Whether weather be the frost | ft. divna

Le froid mordant teinte le bout de ses oreilles de rouge, tandis qu'il attend patiemment en soufflant sur ses gants, les poings se tenant l'un l'autre. Il y a pourtant quelques rayons de soleil qui percent les nuages par moment, mais l'hiver s'est bien installé à Minami, posant son manteau blanc sur les sols et soufflant ses flocons dans la plupart des rues. Il a les yeux qui brillent Felix, depuis 7 ans il est comme un enfant et persiste à ne pas s'habituer à ces températures et cette neige si étrangères à son île de naissance. Il envoie souvent quelques photos à sa mère et ses sœurs, les narguant de son nez gelé. Aujourd'hui, ce serait sûrement elles qui riraient de bon cœur si vidéos il y avait de son après-midi, toutefois, car il se prépare déjà psychologiquement à embrasser de tout son long la glace brillante du lac transformé en patinoire.

C'est la faute de Divna et de sa façon de présenter les choses, les teindre de toujours un peu d'incroyable mais surtout de cet esprit compétitif qu'il n'arbore pas avec tous. Caché et enfoui bien au fond de lui, devant celle avec qui il partage tant de points communs que c'en devient déstabilisant, ça a été naturel de se révéler un peu plus téméraire qu'à son habitude. L'envie de se prouver qu'ils ne sont pas si semblables, dans le fond ; l'envie de trouver le "meilleur" entre ceux qui sont pourtant incomparables. Alors il l'attend, à se peler comme un abruti, pour qu'elle lui donne la leçon de sa vie en lui montrant toute sa grâce et légèreté sur la glace alors que lui ne l'a toujours vu que de loin sans jamais oser l'approcher, à la manière d'un fauve, roi de son territoire.

Bien décidé à mettre de côté ses doutes, et surtout cacher ses peurs, Felix a déjà pris les devants et loué la paire de patin qu'il a enfilé autour de ses chevilles. Il fait les cents pas sur la terre encore ferme pour se réchauffer, de ces enjambées bizarres et trop grandes, un peu hautes sur pattes, lui donnant une sorte de vertige étrange, tandis qu'il perd sur l'horizon ses yeux en quête des mèches blondes platines. Puis elles brillent soudain au milieu de la foule. S'arrête net dans son élan, le daichi, se penche à droite puis à gauche pour mieux voir au milieu du monde qui grouille, tente de se rapprocher, et tombe nez à nez avec la danseuse devant qui il ouvre grand la bouche. « Eh beh ! T'as perdu ta route princesse ? J'étais à deux doigts d'aller m'entraîner sans toi tu sais. Un petit sort et hop, je glissais comme un pro sur la glace moi aussi. ». Le sourire aux lèvres, il tapote son épaule - plus pour s'y retenir qu'autre chose, tentant de ne pas montrer le malaise qu'il a à se maintenir debout - et montre de ses doigts les patins qui ressemblent à deux monstres lui croquant les pieds. « Je t'ai pas attendu pour ça par contre, j'ai bien mis 5 minutes à réussir à les attacher... C'est complètement absurde, tous ces tours et ces chemins pour les lacets... T'enfile les tiens et on se lance ? Je suis prêt ! ». Confiant, le poing levé, il souffle un grand coup avant de songer une dernière fois à ce que la journée aurait pu être, enfoui sous un plaid devant un épisode de The Walking Ghouls...

Felix s'est toujours considéré comme étant plutôt quelqu'un qui a su devenir adulte, bien qu'un peu jeté dans ce monde sans saveur un peu trop tôt. Poussé par ses sœurs plus âgées devenues exemples, tiré par sa mère qui lui bombardait toujours plus de fierté si lourde à porter, forcé par la contrainte de l'absence du père ; il y a goûté gamin déjà, à l'univers du secret pour protéger ceux que l'on aime, aux responsabilités trop grosses pour tenir sur ses frêles épaules. Alors peut-être est-ce pour cela qu'aujourd'hui, lorsqu'une idée enfantine lui traverse l'esprit, qu'un jeu se dessine ou qu'une bêtise pointe son nez, il a toujours une petite envie au creux de son torse qui meurt d'envie d'y succomber. Ce n'est à tous les coups, il demeure souvent trop sérieux et se tenant à son devoir, mais par moment, on voit une étincèle qui brillent au coin de son œil. Ainsi quand il écoute les histoires de Divna, sauveuse animale, reçoit contre son épaule cet index accusateur et joueur... il ne peut s'empêcher de retomber dans son enfance bercée et agréable sur Haïti.

