allez viens, j't'emmène au vent (tianyi)

Regards empressés à l’horloge, Gaia trépigne, vérifie une dernière fois que tout est dans son petit sac, ensorcelé pour l’occasion. Tianyi ne doit se douter de rien, ne pas deviner son cadeau avant qu’elle prononce les mots ; elle s’est suffisamment empêchée de tout lui dire avant l’heure, ce n’est pas pour tout dévoiler au dernier moment. Elle tapote sur l’écran, rapidement, okay, I’ll be there in 10 minutes, be ready!!, jette un dernier regard à son sac — s’arrête un instant, suspendue par sa réflexion. Y glisse deux poches de sang de plus, on ne sait jamais, elle préfère prendre ses précautions. Before you say anything, I’m not stressed and yes, I took enough blood. La réponse de Lloyd ne se fait pas attendre, s’impose naturellement dans l’esprit. That's not necessarily what I was going to ask you, but it makes me feel better. Just be careful. Elle pense l’affirmative, promet, le sac en main et le sourire qui grandit, excitée par son idée, le voyage, les paysages à découvrir. Court presque dans les rues mais elle toque pourtant doucement à la porte de Tianyi, pour lancer un « HAPPY BIRTHDAYYY » une fois la porte ouverte, sans pouvoir s’empêcher de sautiller sur place.

La patience n’était pas le fort de Tianyi et pourtant, il avait fait un effort pour ne pas essayer de soutirer l’information chez Gaia. Il n’était pas habitué à devoir attendre pour avoir l’effet de la surprise quand il ouvrirait son cadeau ; en fait, il n’était pas habitué à ce qu’on lui fasse des surprises positives. Oui, c’était vrai qu’on lui avait déjà fait des cadeaux, mais c’était souvent de la part de personnes qui n’étaient pas aussi importantes que Gaia, alors ça ne le marquait pas, ça ne le faisait pas trépigner d’impatience. Il y a un an, Tianyi n’aurait jamais imaginé que Gaia aurait pris autant d’ampleur dans sa vie (qu’elle se serait accrochée aussi fermement à son cœur et qu’il deviendrait un jour incapable de vivre sans elle).

Les dix minutes annoncées par Gaia furent les dix minutes les plus longues de sa vie, tournant en rond dans son appartement, s’amusant à déplacer des objets pour les remettre à leur place, allant sur Instagram ou Elixir pour finir par quitter les applications au bout d’une minute à peine, s’asseyant puis se relevant… Et quand enfin il entendit un léger bruit à la porte, Tianyi ne fit même pas exprès d’utiliser son godai pour avaler la distance entre lui et la porte plus rapidement. Mais, évidemment, il ne fallait pas qu’il lui dévoile qu’il était aussi content de la voir ; alors il se pausa juste avant le palier, prit un air plus sobre, et lui ouvrit la porte. Pourtant, la joie de Gaia était contagieuse et il ne fallut pas longtemps pour qu’un sourire vienne décorer le visage de Tianyi, d’habitude si terne. « Thanks. Come in. » Il se décala pour la laisser passer, puis l’examina du regard alors qu’il s’approchait du canapé pour s’y asseoir. « So what’s my present ? » demanda-t-il d’un air faussement nonchalant, alors qu’il tentait de savoir où est-ce qu’elle cachait son cadeau (passant à côté du petit sac ensorcelé).

Elle n’avait aucune idée de comment elle avait réussi à tenir sans lui donner le moindre indice sur son cadeau ni le lui révéler complètement, mais elle en était si fière que ça s’ajoutait à sa joie et son excitation, qui avaient même réussi à lui soutirer un sourire. « Thanks. Come in. » Elle se faufila dans l’appartement comme si elle le connaissait par cœur, son sac posé sur le canapé et les yeux dans le vide, à réfléchir comment tout organiser sans qu’il ne se doute de quelque chose. « So what’s my present? » Mains sur les hanches, elle le fixait avec toute la concentration nécessaire pour établir le meilleur plan. « Okay, so, first I need to do something into your room and you have to stay here. ‘Kay? You’re not allowed to come take a peak. » Elle n’attendit pas son autorisation et, son sac à la main, se glissa dans sa chambre, sélectionnant quelques affaires (ses préférées) et les passant de l’étagère à son sac. Petit tour dans la salle de bain, même chose. Il n’avait pas bougé quand elle revint enfin dans le salon au bout de quelques minutes à peine, un grand sourire sur les lèvres. « ‘Kay, I’m done, now get up. Your present is not here, we have to Apparate. » Elle se glissa derrière lui, ordonnant d’un ton ferme (mais toujours aussi excité), « Close your eyes. » Et y ajouta ses mains, posées gentiment sur ses yeux pour être sûre qu’il ne triche pas. « Okay, ready? » Ils s’évaporèrent dans un bruit bref. « We’re here. Are you ready? » Sautillant de joie, elle finit par libérer ses yeux dans un « tadaaa » théâtral, dévoilant la gare de portoloins juste devant eux, et se glissa sur le côté pour voir sa réaction. Crut nécessaire d’expliciter le cadeau après quelques secondes, au cas où il n’aurait pas compris. « We’re going to Italy!! Surprise!! »

