-- meteo shower.

D'une température agréable, les gouttelettes d'eau qui heurtent l'épiderme deviennent soudainement glaciales. ça ne dure que quelques secondes, assez rapidement pour qu'on oublie, ait l'impression que ce n'était qu'une illusion. alors on continue de faire comme si de rien n'était. sauf que c'est avec la douceur du magma qu'elles viennent rougir le corps quelques minutes plus tard. i should've known, it's obviously a fucking scam. lancé à haute voix de cette injure qu'elle adresse à tout le monde et surtout personne. après tout, il semble n'y avoir qu'elle dans la grande maison, ou en tout cas, à défaut de savoir ce qu'il se passe de l'autre côté, dans l'ère plus rustique. elle vient tout juste de rinser une partie de shampooing dans ses mèches, y laissant des petits nuages ici et là, comme si les bulles pupulaient un ciel ébène, quand tout s'arrête. fucking hell!! hurlement adressé cette fois-ci, à la maison qui se moque, lui fait des sales coups. peut-être partageaient-elles un seul et même caractère de cochon. nova glisse ses doigts à la commissure des yeux pour en effacer les nuages bulleux menaçant d'y glisser, puis agrippe la serviette qu'elle enroule rageusement autour de sa silhouette.

elle déambule, avec une grâce et une douceur que l'on pourrait attribuer au Minotaure, dans les couloirs de la bâtisse, cherche la salle de maintenance qu'elle se souvient avoir vu par là... ou peut-être était-ce par ici ? maison moqueuse, rendant le chemin plus compliqué que ça ne devrait être, comme si elle s'amusait à piéger l'aya au sein d'un labyrinthe. quand elle trouve enfin l'endroit tant recherché, ses cheveux ont cessés de s'écouler une goutte à la fois entre ses omoplates, se sont solidifiés dans un portrait savonneux. mais ça importe peu, parce qu'une silhouette est là, à jouer avec les valves d'eau de la demeure. peut-être que si elle avait réussi à tenir en laisse son tempérament, elle aurait reconnu les traits, ou peut-être pas, mais il ne sert à rien d'imaginer, car son sang fait double-tour. pervert!!!! what the fuck were you doing to the water?? et elle lui lance ce qu'elle avait à la main (son téléphone), à défaut de pouvoir lui lancer un sort (sa magie n'est pas avec elle, aujourd'hui).

C’est d’un geste machinal qu’il frotte l’éponge mousseuse contre l’assiette, ses yeux grands ouverts sur du rien, les paupières qui ne clignent même pas, et si ses mains ne se mouvaient pas dans l’eau chaude et savonneuse, on aurait presque pu croire qu’il a été pétrifié comme ça, au beau milieu de la cuisine. Les pensées sont en réalité à mille lieux de la vaisselle qu’il nettoie dans le bac du lavabo, il ne prête même pas attention à la faïence qu’il déplace automatiquement vers les placards à la force de ses pouvoirs, il aurait suffi d’un son discordant dans la mélodie de l’eau qui s’évacue et dans le tintement des céramiques pour qu’il soit arraché à ses rêveries, dans lesquelles s’esquissent éternellement les mêmes visages. À défaut d’une fausse note, c’est la lave en fusion qui vient subitement remplacer le liquide tiède qui le tire brutalement de sa somnolence, grognement de douleur qui le pousse à lâcher le verre dans le fond du bac, et le coeur manque de rater un battement lorsque l’assiette jusque là en suspens dans les airs s’arrête au beau milieu de son chemin pour s’exploser sur le sol. Sa magie n’était définitivement pas avec lui non plus. Fuck… murmuré dans un grincement en découvrant le désastre, il fait pivoter la vanne pour faire couler l’eau glaciale sur ses paumes rougies par les brûlures, mais rien n’y fait, c’est un jacuzzi aux températures des enfers, là-dedans. Great, marmonne-t-il à nouveau, avant de trainer du pas vers l’arrière cuisine, recouverte de vieilles tuyauteries cuivrées, semblant dater d’une époque bien lointaine.

Tellement lointaine, que ça ressemble en rien à ce qu’il connait. Il hésite quelques secondes avant de s’amuser à jouer aux apprentis sorciers, puis se résout à faire une tentative sur l’une des valves, puis sur une autre, geste qu’il regrette aussitôt, lorsqu’un boum vient briser le silence apaisé de la tree house, suivi d’un pas lourd et hâtif qui se rapproche insidieusement de lui. L’angoisse a à peine le temps d’être conscientisée et le battant à peine le temps de s’affoler que la petite sirène en furie débarque en trombe. Parce que c’est la première réflexion qu’il lui vient à Mehiel, avec ses cheveux recouverts de mousse parfumée, sa serviette fermement maintenue autour du corps, elle avait des airs d’Ariel après son pacte avec le diable, mais elle avait visiblement pas négocié sa voix cette fois-ci. L’insulte lui fait écarquiller les yeux, il lâche immédiatement son bricolage ridicule pour d’abord protéger son visage du projectile, qu’il empêche ensuite de la chute dans un geste magique presque instinctif, le retenant ainsi dans l’air à quelques centimètres du sol. Les mains désormais devant lui dans un geste de protection, il répond précipitamment. I’m sorry Nova, I didn’t know you were taking a shower, I even didn’t know you were here !!!, et ça s’entend dans le fond de sa voix suppliante qu’elle lui parait encore plus effrayante que d’habitude. Aussi triste et humiliant que ça en avait l’air, à chaque regard croisé, à chaque fois où son prénom était mentionné, la gorge se nouait légèrement et l’air semblait un peu moins respirable. Ô combien Shimakai Nova détestait les Tenshi, ô combien Mehiel détestait qu’on le déteste.