« Tsss, tu rêves, tricheuse. Il va m'en falloir que trois, des minutes, tu verras ! ». L'index, le majeur et l'annulaire de sa main gauche sont venus de lever pour s'agiter juste devant les yeux de la danseuse qui a déjà presque fini d'enfiler ses patins. Felix, lui, a besoin de resserrer les siens et continue alors d'entortiller les lacets dans les petits crochets de métal, essayant de les y agripper pour revenir de l'autre côté, et tourner, une dernière fois, pour bien serrer sa cheville. Il faut plusieurs années d'études pour se sentir à l'aise avec cette technique absurde... Une fois bien chaussé, il se relève, chancelle presque en se sentant subitement grand, ne tenant plus sur toute la surface de ses pieds mais cette simple petite barre aiguisée de laquelle il devient alors trop facile de défaillir, puis trébucher. Mais cette fois, au moins, il est à l'aise, tente de sautiller un peu, rigole sous la sensation de légèreté étrange et regarde Divan lui passer devant pour montrer l'exemple. « 'Kay, il murmure en essayant de la suivre mais laissant passer une petite fille de tout juste 10 ans devant lui, qui saute complètement sur la piste avec une agilité terrifiante. Wow... ok... Je vais pas avoir ce niveau, ça va être une catastrophe. ». Il rigole à l'idée qu'il va forcément se vautrer et ferait de transformer le défi en celui qui arrivera à tomber le plus de fois avec panache.

Après un peu d'hésitation, un peu d'appréhension à regarder le sol brillant et glissant, il s'agrippe contre le bord et dépose un premier pied, puis un second. Il sent rapidement les patins glisser contre la glace, réalise que l'exercice sera bien plus complexe qu'il n'y paraît, et se laisse traîner par l'impulsion de se tirer contre le rebord pour laisser l'entrée libre aux prochains vaillants patineurs. « Purée, ça glisse vraiment beaucoup... Qu'est-ce que t'es en train de me faire faire, Div... ». Naïf, il tente de lâcher le bord et donner un premier coup d'impulsion de son pied gauche, comme il voit les autres faire, mais son équilibre ne sait pas encore s'habituer à toutes les nouveaux messages qui lui parviennent. L'issue évident ne manque donc pas, et Felix se retrouve les fesses au sol en un claquement de doigts, après avoir secoué ses bras en ronds pour essayer d'éviter la chute. « Ha ha ! Ok, ok... L'équilibre, j'avais vraiment pas imaginé que ça soit à ce point important.... Pfff. Ma pauvre, tu vas m'avoir sur le dos. Un vrai poids mort. Tu ferais mieux de me donner tes meilleurs conseils. ». Le rire qui s'efface doucement dans les airs, mais le sourire qui demeure, alors qu'il tend sa main aux doigts déjà gelés par la glace en direction de Divna pour qu'elle l'aide à se remettre sur pied.

Un peu stupide, un peu amusé. Le coccyx dans lequel la douleur irradie lentement tire un peu, mais Felix continue de rire de sa chute et d'essayer de faire de son mieux. Il se laisse tirer par Divna pour se remettre sur pied, et lui redonne son attention pour absorber chacun de ses mouvements et conseils. En agrippant le rebord, qu'il ne souhaite plus lâcher pour le moment, il l'écoute en hochant la tête. Hoche la tête. Hoche la... « Hah ? ». Le nom de Sawako dans la bouche de Divna tire un sourire sur le visage de Felix, fait venir le rouge jusqu'à ses joues. Il ne s'en est jamais caché, de leur relation, mais ce n'est pas face à la danseuse qu'il l'étalerait pour autant, préférant éviter le risque des jugements et moqueries qu'elle trouverait certainement à faire. Il tend alors sa tête en arrière, s'avouant un peu vaincu.

