— cache-cache (charon)

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— eyes closed —

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]  now you have me on the run, the damage is already done, come on, is this what you want ? cause you're driving me away — [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

— 20.05.2020 —

Atlas avait tendance, sauf urgence absolue, à éviter le lieu exigu aux senteurs d'encre et de papier. pourtant, d'ordinaire le nez dans les livres de toutes sortes (le plus ancien le mieux), partie intégrante de la potion d'amour aux effluves-surprises, on aurait pu penser que son rare temps libre se résumait à errer sans but entre les pages vierges, les doigts curieux sur les stylos dont les propriétés lui échappaient encore : lisaient dans les pensées ou suivaient la voix, il avait toujours craint cette magie-ci, persuadé d'être trahi par lui même.
Mais c'était un de ces jours d'urgence absolue. Et il serra les dents en entrant dans la boutique, carillon annonçant son entrée comme un soubresaut au cœur.
C'était le lendemain d'une de ces nuits sans sommeil qui suivaient une grosse insomnie, pas de crise, jamais, toujours dans le contrôle, mais l'angoisse sourde et le carnet fétiche écrasé sur le mur de pierre, persuadé que les mots à l'intérieur n'avaient que d'intérêt que leur vocabulaire choisi, et aucune substance. à quoi bon, s'était-il répété aux aurores lorsque tout le monde semblait assoupi. à quoi bon si ce n'est pas brillant, si les idées ne sont pas grandes, si l'inspiration ne fuse pas. mais il avait maintenant sous le bras un cahier qui, s'il était réparé à l'aide de la magie, avait toujours mauvaise mine, et un tas de feuilles volantes s'échappant à chaque mouvement. L'air presque désordonné -assez rare pour être remarqué lorsqu'on le connaissait, un stylo aux couleurs émeraude coincé derrière l'oreille, il chercha du regard le même cahier dont il avait brisé la magie la nuit dernière : petit, couverture de cuir noir, et surtout, renfermant une magie dont il n'avait pas le secret ; celle de faire disparaître les mots à peine écrits qui ne se révélaient qu'à lui seul. Non pas qu'il  eut quelconque confession à cacher aux yeux du monde (si elles existaient, elles ne prenaient place que dans sa tête fourmillante de doutes), mais il avait une sainte horreur qu'on puisse lui voler ses projets et ses notes de formation si précieuses : plus que tout, il avait honte qu'on comprenne que son apprentissage du godai se révélait plus ardu que prévu. Il cherchait donc, les yeux hagards, dans la boutique sans oser demander d'aide. car il savait qui travaillait, à cette-heure ci. avec ses couleurs folles malgré ses yeux sombres, et ses mots souvent trop justes qui lui donnaient envie de courir plus loin que l'aube du monde.
Pointe des pieds, et au moment de saisir l'objet, il fit évidement tomber sa pile de papiers en désordre. Maudissant sa petite taille et s'affairant à ramasser ses biens, il priait pour que le temps s'arrête. c'était sans compter sur sa légendaire fortune, qui lui faisait souvent défaut, et les pas semblant sans cesse annoncer le début d'un spectacle s'arrêtèrent bien vite devant lui, alors qu'il se relevait avec toute la dignité dont il pouvait faire encore preuve. visage baissé, car il n'osait pas regarder le sien. il sentait sans même croiser ses yeux le sourire surpris qu'il avait gravé sur les lèvres. «  Je n'ai pas besoin d'aide, merci. »

Maladresse peste pourtant d’ordinaire tue, les fracas et les sursauts dissimulés derrière le masque de fer de la rigidité, le voilà qui perd pourtant ses moyens comme une proie à l’affut détalant de toutes parts. Il saisit avec un peu trop d’empressement la feuille que lui tend l’astre aux yeux verts, un « merci » de politesse, présent même murmuré, puisqu’on ne se défait pas si facilement des bonnes manières. Rangés à la hâte sous le bras, aux côtés du carnet déchiré, les mots pèsent lourd sur les pages vides de sens. Il repense à ses nuits blanches et à la tête dans ses mains, yeux trop naïfs qui naviguent enfin vers ceux de Charon. Peu habitué aux personnes avenantes sans qu’elles ne cachent de crocs acérés, et l’impression de marcher au bord du vide. « Non merci, je vais me… Qu’est-ce que c’est, ça ? » Enfant à la curiosité débordante échappant parfois aux silences forcés, et les prunelles brillantes déviant au-delà du visage sombre d’un vendeur se voulant allié. Derrière eux, une vitrine, que sa perte d’équilibre n’avait heureusement pas emportée dans une chute-catastrophe. Elle renfermait ce qui ressemblait à une plume pour tracer la calligraphie, d’un doré sombre presque brun, qui semblait l’appeler comme brillant d’un soleil d’après-journée. Comme si elle l’appelait, il glissa ses mains avides de connaissance près de la vitre, sans la toucher pour ne pas la marquer de son empreinte. Il n’y avait à proximité, pas d’étiquette descriptive, ni de prix. Et Atlas la regardait comme un trésor.