Croisant les bras, il haussa un sourcil à la demande de Gaia. « Okay, » accepta-t-il, pas certain de comprendre ce qu’elle allait faire et en quoi c’était en rapport avec son cadeau. Est-ce qu’elle allait lui refaire la décoration de sa chambre ? Ce serait mignon comme intention, même si clairement, avoir sa chambre décorée ne faisait pas partie des priorités de Tianyi. Il la regarda s’engouffrer dans sa chambre, l’entendit faire quelques mouvements sans parvenir à deviner ce qu’elle pourrait être en train de faire, l’observa passer à la salle de bain, l’entendit refaire quelques mouvements, avant de la voir sortir et se poster à quelques mètres de lui. « Apparate ? » s’étonna-t-il, obéissant gentiment à Gaia en se levant. Il ferma aussi ses yeux lorsqu’elle le demanda et sentit ses mains couvrir ses paupières comme si elle ne le croyait pas (elle avait de quoi, il aurait probablement fini par ouvrir ses yeux car l’impatience le gagnait : son pied tapait le sol répétitivement depuis cinq minutes). « Ready. »

Ils furent transportés dans un autre endroit et Tianyi faillit ouvrir les yeux par automatisme, mais se rappela de les garder fermés. « Ready, » répéta-t-il, cette fois pour qu’elle enlève ses mains de ses yeux et qu’il constate de lui-même où ils étaient. Les voilà dans la gare de portoloins, une gare très familière pour Tianyi qui avait énormément voyagé dans sa vie, sans jamais penser à s’arrêter quelque part trop longtemps, marquant son passage dans un territoire d’une visite brève. Mais là, il était accompagné de Gaia et il ne changeait pas de pays au début d’une nouvelle année scolaire. Ils allaient en voyage. Ses propres mots envoyés en SMS lui revinrent en pleine figure, et il fit la conclusion au moment où Gaia lui annonça d’une voix pleine de joie : « We’re going to Italy ! » Déboussolé, abasourdi, bouche bée, il lui fallut plusieurs secondes avant de réagir et de se tourner vers Gaia, le regard presque outré. « You lied to me when you said you had something to do on my birthday ? » s’exclama-t-il, mais pas de colère, plutôt d’étonnement. « You… » Et il éclata de rire, passant une main dans ses cheveux. « You’re crazy. » C’était pour ça qu’elle avait refusé quand il avait proposé le voyage en Italie : parce qu’elle l’avait déjà organisé. Il aurait dû le savoir, Gaia ne lui refusait pratiquement rien. « You got me, congrats. » Il l’applaudit, un petit sourire en coin sur les lèvres, un sentiment agréable dans sa poitrine. Il ne savait plus depuis combien de temps il avait voyagé en privé avec quelqu’un, mais ça lui faisait du bien, pour une fois, de ne pas être seul mais accompagné.

