— empty handed full sky (atlani)

Pas glaciers résonnant dans la nuit noire, et même dans les quartiers reculés, il regrettait de ne pas pouvoir voir les astres autant qu'il le souhaitait. Sous son long manteau, la blouse d'hôpital le serrait, il aurait du l'enlever, ou passer se changer avant de venir, doutes assaillant un esprit trop épuisé pour penser droit -et il était trop tard, de toute façon. Atlas avait fait le chemin à pied, habitude qu'il n'aurait pas du prendre étant donné un train de vie trop empressé et furieusement rapide. Etrangement, les longs trajets à pied étaient ceux qui lui plaisaient le plus, malgré le froid mordant et la pluie infime qui déposait de minuscules gouttes sur ses cheveux et ses épaules. Il eut presque un frisson en songeant à l'état dans lequel il devait se trouver -son allure l'importait au quotidien, et, sans qu'il sache pourquoi, lorsqu'il se retrouvait en face d'Hanini plus encore. Certainement la peur d'être ombragé par la comète qu'il pouvait être, lorsque lui était sombre, l'autre brillait à brûler les yeux. Il ne lui en voulait pas, aurait pu le remercier, même, et il y songeait encore à demi lorsqu'il sonna à la porte de la bâtisse aux semblants immenses. Dur à croire qu'un garçon si jeune puisse vivre seul aussi vite, mais il avait réalisé depuis longtemps que si la famille d'Hanini et la sienne étaient toutes eux fortunées, elles étaient différentes sur bien des points -en particulier sur la confiance qu'elles accordaient à leurs enfants. Atlas avait écopé d'une chambre universitaire à partager, et, si la cohabitation ne le gênait pas, il se sentait parfois frustré de ne pas avoir d'endroit à lui seul à retrouver après plusieurs heures de travail intensif. Finalement, la porte s'ouvrit, visage lumineux qui ferait pâlir au dessus d'eux le ciel couleur brouillard. Atlas se sentit minuscule. « Salut... Désolé de venir si tard... I just wanted to see you. »  Il n'y avait rien d'autre à expliquer que l'urgence sourde de sentir son sourire se disperser dans l'air, mauvaise journée, mauvaise semaine, mauvaise vie et besoin de soleil. « Je t'ai quand même apporté quelque chose. » Il fouilla dans son sac presque sans fond mais dont il connaissait par coeur les recoins, sort d'agrandissement pratique pour le collectionneur minutieux, et en sortit un livre à l'air abîmé. Couverture ancienne mais lisible, Virginia Woolf, Vita Sackville-West, Letters. Sans oser le regarder, il lui tendit la copie usée. « C'est la mienne, l'état est... Discutable, je l'admets, mais, je me disais que, pour commencer, c'était peut être plus accessible d'avoir des lettres. J'espère que tu aimeras... Sinon, enfin, tu n'es pas obligé de le lire. »

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les tensions. elles sont là, jusque dans les muscles, jusque dans la tête. là où le bazar s’opère, entre une énième pensée déplacée et une solution approximative pour l’émanciper à jamais. ça fait quelques jours, que c’est comme ça. des idées batailles sur ses maladresses, et le bâton dans sa propre main pour s’en punir. c’est la culpabilité qui le tient à tenir sa respiration, relancer le même morceau, encore et encore, jusqu’à ce que chaque parcelle de son être suive la mélodie comme d’un enchantement, une évidence à qui on ne discuterait la raison. ça fait des jours pourtant. depuis ce qui s’est passé avec atlas. des jours, depuis qu’ils sont passés à autre chose. depuis son geste plus que généreux, et ce gâteau qu’on a mis plus de temps à admirer qu’à déguster. la culpabilité, encore. et nini sait. à quel point tout ça, ça dépasse atlas. ce n’est que la partie visible de l’iceberg, et loin de là la cause du problème. peut-être que c’est l’accumulation. c’est certainement même, l’accumulation. les échanges avec ezekiel qui ne sont plus, de crainte de le déranger pendant son voyage, et les ressentis qu’on enterre au fond de peur de les remonter à la surface. pourtant c’est le débordement qui sait vivre, et même nini fils de l’océan, ne peut rien face à ces cauchemars de noyade. y a ce dégoût, en détaillant le reflet dans le miroir, et ce même sentiment familier, à l’envie de vider son être dans la cuvette. y a surtout de la tristesse, à la manière dont ses lippes s’étirent en un sourire forcé, agrafées au point de n’avoir que l’allure d’une grimace. on le laisse là. on se fait l’imposteur du soleil. la sueur parsemée ici et là, comme baignant sous les rayons. la mascarade cesse, à l’écho brisant la robotique de son corps, à la vision du visiteur nocturne brillant à sa porte sous la lueur bienveillante de la lune. hanini respire enfin. « it’s all good... i’m happy to see you atlas » apparence peu soignée, contrairement à son habitude – simple accoutrement qu’on se revêt lorsque les pas sont dansés, et les mèches batailles tombantes sur ses yeux. atlas, c’est une autre histoire. on ne s’attarde pas trop. la fausseté se dissipe, pour une affection sincère. il a l’air heureux, si enthousiaste. on ne sait mentir, face à lui. « non non je veux bien tester de lire, je peux la garder ? » nini se souvient, de virginia. mention précédente qui a su susciter sa curiosité bien que retranché dans ses minces vestiges de culture. on l’admire peut-être beaucoup atlas. un être qui semble tenir autant de belles choses dans ses paumes, dans les méandres de ses songes.  « reste pas dehors tu vas attraper froid »  