D’aussi loin qu’il sentait ses murmures, il était encore trop naïf pour remarquer les déviances, et pourtant, évidentes tromperies ne demandaient qu’à être dévoilées. Si Charon avait le charme et l’audace du serpent avant de mordre, Atlas avait le cœur battant et l’élan de l’oiseau sur le point de l’envol –et pourtant, il ne voulait pas fuir. Yeux inquisiteurs et débordant d’envie qui dévoraient l’objet convoité. Vitrine bateau-pirate et la lueur du trésor interdit. Il n’était pourtant rien d’autre qu’habitué aux richesses, enfant aisé dans un cadre aisé, mais jamais osant les extravagances, cadre austère qui s’était imposé naturellement à sa famille. Il ne cachait pas sa condition, et c’était probablement la seule chose qu’il ne savait pas dissimuler.
Dissimuler.
Un frisson, presque, en entendant le nom de « pensées » détestées.
Il se retourna, et se sentit soudain coupé dans son élan, main tendue vers l’objet qui se ravisa. Méfiance toujours de mise là où il aurait aimé confier les mots qui tournaient en boucle. Mais Charon était un confident de demi-mesure. Il n’avait jamais percé ses intentions, et demeurait comme la proie furtive d’une chasse éreintante, épuisée, mais toujours sur ses gardes.
« Tu veux savoir à quoi je pense ? »
Il n’avait aucune réponse possible, mais décida, pour une fois seulement, de tenter de tourner la situation à son avantage.
« Pourquoi ne l’essayes-tu pas, toi ? Après tout, le client est roi, non ? »

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(( 20 mai 2020 ))

Naïve couleuvre pensait avoir pu tourner les tables, mais Atlas était loin d’être venimeux. Revanche tacite face à la fausseté, et les compliments sûrement déguisés qui roulent sur la langue d’un autre –il aurait pu rougir, facilité des sens, mais serre la mâchoire, statue frêle et piédestal fragile qui ne demande qu’à vaciller. Atlas n’a jamais été prompt aux flatteries, puisqu’il n’y croit pas ; esprit divague dans les ombres d’un lui-même trop déserté par le néant, et trop peu, toujours trop peu. Éloges entendues de moitié et intérêt qu’il pense toujours feint, car pourquoi voudrait-on de lui, de quelque manière que ce soit, lui si banal, ou pire, maudit. La vigilance constante qu’on lui  a inculquée devient réflexe, et un sourire vague mais silencieux se loge sur ses lèvres lorsque Charon trace ses mots sur le papier. Il ne s’attend pas à des révélations, ni des secrets, simple escapade de ses propres pensées pour détourner une attention qui aurait pu être nocive. Ne pas connaître les intentions réelles de Charon. Prendre un pas d’avance, pour déchiffrer les lettres tracées comme des poèmes. Trop travaillées, pour être vraies. Il garde le silence, de longues secondes, avant de froncer les sourcils –il n’est ni en colère, ni dupe. Intrigué.
« Je serai curieux de connaître à quel niveau se situe l’étendue de tes recherches sur moi. Et ce que tu penses, ou du moins ce que tu crois savoir. »
Car lui-même ne sait rien. Obscurité impénétrable que son cerveau rend flou. Depuis toujours, manipulé. Sans s’en rendre compte, et acharné à faire le bien. Atlas s’appuie contre le comptoir de bois massif, mais sa position sonne faux, soldat de plomb trop habitué à être rigide pour feindre la nonchalance. Sa voix, cependant, ne tremble pas.
« Qui es-tu, exactement ? »

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(( 20 mai 2020 ))

Illusoires déboires d'une main tendue, alors même qu'Atlas baisse les yeux dessus. Il ne sait pas, cependant, la condition qui l'affecte, pas plus que ce qu'il se trame autour de lui -cerveau perdu en cendres autour d'oubliettes et de promesses, et le déni fugace qui l'abrite comme une couverture confortable -il est plus aisé de croire que les siens nous veulent du bien, parfois, plutôt que d'ouvrir les yeux. Pupilles figées sur les lettres encore présentes sur le papier, il garde le silence, et les secondes semblent longues. Incompréhension, sentiment dépassant l'entendement qu'il ne saisit jamais et le mène à la colère -encore plus rare. Atlas en eaux troubles, lui toujours calme, toujours souriant, toujours poli -sauf les fois où ça dérange. « - Je pense que tu ne sais rien, et je ne suis pas sûr de vouloir savoir ce qu'il se dit à mon sujet. J'en ai déjà assez entendu, tu sais. Force d'habitude. » Naïf mais pas dupe, et forgé aux regards haineux depuis qu'il tient debout -on ne porte pas le drapeau hensoku fièrement sans faire face aux conséquences, il a appris à entretenir la carapace. Les doigts d'Atlas se déplient et se frustrent, mécanisme comme de défense pour contrôler l'hérésie -semble fermé au dialogue. Et Charon semble toujours bienveillant -mais alors, pourquoi les mots lui donnent la nausée ?
« - Je n'ai besoin d'aucune aide. Merci. » Il sort de sa poche les gallions suffisants pour le carnet -ne prend pas la plume aux allures dangereuses, malgré la tentation. Il serait trop dangereux de trahir ses propres pensées, et dans un élan de courage qu'il ne se connaît pas, pose ses yeux dans les siens, une main même, allant jusqu'à son épaule. « - A l'avenir, j'essaierai à ta place de ne pas tenter de me mêler de la vie des autres. » Et sans plus de cérémonie, les parchemins en pagaille toujours sous le bras, s'en va d'un pas millimétré, claquant presque la porte.
Il laissera derrière lui une feuille oubliée par mégarde.