t r a n s p a r e n t s o u l s ― OS

transparent souls
yunho & mei

Elle pleut.

Y’a un arrière-goût amer de déjà vu, toi qui tangue dans les rues de ton quartier, la lune est froide et tout est gelé à l’intérieur de toi, tes lèvres sont bleues et tu trembles parce que t’as encore perdu ta veste dans un des bars où tu t’es échouée ce soir. On dirait un squelette qui se déplace tout seul, tu bouges, ton corps est en mouvement mais en réalité tu es morte Mei, tu sembles exister dans cette réalité purgatoire pour ceux qui méritent pas de monter au ciel, ceux dont les fautes restent à expier. Il est très tard ici, y’a quelques regards curieux qui t’observent grelotter comme une psychotique et te hâter de rentrer chez toi, la drogue a beau pulser dans chacune de tes veines, tu supportes quand même pas par leurs airs de pitié.

Et soudain, il t’apparaît. Le même fantôme que toi, la mort dans l’âme, avachi sur le pas de ta porte. Son visage est couvert de sang coagulé, le sien ou celui d’un autre, son tee-shirt en lambeaux laisse transparaitre sa peau abîmée, et tu l’entends à peine respirer. Tu t’approches prudemment, tu voudrais surtout pas réveiller la belle aux bois dormants, t’es toi-même une telle épave que tu serais incapable de rendre le moindre coup. Parce que ton empathie s’est fait la malle le même jour que Nabi, tu t’appuies sur le mur pour l’enjamber avec souplesse, t’as le coeur qui commence légèrement à se serrer, t’étais pas comme ça avant Mei, qu’est-ce qui a merdé ? C’est ce que son regard veut dire. Yeji est en face toi, à quelques mètres, elle et son épouvantable air réprobateur. Tu décides de quand même avancer, mais la sensation dans le creux de ta poitrine est étrange, c’est comme de très faibles battements du palpitant, ça fait combien de temps que tu l’avais pas entendu battre, celui-là ? Tu luttes, chaque mètre qui te sépare de sa carcasse à demi-morte semble plus difficile, et petite soeur ectoplasme secoue doucement son joli visage de droite à gauche, c’est rare qu’elle s’oppose à toi la gamine, un soupir épuisé t’échappe. Pas maintenant Jiji, glisse-tu en murmure, pour toi-même ou pour elle, après tout c’est du pareil au même, mais Yeji est ferme et convaincue, et toi t’es incapable de lui dire non. Un grognement agacé t’échappe et tu laisses ton visage tomber en arrière, on dirait bien que tu rejoindras définitivement pas ton lit tout de suite. Tu reviens alors sur tes pas, évite son corps à nouveau pour t’agenouiller devant lui. Il est beau, au milieu de la ruine de ses larmes et blessures. Tu t’en veux un peu de le détailler sans pudeur, lui dont les yeux à demi-clos semblent pas te voir, alors par réflexe, ta paume vient s’aimanter à son cou au niveau du pouls. À l’instant même où tu amorces ce contact, y’a ses iris magnifiques et paumés qui viennent t’attraper, et sa main qui vient se poser par dessus la tienne comme pour t’empêcher, mais c’est trop tard.


Feu. Cris de détresse. Sanglots erratiques, sensation du coeur qui flotte dans la cage thoracique, chute libre infinie, tout se consume partout. Terreur vorace, leurs visages bienveillants qui te sourient une dernière et toi tu hurles à plein poumons, tu hurles mais personne t’entend, c’est un putain de cauchemar éveillé, pourtant la toupie perd sa vitesse, et tu sens la fumée qui brûle tes yeux, qui assiège tes poumons et te fait tousser à presque en vomir. C’est pas fini Mei, toutes ses cicatrices, toutes ses brûlures, tu peux les cartographier sur son corps car désormais elles strient ta propre peau, tu voudrais chialer et crier ta douleur mais aucun son ne sort de ta bouche, comme une voyageuse qui traverse les réalités et tombe à l’infini dans les backrooms, tu t’égares dans les espaces liminaux de son esprit, et à cet instant, tu penses que tu vas mourir tant la douleur est grande.


Plus d’air dans les poumons, comme si tu sortais la tête de l’eau après t’être noyée pendant cinq heures ou cinq siècles, tu reviens parmi les vivants, une larme roulant le long de ta joue comme seul témoin de ton errance. Et les mots manquent pour lui dire combien tu es désolée de l’avoir quitté, et de ne pas avoir su panser ses plaies plus tôt, de ne pas avoir été là pour absorber toute la douleur. Vous avez l’impression de vous perdre l’un dans l’autre pendant des heures, et pourtant ça n’a duré que quelques secondes, tu as hâtivement éloigné tes doigts comme si tu les avais laissé trop longtemps sur une surface brûlante, y’a plus que vos coeurs qui tambourinent pour alléger le silence.

Je…

Je suis désolée mon amour, d’être partie si longtemps. Je n’ai jamais cessé de te chercher, où étais-tu ?

Je vais chercher des compresses.