est-ce que tu ressens ma détresse,,

les doigts engloutis par les manches de son pull bien trop grand pour elle, rose parcourt les rayons du konbini à la recherche des ingrédients que sa mère lui a demandé d'aller acheter pour faire l'appoint de la semaine du restaurant - coupée du monde grâce à la musique qui s'échappe de ses écouteurs, elle est en pleine contemplation face aux présentoirs remplis de légumes. après quelques secondes, elle soupire et attrape plusieurs d'entre eux sans prendre exactement compte de la liste détaillée qui traîne dans le fond de son panier, en réalité recouvert de paquets de céréales, de sauces multiples, de serviettes hygiéniques et de bonbons en tout genre. elle a un budget à respecter mais n'y fait pas vraiment attention car quelques galions traînent dans ses poches pour faire l'appoint de toute façon (et ils devraient savoir, à force, qu'il ne faut pas lui donner la lourde tâche de faire les courses).

prête à prendre le chemin de la caisse pour payer, c'est à mi-parcours qu'elle fait volte-face en se rendant compte qu'il leur manque du shampoing alors, la gamine se dirige en soupirant vers les produits de salle de bain, un peu trop envie de rentrer à cette heure-ci et de regarder la télé avec la fratrie.

cherchant son shampoing au miel sur les étagères, elle s'approche d'une silhouette qu'elle ne regarde pas et qu'elle ne reconnaît pas encore. c'est quand elle est sur le point d'attraper ce qu'elle cherchait qu'un article sur le rayon d'à côté tombe à ses pieds et, par réflexe, elle se penche pour récupérer la… boîte de préservatifs et la tendre à la personne à son côté. "guess it's yours." un léger rire amical-amusé s'échappe de sa gorge et, dégageant les quelques petits cheveux de son visage qui se sont échappés de sa longue queue de cheval, elle lève enfin les yeux sur le client. lorsqu'elle découvre les traits de jp face à elle, son élan se stoppe, la respiration avec et toute trace de sourire disparaît de ses lèvres.

les réminiscences de leur dernier échange la bousculent tout à coup et l'empêchent de le regarder complètement - mais maintenant qu'elle a tout ce qu'il lui fallait, pourquoi reste-t-elle dans ce rayon ? "okay bye." un sourire poli et forcé fait remonter furtivement ses pommettes quand elle lève la main pour lui faire signe mais, quand elle lui tourne le dos pour s'enfuir vers la caisse sans même le regarder, la bouteille de shampoing, elle, est restée à sa place.

---

“Fucker, what do you mean you need extra-large?? I saw your dick dude it’s not that big!” hurle-t-il dans le rayon hygiénique. A croire que JP est la bonne de tout Kantô. Il regarde son panier, désappointé. C’est ça sa vie maintenant ? Faire les courses pour toute la ville ? Comme s’il était pas déjà assez pauvre. Des tampons pour Lila, de la crème après-rasage pour Marlon, des coton-tige pour Seiya et... quoi déjà ? Ouais, il raccroche au nez du petit con qui lui explique à quel point c’est mieux pour le mouvement ou le plaisir, quelque chose comme ça. JP soupire, la boîte lui glisse des mains. Il en prend alors une autre, la XXL comme monsieur le désire, et en se baissant pour ramasser il remarque un petit corps qui a déjà chopé son dû. Gê-nant.

Au début, il est stoïque. Tétanisé même. La dernière confrontation avec Rose n’était pas une partie de plaisir. (Marlon lui a dit plus tard qu’il a raté sa chance pour la transformer en gros plaisir mais pas tout le monde a la capacité de transformer toute altercation en hate sex) JP se crispe au souvenir de la ridicule petite kasai. Il reconnait bien les formes qui l’ont hanté pendant plusieurs jours. Ses yeux tout ronds, ses grosses joues qu’il aimerait squash squash et son tempérament qui l’exaspère autant que ça l’amuse. Si mignonne quand elle est désespérée, encore plus belle quand elle le déteste. Il esquisse un rare sourire en coin, semi-courtois, semi-gêné. “Uh, thanks.” dit-il en récupérant le paquet extra-large. “It’s... it’s not for me, ya know.” Pourquoi ressent-il le besoin de se défendre ? Puis pourquoi ponctuer par « ya know » ? Non elle ne sait pas. Il est bien là tout le problème. Elle aurait pu savoir, mais elle ne sait pas. okay bye. Les mots ont une sensation bizarre sur sa poitrine. Serait-ce... désagréable ? Elle tourne les talons, il la regarde partir. Nouveau soupir.

