CRÉPUSCULAIRE (ouvert)

Le silence reprend ses droits dès que la mélodie s’évapore dans l’air. Echos distants qui se noient dans l’onde, disparaissent dans les reflets assoupis d’une eau calme. Le songe s’apaise, sans que Akira n’en remarque les nuances, les imperceptibles changements d’humeur qui ne lui appartiennent pas.

Accroupi au-dessus d’un vide qu’il ne saurait concevoir, sur la surface immobile de ce même lac imaginaire où il a trouvé Yokoi. Lui non plus, ne bouge pas. Suspendu dans un néant qu’il ne contrôle pas, et ne cherche pas à comprendre non plus. Tout lui semble éthéré. Insignifiant et quelconque.

Il est là, c’est tout.

L’espace autour d’eux semble s’étendre à l’infini, mais Akira ne se souci pas de ces limites ni de son fond. Insensible à son propre sort et à ce qui l’entoure. Jusqu’à ce que Yokoi sorte de sa torpeur, quitte cette figure décorative qu’elle avait revêtu, dans laquelle elle semblait tout autant spectatrice de ce univers qui est pourtant le sien.

Do you hear this… ?

Non. Rien. Il n’entend rien. Seulement le silence. Même son propre pouls, il ne l’entend pas. Mais il ne se demande même pas s’il est mort. Il se contente de relever la tête pour trouver le regard de Yokoi, aux aguets – et lui si détaché. Hear what. Ne prend pas la peine de demander. Akira scrute le visage de la jeune femme, comme s’il attendait la suite, impassible. Que rien ne pouvait l’atteindre.

Pourtant, elle l’atteint. Lorsqu’elle s’empare de son poignet comme dans un réflexe, et que de ce même élan Akira se lève pour la suivre. D’abord il force la marche, car à quoi bon courir – pour aller où ? Se laisse porter, comme par des courants, tiré dans le sillage de Yokoi qui se noie dans la pénombre d’un tunnel abyssale. Il ne voit que sa main sur son poignet, et c’est quand il croit la voir disparaître qu’il se met à courir.

What have I done…

What are you doing.  La conscience s’agite à nouveau. Nouvelle phase, nouveau rêve. Nouveau pont invisible qu’il emprunte sans le savoir, en suivant les pas de Yokoi qu’il tente de rattraper, même si c’est elle qui tient son poignet. Au loin, une lueur se dessine à l’horizon, semblant d’espoir dans cet infini trou noir. Plus d’eau, juste une spirale infernale.

… et puis, la lumière.

D’abord éblouit, il se détourne du flot aveuglant qui lui brûle la rétine. Papillonne un eu avant de retrouver la vue, et la première chose sur laquelle il pose les yeux, sont les immenses vitres de la gare de portoloins. What the fu – What is… Conscience flottante se fait de plus en plus lucide, ne se contente plus d’être guidée par les évènements chimériques. Près de lui, il remarque l’énorme sac-frigo de Yokoi, avant de constater qu’il porte également la tenue de ce fameux jour de départ.

This is weird. Minuscule faille qui perce dans son esprit, effrite une réalité abstraite qu’il ne fait qu’entrevoir. La lumière change, dans un orangé crépusculaire qui teinte la gare entière. Dépose son halo doré sur l’ensemble des voyageurs, attirant les yeux de Sawano sur le spectacle qui se dresse devant eux.

La scène se rejoue. Comme une reproduction immobile, poupées de cires, marionnettes trop réelles. Pandore est là, près de Atlas et de Seiya. Une deuxième Yokoi se tient près d’eux et – You… you’re there… ? I am. La stupéfaction le prive de parole, perdu dans une contemplation dérangeante. It can’t be. Something’s wrong. Figé sur ses pieds, ses yeux scannent à toute vitesse la scène qui se dresse devant lui, cherche quelque chose, une languette sur laquelle tirer pour déclencher le puzzle.

