─ Colliding night [Gaia]

Colliding night
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27 septembre 2021 — [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Il avait gagné. Avait réussi la première épreuve d'un tournoi auquel il n'avait jamais participé, contenant des épreuves bien plus difficiles qu'il ne s'y était attendu. Lui, le fils Ogden, avait frémi devant les trombes d'eau contaminées et les envolées électriques lui vrillant les tympans et carbonisant sa peau. Et parce qu'il avait eu peur, qu'il avait caché profondément ses émotions dans l'arène, il s'était senti las et vide à la sortie de l'épreuve. Lui, le fils Ogden, le vif et impénétrable aîné de cette famille qu'on disait dorée, avait noyé son amertume (de n'avoir pas fait assez) dans l'alcool. Une habitude certes, mais bien plus nocive ce soir en particulier.
Qu'est-ce que je fous pense t-il alors qu'il titube et trébuche contre les murs qui semblent si mous contre son épaule endolorie. Il s'enfonce mais rebondit et repart, lançant des sourires à qui le veut, mais surtout à des badauds riant de lui. Lui qui ne comprend plus rien, reprend une gorgée du précieux whisky avant de repartir d'un pas qui se veut léger et guilleret. Ses globes oculaires batifolent derrière ses paupières, ses lèvres se crispent puis se détendent dans une moue heureuse, teintée pourtant d'un voile triste et sombre. Il a envie d'embrasser le monde, et de le repousser tout en même temps, clarté et noirceur se battent dans son esprit, dans ses muscles, dans sa tête. Taisez-vous a t-il envie de lancer à la cantonade. Ses pas ne sont plus les seuls à claquer sur le bitume du quartier d'Hinai : il le sait qu'on l'esquive, qu'on évite la collision avec l'alcoolique. Et son regard flou croise le sien, silhouette ingénue à l'allure si doucereuse, si angélique. Qui es-tu veut-il lui demander. Le Ogden se prend pour un noyé, de ceux qui ont besoin d'une sirène pour les aider, ou les emporter dans les abysses. Ce soir elle sera sa sirène. Hey there Il s'appuie contre un mur -ou bien est-ce une porte- et sort son sourire le plus enjôleur, celui qu'il réserve aux femmes qui lui serrent la poitrine. Mais son état fait de la peine, son inconscient lui cache encore la triste vérité.

Elle marche à reculons. C’est comme ça depuis des mois, les ruelles ça ne lui réussit pas. Elles réveillent un traumatisme encore vivace, une transformation dont elle se remet encore, le changement de vie qu’elle aurait préféré éviter. Alors elle traîne des pieds, constamment, la main qui presse son téléphone ou bien ses clés (comme si ça allait changer quelque chose), aux aguets, les sens aussi tendus que ses membres, le cœur battant et la faim qui commence à se faire ressentir — la nouvelle, bien sûr. Elle ne sort presque plus seule, d’ailleurs. Comme si ça allait changer quelque chose, Gaia est déjà transformée, qu’est-ce qui pourrait lui arriver de pire ? (Elle n’a plus envie de tester les chances.)
Sauf que cette fois, elle n’est pas seule dans la ruelle. Flashback, on prend les mêmes et on recommence, featuring l’ombre et Gaia, l’inconnu et Gaia. Les yeux qui cherchent le sol, elle se dit que si elle l’ignore, accélère, il ne la remarquera peut-être pas ; il titube bien assez. Sauf que comme le vingt-cinq mai dernier, ça ne fonctionne pas, bien sûr. L’alcool ou le couteau ramènent l’inconnu à la réalité d’une silhouette qui tente de l’esquiver, se dérober, et Gaia se retrouve coincée alors qu’il se presse contre un mur — non, une porte, trahit son degré d’alcoolémie. « Hey there. » No, no, no, qu’elle se répète mentalement (comme si ça allait changer quelque chose). Elle voulait juste rentrer et se nourrir en paix, pourquoi faut-il que les ruelles ça ne lui réussisse pas ? Elle voudrait le saluer et s’en aller, mais Gaia n’ose pas le repousser, laissée pour morte la dernière fois qu’elle a osé dire non. Se tétanise, plutôt, lui adresse un sourire gêné et contrit, sans même le regarder vraiment. « Hi… » Se dit qu’avec un peu de chance, il aura bu suffisamment pour s’écrouler en la laissant tranquille (comme si ça allait changer quelque chose). Mais au fond, elle s’en voudrait aussi de le laisser dans cet état, alors elle questionne l’évidence, à défaut de savoir comment agir. « Are you okay? »