Ses yeux tombent sur la bouteille qu’elle a abandonné sur les rayons. Il devrait la laisser là, elle se rendra bien compte à la caisse qu’il lui manque quelque chose. Ouais, JP ne devrait pas la lui rendre. Il ne devrait pas courir après elle pour un objet aussi futile. Il ne devrait vraiment pas lui parler. Il ne devrait pas s’excuser. Ah ! Pris de folie aujourd’hui, JP saisit le shampooing au miel. C’est donc ça pour ça qu’elle sent si bon ? Et court derrière elle, son panier rempli de capotes et des courses de tout son répertoire avec lui. “W-wait! You, uh, you forgot this.” Susurre-t-il derrière elle à la caisse. “Sooo... It’s been a while. How you doin’?” Gênant. Vraiment gênant.

---

y a une bouffée de chaleur qui lui parcourt l'échine quand jp tente de se justifier - le malaise est si palpable que lui-même se met à vouloir trouver des excuses. pourtant, il n'a aucun compte à lui rendre alors pourquoi il s’aventure sur ce terrain, pourquoi la gêne se mélange à un sentiment amer quand elle se prend à imaginer une seconde qu'il aurait besoin de les utiliser. c’est gênant, gênant, gênant. alors, le dos tourné, elle file se réfugier plus loin, c'est mieux, plus l o i n. là où elle ne le verra plus, là où elle n’aura pas besoin de faire face au visage qui a rencontré ses phalanges aux derniers aurevoirs.

un soupire mi-soulagé mi-anxieux s’échappe de ses lèvres quand elle dépose ses articles sur le tapis de la caisse avec l’étrange envie qu’ils se croisent à l’extérieur et celle de le fuir à tout jamais. la boule d'appréhension s’étend dans sa poitrine, elle ne doit pas se retourner, faut pas qu'elle se retourne, elle ne se retournera pas et, finalement, la bulle explose au son de sa voix. c’est le moment où l’espoir se confronte à la réalité alors qu’il l’a toujours habituée à faire crever ses attentes à peine avaient-elles le culot d’éclore dans ses pensées. “a-ah… thanks !” les yeux sont fuyants et heureusement qu'il est assez grand ; elle n'a pas besoin de baisser la tête pour ne pas le voir.

quelle idiote, se dit-elle, ça aurait été tellement plus simple qu'elle n'oublie pas cette bouteille, ça aurait été tellement plus simple qu'il ne la suive pas, qu'il ne lui parle pas. "I'm fine, thanks for asking." qu'elle répond avant de retirer les écouteurs de ses oreilles quand elle arrive presque au niveau de l'hôtesse de caisse. tu n'as rien d'autre à dire ? qu'elle aimerait lui balancer mais ce serait ouvrir une porte à des explications et sûrement à une énième dispute mais rose est fatiguée de s'énerver contre lui et de finir par pleurer parce qu'il n'y a jamais rien qui va entre eux - juste un amas de déception et de douleur qui se mélangent à une affection étrange qu'elle garde au fond d'elle. au final, les hommes sont tous pareils.

le regard divague quand elle essaie de ne pas le poser sur lui et se réfugie dans le panier qu'il tient. apercevoir ses achats était ce qu'il lui fallait pour, enfin, déployer la courbe de ses cils sur son visage. "didn't know you needed extra large condoms nor tampons to be honest." si le ton est tout à fait sérieux, il y a dans ses yeux une lueur espiègle qui se glisse et une pointe d'animosité. rose n'a pas oublié les derniers mots du garçon à son égard et si elle veut fuir le conflit, il y a quelque chose qui la pousse à toujours mettre les pieds dans le plat pour provoquer ne serait-ce qu’un petit quelque chose de sa part.

---