel grandira l’héritier de la riche famille et le reste de sa fratrie qui les rejoindra bien vite. Rien de plus.
Il a rapidement appris à corriger les erreurs sur sa nationalité avec le sourire, jamais vraiment dérangé. Il y a une certaine fierté, à dire d’où il vient, à appuyer sur son accent, à revendiquer le sol qui l’a vu naître et le sang de sa mère.
Il ne sait de son géniteur que ses origines. Sa mère ne lui a offert que leur lieu de rencontre comme information : la Corée du Sud. Theodore sait qu’il n’a rien de coréen, alors quand il atteint sa majorité, il procède à un test pour éclaircir ses origines à ce niveau-là. Il part en voyage en Birmanie quelques semaines plus tard à peine, le coeur gonflé d’excitation à l’idée de découvrir cette part de lui. Quand il revient, il garde le pays dans la tendresse de son coeur et le rêve au coin de ses lèvres.
Le bois des passionnés, le coeur du renouveau. Ollivander lui apporte la bonne du premier coup. Il est si heureux qu’il est incapable de dormir la nuit suivant son achat, et passe son temps à la regarder avec adoration à la lueur des bougies et des étoiles. Elle est la première chose dont il est infiniment fier, car elle est sienne.
La grue et le koï se sont pris le bec et les écailles pendant cinq très, très longues minutes. Il était presque prêt à les supplier de se calmer quand enfin, c'est l'oiseau qui s'est avancé vers lui. Rien n'a semblé aussi juste que cet instant, que l'air entrant dans ses poumons avec une sensation différente. Respirer eut un goût d'immortalité, soudainement, presque d'invincibilité. Il n'est jamais plus puissant qu'au sein de Nawa et de ses courants d'air.
Les yokaïs ont hésité, et le Choixpeau avant eux aussi. Le coeur est généreux mais l'âme est sage. L'homme est loyal mais l'enfant exigeant. Can I have Ravenclaw ? Mom had Ravenclaw. (Il y a un certain frisson à l'appeler ainsi devant tant de gens, même si seulement la vieille relique l'entend.) L'enfant rejoindra les érudits sur un léger caprice. Il le paiera en restant assis des heures devant la porte de leur salle commune, incapable de répondre à l'énigme.
Assortie d'une option en initiation au professorat, Theo compte bien obtenir un diplôme lui permettant de devenir éducateur spécialisé. Une formation qu'il espère, pourra aider le plus grand nombre, ceux aux besoins particuliers. Tendresse infinie pour les nouvelles générations, il sait déjà que son héritage lui permettra de faire profiter son apprentissage de manière totalement bénévole, et cela lui remplie le coeur de joie.
Tête d'affiche de la famille depuis quelques années, on envoie le fils étranger pour représenter les Baker dans leur dernière acquisition sociale au Japon. L'extension en Asie a commencé par la Chine, puis la Corée, et se poursuit ici. Gala de charité, levée de fonds, interview et posts sur les réseaux sociaux, Theodore au fond, il sait pourquoi il est là. Il sait que ce n'est pas lui, en tant que personne, sur qui compte son père et le reste de la famille. Il ne voit que ses traits bien plus asiatiques que le reste de la famille, que sa sexualité qu'il n'a pas peur d'affirmer. Theodore il présente bien, si bien, trop bien. Il charme tout le monde d'un sourire, et il est si fort à cela qu'il finit par se charmer lui-même et à oublier pourquoi il est là. A oublier le reste.
Il n'était censé être que l'enfant du majordome, mais Theodore il n'a jamais manqué de rien, sa mère y a veillé. Preuve de la générosité des Baker, que d'élever l'enfant de domestique au milieu des leurs. Il ne connait que les plus belles étoffes, que les meilleurs cuisines, que les meilleures places pour les compétitions sportives et les concerts. On lui apprend l'équitation à dos d'Abraxan, plusieurs danses de salon et une façon impeccable de se nourrir et de s'exprimer. Il apprend à dévorer les livres à la vitesse de la lumière, pour être toujours plus cultivé. Quelque part, il a besoin de montrer qu'il vaut toutes ces dépenses aussi. Qu'ils ne font pas cela dans le vide, et qu'il est infiniment reconnaissant. Rentier avant l'âge, il donne beaucoup mais utilise tout autant. Tout est question d'équilibre.