« Tsss... Elle tournoie, la jeune fille-dragon et prend la parole avant que Felix n'y arrive, restant coi devant le nouvel aveu. Comment ça, une petite souris ? De quoi tu parles ?... On est ensemble depuis... Octobre, juste après le tournoi... C'est plutôt moi qui ait craqué le premier, je dirais. ». Rouge à nouveau, rouge toujours, mais il rebondit et essaye même de s'élancer sur la piste pour rejoindre Divna qui s'est éloignée. « Mais figure-toi que oui, j'ai le droit de f- wow... de faire tourner des coeurs... Sois pas jalouse, haha-oh putain. Les bras tendus sur chacun de ses côtés, il avance lentement, tente de marcher puis comprend qu'il est mieux de glisser. Il mime les pas de sa compagne pour la journée et lui attrape le bras des deux mains. P'tet bien que mon mariage est déjà prévu, mais que je te l'ai pas dit... ». Il esquisse un sourire qu'il ne peut tenir qu'une courte seconde avant d'exploser en un rire plus franc, presque un peu inquiet, mais aussi plein d'espoir. « Nah, je déconne, rien n'est prévu... Je t'inviterai de toute façon, j'ai pas envie de rater l'occasion de te tartiner mon bonheur au visage, tu rêves ! Mais toi, personne à qui tu penses pour te donner confiance et te faire glisser comme ça sur la piste, hm ? ». Il est sûrement un peu lourd, Felix, à tirer sur les bras de Divna, au sens propre comme au figuré.

Il a les jambes qui tanguent, mais avec les secondes qui s'enchainent, il commence à comprendre. Se pencher, plier les genoux, utiliser ses bras à la façon d'un chat qui contrebalance son poids avec sa queue. La tête penchée en avant, regardant inlassablement le sol glacé dans l'espoir ne pas subitement l'embrasser, Felix rigole et hausse les sourcils à chacune des remarques de Divna. Parfois, ce n'est pas de l'amertume qui se retrouve cachée sous le sourire, car il est toujours honnête et sincère ; mais c'est une espèce d'ébullition compétitive qui teinte aussi leurs mots, à l'un comme à l'autre. « Oh la... J'en ai jamais douté. Avec une telle patience et une attention des autres dans le besoin... ». Le ton est évidemment moqueur, puisqu'il se tient là, stupide et profondément seul tandis qu'elle le regarde de loin essayer de survivre.

Alors il l'attrape, continue le jeu, et déjà se sent un peu plus à l'aise sur ses deux pieds à présent. A parler de mariage, il repense à la dispute avec Sawako, à toute l'assurance qu'il a à présent de vouloir finir ses jours à ses côtés, et il en devient mielleux, lâchant doucement l'emprise de sa main sur le poignet de Divna. Petit sourire songeur, c'est le poind de la jeune fille qui le réveille, étonné de ne pas trop perdre l'équilibre, il ouvre grand les yeux et la bouche en découvrant qu'il reste stable. « Ouhouuuuuh ! T'as vu, t'as vu ! Même pas tombé ! Ha ! Et puis je vais me marier, c'est sûr, je sais juste pas encore quand. Mais je te le dirais Divna, promis promis, tu viendras m'embêter jusqu'au dernier jour. ». Il avance en autonomie, tranquille, lentement, jetant quelques regards à la danseuse trop à l'aise qu'elle en devient agaçante. « Aaaah, Natsuki ! Je suis sûre qu'elle serait super à l'aise elle aussi sur la glace. Elle danse vraiment bien, elle a juste besoin de trouver confiance en elle pour vivre sa passion, j'espère qu'elle y arrivera... C'est bizarre que tu parles d'elle juste après avoir parlé de mariage. Je savais pas que vous étiez si proches. ».

Car il l'est lui aussi, proche de Natsuki. Il sait cette situation dans laquelle elle se trouve, cette pression familiale que Divna n'a sûrement pas au milieu de ses nombreux frères et sœurs. « Tu parles pas souvent de toi quand même, Divna... T'es un p'tit mystère en fait. ». La pensée est lâchée un peu solitaire, initialement pour lui, partagée par maladresse et curiosité, tandis qu'il arrive à se tenir de plus en plus droit sur ses deux jambes qui ne tremblent plus tout à fait.

