[+16] LE RISQUE DE TOI (charon/atlas)

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☽. t'es déjà dans mes veines,
moi j'te veux dans mes plaies.  

— 14.02.2021 —

A peine un pas à l’extérieur qu’il troque sa paire de gants rouges pour l’éternel cuir noir, manteau de terreur. Le masque se fissure, et Atlas doit s’appuyer à une rambarde pour reprendre un souffle qu’il n’aurait, de toute façon, jamais eu. Une main sur son épaule, inconnue, sursaut de dégoût et de surprise. « I’m ok. Leave me alone. » Et il fuit l’élève altruiste sans demander son reste, démarche rapide sans être décidée sur le chemin à suivre.
Le plus sage serait de rentrer, mais les pensées ne suivent pas. Sac de nœuds dans l’esprit-mirage qui s’emmêle un peu plus à chaque enjambée.
Il ferme les yeux, Charon.
Il se rappelle du baiser, Charon. De sa bouche contre son cou au sang perlé, posée sur ses lèvres brumeuses aux airs de suie. Du sortilège interdit et de la douleur aiguë, de la tristesse infinie dans ses yeux sombres, de la main contre sa trachée. De la vengeance. De l’abandon. De la main tendue et accrochée dans leurs naufrages.
Quand il embrassait Pandore, c’était son le goût de ses lèvres à lui qu’il sentait. Charon, Charon, Charon, bourreau meurtrier aux airs d’évangile, et il réalise qu’il le déteste, autant qu’il le bénit, (au fond du coeur un ramassis de braises). Souffle court et grondements dans le torse, lorsqu’il sent la déferlante arriver comme à chaque émotion trop forte. Le Kasha guette dans l’ombre du poitrail qui se soulève, et pourtant de sa bouche tremblante, il ne sort rien. Brume se tait, alors qu’il inspire. Les ombres face à lui ne sont pas les siennes.
Il transplane, et réalise trop tard que ses pensées le mènent à l’entrepôt au lieu de le guider vers son dortoir. Tout le monde doit s’inquiéter, ou bien, est-ce que quiconque s’en soucie ? Seiya l’a vu partir, Pandore est entourée de ses sujets. Ses poings se serrent et devant l’amas de tôle calcinée, il se sent seul au monde. Les genoux écorchés trouvent le sol, et il s’adosse au métal froid, la tête dans les mains. Charon. Pensées touchées par le venin inexplicable, il en serait presque à s’arracher les cheveux. Sors de ma tête. Intrus en étendard qui fait remonter son coeur dans sa gorge. Atlas reste en ruines avec le dernier espoir d’une mauvaise idée. Au fond de sa poche, l’aiguille mince bouge, mais il n’en comprend pas le sens, pas la force de réfléchir, pas en état, petit poucet se perd dans les bois trop sombres. Alors il tape quelques lettres sur l’écran rétroéclairé. Where do you live. Enfant-voltige se change en bête féroce, haine ou envie en pensées décousues, il voudrait le voir mourir sous ses mains pourtant trop frêles, ou pâlir à l’ombre des siennes. Au moins le voir, le sentir, désir viscéral qu’il ne comprend pas. L’air vient à manquer, il regarde le ciel sans étoiles comme s’il l’implorait. Aidez-moi. Silence, et aux échos du souffle expié, toujours pas de brume.
Et la rage se bouscule au fur et à mesure des refus. C'est un mélange malsain de rancoeur et d'incompréhension, qui consume comme le grand incendie des pensées vagues. Charon a besoin de se protéger, alors il reste secret, tandis qu'il connaît tout de lui, jusqu'à ses faiblesses de cendre, et ses maux. Il s'est laissé être vulnérable devant lui tellement de fois, et maintenant il le porte à même la chair à vif, alors pourquoi, pourquoi ? A la pâleur froide des lumières, l'aiguille scintille et tremble, mais il ne sait pas l'utiliser. Il soupire presque de soulagement lorsque l'adresse s'affiche sur l'écran rétroéclairé, alors qu'il aurait du abandonner depuis longtemps. Rentrer chez lui. Ecouter la raison qui l'a toujours poussé à se ranger sur les rails, mais ce soir, Atlas n'est plus vraiment lui même.

