So this is Christmas | ft. noé

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25 décembre | @Noé Águilar

Un, deux, trois. Douze. Dix-sept... « Twenty ? Is it the twentieth ? Oh my god this is way too much, I'm gonna have regrets. How many more do I have to beat ? ». Enfermés dans le petit stand de saké, la condensation des respirations nombreuses et haletantes créée une buée sans pareille sur les vitres, lunettes et minuscules verres vides de saké. Arrivé à un certain nombre, que seuls ceux faisant chauffer l'alcool sans en boire se souviendront, je commençais à me lever et agiter les mains. Ca y est, c'est ma limite, si je ne veux pas ramper jusqu'à retrouver Noé, ou tomber sur ses épaules... Si je veux profiter de la soirée, me souvenir des échanges à venir, partager un verre ou deux avec lui... Il était temps de tirer sa révérence et tenter de prendre le chemin du point de rendez-vous, sans oublier de lancer un ou deux sortilèges pour que mon haleine ne ressemble pas à celle d'une distillerie d'alcool de riz.

Dehors l'air froid brûle presque le bout de mon nez et de mes oreilles, que je protège de mes cheveux défait tenus par le col de mon blouson de cuir. Quelques pas m'emmènent vers la patinoire de Koïde où j'avais dit à Noé de me retrouver. Mes talons me portent d'un pas à un autre vers le lac gelé, suivant des yeux les illuminations brillantes qui volent dans les airs. Les lumières chaudes ressemblent à des étoiles. Je me demande si Hana a eu l'occasion de venir depuis que les décorations de fin d'année sont sorties, découvrir les extérieurs illuminés, la chaleur de la fumée qui s'extirpe des bouches bavardes de cette période festive. Est-ce qu'ils ont mis un sapin, dans leur salon ? Est-ce que c'est elle qui a choisi les couleurs des guirlandes ? Est-ce que ce matin, elle avait des paquets dont elle a déchiré le papier... Y songer et me voilà déjà qui perd mon sourire, me retrouve transporter dans ces vieux Noëls passés à l'orphelinat à se faire des cadeaux fabriqués à la main entre enfants seuls ce soir-là. Emballés par la rage et l'injustice, saupoudré d'une neige brûlante de haine tandis qu'on dégustait des plats soi-disant amélioré lors des repas en grande tablée. De quoi devenir le Grinch. Allergique aux fêtes et au bonheur qui est pourtant bien plus simple à atteindre qu'on ne le pense.

En relevant les yeux, je crois discerner la silhouette de Noé. Longiligne, grand, cheveux ébouriffés et bouclés par le sang portoricain qui dégouline sûrement de ses veines. « Nonooooo ! Merry Christmaaaaas !! I'm so glad you're here ! I drank so much while waiting for you. God, I need a shit-ton of water n-...now ? ». Arrivé à sa hauteur, prise dans une course folle sur la pointe des pieds pour m'éviter de glisser, je m'agrippe à son cou pour serrer son petit corps contre le mien et m'envelopper de cette chaleur douce-amère. Cependant, je sens contre mon ventre des mains qui se glissent et repoussent mon corps. En m'éloignant, tournant un peu sur moi-même l'emprise que j'ai sur le garçon, je découvre qu'il ne s'agit ni de Noé ni de quelqu'un que je connaisse, et que le pauvre homme se débat en me demandant très gentiment de le lâcher car je fais visiblement erreur. « What... Who are you ? What have you done to Noé ?! And why are you hugging me, fuck, leave me alone you fucking peeerv ! ». Je me débats, pousse et tape presque l'inconnu du bout de mes bras, pour voir le véritable Noé s'approcher. « Oh my boy you're here ! That man... god, he made me think it was you, unbelievable ! The nerve, I swear. Tenant son manteau du bout des doigts, je remonte doucement et vient presser ma main contre son épaule. L'autre est grimpée sur son cou, tirant son col. Look at you, you're so handsome. You're getting laid tonight, for sure. Et je l'embrasse, dépose ce baiser sur ses lèvres comme s'il ne signifiait rien, moi qui y suis trop habituée et le vois plus comme une marque d'affection d'un signe de romance. Hm. I'll teach you how to properly kiss, it'll be my christmas gift for you. Now, come on, let's goooo ! ».

