worried sick (tianyi)

Elle s’était arrêtée de respirer. C’était ridicule, un peu, parce qu’il n’avait pas grand-chose, de ce qu’on avait pu voir sur les écrans, mais pour elle, c’était déjà trop. En réalité, elle avait maudit le tournoi à chaque nouvelle blessure, les siennes comme celles des autres, détourné le regard des écrans quand le suspense devenait insoutenable, serré le poing quand elle avait vu les trahisons ou les brûlures. C’était le jeu et c’était leur choix mais Tianyi l’avait précisément empêchée de participer, elle, pour la protéger, parce qu’elle n’était pas en capacité, et voilà qu’il était blessé. Les doigts avaient pianoté des messages qu’il ne pourrait pas lire et elle avait difficilement résisté à ronger ses ongles, dans l’attente de nouvelles, quelles qu’elles soient. Elle avait attendu, longtemps, tellement qu’elle avait fini par quitter son dortoir pour se rendre à l’hôpital, on ne sait jamais, peut-être qu’en arrivant la vie serait bien faite et qu’il allait sortir, en forme, complètement rétabli et avec son air d’animal sauvage habituel.
Ce n’est pas le cas, bien sûr. Quand elle arrive, les portes sont toutes fermées et les patients dans leur lit, et elle ne peut que se glisser jusqu’au comptoir, une main à la bouche de nervosité mais le visage qui affiche tout de même un sourire accueillant — son sourire de préfète, de première de la classe, celui qui lui donne un air sérieux, celui auquel personne ne résiste. « Hello, I’d like to see a patient, from the tournament, his name is Huang Tianyi. » La secrétaire lui adresse un sourire ténu, compatissant mais ferme, hoche la tête et cherche dans ses dossiers l’occurrence du nom. « Are you family? » Sourcils froncés, Gaia ne s’y attendait pas, à ce genre de questions, il faut dire qu’elle n’a pas vraiment eu à aller souvent dans un hôpital, la dernière fois c’était sûrement pour Noé, ou quand un de ses idiots d’amis avait testé un thunderboard sans le maîtriser. « Hm, what exactly do you call family? — Well, patients can only be seen by close family, are you his girlfriend or something darling? » Elle comprend que la porte restera fermée, parce que Gaia n’est que la famille choisie, pas celle reconnue, que leur sang est trop différent. « Yeah, yeah I am, I’m his girlfriend, and I’m really worried, could you tell me what room he’s in? » Un petit mensonge, ça ne fait de mal à personne. « Sure honey, it’s room 463. » Elle la remercie d’un sourire, d’un petit « Thank you » avant de se tourner et de filer vers la chambre indiquée, les joues rosies de son mensonge. Finit par ouvrir la porte pour trouver le lit rempli, prend une grande inspiration, parce qu’il n’est pas mort. Sans réfléchir, s’élance pour le serrer dans ses bras avant de se reculer d’un coup sec et de s’excuser, prenant conscience qu’il a peut-être mal et qu’elle vient d’appuyer sur ses blessures. « I’m sorry, did I hurt you? Oh god, I was so worried. » Elle a à peine le temps de s’asseoir sur la chaise à côté du lit que l’infirmière qui l’avait renseignée pénètre dans la chambre, leur adresse un sourire et vérifie les transfusions. « You must be happy to be reunited with your girlfriend, this tournament is something, even just for the nerves. » Et Gaia de devenir rouge tomate, les mains qui se triturent l’une et l’autre de nervosité, incapable de dire quoi que ce soit, suppliant Tianyi mentalement de ne rien rétorquer.

Tianyi fixait du regard la télévision devant lui qui diffusait un programme inintéressant. Le calme régnait dans la chambre, avec comme seuls sons les bruits réguliers des machines qui l’entouraient, les acclamations provenant de la télévision et les sons étouffés de l’extérieur, dans le couloir. Le lit à côté du sien était vide, Gansey déjà parti. Tianyi aussi pourrait sortir rapidement, sûrement ce soir ou le lendemain matin. Après tout, l’épreuve deux était dans deux jours, et Tianyi n’avait pas envie de perdre son temps allongé dans un lit. Il se sentait bien mieux qu’hier au réveil, et même s’il restait encore des traces de ses blessures, il n’avait pas le temps d’attendre que ça aille mieux. Il voulait juste sortir d’ici, lui qui s’ennuyait tellement (et pourtant, ignorait les messages des autres, comme dans une tentative de leur faire croire qu’il allait mal). Enfin, ce n’était pas tant un mensonge que ça. Il allait toujours mal, ces dernières semaines encore plus, mais personne n’avait besoin de savoir à quel point le feu qui le rongeait était puissant. Il fallait qu’ils pensent qu’il aille mal, juste assez pour lui prêter attention, pas assez pour qu’ils s’inquiètent.