Les mots se bousculent alors qu'il s'avance vers l'embrasure d'une porte close, mais aucun n'arrive à se formuler correctement, chaque parole en litanie vaine. J'ai cru mourir tous les jours en pensant à toi. Je te hais. Je te veux. Je ne comprends plus. Animal blessé hurle à la lune en quête d'un signe, ou d'un mirage. Mais tout le ramène à lui. Il frappe.
La porte s’ouvre à peine qu’il s’avance pour tirer son col, et avec toute la ferveur du désespoir, écrase ses lèvres contre les siennes. Quitte à tout gâcher, le cœur orageux sans réussir à servir de barrière, cette fois insuffisant et encouragement du plus mauvais choix. Bouche entrouverte en figure de proue qui dévore plus qu’elle ne tremble. Le grand abandon.
Il l'embrasse, aussi fort qu'il brûle,
comme un naufrage,
comme on embrasserait l’ivresse d’une envie méchante.

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☽. t'es déjà dans mes veines,
moi j'te veux dans mes plaies.  

— 14.02.2021 —

Charon lui rend son baiser, il plonge les deux pieds dans l’abîme. Barque à la dérive le long du Styx qu’il boirait tout entier s’il lui demandait, déjà à la merci de leurs audaces. Bien trop loin de ses pensées droites pour réfléchir, vagabondes erreurs qui le trahissent dans un soupir. Contre lui. En dépit de tout. Et lorsqu’il s’éloigne déjà, le laisse poupée de chiffon au souffle court, il s’accroche. Étoffe froissée entre les mains de cendre, tournis déjà avéré. Il fait non de la tête, doucement, alors que ses yeux dévient encore sur sa bouche. Porteur du monde enveloppé dans le plastique déchire d’un seul coup tout ce qu’il s’est évertué à construire. Dans la gorge, les phrases restent muettes, il y en a trop à dire, et pas assez à assumer.
You’re stuck in my head.
I want you.
Et le murmure désabusé se pose déjà à l’ombre de ses lèvres. « Ne parlons pas. » C’est suffisant pour gâcher le moment, qui n’a ni magie, ni sens. Et il a l’intention que ça reste comme ça, une folie passagère, un trop-plein d’idées. Charon en vipère autour de ses reins, lorsqu’il y guide ses mains. La bouche se fait défi, et part à l’assaut de son cou. Baisers-étincelles qu’il n’a jamais donné à personne, pourtant  il ne flanche pas. Aucune hésitation. L’écho des jours passés, comme une réponse à la langue pernicieuse contre son pouls battant d’hémoglobine. Sa gorge à lui garde encore une cicatrice. Comme s’il n’avait pas pu l’effacer. Comme s’il ne l’avait pas voulu. « S’il te plaît. »
Un pas en avant, puis deux, avant de refermer la porte derrière lui en gueule du loup dans laquelle il sombre. Remettre en ordre les pensées lui semble impossible, et il voudrait seulement oublier, ou crever l’abcès de ces songes qui le hantent. Depuis des mois Charon au creux de sa tête, sans qu’il ne puisse l’ostraciser même par tous les moyens. Le goût de ses lèvres contre celles d’une autre. Atlas a mené des combats, mais a conscience qu’il perdra cette bataille. Il ne demande qu’à baisser les armes. Lui tout entier, entre ses mains.

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☽. t'es déjà dans mes veines,
moi j'te veux dans mes plaies.  