Main dans la main, je le tire en m'éloignant de l'homme que je regarde avec violence une dernière fois, et nous emmène en direction du premier bar où nous allons nous arrêter. Le vingtième saké, à moins qu'il ne s'agisse en réalité du trentième verre, était manifestement celui de trop, mais il demeurait plein de motivation à nous faire faire cette tournée de bars tant attendue. La tournée des cœurs brisés sous la magie des flocons ensorcelés et leur danse trop parfaite pour être réelle.

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25 décembre | @Noé Águilar

Assise contre le mur, sur les ressorts du matelas, le soir du 24 avait été solitaire et ondoyant sous une déprime indéfinie. Les mains sur l’aléthiomètre, je n’avais pas su quoi lui demander, là, seule avec moi-même. Je voulais savoir beaucoup de choses, pourtant, bien que anxieuse de me remettre aux réponses nébuleuses de l’outil technomagique… C’est après les quelques messages échangés que finalement je me suis décidée, que j’ai voulu jouer davantage dans le futur proche que dans des notions trop lointaines pour que je puisse les percevoir comme il faut. Mais même pour le lendemain, les réponses de l’artefact n’étaient que vagues et troubles, un cailloux lancé dans un lac ne me laissant voir que les reflets de l’horizon serpenter sous les ondes. Comment agir pour que l’on passe une bonne soirée avec Noé, jusqu'où dois-je endosser mon rôle de mère de substitution et le protéger comme un petit oisillon ? C’était sûrement la panique de Noël qui m'avait tenue en haleine, l'envie de lui faire ce cadeau, de profiter enfin réellement d'une soirée sans crainte ni regrets. Oublier un peu sa situation, ne redevenir qu'un gamin de pas même 20 ans... Mais je ne comprenais rien aux symboles. « Oh come on, what the fuck does that even mean ? ». Les yeux levés contre le plafond de la pièce principale, je jugeais l'aléthiomètre sur mes jambes qui me montrait ces dessins vides de sens. De quelques mouvements de baguettes, je tournais les pages du manuel, essayant de comprendre la réponse à ma question : je ne percevais que la crainte d'une trahison, que mes actions devaient être méticuleusement réfléchies si je ne voulais pas que la soirée fut un échec, ne pas être trop sûre de savoir exactement ce qui lui convenait et préférer plutôt discuter avec lui, en apprendre davantage sur ce qui lui faisait envie.

Voilà donc ce que j'essayerais d'ancrer dans mon esprit pour ce soir. Te la joues pas trop mama qui sait tout Nana, reste chill. Tout va bien se passer.
Tout va bien se passer.

« What an amazing gift, I can’t wait. I don’t have any for you though, sorry… ». La main, posée sur mes lèvres grandes ouvertes en O, mime l'outrance face à l'aveu, me transformant en actrice de comédies anciennes aux grands gestes. Mais le sérieux ne tient pas, les lumières des décorations de Noël tournent dans ma tête et viennent balayer le regard abattu du garçon. Et je m'esclaffe en bougeant la tête de gauche à droite, me moquant en réalité parfaitement de l'absence de cadeau. Il est bien élevé, Noé, si bien élevé qu'il pourrait être dans ces catalogues d'idéaux : petit garçon modèle qui s'accroche tant à la vie que ça en est perturbant, se plie aux exigences de la société jusqu’à s’oublier un peu. Il me fait penser à ce que j’étais, blottie contre ma naïveté et mes espoirs, quand je voulais faire les choses en bonnes et dues formes ; suivre les chemins que l’on traçait un peu pour moi, me laissant simplement porter par cette confiance aveugle. Ce qui lui manque encore un petit peu, à Noé, c’est cet amour de lui-même, cette assurance qui ne vient qu’avec le temps et les déceptions. Définir ainsi qui il est est la première étape de son chemin, celle qui lui permettra de se tenir si droit sur ses jambes qu’il deviendra plus grand que tous les autres. Les yeux rivés contre la porte du premier bar, où je suis certaine que le véritable Noé peut y être découvert, je le tire de toutes mes forces sur mes jambes qui chancellent et fléchissent. Mais bien vite, mon bras se tend, rendu incapable d’entraîner le garçon avec moi ; et quand je me retourne, je vois sur ce visage lisse toutes ces questions qui se posent, froissent le coin de ses yeux sous l’inquiétude et la crainte.