Pendant un moment, elle croit qu’il ne va pas aimer ; pire, qu’il va détester le cadeau. Elle se dit que c’était la pire idée du monde, qu’il ne voudra pas partir en voyage avec elle, qu’il va la ghoster encore une fois. Elle attend dans l’appréhension, les mains qui ne savent plus comment se mettre, les poings qui se serrent, se relâchent, les lèvres mordillées par des dents angoissées. « You lied to me when you said you had something to do on my birthday? » Prise au dépourvu, elle bafouille, ne s’attendait pas à ce qu’il fasse cette remarque, qu’il retienne cette information au lieu du fait qu’ils partent en vacances pour son anniversaire. « I, hum, I, yes, I mean, mom is coming back on the 15th, I — You… » C’est son rire qui l’interrompt, la soulage sans vraiment le faire. Toujours dans l’hésitation, ne sait pas vraiment s’il aime ou s’il déteste. « You’re crazy. You got me, congrats. » Elle le regarde avec de petits yeux, observe les applaudissements, les joues rougies. « Do you like it? I mean, we can still change the destination, if you’d rather go somewhere else, I don’t know, you can choose, it’s your birthday. In any case, I took my favorite clothes in your closet and a few things in your bathroom, you’re all set to go. »

En règle générale, Tianyi n’aimait pas les surprises. Il aimait que tout soit calculé et contrôlé, qu’il puisse être celui en charge des décisions. Dès qu’il y avait un événement imprévu, ça l’agaçait, obligé alors de s’adapter aux nouvelles circonstances. Pourtant, cette surprise-là ne l’irrite pas tellement. Peut-être parce que ce futur-là avait fait partie des nombreux plans de Tianyi, l’idée d’aller en Italie avec Gaia ayant déjà germé dans son esprit depuis longtemps (mais c’était Gaia qui avait refusé, parce que déjà prise le jour de son anniversaire). Finalement, plutôt qu’un nouveau plan qui venait contrecarrer tous les autres, c’était simplement un plan barré qui redevenait libre de nouveau ((les rouages qui revenaient tourner dans le bon sens)). Il sourit légèrement à Gaia et hocha continuellement sa tête à toutes les choses qu’elle disait. « Yeah, I like it. I did wonder why you had to go through my room and bathroom… but now, I get it. I should’ve guessed. » Il marqua une pause, baissant son regard sur le petit sac qu’elle avait. « I wonder what clothes you picked, though. » Il releva ensuite son regard dans le sien, lueur d’amusement dans le regard. « Anyway, let’s go then ? How long is our trip going to be ? » Parce que partir en Italie avec Gaia n’était plus prévu et que désormais, il devait tout recalculer dans sa tête pour que ses autres plans puissent tenir la route.

Elle le regarde avec une légère appréhension, s’attend peut-être à ce qu’il lui dise que l’Italie ne convient pas, qu’il préfère une autre destination et prête à l’y suivre sans protester, à faire le tour du monde s’il le lui demandait. Peut-être qu’il ne se souvient pas de leur discussion, il y a plusieurs mois, ou peut-être qu’il n’avait pas vraiment envie de visiter l’Italie avec elle- “Yeah, I like it. I did wonder why you had to go through my room and bathroom… but now, I get it. I should’ve guessed.” Il la rassure bien sûr et le sourire de Gaia s’agrandit, presque suffisamment pour qu’elle pouffe de rire. “Yeah that was the hardest part, making a suitcase without you sneaking or something. But no, you couldn’t have guessed, I hid my surprise too well. Can’t defeat the best, sorry not sorry.” Expression de satisfaction sur le visage, elle affiche sa fierté d’avoir élaboré toute cette surprise sans qu’il ait rien remarqué et surtout d’avoir résisté à tout lui avouer. “I wonder what clothes you picked, though. — Only the best, they’re only your clothes anyway, I didn’t add anything, so you’re going to love it.” Elle n’avait pas eu le temps de faire un grand tri, mais avait quand même fait une sélection, de toutes façons ses tenues préférées étaient souvent portées par Tianyi. “Anyway, let’s go then? How long is our trip going to be?” Elle hoche la tête et lui prend le bras avant de se diriger vers la gare, tout en expliquant le chemin en marchant, “Four days, I planned a whole thing but there’s room for suggestions, of course.” Qu’il ne ferait pas, elle le savait déjà, il se contenterait de la suivre et de trouver le voyage parfait.

Et ce fut le cas, ils profitèrent de ces quatre jours sans voir le temps passer, main dans la main, loin des angoisses de la vie quotidienne ou des études (du retour de sa mère), des quiproquos amoureux (du retour de sa mère) ou des disputes insupportables (du retour de sa mère). À ne faire que visiter et se goinfrer de pâtes et de pizzas, le sourire aux lèvres et le cœur contenté de partager ce moment avec son double.