— 14.02.2021 —

Perdition sans équivoque de l’astre qui part à la dérive -les mains cherchent un chemin et les lèvres s’égarent. L’étincelle ne s’allume pas, au fond du crâne, démence sourde envahie par l’odeur et l’envie. De lui. Toujours lui, diable poison distillé au creux des veines. Il l’entend soupirer et crie presque victoire, timidité éteinte un instant à peine, mais bientôt, les mains le repoussent, et même si elles sont douces, elles ont l’effet d’un coup de poignard. Atlas a froid, lorsque Charon s’éloigne. Reste prostré avec le carmin étalé sur les lèvres et pointant sur les joues déjà honteuses. Souffle court en reprise d’apnée, lorsque la bise s’insuffle dans les membres engourdis. Atlas, Atlas. Qu’est-ce que tu fais, Atlas ?
Mais la chute ne vient pas, Atlas n’est plus. Petit môme tombé du nid reste accroché à la branche par le bout des ongles, lorsqu’il avance dans l’appartement d’un pas presque conquérant dans un costume hors de prix. Il détaille les lieux, brièvement, s’attarde uniquement sur Charon qui semble le fuir. Pas cette fois. Les bras croisés, il s’adosse au mur, visage même de l’insolence. « Du thé, Charon ? » tremble de rage dans ses défiances, ou peut être de désespoir, il ne sait plus quoi penser, les mots sortent en torrent. Ça n’arrive jamais, lui d’ordinaire si poli, si indolent, si sage. Monstre de désir s’est greffé sous la peau. « Je viens et je t’embrasse et toi tu me proposes du thé ? REGARDE-MOI ! » encore au creux des reins le démon aux crocs luisants, et sous les mains tremblantes l’angoisse permanente. Atlas ne crie pas, ne crie jamais. Dépassé par ses émotions, l’incompréhension qui guette. Fureur, mais pas de vivre. « Je veux savoir. Je veux comprendre. Pourquoi. Pourquoi j’aurais pu redemander après tes baisers si je n’avais pas peur de te tuer sur le champ. Pourquoi ta langue sur mon cou m’a fait l’effet d’une décharge électrique. Pourquoi j’y repense. Presque constamment en fait. Pourquoi lorsque j’ai embrassé une autre tu étais encore là putain, dans mon crâne, je comprends pas, pourquoi tu ne sors jamais de ma tête, je deviens fou tu comprends ? Je deviens fou. » il ne pleure pas, et pourrait s’en féliciter s’il n’en avait pas autant envie. Chaque muscle à l’agonie dans son immobilisme, le monde qui semble s’écrouler, Atlas ne le porte plus. Il ne porte plus rien. Pas même le désir de vengeance qu’il a cru éprouver quelques minutes auparavant. Se rend compte trop tard qu’il s’est encore approché trop près de lui. « Qu’est-ce que tu m’as fait Charon ? »

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☽. t'es déjà dans mes veines,
moi j'te veux dans mes plaies.  

— 14.02.2021 —

Ironie létale lorsque la tristesse semble s’emparer de lui, et au fond, Atlas enrage. Il n’a pas à être empreint de mélancolie. Lui non plus, d’ailleurs. Charon n’a même pas l’audace de le regarder il sent dans ses veines les embruns de flammes qui peinent à s’éteindre. Il aurait aimé être calme, le calme n’est pas. Rien ne vient à part l’envie de serrer ses mains autour de sa gorge pour mieux venir y apposer ses dents. « Putain, tu m’énerves. » Lui reste statue de cire, là où serait d’ordinaire la place d’Atlas. Rôles inversés, ivresses méchantes qui les ont poussé à la déraison. Ils ne dansent plus, Atlas a les poings serrés sous le cuir de ses gants. Défaite par chaos. « Je ne suis pas un gamin éperdu et maudit. Et je ne veux pas de ton... cœur. » (menteur.) presque dédain dans les mots qui flottent dans l’air, remplis de doutes. Ce qu’il ressent n’a rien de l’amour, qui n’est pas censé brûler comme si la douleur irradiait dans ses membres. C’est du désir sûrement, de l’obsession peut être, de la frustration. Un mélange étrange dont il voudrait être sevré, sans savoir comment, avant d’y perdre la raison. Persuadé que l’avoir pour quelques heures le libérerait de la malédiction. « Je ne veux plus rien de toi, sinon une délivrance. Ou au moins une certitude. Arrêter de me rendre fou, juste, savoir. Savoir… si tu veux de moi. Ou est-ce que tu me désires seulement lorsque tu me lances des sortilèges impardonnables ? » Il aurait pu sourire et se parer du visage du défi, il n’en a pas envie. Après les provocations viennent les doutes, et si son cerveau est trop aux abois pour réfléchir, il hurle à la mort. Vengeance invisible sous les traits. Ils ne se veulent que dans le danger, et ce soir, Atlas n’en est pas un. Ne sortent de sa bouche trop sèche que quelques souffles rendus écourtés par la rage, rien d’autre de la fumée mortifère qui l’a si souvent trahie. La colère est trop sourde pour exploser d’un coup, maintenant. Elle aurait déjà du le faire. Et pourtant il se fait géant devant lui, le cou qui tressaille contre sa main mais qui ne s’avance pas. Dos droit et torse bombé, le regard grave. « Je suis plus courageux que toi, pour une fois. Tu n’as même pas la force de me donner une réponse. » D’être clair ou de le chasser. De lui dire les mots qui fâchent. Ses yeux lancent des éclairs dans les siens, désabusés. « Je ne te supplierai pas, Charon. » Trop buté à l’adrénaline pour réaliser les conséquences de ses paroles, il ne voit devant lui que le chemin de la mauvaise idée. Voudrait pouvoir le secouer pour sortir quelque chose, un oui, un non. Mais Charon n’est qu’en demi-teinte, là où il se fait incandescent.
A cause de lui.
Alors Atlas attend, et silencieusement, il fait ce qu’il n’oserait jamais à voix haute : le supplie de le vouloir en retour. Pantin désespéré d’une passion inconnue. Ses lèvres en mirage dans les baisers des autres. Tête qui tourne, menton relevé.
Own it.