C’est à peine s’il remarque que Yokoi lui lâche finalement le poignet – il avait presque oublié de s’en dégager, huh… Observateur de ce théâtre inerte. Par réflexe primaire, il passe ses mains dans ses cheveux, comme pour vérifier qu’il les sent, qu’il peut bouger, lui. Mais la sensation est inexacte. L’inconfort grandit encore, tandis qu’il reporte son attention au centre de cet instant mis sur pause.

Mars.

Elle vit. Elle bouge. Elle fait tache dans ce décor suspendu. Et non loin d’elle, Yokoi s’en approche, d’une lenteur lunaire. Lui-même appartient à ses figurants pétrifiés, qui n’a pas quitté son lieu d’arrivée, souffle coupé par cet environnement trop – faux. Lorsqu’il voit Mars s’agiter, bouger et même – parler. Elle qui se détache de cette mise en scène, n’appartient plus au paysage. C’est ce qui le dérange le plus. Il n’arrive plus à en détourner son regard.

IT’S ALL YOUR FAULT, MARS

Et de ce même index accusateur (qu’elle avait pointé contre lui, dans une ligne du temps qu’il ignore avoir même existée), Akira la pointe du doigt. Son regard brûle d’un incendie qu’il ne comprend pas non plus. What’s her fault ? I don’t know. But all of this. It’s because of her, right ? Visage déformé par une colère sourde qui monte pleine balle dans son torse.

Mais avant qu’il ne puisse s’enflammer véritablement contre celle qu’il charge de tous ses maux, l’espace autour de lui semble se déformer – se distendre avant d’exploser. C’est comme une immense bourrasque qui donne vie à tous ces visages figés depuis leur arrivée, et emporte avec elle une vague de catastrophes.

Des créatures magiques apparaissent, les gens s’affolent, tout est sans dessus-dessous. Barrières du chaos se sont ouvertes. Dans la précipitation, Akira oublie sa cible et regarde le carnage autour de lui. Instinct primaire qui le pousse à rejoindre la porte de la gare – mais il s’arrête en chemin, quand son double exact a la même intention et se jette sur la poignée, avant d’y donner des coups de pieds rageurs.

That’s. me.

Aucun doute possible. Et la confusion l’ébranle, le dérange. Les évènements défilent sans qu’il n’y trouve aucun sens, n’entend aucune phrase qui vienne expliquer le désordre ni d’où provient ce bordel. Mars. Une fois encore, il se raccroche à la plus simple attention, spéculation débile mais lui permet de se concentrer sur un objectif. Une explosion balaye son clone et celui de Yokoi dans la gare, ainsi que Seiya. What the fuck…

It’s insane. I must be drea – ugh. shit.

Son regard a à peine le temps de trouver la version de Yokoi avec laquelle il est arrivé dans les lieux quelques minutes plus tôt, que déjà Akira se sent allégé. Son corps lui semble fait d’air, se dissout dans l’espace. Autour, tout peut bien disparaître et se briser. Ce n’est pas la réalité. La pièce du puzzle lui est enfin donnée ; c’est juste un rêve. Alors il se laisse porter lentement dans un état d’éveil qu’il retarde tant bien que mal. La conscience cherchant à voir jusqu’où le rêve poussera les conneries.

Yokoi est effondrée au sol. What’s happening. No worries, it’s just a dream. Un Zouwu court partout et manque de le percuter – enfin, son autre-lui. Atlas lui vient en aide. Huh. That’s weird. What a dream. Les deux Yokoi sont désespérées et Mars est perdue, victime de sa propre catastrophe. Get over it, loosers. Et Seiya –

Oh

Ce n’est pas lui. Mais c’est lui. Qui se jette devant son meilleur ami. Et se trouve face à face avec un homme en noir. Emporté par l’éveil, il n’a le temps que d’apercevoir la silhouette qui brandit une baguette devant lui.

Il voudrait hurler. Mais les mots restent coincés dans sa gorge. La scène se trouble. Le décor est noyé de rouge. Le temps ravage tout sur son passage. Les cris le rattrapent en dernier écho.

What have I done ?!

It’s
Just a
Dream


Right ?