Ne sois pas sûre de toi Nana. Ne joue pas la mère qui sait tout. Demande lui ce qu’il ressent, ce qui lui conviendrait le mieux. Ne le… force pas. « W-... What, hum, what are you afraid of ? La main libre, qui courait déjà droit devant pour tourner la poignée de l’entrée du bar se retrouve subitement posée sur la poitrine de Noé. Sentant ces battements, trop nombreux pour être calmes. It’s ok, Noé. You’re ready. ». Stop, Nana, stop, tu n’en sais rien. Souviens-toi plutôt de ce que l’objet te conseillais de faire… Quelle image c’était, déjà ? Une lampe, une lumière, une bougie ? La bougie. Le savoir, c’est ça, oh et… la magie. Et me voilà, intimement convaincue sous les effluves d’alcools qui détruisent ma perception, que c’est ma magie qui va nous sauver de cette situation et nous permettre de passer une belle soirée comme je l’espérais. Je regarde alors ma main posée contre lui, qui glisse lentement un peu plus haut pour frôler son cou et les os de ses clavicules, sa peau chaude et tremblante de peur. Car je sais qu’un contact ne pourra que m’aider à le convaincre, ne pourra que m’aider à ce que l’illusion soit parfaite.
La tête qui s’avance un peu, m’assurant que son attention soit entièrement sur moi, yeux dans les yeux, je murmure alors ces mots de ma voix qui enchante et qui berce. L’illusion se dessine dans ma voix, la place dans son esprit qui, par la force de l'envoûtement, lui fera croire intimement que c’est bien réel. « You’ll be ok… Just like that time, at the Veela’s, you remember ? ». Le faux-souvenir instauré est celui d’un moment, non daté, où moi aussi j’étais là, au Veela’s. Un collègue masculin, dans un boudoir, une caresse qui fait frissonner Noé et le pousse a refuser de monter avec une femme ; assumer officiellement que ce n’est pas le corps féminin qui l’intéresse, et constater qu’il n’y a personne autour pour juger ce choix, que les réactions demeurent compréhensives et bienveillantes. L’endroit est sauf, les esprits aussi. Il ne risque rien, Noé, dans le confort de la scène que je dessine dans sa tête.

« Be who you are. That’s how you shine. You don’t risk anything. ». Je retire ma main, cligne des yeux pour retourner moi aussi dans notre réalité, embêtée et coupable devant le constat que la manipulation douce-amère n’aurait pas dû être… Je me recule dans un pas ou deux, lâchant toute attache au garçon et partant en direction du bar où mes yeux l’intiment de me rejoindre. Mes mains, quant à elles, se sont réunies, mes doigts se serrent les uns les autres en formant des nœuds. Aussi louables soient mes intentions, je me retrouve une courte seconde abattue devant le constat que je suis une bien mauvaise mère si je suis incapable de trouver les mots suffisants à rassurer ceux pour qui je devrais pourtant être en capacité d’aider. Peut-être, finalement, qu’elle est juste là, la trahison redoutée contre laquelle l’objet magique me mettait en garde… Heureusement pour moi, l’effet du saké me plonge dans un déni qui ne me frappera pas au visage pas avant le lendemain. Dans un petit rire je souris, relâchant mes bras le long de mon corps, puis je me penche en avant en prenant une grosse voix. « Come ooon, my booooy ! That is the perfect christmas present ! Come take a shot with me. And some more. Let’s fall together, hm ? ».

Aléthiomètre:

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25 décembre | @Noé Águilar

Mes jambes chancellent, comme si même en restant immobile, une force me poussait pour me faire tomber. La main posée contre Noé se veut pleine de compassion, aidante, mais elle est aussi un soutien pour mon pauvre corps qui se laisse porter par ses articulations défaillantes : c'est l'alcool qui tente de les rendre aussi fluides que le liquide qui débordait des verres de saké. Je me sens comme une enfant, tentant pourtant d'en rassurer un autre de gamin, prête à ce que nous puissions enfin rentrer dans notre terrain de jeu pour nous inventer des vies de merveilles et d'aventures. J'hésite à suivre mes interprétations faussées de l'altimètre jusqu'au bout, mais au son de la voix du français, à ses interrogations et à ses craintes, je me vois presque souffler et abattre mes épaules. Il ne m'écoutera pas, têtu comme il est. Tout le reste alors s'envole, me pousse à me concentrer sur l'illusion que je souhaite lui faire croire. Aux grands maux les grands remèdes, n'a-t-on pas déjà dit ?