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Sous les évidentes illuminations des astres, quelque chose tangue, et il le sent. c'est évidement ardu à comprendre, il ne tente pas, ne tentera sûrement jamais, de connaître hanini par coeur -et pourtant, évident soulagement en le voyant et s'il se sent presque trop flatté, la gorge se serre. On ne demande pas si tout va bien, quand le silence est évident. On se contente de sourire, de repousser une mèche de cheveux qui tombe devant un front aux airs épuisés, et de tendre le livre corné par endroits. Il hoche la tête. « Évidement. Je te le donne. » Aux airs des mots brillants qu'il aurait voulu écrire même dans les imaginaires, il prie de tout coeur pour que l'ouvrage lui parvienne, et qu'il en entende parler par la suite, comme si ça lui tenait trop à coeur, Atlas empli de passions dont il peine à parler aux autres, tant il se réfrène, et les rares enthousiasmes qui espèrent des retours. La main retombe et quitte les pommettes de glace, se demande sans doute ce qu'il se cache en dessous, la sincérité ou la tristesse, et il entre. Yeux étincelles qui s'attardent partout autour, gamin impressionné par la grandeur lorsqu'il n'a connu que l'austérité, malgré sa richesse. Chez lui, tout est froid, impersonnel, comme si sa famille avait tenté de vivre sans garder de souvenirs -alors que lui a toujours tout collecté comme un maniaque presque, attaché aux choses matérielles qui souvent lui apportent réconfort plus que les humains. Il n'ose rien toucher, se fait tout petit, habitude de raser les murs et de tenter de se rendre invisible. « Je n'arrive toujours pas à croire que tu habites ici... » et il se tourne vers lui, détaille un instant sa tenue, devine qu'il était sûrement occupée, presque improviste. Il ne s'impose jamais dans la vie des gens, bien loin de lui les initiatives prises sous un coup de tête, et pourtant, l'urgence de sentir la chaleur familière a été plus forte -il ne sait plus s'il regrette. « Tu es sûr que je ne dérange pas ? » Et si la réponse est positive, il repartira. Mais au fond, il aimerait rester.