Mais au moment où la porte s’ouvrit, il sut qu’il avait mal calculé.
Gaia le prit si rapidement dans ses bras qu’il n’eut pas le temps de réagir, et la voilà déjà partie, s’excusant, les joues étrangement rougies. Il cligna des yeux, un peu sonné, ne s’attendant pas forcément à voir Gaia, ni à ce qu’elle lui fasse directement un câlin. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Il pensait que seule la famille était autorisée (Tianyi avait juste haussé des épaules en entendant ça, ne soulignant pas le fait qu’il n’en avait plus, de famille). Et puis, il pensait que Gaia savait qu’il allait bien, après tout, elle avait pu le suivre sur les écrans et constater que ses blessures n’étaient pas majeures. Certes, sur le coup, ça lui avait fait mal et il avait détesté être pris de vertiges, mais une fois à l’hôpital, tout était parti. Ça ne méritait sûrement pas un câlin (pourtant, il avait bien aimé). Tianyi eut à peine le temps d’ouvrir la bouche que l’infirmière prononça des mots qui le rendirent encore plus perplexe. Your girlfriend ? Il jeta un œil à Gaia, et comprit instantanément ses joues rouges. Ahah… Il ne put s’empêcher de lâcher un petit rire moqueur avant de regarder l’infirmière droit dans les yeux, attrapant l’une des mains de Gaia, l’empêchant de se triturer les doigts. « Yeah, I’m really happy. I didn’t know she’d come visit me, it’s a great surprise. Seeing her makes me feel energized again. » « I’m glad for you. » L’infirmière lui sourit, les vérifications terminées. « Oh, when do you think I can be discharged ? I really want to, you know, have some time off with my girlfriend. » Il regarda de nouveau Gaia, avec un sourire rempli de malice. « Tonight, I think. Your condition looks pretty good. » « That’s great. Thank you. » L’infirmière s’inclina légèrement, puis se dirigea vers la porte. « Well until then, I’ll let you have some time alone with your girlfriend. But remember that you still need to rest, okay ? » Elle leur adressa un petit sourire complice avant de fermer la porte derrière elle. À ce moment-là, Tianyi ancra son regard dans celui de Gaia, et s’avança légèrement vers elle, serrant sa main dans la sienne. « So… we’re finally alone, darling. » Il lui fit un sourire en coin, comme ceux qu’il adressait aux personnes avec qui il voulait passer une nuit ; mais là, ce n’était qu’une blague, alors le sourire disparut rapidement pour laisser place à un rire, reculant, lâchant la main de Gaia pour arrêter les taquineries ici. « Sorry but you looked too cute, I had to. Though, I didn't know you could lie like that. Did you want to see me that bad ? » Il lui souriait encore avec un lueur de taquinerie dans le regard, prenant la situation à la légère, parce qu'il n'avait pas envie qu'elle s'inquiète.

Elle est tellement pourpre qu’on pourrait la planter dans un champ, ça pousserait. Racle ses ongles contre une paume puis change de main, dans l’attente d’une réponse, d’un geste, de quelque chose. Se contente de regarder l’infirmière en souriant pour ne pas avoir à croiser le regard de Tianyi, un peu honteuse de son mensonge, le sera encore plus si l’infirmière comprend. Sauf que Tianyi agrippe sa main et Gaia reste suspendue à leur dialogue surréaliste, les joues explosives mais l’esprit soulagé qu’il ait suivi l’histoire, la main qui presse la sienne sans oser trop le faire, jusqu’à ce que la porte se referme sur une remarque sous-entendue qui lui fait détourner les yeux de gêne et que — « So… we’re finally alone, darling. » Bouche ouverte, cette fois le visage est totalement cramoisi, on a perdu le soldat Gaia, enterrée avec sa gêne et sa timidité. Elle retrouve un peu de contenance pour le frapper de sa main libre, doucement, plus pour le geste. « Stop it!! » Un peu prise de regrets, elle époussette son épaule, à nouveau inquiète de son état. « Sorry but you looked too cute, I had to. Though, I didn't know you could lie like that. Did you want to see me that bad ? » Ses mains libres viennent se presser sur ses joues brûlantes, tentent de calmer la tempête, alors que Gaia lâche un soupir, d’un « Ughhh » marquant l’effort de ce qui vient de se passer, la tête qui s’enfonce sur le matelas, juste à côté de sa tête. Elle marmonne sans bouger, se tourne seulement un peu pour qu’il l’entende mieux. « I didn’t really lie, technically I am your girl friend. And your family. » Elle l’a dit sans y penser, sans plus de cérémonie, mais son ton est plus sincère que jamais, son sourire étincelant, même s’il ne le voit pas. « Yes, I was worried. Do not make fun of me. » Elle finit par relever la tête, juste assez pour voir ses yeux, à quelques centimètres. « How are you? No lies. »