Sous le bout de mes doigts, cependant, je sens la peau chaude de Noé. Quelques battements de cœur qui viennent se perdre dans une veine pas loin, faisant tressaillir l'épiderme voisin. Il est vivant, le garçon, terrifié mais vivant. Et je commence à m'en vouloir de lui inventer des histoires, des souvenirs qui n'existent pas, que nous rendront vivants juste entre nous, pour le bien fondé de s'en créer des vrais. Je me convaincs, au fond, que c'est la bonne solution, mais ne suis-je pas exactement en train de faire ce que ce foutu objet enchanté me conseiller de ne pas faire ? Etaler ma fierté, être sûre de savoir ce qui est mieux pour lui, sans avoir même pris le temps de lui demander comment il se sentait. Je sens alors la maladie qui monte, la nausée qui se fraie une place, tant bien même que je garde mon sourire et mes faux-semblants, mots justement trouvés pour embellir le dégoûtant. Mais je n'arrête rien, le regarde sombrer, inconscient, suivre mes pas et nous installer. Quelques shots nous sont servis comme sur un petit plateau d'argent. De quoi noyer nos démons, oublier les erreurs. Les regrets nourriront demain, me dis-je, quand ma main vient s'enrouler contre l'un des petits verres et pousser le second vers le garçon qui n'a plus sa crainte de saisir l'instant.

« To our fall... - And how we'll still land on our feet. ». Dans un bruit cristallin, les deux verres claquent et la boisson se retrouve avalée d'un trait sans respirer. De la gorge à l'intestin, tout se retrouve enrobée d'un incendie brûlant. Les sourcils se plissent, les bouches s'ouvrent pour que la fumée de s'échappent, et bientôt les rires arrivent. Bien différents des verres de saké de tout à l'heure, l'alcool lorsqu'il est partagé en bonne compagnie prend une saveur différente. Et je le réalise alors, si j'ai ressenti le besoin de l'envoûter, ce cher Noé, c'est avant tout de façon égoïste pour ne pas me retrouver seule à finir ma soirée. Car en l'écoutant râler contre l'alcool, glousser dans son coin, défaire son écharpe... Je me sens tout simplement contente de partager un petit quelque chose avec celui qui me donne des impressions du petit frère que je n'ai pas eu, du neveu que j'ai peut-être sans le connaître, d'un fils à la différence d'âge trop faible. C'est comme ça que je veux le voir, les joues fendues de son sourire, le rire qui éclate dans les airs, me lançant une petite pique innocente. Heureux.

« Oh, come on. Even if I'm the first one down... I'll make sure my fall soften yours, babe. Stop worrying now, told you that already. ». Je me lève pour ramasser nos 2 verres vides et les pousser d'un côté de la table. Profite du mouvement pour venir déposer un baiser contre la tempe droite du garçon, l'étreindre une courte seconde dans une embrassade amicale, maternelle, avant de laisser glisser mon bras qui s'était mis autour de lui contre sa joue. « Now... Let's have another round. ». A moitié debout, décolleté penché vers Noé et coude tendu sur la table pour me retenir, je siffle pour attirer l'attention du serveur. Mon index pointe les verres vides, puis avec lui se lève mon majeur pour former le chiffre 2. Il m'a compris, hoche la tête, et je redonne mon attention à mon jeune compagnon en me rasseyant face à lui bien sur ma chaise. « It wasn't your first shot of firewhisky though, right ? Beause you said "Christmas' hangover will be a first". But a classic hangover, you already had one before ? ». Ce n'est pas tant le jugement qui recouvre mon visage plus que l'imagination et le fantasme devant une telle candeur. Plus je le dévisage et plus j'essaye en vain de me voir à travers lui, me souvenir comment j'étais à 20 ans. Mais je n'avais rien de Noé, à son âge. Je n'avais pas son parcours, je n'avais pas son histoire. J'étais un électron libre qui n'attendait que d'être influencé par celle ou celui qui arriverait à prendre le contrôle. Noé, il a beaucoup plus de force en lui, celle de combattre et celle de dire non. Sans mon don, j'aurais sûrement essuyé un échec. Il aurait campé sur ses positions. Alors pendant une seconde, je m'en veux à nouveau de l'avoir manipulé d'une façon aussi répugnante. Je déglutis dans le silence avant de poser ma tête qui tourne contre ma main appuyée depuis mon coude sur la table. « I'm glad you followed me and came in the end. Nooooow that we're here... There's a very cute guy at the bar. Don't turn around right know, but he's got a very nice... ass. Yeah, no, that's a great ass, I'm sorry but I can't see his faaace, so... ».