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☽. t'es déjà dans mes veines,
moi j'te veux dans mes plaies.  

— 14.02.2021 —

Dans les méandres de leurs ravages, Atlas ne sait plus s’il se fait astre éteint ou éclipse. L’impression que le soleil incandescent brûle, sous la peau, brasier désagréable puisqu’inhabituel -macabre. Mort imminente qui siffle aux oreilles lorsque Charon, lui, souffle. Il n’a rien à supplier. Rien de plus à quémander qu’une question sans réelle réponse, car lui-même ne sait pas ce qu’il veut. Pensées auréoles en noir et gris, qui tournoient trop vite et donnent la nausée, sait juste que Charon revient à chaque fois, sous les paupières closes, dans les lieux abandonnés, sur les ombres affreuses qu’on dépose dans un baiser. Pas de tendresse dans les soupirs. Pas d’amour lorsqu’il retient son souffle. Et le courage qu’il invoque. Chez Charon. Chez lui. Celui qui lui a toujours manqué et qui, s’il se targue d’audace factice sous le torse bombé, ne renferme que du vide. Au delà des pupilles brûlantes, Atlas est terrifié. Porte encore sur son visage de porcelaine les traces de larmes-goudron que l’on sèche à peine. Mais le désir foudroie, et le désir reste. Dans un esprit confus au brouillard sourd, rien d’autre qu’un refus, et le goût de ses doigts. Il ne le délivrera pas -et au fond il le sait. Que l’idée est mauvaise et qu’il devrait retourner sur ses pas. Il n’est pas trop tard, sa conscience lui hurle. Rien ne peut être fait maintenant qui ne s’efface pas -a l’habitude de tout effacer, les trous béants dans le crâne. Dans le torse. Une vie en pointillés. Mais jamais il ne flanche, yeux du défi et lèvres du diable ; c’est sans y penser vraiment qu’elles se referment contre son pouce, et la peau de Charon a le goût du thé et du péché – amers tous deux. La question reste en suspens -il n’aurait de toute façon pas répondu. Sourcils qui se froncent à la rage-retour lorsqu’elle se prend l’inquisition. Un naufrage, sûrement. Une épiphanie. Ou le monstre qui sourit dans les lueurs d’un esprit noir. Cauchemar des questions toujours trop vaines et sa bouche s’entrouvre pour une énième salve acide -peut être pour une fuite, jusqu’à ce qu’elle se retrouve prisonnière. Charon l’embrasse comme un abandon, comme il a pu le faire lorsque c'est lui qui s'est retrouvé démuni et rempli d'errances au pas de sa porte, et s’il se retrouve maudit, ils seront damnés à deux -il ose du moins l’espérer sans le dire autrement que par un soupir, soulagement ou envie, étouffé contre sa langue. Bras d’ordinaire ballants en force de surprise qui s’accrochent instantanément en bouée de sauvetage, mais rien n’est triste sous les baisers mortifères -tout devient insolence et incendie. Atlas se découvre héros lorsque ses lèvres se font guerrières, et les doigts gantés glissent sous la peau du dos de Charon, sensation étouffée qui ne demandent rien d'autre qu'à sortir les griffes sans réellement oser. « Maudit peut être... » Il connaît tout des mauvais sorts, et Charon en est un. Gueule du loup grande ouverte dans laquelle il plonge de son plein gré. Malédiction cueillie du bout des dents qui glissent le long de la mâchoire. Ricoche le long de leurs hanches alignées dans l’audace. Contrôle jeté aux oubliettes.  « Je n’en sais rien non plus. »  De son propre sort, jeté aux chiens. D’une malédiction dont il ne connaît rien. De la suite et de ses peurs, toujours tapies là sous la peau, garçon-falaise qui s’écroule lorsqu’on le touche. De ce qu’il s’est passé pour qu’il brûle si fort. Petit Icare fonce droit vers un soleil noir, et si Atlas s’est juré de ne pas supplier, ses gestes trahissent l’envie débordante de goûter au chaos.
(Au fond du crâne ensorcelé de suie, tourne une idée qui rassure autant qu’elle effraie.
Ils ne peuvent se délivrer, ni se condamner, puisqu’ils ne sont rien.
Rien.
Rien d’autre qu’un amas de poussières de soupirs.
N’est-ce pas ?)