L'amour ? L'amour c'est un secret entre lui et son coeur. L'amour il l'offre dans les soupirs contre les lèvres de l'amant, dans les gémissements dans le creux de son cou, dans la façon dont ses bras s'enroulent autour de lui la nuit. Le coeur tatoué brille toujours un peu plus fort quand il est là. Parfois il a été revendiqué comme appartenant à quelqu'un d'autre, mais jamais longtemps. Il n'a que les marques de l'amant qui se marient parfaitement avec l'encre de sa peau. Et si parfois il parade avec quelque héritier pendant certaines soirées sous l'impulsion familiale, aucun d'eux n'a jamais le privilège de l'entendre se plaindre de ses vêtements froissés.
Teddy il vit pour les autres, et son coming-out aussi il n'est pas vraiment pour lui. C'est une façon de dire "Hey father, look at me !", de se démarquer du reste de la fratrie (même si au bout du compte, il ne sera pas le seul, juste le premier.) Cela marche, un peu. Le paternel semble le remarquer un peu plus, au moins quand il est vu en compagnie de fils de bonnes familles. Teddy sait qu'il est mentionné dans plusieurs interviews et déclarations, permet à la famille de se positionner comme allié à sa communauté. Il le sait, il le voit, et il l'accepte avec le sourire. Il se ment en se disant qu'ils font ça pour lui, pour qu'il se sente bien. Pas pour eux et leur image.
Un jour il y a une tempête. Un jour, le vent souffle si fort qu'il s'enroule sur lui-même. Un jour la maison s'arrache, un jour les pontons s'envolent, et l'enfant tombe à l'eau. Il y pense tous les jours, toutes les nuits, à ce gosse qu'il n'a pas su sauver (à tous les autres). La magie qu'il connaissait n'a pas suffit face aux éléments. Alors depuis presque un an, c'est un acharnement permanent que de réussir à maîtriser son élément. Pour que plus jamais la tragédie ne se reproduise.
Il y a l'odeur des origines, les effluves du premier plat local qu'il a mangé en arrivant en Birmanie, celui dont il ne s'est jamais lassé et qu'il est parfaitement incapable de reproduire. Il y a les senteurs de l'enfance, des heures à jouer à cache-cache dans les écuries immenses et à refaire le monde avec ses frères et soeurs, allongés sur une botte de foin après une longue journée de cavalcades. Et puis il y a le sport, les cris et la passion. Il y a l'odeur chaude et sucrée qu'il ne s'offre jamais, à part sur les lèvres de son partenaire de Quodpot de toujours.
Il l'a regardé drôlement l'oiseau, quand il est apparu pour la première fois. Intrigué, il a fait des recherches sur lui. Les résultats le laissèrent encore plus confus. Du renouveau, de l'adaptation, du non-conformisme... il n'est pas certain de en quoi cet animal lui correspond. Alors qu'après tout, le patronus parle de nature profonde. Theodore, sa vie tourne autour des apparences.
Il se souvient voir la maison tombé. Il se souvient plongé dans l'eau alentour. Il se souvient des cris de détresse étouffés par le vent et l'eau. Il se souvient voir le corps de l'enfant. Il se souvient ne pas nager assez vite malgré les entraînements. Il se souvient ne pas avoir assez d'oxygen dans ses poumons. Il se souvient de l'instinct de survie le poussant à la surface pour sauver sa peau. Il se souvient des bulles de vie s'échappant des lèvres enfantines.
Il a toujours été quelqu'un, Teddy. Celui qu'on voulait voir. Être libre, libre de tout, aussi libre que l'air, il n'a aucune idée de ce que c'est. Il n'y a que la douceur de la soie des foulards laissés par l'amant qui a un goût de liberté.
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loyal perfectionniste maniaque généreux altruiste fier pompeux aimable influençable exigeant susceptible respectueux
[M O O D B O A R D]Please,
don't expect me to always be good
and kind
and loving.
There are times
when I will be cold
and thoughtless
and hard to understand.-Sylvia Plath
A WIZARDING GENEALOGY
à cela.
« the life and lies of teddy »
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