moins égoïste, moins superficielle, moins artificielle, moins niaise, moins innocente, moins exubérante, moins enjouée, moins souriante, moins fantasque, plus calme, plus sereine, plus secrète, plus réfléchie, plus mordante, plus profonde, toute aussi espiègle, toute aussi adorable, toute aussi douce
en bref réelle
« Oh mais Bora ! Je t’ai à peine reconnue, tu sais, sans ta couleur. » Elle lève la tête de son smartphone, Bora, noyée sous les flux de ses réseaux sur lesquels elle ne poste plus mais qu’elle continue d’épier, comme une habitude trop forte qui la dépasse. Elle a presque oublié le nom de celui qui lui fait face. Elle n’est plus tout à fait elle-même depuis l’incident, alors ça ne l’étonne qu’à peine comme réflexion. A-t-on seulement déjà vu autre chose que sa couleur de cheveux ? Preuve en est que non. Avant, elle se serait donnée la peine de sourire. Mais ça, c’était avant. Quand ces choses-là avaient encore de l’importance. Elles n’en ont plus à présent. Bora ne se force plus. Elle laisse les sourires à ses humeurs sincères, aux joies qu’elle grapille d’ici de là, quand la vie en vaut vraiment la peine. Elle est encore capable de ravissement bien sûr, mais c’est plus réservé, plus rare. Peut-être est-ce parce que le soleil brille moins fortement dans ses fossettes que le monde ne la reconnait plus. Sa mémoire lui fait défaut. Elle n’a pas recouvré tous les éléments, et une petite voix dans sa tête lui demande timidement de ne pas le faire. C’est peut-être mieux comme ça. Parfois, il vaut mieux juste oublier le passé et le laisser là où il est. Parfois, il faut juste arrêter de remuer la terre et de tout déraciner avec ses doigts. Elle ne passe même pas une main dans sa chevelure, qui reste docile sur ses épaules, elle n’a plus tous ces réflexes de coquetterie maladive, ça ne veut pas dire qu’elle ne sait plus qu’elle est jolie. Juste que ça ne compte plus autant. Elle n’a plus envie de plaire. C’est à se demander pourquoi ça lui a pris autant de temps, pour s’en rendre compte ou bien. Elle ne comprend même plus l’énergie folle qu’elle a passé à faire en sorte que toutes ses allures soient impeccables. Ses propres manies lui paraissent bien dérisoires et ridicules maintenant. Enfin, on se refait pas, pas complètement du moins. « Et donc, tu m’aimes mieux au naturel ? » Et elle tape la pose, comme une envie, comme elle veut. « Vas-y, regarde bien et dis-moi. » Elle sent le regard qui coule sur son corps, et elle sent le parfum éphémère d’un relent de volupté, celle de sa sensualité. Mais elle n’attend pas la réponse, plus jamais. Et dans un regard qui en dit plus long que tous les sourires et les rires réunis, on la voit qui s’éloigne, sereinement, dire ne me suis pas, ne me rattrape pas, dire qu'elle n'est plus comme avant, docile et sans brusquerie, dire adieu à tous ses artifices de superficialité pour embrasser le calme et la solitude qui subliment son teint d'une nouvelle énigme secrète, d'un nouveau jour tamisé d'une sérénité étrange & exquise.
08.04.2000
MIZU
Sorcière
Grandit au sein d'une famille composée de sa mère, son demi-frère et son beau-père. Ils l'aiment, la choient, mais Bora se sent à part. Il lui reste que son père biologique a préféré l'abandonner. Son enfance est douce néanmoins, et le soleil au beau fixe jusqu'à son entrée à Mahou.
Au cours de ses études, Bora ne brille pas par son talent. Elle est fantasque, peu douée dans les différentes matières, se démarque tantôt dans les applications plus manuelles. Elle se découvre une passion pour la couture. D'abord pour la satisfaction simple de recoudre un bouton, puis dans celle de coudre des motifs sur ses vêtements, jusqu'à créer ces derniers.
Naturellement poursuit ses études dans un cursus mode au grand damn de sa mère qui n'y voit aucun intérêt, y voit un chemin fantasque sans débouché. Mais elle a du talent pourtant. Et pour la première fois semble trouver sa voie.
Hiroki n'était qu'un petit-ami, le premier d'une liste bien courte qui ne porte que son nom. Jusqu'à ce qu'il lui propose d'habiter ensemble. Bora dit oui. C'est le seul garçon qui l'aime, donc bon, et probablement le seul à qui elle finit par tenir. Mais il finit par partir avec toutes ses premières fois pour un échange étudiant à l'autre bout du monde, la laissant avec pour seule compagne sa solitude.
La jeune femme sage fait des bêtises, elle sort, s'amuse, boit, un peu trop parfois, dépense mal son argent, contracte des dettes, travaille puis dépense ses gains dans le superflu, les biens matériels, les soirées, les casinos. Mais Bora dans le déni ou l'inconscience et l'irresponsabilité de ses envies ferme les yeux sur ses excès juvéniles.
La vie se poursuit pour Bora jusqu'à cette nuit fatidique, où sortant d'une soirée trop arrosée, elle se fait agresser par un individu dont elle ne se souviendra pas. Dans le tumulte de la scène, elle chute et se heurte la tête, s'en suit une commotion cérébrale et un séjour à l'hosto. Elle n'en sort qu'une quinzaine de jours plus tard avec des pertes de mémoire notables, un traumatisme silencieux.
Son petit-ami avec qui elle imaginait passer le reste de sa vie n'est pas venu la voir une seule fois à l'hôpital. Problème de distance annonce-t-il posément de loin. Elle en est blessée, de voir que l'homme de sa vie n'est pas l'homme de ses rêves. Sans mettre fin dans l'immédiat à leur relation, au demeurant inexistante, elle attendra que celui-ci daigne revenir de l'étranger pour lui fermer la porte au nez. Grisant.
Elle en ressort différente dans sa manière de percevoir le monde et les gens qui l'entourent. Au-delà de cela, elle perd tout sens de la création et se retrouve incapable de créer le moindre vêtement. Son avenir s'effondre, et ses projets se noient dans les méandres de son esprit qu'on a troué. Elle finit par abandonner ses études, pousse un soulagement, et trouve un emploi dans un host bar.
Lorsque sa famille apprend la nature de son travail, s'en suit une longue dispute avec sa mère. Elle finit par couper les ponts, fâchée du jugement, ce qu'elle n'aurait probablement jamais pensé faire un jour. Mais Bora se découvre une force de caractère tranquille, et le courage de porter fièrement ses décisions, décidant de se moquer des avis divergents. Bizarrement depuis l'incident, elle n'est plus tout à fait la même. Plus mature, plus responsable, elle se met en tête de reprendre sa vie en main. Même si la façon dont elle s'y prend ne convient pas à son entourage, Bora suit le fleuve de sa vie.