Au même moment, le serveur arrive, hausse les sourcils en ayant sûrement entendu la conversation, et dépose deux nouveaux shots devant nous qu'il enflamme d'un coup de baguette. « Holy shit, seriously ? - Well it is called firewhisky... enjoy ! ». Les yeux qui brillent devant les flammes qui tournent au bleu et disparaissent, je suis comme une gamine, assise au précipice de ma chaise, prête à sombrer.

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25 décembre | @Noé Águilar

« ... I... I think my brain is starting to play games with me. ». Une main collée contre mon visage qui rougit, je rigole en écoutant les mots trilingues qui passent les lèvres de Noé. C'est bien vrai, que mon cerveau est un peu ailleurs, rabougri sous les effluves alcoolisées qui ont pris les rênes, mais aussi décident et désinhibent mes décisions, comme celle de faire signe au serveur sans attendre. Les joues qui brûlent, je pose mes yeux sur le garçon lorsqu'il avoue n'avoir jamais pris de shot de firewhisky avant. « Ooooooh, baaaaaabe. Je me mets à gémir, comme si c'était un drame, alors pourtant que plus qu'un jugement que je lui offre c'est une forme de fierté déplacée d'avoir partagé cet instant avec lui. Pendue à ses lèvres et ses histoires, la bouche ouverte, j'éclate de rire. Everything is better with glitter anyway. But you know what they teach you : never say never, right ? It's definitely not that I want you to be ashamed of yourself, of course, but... Was it that bad to let loose ? Didn't you have fun, that night ? Cause sometimes you know, hitting the pause button it's... oh, so refreshing. ». Les lèvres pincées entre mes dents, je réalise que c'est cette façon de voir les choses qui fait qu'à aucun moment ce soir j'ai été honteuse d'avoir entamée la soirée à coup de verres déjà trop nombreux de saké. Je peux être embarrassée de mes actes, avoir moi aussi une forme de pudeur délicate, mais jamais du moment que je demeure en phase avec mes propres choix, bons comme mauvais.

Le serveur arrive et nous sert au moment où les yeux de Noé roulent et la honte le guette justement, lui qui doit avoir l'impression de ne pas avoir le choix car je le pose devant le fait accompli. Pourtant, je ne pousse pas, tente de me retenir en me souvenant de l'aléthiomètre, fait de l'œil au serveur qui est déjà reparti. « What do you mean, be a "dragon" ? Is that some expression that you youngsters use and I don't know about ? God, I feel old. ». Le sentiment désagréable n'a pas le temps de rester, il n'est que légère brise dans ce qui se prépare à être un ouragan, et se retrouve avalé avec l'alcool chauffée encore un peu tiède contre les parois de ma bouche. Je lève les bras en l'air, exprimant cette joie de me trouver dans ce bar en belle compagnie, en le regardant s'affaler sur la table et saisissant sa main qui se rapproche de moi tandis qu'il lâche enfin prise. Abandonne le garçon bien élevé pour devenir un peu plus lui-même. Il m'en coupe le souffle de surprise avant de voler un nouveau rire en écho du sien. « Oh my god I'm dying, I have so much love for you right now my Nono darling. Les yeux qui pétillent, le buste qui se penche en avant sans être capable de se retenir et les mains qui se baladent vers l'épaule affalée, en manquant de pousser les verres vides jusqu'au précipice de la table. Oh shit, it almost fell ! Fiouuu... You definitely should get him in your pants, though. Because, if I'm talking about him, it's 'cause he keeps watching in our direction. And, babe, I know when a man is looking at me. That man ? He's fucking not watching me. ». A la vulgarité, mon index s'est levé comme pour appuyer un bouton invisible planant dans les airs.