Elle ralentit. Bingo pense t-il. Alors que l'alcool brûle ses veines, brûle sa gorge, entame sa conscience et ralentit ses muscles, il arrive encore à séduire. C'est son beau visage pense t-il, ce cadeau que la vie lui a fait, et dont il profite en permanence. Il est beau, joueur, il le sait. Ses yeux essayent de focaliser, essayent de s'arrêter sur des détails, sur la courbe d'une pommette, le creux du cou, le battement des cils. Mais il fait trop sombre dans cette ruelle, la faible lumière ne lui permet pas de poser un nom sur ce visage angélique, presque salvateur. What are you doing there sweet girl? Il ne veut pas lui faire peur mais Alistair sent son souffle erratique, entend ses mots qui butent contre ses lèvres, il est d'un ridicule qui ne trompe pas. How old are you? Inquisition suspecte, parce qu'Alistair ne fait plus attention à rien. Et la question a bousculé ses pensées, s'est échappée avant même qu'il ne l'arrête. Et pourtant elle est essentielle cette question, elle pourrait avoir l'âge de sa petite sœur, et il se sentirait souillé d'avoir ce genre de pensée. Et voilà qu'elle parle. Divines sonorités qui viennent exploser comme des petites bulles de champagne contre son oreille. Quelle voix pense t-il. Why would I not be? Et il laisse échapper un rire sec, le genre de rire qui cache tant de choses, qui reste en suspens dans l'air, bloqué par un je ne sais quoi imaginaire. Soupçon de colère taquine ses lèvres, prêt à enrober des mots qu'il regretterait s'il n'avait pas autant bu. Mais il tient bon, au moins dans sa tête. Car son corps ne répond plus. Et il s'approche de la jeune femme, l'observe d'un œil hagard. C'est ça que tu prétends être ? Une ombre de gentleman ? La voix de son père qui résonne maintenant.

On ne sait jamais vraiment comment agir, quand on se retrouve acculé dans une ruelle, perturbé par quelqu’un qui semble avoir besoin d’aide, quelqu’un qu’on ne peut pas laisser seul au risque qu’il s’écroule sur le sol gelé et s’endorme pour ne plus se réveiller. Gaia s’en voudrait, de le laisser et de s’en aller, même si elle en rêverait, de juste partir et de ne plus y penser. Qu’il la laisse elle, abandonne sa tentative de drague un peu lourde qui ne prend pas, parce qu’elle est trop innocente et insouciante pour se douter de ce qu’il désire vraiment. « What are you doing there sweet girl? » Elle sent, pourtant, que quelque chose ne va pas ; que ce n’est pas naturel, mais des hommes un peu lourds elle en a déjà vu, et plus le temps passe plus cet inconnu se mue dans leurs contours. « I’m just going home, » qu’elle réplique doucement en se disant que ça fera peut-être stopper la conversation, que ça le convaincra de la laisser rentrer chez elle. Évidemment, ça ne fonctionne pas. « How old are you? » Elle bégaye, s’arrête de marcher alors que lui s’approche, en tous cas c’est son impression, parce que sous ses yeux il grandit, son ombre aussi. « I’m, hum, twenty, » dit-elle doucement, sans vraiment comprendre ce que ça change ou même pourquoi il veut le savoir. Cette fois c’est sûr, il se rapproche, rit, même, et son sang se glace. « Why would I not be? » Elle fronce les sourcils, parce que ça lui semble évident, parce qu’il tient à peine debout et que d’un instant à l’autre il menace de s’effondrer sur elle, alors qu’à la distance qui les sépare, elle peut déjà sentir son haleine empreinte de boisson. Et lorsqu’elle répond, c’est en hésitant, en cherchant comment lui dire la vérité sans l’énerver ou bien comment l’aider sans avoir à rester trop longtemps, la faim guettant le moindre de ses mouvements, les canines menaçant à chaque instant. « You seem a little drunk, do you want me to call someone maybe? Did you come with friends? » En profite pour quémander et espérer, qu’au fond il n’est pas seul avec elle, dans cette ruelle, et qu’ils peuvent être rejoints par des amis (sans penser que ça pourrait être pire, s’ils sont dans le même état que lui).

