__HIJACK.

Sous la magie illusoire, les cernes se creusent de fatigue. beauté irréelle cependant intacte, à dissimuler les défauts de son humanité. les rayons du soleil semblent l'épuiser plus qu'à l'accoutumée, peut-être est-ce un résidu du silence qui s'accroche à lui -- lui retourne le ventre rien qu'à penser à l'impuissance qu'il avait ressenti cette journée-là. les heures semblent le fuir, glissent entre ses doigts tels des grains de sable dont il n'arrive à se saisir malgré tous ses efforts. nouvelle mission de l'ainé, du paternel qu'il ne peut décevoir, pas une nouvelle fois. alors c'est le corps entier qui en pâtit, de ces heures à investiguer sous la lueur de l'astre lunaire. alors il disparait quand c'est le soleil qui se fait maître des cieux, s'enfuit de ces cours dont il connait déjà la matière, cherche à s'isoler pour mieux sombrer aux appels de morphée. utilise ses pouvoirs sans honte pour se fondre aux ombres, échapper les regards indésirables des fans et du corps professoral.

des bruits d'altercations parviennent à ses oreilles, et il s'en serait surement moqué s'il n'avait pas reconnu l'une des voix. il la connaissait bien, mais ne l'avait jamais entendu comme ça. colère non contenue martelant chacun des mots avec une force qu'il ne lui aurait jamais attribuée. mués par la curiosité, ses pas l'entrainent dans la direction des voix. égo piqué, de maintenant savoir que quelqu'un d'autre avait réussi un exploit que lui avait échoué, après des années à la chercher, pour un oui comme pour un non.

Il pourrait faire nuit noire, ça ne changerait rien, parce que dans ses yeux, dans sa tête, il fait grand soleil, à provoquer une éclipse et lui brûler la rétine. Il y a tellement de lumière que la Lune elle-même irait se cacher, n’oserait pas se montrer, parce que Gaia lui a volé la vedette, à tel point que le soleil n’ose pas l’attaquer, l’épuiser, s’est mis sur le bas-côté - au milieu il n’y a que Gaia en impératrice-colère, les poings serrés et les mots qui s’enchaînent, sans hésiter, sans bégayer. Elle ne voit plus rien d’autre que sa colère, se laisse submerger par ce tsunami, ce déferlement de rage couleur soleil dont elle ne comprend pas tous les tenants et les aboutissants. Elle ne sait même plus par quoi ça a commencé, sans doute une remarque à la con qui ne voulait pas dire grand-chose, mais ça a suffi pour la mettre en colère, vraiment, pour réveiller des troubles sur lesquels elle ne pose pas de mots. Elle regarde le garçon d’en face avec toute sa haine et sa fureur et c’est comme si elle était ailleurs, comme si les connexions ne se faisaient plus. Gaia a remplacé le soleil du ciel par celui de son ventre, de ses tripes, et elle ne s’entend même pas vraiment le menacer, ne remarque pas que la colère est devenue sourde, que peu à peu les mots s’arrêtent et que le grondement de colère s’apaise, d’un coup. Pour elle, le ciel est toujours sombre, le silence n’est qu’un signe avant-coureur de l’arrivée du tonnerre.
Sauf que Gaia n’a plus la faiblesse de l’avant-Chute, l’avant-jour frabieux et que l’éclair passager ne parvient qu’à dévoiler le pire, ce qui va advenir : les crocs sortis, la tempête-colère s’apprête à s’abattre sur un innocent sorcier, cracmol, que sais-je. Ce qui est sûr, c’est qu’à la fin, au milieu il n’y aura que Gaia en impératrice-colère, couverte de sang et de regrets, avec à ses pieds le corps inanimé (ou pire, transformé?) d’une victime de troubles colériques qu’elle n’aura pas su contenir. Mais il est déjà trop tard pour qu’elle en prenne conscience, obnubilée et aveuglée par sa rage, seulement capable de penser que cette fois, elle ne s’en tiendra pas aux poings serrés et à l’impuissance physique de se défendre. Alors elle s’élance, pour le pire comme pour le pire, sans même jeter un regard aux alentours ; si elle signe sa fin, qu’ainsi soit-il.