Je me relève un peu, calmée après l'effort de mes zygomatiques qui se sont trop contractés, époussetant une larme de rire qui glisse contre ma joue. « You know what you should do ? 'Cause I feel you won't go talk to him. You should make him come talk to you... ». Une courte seconde, je redoute de jouer l'entremetteuse de manière un peu trop violente, sans pincettes ni y songer plus de deux trop courtes secondes. Le whisky, mélangé au saké, vient toutefois balayer ces réflexions et je me retrouve à pousser sur mes jambes pour relever mes fesses de mon siège en restant pencher vers Noé. « Come on... Let's go dance. We'll eat something after that, you can get close to him that way, and order at the bar. ». Debout, je sautille vers le français dont je saisis la main et le tire hors de notre table où toutes nos affaires restent en place. « Come ooooon, I wanna dance with youuuu. ». En forçant un peu, j'arrive à le faire se lever et me rejoindre. Je nous emmène vers un endroit où d'autres personnes dansent. Une fois face à lui, je déboutonne les deux boutons du haut de sa chemise et tire sur le vêtement. « You're handsome. Now shake that ass of yours ! ». Les mains levées, qui se hissent doucement autour de son cou, je commence à danser contre lui en suivant les rythmes de la musique trop forte et ses instruments pop. Mes doigts agrippent son col tandis que je secoue mes hanches, oscille de ma jambe droite à ma jambe gauche.

Ma tête part en arrière, mes bras l'accompagnent. Je tourne sur moi-même, oubliant un peu les regards extérieurs, la pression des fêtes de fin d'année qui minent toujours mon moral. Profitant simplement de la soirée, de l'amusement, gardant Noé à bout de bras pour ne pas oublier de revenir au creux des siens par moments, le frappant d'un rire aussi violent que mon corps qui vient s'échouer contre le sien. Lors d'une transition d'une musique à une autre, je me retrouve à l'enlacer avec affection, avant de reprendre la danse comme si de rien n'était. Aussi heureuse qu'une mère de substitution puisse l'être en voyant l'oisillon déployer ses airs en s'envoler un peu. Je murmure alors, contre son oreille, « You're smiling, Noé. You seem joyful, and lively. I just love it when you're like that, I'm so happy for you. » puis le serre dans mes bras, pour me tenir à son cou et lui faire porter tout mon poids alors que je recroqueville mes pieds jusqu'à ce qu'ils ne touchent plus le sol.
And if we fall, we fall together.

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25 décembre | @Noé Águilar

Pendue au cou du garçon, j'ai l'impression que le temps se ralentit. Mes yeux se perdent sur les lumières, les odeurs, les regards des uns et des autres tentant de percer nos carapaces qui nous protègent l'un l'autre. Sous mes pieds, le sol disparaît et j'ai l'impression de voler, décoller au-dessus de la réalité pour la voir un peu mieux d'au-dessus. Autour de nous, la foule s'agite et la musique est presque trop forte pour que l'on s'entende réellement parler, pourtant, je les discerne sans difficulté ces mots qui réchauffent mon cœur. Il n'en fallait pas plus finalement pour que les fêtes deviennent peut-être un bon moment ; que ces instants familiaux passés en années de solitudes ne se retrouvent oubliés derrière un simple sourire heureux et enfantin, surplombé de quelques boucles folles qui tombent sur le visage. A son baiser ma joue, je ressens un frisson de fierté qui me tirerait presque une larme, mais mes pommettes l'empêchent de se former en se contractant dans un sourire trop immense. Ma main glisse jusqu'à ses cheveux et sa nuque, pour une caresse de juste une seconde.

« I'm so glad for you to hear all that. And proud, too. You need to remember that you've got plenty of your life in front of you. Just need to seize it. ». L'oreille allongée contre son épaule, je le sens qui se secoue et vient enfouir son nez dans mon cou à mesure que mes chevilles touchent à nouveau terre. Ils ne suivent plus vraiment les rythmes de la musique nos deux corps, même si le tempo s'est adouci, on ne bouge plus tout à fait dans cette étreinte. Je me sens un peu comme quand j'ai Hana dans mes bras, à vouloir serrer si fort jusqu'à l'étouffer, mais maîtriser cette force pour l'allier à la délicatesse nécessaire de ne pas faire souffrir mon bébé. Mais Noé, sous mes doigts, il ne m'offre pas le même ressenti que Hana ; c'est autre chose, une reconnaissance un peu différente, jumelle lointaine à l'affection pourtant voisine. Ca fait un peu peur, cette nouveauté, presqu'autant qu'elle apaise la toupie qui tourne encore dans ma tête.