Si seulement Alistair savait ce qu'elle pensait, si seulement il voyait apparaître à travers le flou alcoolisé de ses pupilles la gêne qu'il occasionnait à la jeune femme, si seulement il se remettait en question, si seulement il faisait demi-tour, d'un pas chancelant certes, mais demi-tour quand même. Avec des si, l'on referait le monde, c'est ce que sa mère lui assénait dès qu'Alistair se mettait à trop rêver, à trop vouloir, à trop demander. Et Alistair ne tient plus compte des si, ne réfléchit plus et continue à s'enliser dans sa drague lourde, chargée d'alcool et d'une émotion qu'il ne saisit pas encore, pas nettement du moins, lui qui se dit sans peur, sans crainte. Twenty. C'est jeune. Assez jeune pour qu'il recule d'un pas, qu'il donne l'espoir qu'il va se retirer, laisser la jeune femme tranquille. Mais ses membres fonctionnent au ralenti, ne répondent plus aux appels du cerveau. I won't propose you a drink, but we can talk maybe, just get to know each other, what do you say? Mais elle le coupe déjà, semble lui demander s'il a des amis, s'il est attendu quelque part, qu'il a l'air bourré, qu'elle devrait appeler quelqu'un. Et le sourire qu'il affichait jusqu'à maintenant perd peu à peu de sa splendeur, jusqu'à disparaître entièrement de ses lèvres qui se transforment en deux lignes fermement horizontales. What did you just say? Drunk? Insulte maudite, d'une manière qui dépasse l'entendement. Toute trace de légèreté (s'il en restait encore) s'efface des traits d'Alistair, fond comme neige au soleil. Mais soleil il n'y a pas, soleil il n'y a jamais eu. La pénombre semble au contraire les envelopper un peu alors que ses membres se sont enfin décidés à lui obéir et qu'il vient emprisonner d'un geste ferme le poignet de celle qu'il surnommait sa sirène quelques minutes avant. Don't ever say that again. Et la poigne se relâche, comme si ses doigts avaient été électrisés (souvenir de ce qu'il a vécu le matin même) et il recule, chancèle mais tient bon, et plante ses yeux dans celle qui fait bien deux bonnes têtes de moins que lui. Understand?
Sa voix qui se voulait légère jusqu'à présent est remplacée par des intonations plus vives, plus sévères. C'est fou comme l'alcool peut le faire passer d'une émotion à une autre, d'un comportement à un autre. Alistair ne veut plus rire à cet instant. Il a été insulté. Et le gentleman a disparu, laissant place à l'homme blessé : won't you apologize?