T'es vraiment amoureux, toi. Un sourire niais, un peu honteux du jugement qui teinte les mots de Divna ; mais c'est sur le "toi" qu'il se concentre, Felix. Ce "toi" qui s'occupe au "moi" de la danseuse, qui parle un peu d'elle, pour une fois. Il hoche alors simplement la tête avec rapidité lorsqu'elle énonce les scénarios probables de la future union qui, à cette époque, ne faisait qu'être en filigrane dans l'esprit du Daichi. Un jour, rien de plus.
Il tente de changer un peu de sujet, parle de Natsuki, et sens que Divna est presque piquée. « Non, non bien sûr tu as raison, il y a beaucoup de facteurs qui l'en empêchent... Je trouve juste que c'est triste. J'aimerais la voir davantage danser. S'imposer... ». Dans un mouvement simple où il n'oscille presque pas sur ses patins, Felix rejoint Divna et pose une main sur son épaule. Il chuchote, un peu désolé, « Pardon, j'ai l'impression de t'avoir vexée avec cette remarque. J'espère pas. C'est vrai que vous vous ressemblez un peu. ». Puis la laisse là dans un sourire, cette réflexion, voler dans l'air frais autour d'eux et la suite de leurs échanges.

il se fait entraîner Felix, comme pour brouiller les pistes d'un aveu un peu trop sérieux, un peu trop personnel. Sourire qui revient chez lui également, amusé, mais aussi mélancolique. « T'as raison, je parle pas tant que ça de moi non plus. Mais on a tous envie de disparaître, par moment. ». Un peu trop sûr de lui, il s'avance, tente de le faire dans un geste rapide pour rejoindre le rythme de la ballerine sur qui il s'agrippe, mais trébuche un peu. « Fiou ! Genre, là, maintenant, je voudrais bien disparaître, hahaha ! ». Son poing s'est resserré contre Divna. « T'as encore pas mal de choses à m'apprendre, madame. Puis son visage s'illumine. Tiens, on n'a qu'à faire un jeu ! Tu me montres un truc à apprendre sur la glace, et si j'y arrive, j'ai le droit de te poser une question un peu plus perso... sinon, c'est toi qui m'en pose une ! ». Action ou vérité adapté, pour briser cette glace sur laquelle ils glissent, deux rivaux qui n'en finissent pas pourtant de cumuler les points communs.

« Vas-y, commence, montre-moi un truc ! Une toupie, un saut, n'importe quoi ! Je suis sûr que je peux y arriver... avec un peu de chance. ».

Les piques continuent de graviter entre les deux danseurs qui s'improvisent sur glace. Elles cachent les blessures, Felix le voit bien, mais il ne va pas s'aventurer à fouiller alors qu'il est évident, sur le visage de Divna, qu'elle n'en a aucune envie. Un jour, peut-être, ils dépasseront cette limite étrange qu'ils se sont fixés, ces masques que ni l'un ni l'autre ne lâche de peur de réaliser qu'ils sont trop semblables, ou à l'inverse, trop différents.  
En fond sonore, la musique rythme doucement leur pas, c'est d'ailleurs sûrement elle et ses percussions qui claquent en de grand "bam bam" qui pousse Felix à proposer ce stupide jeu qui risque de lui couter gros. Presque menaçante, la main de la daichi se serre et le regret commence à lui grimper entre les dents. Et merde, murmure son mouvement de tête qui part un peu vers le plafond.

Le premier mouvement se prépare, les doigts de Felix montent à ses yeux, comme un gamin qui les cache pour ne pas voir tout en laissant suffisamment d'espace entre ses phalanges pour laisser passer la curiosité. Rapidité, saute, tourne... Felix ne rate pas une miette de ses appuis, de la façon dont Divna retombe, puis s'arrête de respirer avant de souffler un grand coup. « Pfeu, c'est pas différent d'un piqué... », il blague, mais le cœur dans sa poitrine bat trop fort. Après une seconde de doute, il se dit qu'il n'a pas grand chose à perdre, s'élance à son tour et tente de mimer le saut. C'est maladroit, c'est même laid, mais ses patins arrivent comme par magie à retomber en [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] sur la glace, le faisant chanceler mais sans s'étaler sur le sol. « Aaaaah ! OH MON DIEU ! T'AS VU CA ?! ». Plié sur ses jambes, la gueule plus ouverte qu'un prédateur en quête de proie, Felix n'en revient pas vraiment et s'avance vers Divna puisqu'il est désormais incapable de freiner sa glissade. Finit par s'écraser contre elle. « Wouuuh, pardon pardon. Mais eh, avoue, quelle chance de débutant, hein... Petit clin d'œil complice qui se heurte sûrement à la frustration de la jeune fille. Tu sais ce que ça veut dire... Le visage devient un peu plus sérieux, Felix s'adosse contre la rembarde de la patinoire et souffle un peu avant d'oser sortir les mots. Pourquoi tu as envie de disparaître parfois, comme tu le disais ? ».