« Meh, fuck him ! je lui réponds en m'alignant à son petit rire faussement désolé. He's still looking at us, well you. But you know what ? Hm, I don't really want you to go to him anymore. Nah. You're mine. ». Je l'attire un peu plus contre ma poitrine, monte sur la pointe de mes pieds pour attraper ces épaules frêles et leur donner suffisamment de soutient pour qu'elles s'y sentent bien, là, au milieu des danseurs d'un soir qui gigottent maladroitement. Un peu protégé. Puis je lâche dans un murmure incontrôlé, « You won't leave me, are you ? », enfonce presque mes ongles dans la peau de sa nuque en même temps. Incapable de savoir qui protège réellement l'autre, dans ce couple étrange.
Un petit raclement de gorge pour expulser la réflexion au loin, la plonger et la noyer sous l'alcool qui revient et la fera de toute façon oublier, puis je m'éloigne un peu et fait claquer ma langue sur mon palais. « Ok, you cannot eat - god you never really told me about it by the way, is it that food doesn't taste the same or just that you're... never... full ? What is it ? Oh, well, anyway. I AM HUNGRY. ». Mes deux mains ont quitté ses épaules pour venir se figer en l'air, doigts écartés comme si le temps devait se stopper pour marquer l'important de la terrible annonce que je venais de faire. « Would you be a doll and go order something from me ? Put it on a note, I'll pay later. And get us something to drink too, like a cocktail. Nice ones. ». Mes mains sortent de leur immobilité pour attraper les siennes et glisser mes doigts au milieu de ses phalanges. Doucement, mes pas nous trainent hors de la piste, retournent vers notre table. « Oh and I'm not asking so that you go talk to that guy, I'm only tired... Pretty pleaaaase ? Take whatever you feel I'll like, I trust your instincts. ».

La tête qui se penche sur le côté, l'œil implorant, j'avais réunis mes genoux presque l'un contre l'autre pour sautiller sur mes pieds en faisant ma demande, comme les enfants, du haut des presque 30 années qui marquaient le creux de mes yeux. Puis je m'assois, en attendant que Noé aille nous chercher quelque chose. En me retrouvant un peu seule sur la chaise, à le regarder au loin, je pourrais enfin laisser aller ce souffle que je retiens dans ma poitrine. Je le sens qui grandit un peu depuis tout à l'heure, depuis qu'il a avoué que ce qui l'avait fait sentir si bien ce soir où il avait pu mettre son cerveau en pause était le simplement fait d'avoir lever le voile sur la confession. Depuis cet instant, c'est comme si un petit quelque chose s'était entouré autour de mes poumons, et avait commencé à resserrer légèrement, m'empêchant de respirer correctement. Une impression, une envie de le pousser un peu plus. Une fois encore. Oubliant définitivement les dessins devenus flous de l'appareil technomagique qui m'avait pourtant mise sur mes gardes...

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25 décembre | @Noé Águilar

Je le regarde, au fond du bar, commander quelque chose à manger, timide. Lui qui avait la langue déliée à me faire sourire il y a moins d'une minute, lui qui sait pourtant agir sans ce voile qui le coupe un peu du monde parfois. Il me fait penser à ce personnage dans les films qui n'attend que de prendre son envol ; un petit oisillon qu'un mère se doit de pousser hors du nid, lui donner la sensation de tomber en s'attirant un peu de haine, pour qu'il soit enfin capable de les ouvrir en grande ses deux belles ailes. La tête appuyée contre ma main, je regarde chacun de ses gestes, mais aussi ceux de l'homme à côté qui ne cesse de le regarder, le dévisager. Il y a quelque chose de bestial dans la façon dont il regarde Noé, au-delà d'une simple curiosité. J'en suis à me demander s'il est vraiment sain de l'avoir pousser dans la gueule du loup, mais quand alors que Noé tente de revenir je le vois discuter avec l'homme en question, je ne peux m'empêcher de me relever sur ma chaise avec un petit sourire satisfait. L'air mutin, je le laisse s'asseoir tranquillement, mais mes yeux se moquent bien du plat pourtant si gentiment amené, car c'est dans l'âme de Noé qu'ils se plongent. « Thank you my Nono. Oh yeah, I'm sure they're good, they look amazing. But... Hum, are you done and tired, or is it the man talking to you that made you forget our cocktaaaaails ?! ». La langue tirée sous l'amusement et la pique, j'éclate dans un petit rire avant de poser ma main sur l'épaule de Noé qui s'affale doucement sur la table, « I'm kiddiiiing, but it's nice that you talked to him. You got his numer, didn't you ? You should call him, I'm sure he'd love that you offer him those pancakes too. ».