On ne sait jamais qu’elles vont basculer, les choses, quand elles le font. Il suffit d’un geste ou d’un mot de trop et c’est impossible de le savoir avant le moment fatidique, parce qu’on ne réagit pas tous aux mêmes souvenirs, parce qu’on n’a pas tous les mêmes traumatismes, les mêmes cicatrices. Gaia n’aurait jamais pu se douter qu’elle faisait le pas de trop, qu’elle ouvrait les vannes de sa colère, peut-être parce qu’il était un peu lourd mais qu’il n’avait pas l’air dangereux, juste perdu et saoul, un animal blessé sans sa meute. Dans une ruelle mal éclairée, il avait trouvé une enfant-monstre plus solitaire que jamais. « I won't propose you a drink, but we can talk maybe, just get to know each other, what do you say? » Elle secoue la tête, non, elle ne veut pas, mais sa tête bouge à peine en réalité, parce que la dernière fois que Gaia a dit non trop fort elle a fini sur le pavé, transformée. Tente de le pousser ailleurs mais fait le pas de trop, inconsciemment et surtout sans le vouloir, parce qu’aussitôt son visage s’assombrit et le cœur de Gaia se prépare, sur la ligne de départ. « What did you just say? Drunk? » Elle bégaye, bafouille, mais c’est trop tard, il fond sur elle et saisit son poignet avec violence, le cœur qui s’élance et les poumons qui courent un marathon. Elle recule, le dos pressé contre le mur glacé, une expression d’horreur sur les traits. « Don't ever say that again. » Et la colère qui grimpe, surtout, le ventre qui se met à quémander, Gaia se met à supplier, d’abord mentalement, voudrait qu’il la laisse tranquille et qu’il s’en aille, une bonne fois pour toutes. Voudrait pouvoir dire non sans conséquences. « Understand? » Elle hoche la tête, murmure un « Y-yes » en espérant qu’il va la lâcher et que le monstre ne montrera pas le bout de ses dents, qu’en quelques instants tout sera terminé, sans bain de sang. « Won't you apologize? » Mais il insiste, il insiste tellement et au creux de ses entrailles un autre fait de même, s’impose. Gaia voit rouge, de plus en plus, tente de gagner des secondes avant l’explosion inévitable. « Please, let me go, please, I- » I don’t want to hurt you. Ne peut se résoudre à le dire à voix haute, doit le taire, le penser suffisamment fort pour qu’il comprenne qu’il doit s’en aller, la lâcher.
Mais il ne la lâche pas. Il ne la lâche pas et pire, il se presse plus fort encore contre elle, s’énerve, si bien qu’à un moment le fil tendu se brise et que Gaia n’a pas le temps de comprendre que déjà elle fond sur sa gorge, s’épanche de la colère de l’inconnu et de sa peur, boit son sang et n’a aucune idée de comment elle va faire pour s’arrêter. C’est douloureux, c’est le bordel, mais elle n’y pense pas, se réjouit seulement parce qu’il va peut-être enfin la lâcher.

Il sert toujours plus fort, et sa sirène bégaie, hésite. La gamine a le regard perdu, ou est-ce lui qui se perd et ne remarque plus rien. Lui qui chancèle, menace de s'écrouler contre le mur qui le tient à peine. Et pourtant il ne la lâche pas, piqué à vif dans son ego, dans l'estime qu'il a de lui-même (haute estime se ment-il quotidiennement). La voix de la jeune femme se fait plus rare, et il esquisse un sourire hautain avant que tout ne devienne flou. Mélange de noir et de rouge alors que ses pupilles tentent d'accrocher un détail. Il bascule. Et hurle ! WHAT THE FUCK? Surprise tournée vers lui, vers elle. Parce qu'il a l'impression de toujours la tenir, de l'emporter dans sa chute, qu'elle est là quelque part. Qu'il peut la sauver. Parce qu'il ne la sait pas encore coupable de l'attaque, victime qu'il la pense. Victime devenue bourreau, devenue monstre. Morsure qu'il sent dans son cou, qu'il sent dans sa tête. Rien n'est comparable à cette douleur, et son hurlement ne faiblit pas. Il ne se tait pas, il souffre. Et la gamine n'est plus là, sa sirène est remplacée par des images boueuses, des flash de sa jeunesse, des flash d'elfes de maison mourant devant ses yeux. Il pouvait les sauver, mais lui, personne ne le sauvera. Il ne pense pas à la mort pourtant, pense surtout et continuellement à la douleur qui le plonge dans un état second. Quand cela va t-il s'arrêter ? Il prie pour qu'elle arrête. Parce qu'il a compris maintenant, que sa sirène est la même personne qui s'accroche à lui. Comme si elle tentait de lui arracher la jugulaire. LA JUGULAIRE ? Elle est en train de lui arracher la vie oui. Il plane. Il est dans un autre monde. Le hurlement s'est transformé en halètement. Il est allongé sur le sol, les mains qui tentent d'accrocher quelque chose, n'importe quoi. Il essaie de l'attraper par les cheveux, de la tirer en arrière. Mais tout en lui se révolte, tout lui fait mal. Et pourtant, il n'a pas bougé le bras. Il ne réussit à rien. Se laisse partir, divague, loin, toujours plus loin. La douleur est une lente vague qui monte, monte et ne s'écrase jamais. Tsunami de souffrance qui le submerge, qui le plonge presque dans l'inconscience. Mais elle ne lui laisse même pas ce plaisir là, se presse contre lui, le tient d'une force dont il ne la pensait pas capable. Elle le charcute, il a l'impression que chacune de ses veines explosent contre ses dents, que les vagues de souffrance se transforment en vague de sang qui cascadent hors de son corps. .. Stop.. Please.. Il supplie. N'a pas la force de se débattre dans tous les cas. Et il part. C'est donc ça l'euphorie ultime ?