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nini, il accepte l’ouvrage entre ses paumes comme on pourrait intercepter un joyau, à la valeur inestimable. peut-être parce que sa maman, amoureuse des livres, ne cessait de lui conter à quel point les mots sont le reflet de l’âme, une manière de rencontrer quelqu’un différemment, avec des perspectives insoupçonnées. voire même la rencontrer à nouveau. peut-être que c’est ça, cette proximité, cette part de confiance qu’on lui accorde par ce geste, qui dessine le soleil sur ses lippes et des croissants de lune sur ses yeux.  « oh vraiment ? je pensais que tu voulais simplement me le prêter... merci ça me touche beaucoup » malgré les chances de ne pas saisir toute la puissance des textes, tous les secrets et toutes les richesses qu’ils ont à promettre, nini se jure de les apprendre comme d’une personne à la frontière. c’est quelque chose qu’il ne peut pas particulièrement lui rendre – souvenirs qu’on embrigade rarement dans des mots, tant on est maladroit avec eux. art de le connaitre qui diffère, et qui pourtant s’exprime comme une évidence. ça a toujours été l’art, toujours la musique quelque part dans sa vie, et les battements de l’âme qui suit avec, avec des pas cadencés et le sourire euphorique aux lippes. avoir baigné là-dedans, ça a toujours été son plus grand cadeau au final. ça l’a construit, cet être chaleureux qui s’exprime comme ça, en couleurs, avec personnalité et individualité. ça se retrouve partout chez lui, des pièces de puzzle pour apprendre à le reconstituer. parce qu’il aime peut-être ça nini au fond, laisser trace de son existence. « c’est étrange j’imagine... on ne l’oublie jamais, que c’est bizarre pour un gosse de son âge d’avoir tout ça. des luxes auxquels certain ne pourront jamais prétendre, des privilèges qu’on reconnait toujours, sans l’ombre d’un égo mal placé. tu aimes ? fais comme chez toi naturellement »  une main se glisse contre son front, balayant les quelques mèches encore humides tombant sous ses yeux – y a une certaine fatigue, qui s’empare de lui subitement, le soupire délicat mais pesant contre ses lippes. peut-être parce que dorénavant, il n’a plus à penser à quoi que ce soit. une paix temporaire inestimable. pourtant y a ces orbes emplis de doute, de crainte. probablement de déranger, parce que atlas est comme ça, une particule se fondant dans le minuscule. de ceux qui ne se permettent pas de prendre de la place – de ceux qui ne pensent pas le mériter. nini comprend la frontière entre l’infiniment petit et le vertige de grandeur. « non bien sûr que non tu ne me déranges jamais, moi, tout particulièrement. je dansais, c’est tout » une habitude qui ne surprend plus. un réflexe de l’âme qui fonctionne comme si elle ne connaissait plus que ça. respirer. danser. on l’invite à s’asseoir à l’ilot de la cuisine, le livre encore bêtement tenu contre la poitrine, les doigts serrés contre la couverture, et nini se perd l’espace d’un instant, probablement trop long pour être considéré normal. y a rien, si ce n’est le regard posé sur lui, et des gribouillis dans son être. parce que pour une fois, les mots lui manquent.

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Absurde vertige alors qu'on a toujours fait en sorte de l'habituer aux hautes sphères. Il aurait pu, Atlas, se dire qu'il était normal qu'on offre une maison à peine sorti de l'adolescence, ou qu'on puisse y vivre seul. Mais il a toujours su allier gallions et mérite, quand bien produit d'une descendance doré, habitué à l'austérité et aux murmures de ne jamais être assez bien -sa modestie factice lui convient. « C'est magnifique. J'espère que tu n'as pas trop peur ici tout seul. » Inquiétude justifiée puisque ressentie, Atlas habitué au poids d'une solitude interne jamais suivie du reste, enfance suivie de près, famille étouffante, journées occupées, chambre partagée -il se souvient des rares fois où on l'a laissé seul dans la grande maison familiale, les frères découchés et les parents pris par le travail, panique solitude et plongeon dans les pensées sombres tout juste amorti par les ronronnements de Virginia sur ses genoux, et par les mots des autres. Tentant en vain de ne pas laisser traîner sur tout le mobilier inconnu des yeux curieux et assoiffés de connaissance, il s'assoit, et laisse planer le silence, quelques secondes avant de sourire. « Do I have something on my face ? » Ca lui arrive plus souvent qu'on ne le pense malgré l'air toujours rigide et tiré à quatre épingles, maladresse indissociable de la tête rêveuse, parfois tâches de sang se frayant un chemin jusqu'à une pommette, encre facétieuse débordant sur les mains, feuille morte logée dans les cheveux. Joues deviennent rosées, et il détourne le regard, trop timide encore pour affronter les prunelles. « Je peux attendre que tu aies fini ton entraînement, si tu veux. A part si ça te dérange que je te voie -je comprendrais. » Il n'a jamais eu le luxe de pratiquer son art dans le secret, parents démontrant avec fierté une intelligence précoce, et curiosité maladive d'enivrant de ce qu'on acceptait de lui donner. Presque tous les instruments à peine touchés du bout des doigts étaient à lui et devaient être appris, puis montrés à l'entourage comme une performance, les jeux d'échec étaient toujours appréciés des yeux connaisseurs, il n'y a que le dessin, ou les gribouillages comme il les appelle, qu'il a su cacher aux autres -et dont il ne parlerait sûrement jamais. Pourtant, lorsqu'Hanini sourit, ses doigts fourmillent, possession de poussière d'étoile.