Et elles ont l'air incroyables, ces crêpes légères qui récupèrent mon attention alors que le garçon soupire. « By Merlin, it really looks amazingly good, I'm so sad for you suddenly. ». Et il lui raconte, exactement, ce que cela sous-entend cette situation étrange dans laquelle il se trouve. Un peu touchée par cette différence que je ne peux comprendre que trop bien, une partie de moi rêverait de lui lancer un sort pour le sortir de là, lui faire retrouver le plaisir de ce sens oublié. Je m'avance un peu, prépare les couvert dans mes mains, laisse mes cheveux tomber sur la table. Il fait comme Hana lorsqu'elle est dans mes bras et a besoin d'avoir quelque chose dans la main pour la rassurer, il fait danser une mèche entre ses doigts par reflexe. « No, don't apologize, it's not boring at all, it's just a bit sad. Do you really want me to tell you how they taste and all ? I dont wanna hurt you or make you feel bad. ». Sous la table, ma main vient lui agripper la cuisse et finir en une petite caresse maternelle, ne voulant pas tout renverser sur la table déjà trop encombrée de corps, de verre vide et de pancake qui lévitent. Puis j'ose, découper un morceau, l'engouffrer dans ma bouche. Dans un sourire, je mâche et le regarde en hochant la tête. « I get why you liked it. It feels like you. Sweet, just a little hot but not too much, melting under the tongue... You don't feel the tastes, but you still have the texture right ? Isn't it, well not "enough" for sure, but still something that you can enjoy ? ».

Les échanges sur la nourriture continuent quelques secondes, le temps que j'enchaîne deux ou trois bouchées, avec ce sentiment un peu coupable qu'il me regarde manger. Mais je réalise qu'il ne me regarde pas tout à fait, Noé, il est ailleurs. A la fois reposé et calme, entre les effluves d'alcool qui le touchent malgré tout même s'il ne sent peut-être pas les subtilités des goûts, et à la fois teinté de cette forme d'inquiétude constante. Celle dont il parlait tout à l'heure, sur la piste, celle qu'il a essuyé tandis que son cerveau s'était mis en pause. Celle qui me hante encore un peu en imaginant la douleur qui doit peser dans ce tout petit cœur trop jeune pour subir tout cela.
Les bruits du couteau et de la fourchette grincent et couinent sur l'assiette, puis s'arrêtent d'un coup. Le pancake n'est pas fini, mais je fais signe à un serveur qui passe à côté de nous ramener de l'eau, mais aussi deux cocktails de son choix. Something bitter for me, smoked for him. « That way we test your limit in taste. », j'ajoute dans un sourire. Mais je profite aussi de cette pause pour prendre une grande inspiration, hésitante. « Hey, Noé... Can I ask you something ? Ca n'est jamais bon signe, ces quelques mots, j'aurais dû en choisir d'autres. You said earlier that il felt good when you were out to your friends. So... Do you wanna do it with me ? Your coming out. I'm almost like your mom, so... What would you say to her ? How would you say it ? Go on. I'm here for you. ».

C'est maladroit. Sous la table mes jambes se sont croisées et mes mains sont venues se coincer entre mes cuisses. C'est terriblement maladroit, mais j'ai envie qu'il sourie comme ça tout sa vie, que la joie et le calme qu'il m'offre à travers ses mimiques, il puisse se sentir à l'aise de l'offrir à tous. Et que sa mère le voie, aussi, qu'il n'est pas malheureux malgré les obstacles et les erreurs. Qu'elle peut être fière, elle aussi, de ce qu'il devient, son petit homme.