L’embarras de Gaia ne faisait qu’amplifier son rire, sentant à peine la tape amicale sur son épaule, sentant surtout le frottement qui vint juste après comme pour réparer juste derrière, Gaia soudainement inquiète qu’elle lui avait fait mal (et Tianyi trouvait l’intention mignonne). Rallongé sur son lit, il observa d’un œil amusé Gaia plaquer ses mains contre ses joues comme s’il s’agissait de glaçons qui pouvaient faire partir le rouge de ses joues plus rapidement. Mais ça ne marchait pas, alors elle enfouit sa tête dans le lit, juste à côté de celle de Tianyi. Un sourire fantôme resta sur ses lèvres alors qu’il la regardait. « Of course. » Il ferait bien la blague que petite-amie et famille n’allaient pas très bien ensemble, mais le ton employé par Gaia était un peu trop sincère pour qu’il se le permette, et lui, trop en adoration d’elle. Leurs regards se croisèrent, et Tianyi hocha doucement sa tête. « I’m fine. You don’t have to worry. » Il approcha sa main des cheveux de Gaia, pour remettre en place des mèches qui cachaient ses yeux. « If I get hurt tomorrow, you don’t need to come, okay ? I won’t be in a critical state and I’ll make it alive. Well, unless you really enjoy pretending to be my girlfriend, but that’s a different story… » Un sourire moqueur réapparut sur ses lèvres.

Elle ne croyait pas vraiment à ce qu’il disait, maintenant et habituellement, cherchait la vérité au-delà de son regard qui parvenait toujours à la rassurer, ça ne l’avançait jamais vraiment. « I’m fine. You don’t have to worry. — Mhmmh. » Tous deux savent qu’elle n’y croit qu’à moitié et qu’elle continuera de s’inquiéter, ne peut pas faire autrement. C’est ça, d’être une famille. « If I get hurt tomorrow, you don’t need to come, okay? I won’t be in a critical state and I’ll make it alive. Well, unless you really enjoy pretending to be my girlfriend, but that’s a different story… » Elle hoche la tête, d’abord, se remet à rougir à la fin de sa phrase, les sourcils qui se froncent et la bouche qui bafouille de gêne. « I don’t!! I should’ve left you all alone, if I knew you’d make fun of me for worrying. But okay, I won’t come. Be careful or I’m killing you myself. But don’t make promises you can’t keep, you’re not ekisha, you can’t know if you’ll in a critical state or not. » Sourcils froncés, Gaia a repris une attitude de préfète, s’accroche au rationnel, cherche à avoir raison dans son inquiétude.

Tianyi rabattit sa main vers lui, souriant légèrement en voyant Gaia aussi inquiète. Ça faisait du bien, de se sentir si important pour quelqu’un (et à la fois, c’était un peu effrayant, parce qu’elle était tout aussi importante pour lui). « I’m sure I won’t and I don’t need to be an ekisha to know about that. Don’t worry and just trust me. » Il laissa son regard encore quelques secondes dans les yeux de Gaia pour la convaincre, comme s’il avait l’habilité de pouvoir transférer ses émotions (mais il n’était pas legilimens). Il finit par se replacer correctement dans son lit, le visage faisant face au plafond. « Anyway, tell me about anything that happened in your life, or outside. I think I need to clear my mind, a bit. » Avant que l’épreuve deux ne commence, en tout cas. Gaia commençant à parler, il se laissa bercer par ses contes, comme les histoires que sa mère lui racontait quand il n’était encore qu’un gosse ; quand elle se souvenait encore de lui.