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☽. t'es déjà dans mes veines,
moi j'te veux dans mes plaies.  

— 14.02.2021 —

Au delà des yeux qui tremblent à l’agonie d’une rivière à sec, se trouve l’incendie. Actions contraires puisées dans leurs auspices, Charon en indécis à faire tourner la tête, le repousse, l’embrasse, l’embrase et le condamne à mort, valse trop rapide, -Atlas perd le fil et décide de ne pas le suivre. Plongé dans un abîme dont il ne veut pas sortir. Les baisers en échafaud. Redevient un peu lui-même au creux des reins agrippés par les gants de cuir, sempiternelle timidité qu’il abhorre lorsqu’il se trouve en face. Il aurait tout donné pour être audacieux pour de vrai, de ces éloquences indécentes qui font palpiter les coeurs -mais son insolence n’est que factice, peinte de travers sur le visage de sa panique. Atlas n’est courageux que lorsqu’il a peur. Oiseau tombé du nid se raccroche à la cage de verre. Jusqu’à ce que tout explose.
Et lorsque Charon dévoile la peau tant détestée de ses doigts de suie, il tremble. Mais pas d’une peur tapie sous la peau qui a toujours été là, il tremble d’une ardeur qu’il ne connaît pas, d’une explosion sous la peau. Atlas incandescent. Comme il a pu lui montrer.
Les murs s’effondrent lorsque les couches tombent, et les baisers réchauffent une peau habituellement parcourue de blizzards. Plus rien de glacé lorsque le feu consume tout. Mise à nu en étendard d’une bataille qu’il n’a pas commencé, tissu qui tombe au sol dans un bruit étouffé, il le laisse retracer de ses lèvres ou de ses doigts les parties de lui qu’il abhorre, comme une bénédiction silencieuse -Charon ne le sait pas, mais il a depuis longtemps fait de ses monstruosités de l’or. La cicatrice sur son visage devient croquis, les tâches sur ses épaules en aquarelles. Dévoué au démon lorsqu’il le voit tomber à genoux comme une prière, et qu’avant même l’éclat de ses mains, il se cambre un peu. Ne se rend compte qu’il a les paupières closes qu’au moment d’un sifflement strident, rappel à la réalité acide qui sursaute presque. Puis, le silence, s’éteignent les yeux-panique, reprennent les flammes brûlantes que l’envie inonde. Pour la première fois, il ne pense pas. Ne reste pas agrippé par les griffes frêles au bord du précipice.
Lorsqu’il tombe à genoux dans des échos que l’autre ne semble pas comprendre, qu’il saisit son visage avec une douceur presque décalée, ce sont ses lèvres en point d’ancrage qui noient les siennes, baisers en rage de leurs folies pures qui se perdent, souffle coupé. Atlas en guerrier furie qui se perd dans une conquête éphémère après avoir presque baissé les bras. L’ardeur qu’il lui rend le perd un peu, jusqu’à faire ployer Charon et l’allonger sur le sol, lui trouve sa place sur ses hanches et le parquet craque sous leur poids lorsqu’il capture ses doigts entre les siens au dessus de son visage taillé dans la pierre. Peut être que Charon changera d’avis demain, tout à l’heure, maintenant. Peut être que lui aussi. Fuite qu’il anticipe, n’accélère pas, lorsque ses lèvres-passion lâchent les siennes pour dériver sur sa jugulaire, ses clavicules, puis, quand les mains d’ombre et de lumière trouvent le courage de le débarrasser de son vêtement, déposent des baisers sur ses épaules, son torse, son ventre. Explorateur aux inconnues multiples qui voudrait arracher ses soupirs comme un défi -le brasier qu’il a dans les yeux lorsqu’ils se confrontent aux siens en prend la forme. Lorsqu’il remonte vers lui, les boucles brunes se sont échappés d’une coiffure déjà malmenée par ses folies, tombent devant ses yeux, s’immiscent entre eux quand il revient l’embrasser. Dans un soupir, perdu par un mouvement de ses hanches, il murmure. « Scelle le sort maintenant alors... » presque suppliques aux affres d’une malédiction qu’il cueille du bout des doigts, égarés contre son torse. C’est la sentence qu’il cherche, les ailes qui se consument -en même temps que lui. Atlas en incendie qui crie en silence dans ses baisers.
Prends-ce que tu veux.
Prends-tout,
et brûle-le.
Jette-moi au feu.