Elle voit trouble, ou plutôt elle ne voit pas, tente de se rassurer en se disant qu’elle est possédée, que ce n’est pas vraiment elle mais plutôt un animal, un monstre, qu’elle n’est pas responsable de ce qui est en train de se passer. “WHAT THE FUCK?” L’entend hurler mais refuse d’écouter, les dents plantées dans sa gorge sans réfléchir, à se nourrir avidement, complètement désespérée, paniquée. Presque obligée, poussée au pied du mur par son attitude grotesque et insupportable, il s’était donné en pâture à un monstre incapable de résister, à une sirène trop loin des contes de fée. Elle tentait de se consoler en cherchant des excuses, mettait de côté toute rationalité pour se justifier, parce qu’avec des si, elle pourrait continuer à se regarder dans une glace d’avoir franchi la limite qu’elle s’était imposée dès le départ. Ne jamais mordre quelqu’un, ne jamais en arriver à ce point, ingurgiter des dizaines de poches de sang s’il le fallait, mais ne jamais, jamais boire celui d’humains. Pourquoi avait-il fallu qu’il insiste autant ? N’aurait-il pas pu la laisser repartir en paix, retrouver ses amis- Gaia retrouve une once de rationnel, pense aux gens qui doivent l’entourer et surtout le chercher, même s’il avait l’air d’être seul au moment où il l’a trouvée. Commence peu à peu à se rendre compte de ce qu’elle est en train de faire, les centilitres de sang qui s’accumulent et le reste qui l’appelle, tente de la convaincre de continuer, susurre à son oreille des sensations de désir et de satisfaction intense. Combler la faim comme elle ne l’avait encore jamais fait, panser cette sensation de vide continuelle. Ne pas penser à sa souffrance mais être galvanisée par elle pour se nourrir égoïstement. “.. Stop.. Please..” Cette fois, elle l’entend distinctement et s’arrête, d’un coup, motivée par on ne sait quoi, peut-être sa propre détestation, rappelée à l’ordre par une Gaia qui s’abhorre, ne peut pas supporter ce qu’elle vient de faire. Se détache et le lâche enfin, les yeux qui se baissent, observent le sang qui la recouvre tout entière, l’énorme tache sur le sol. Est-il vivant ? Il en a l’air, de ce qu’elle voit. Elle se recule avec précaution, prenant peu à peu conscience de son geste, l’angoisse grandissante, rattrapée par sa panique et sa culpabilité. “Go.” Chaque mot est un supplice, parce que Gaia est tiraillée contre son propre être, contre ses nouveaux instincts. “Away.” Elle ne sait pas où il trouve l’énergie, mais elle finit par distinguer sa silhouette qui se relève difficilement, qui se met à courir lorsqu’elle comprend qu’elle est enfin libérée de l’étau mortel. En sang, dans une douleur infinie, mais vivant.

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