the ending credits (gaia)

Elle gravite autour de visages tantôt connus tantôt non, parfois un verre à la main, parfois pas — souvent pas, les cocktails spéciaux n’étaient pas sur le menu et siroter un jus de fruit qui n’a aucun goût n’a pas grand intérêt, ne fait que lui rappeler douloureusement qu’elle ne pourra plus jamais en profiter comme avant, normalement. L’esprit parfois ailleurs, les pensées partagées avec un Lloyd ennuyé, à ne plus vraiment regarder ce qui se passe autour d’elle, se fait bousculer alors qu’elle vient de rire en pensées. “Gaia” Il coupe les voix alentours et Gaia se retourne d’un coup, surprise d’entendre cette voix qu’elle met un instant à reconnaître, les yeux qui croisent les siens et ne savent pas quoi faire de cette information. Elle l’a remarqué, bien sûr, dès son arrivée, s’est dit que sa tenue était incroyable, particulièrement travaillée, lui donnait des airs presque impériaux. A même osé, sans trop se l’avouer, se demander si le fil rouge autour de son doigt avait pu être pour lui, mais avait fini par réfuter la possibilité, peut-être parce que malgré ses efforts elle ne parvenait pas encore à lui pardonner complètement. “Can I have a dance?” Il lui faut se répéter mentalement la phrase pour comprendre, les joues qui se teintent aussitôt de rose, surprise par sa proposition, les yeux qui passent de sa tête à sa main tendue sans savoir quoi faire, la bouche à demi-ouverte qui s’apprête à balbutier un on ne sait trop quoi. Le cœur tambourine un peu, repasse en vitesse accélérée leur premier rendez-vous, le vingt-cinq mai, leur dispute et ce message qu’elle pensait encore ne pas mériter. I'll show you how worthy you are. Elle devrait dire non parce qu’elle lui en veut encore, persiste à croire qu’il est responsable de sa chute, à défaut de faire du hasard le véritable coupable, incapable de se résigner à le laisser exister.
Mais sa petite main se glisse dans celle d’Inwoo, oublie tout le reste du gala, la poitrine qui se soulève peut-être un peu trop vite. “Okay.” Se laisse entraîner entre la foule vers la piste de danse, qui devrait la mettre à l’aise, lui donner un sentiment de familiarité. Mais Gaia a la bouche sèche et le cœur en pleine batucada, ne sait même pas où elle est censée mettre ses mains, les joues rouges et les traits un peu gênés. “I’m sorry, I’m not used to, hum, this type of dance.”

Elle serait bien plus à l’aise dans une salle de danse, couverte de tulle et en chaussons de ballet plutôt qu’en robe de soirée, costumée plus qu’habillée. À regarder les miroirs pour trouver le geste parfait, suivre le rythme de la musique et compter les temps pour tomber au bon moment, tendre la jambe juste quand il le faut, l’esprit ailleurs et le corps tendu au maximum. Là il y a trop de gens, de bruit, d’effervescence, et puis surtout il y a leurs mains enlacées et son cœur qui tambourine pour un garçon qu’elle a pris du temps à détester, en se disant qu’il le fallait. Est-ce qu’elle serait plus à l’aise, dans une salle de danse, s’il était là aussi ? Est-ce que ce n’est pas lui, qui fait frémir son centre de gravité, qui assèche sa bouche et lui fait oublier comment se coordonner, comment fonctionner ? “I’ll teach you.” Ses yeux quittent leurs mains pour retrouver les siens et elle se voit hocher la tête, comme si elle n’était plus tout à fait dans son propre corps, esprit, mais pas non plus tout à fait en-dehors. “You can put your arm around my shoulder,” Elle s’exécute, guidée par Inwoo, avale difficilement sa salive. C’est la première fois qu’elle danse avec un garçon qui n’est pas un de ses amis, et quoi qu’elle dise, quelle que soit l’émotion liée à Inwoo, ça la terrifie. “I’ll put my arm around your waist,” L’autorisation lui est donnée d’un regard, la respiration qui s’accélère lorsqu’elle sent sa main sur sa taille, les joues un peu plus rouges. “Now, your hand. Just follow me,” Elle obéit, aveuglément, le corps qui retrouve un peu de son agilité et qui réussit à ne pas lui écraser les pieds, sans trop croire à ce qui est en train de se passer. Les yeux dans les siens, elle détourne le regard pour admirer les planètes qui se dessinent autour d’eux, les prunelles brillantes d’admiration, sans oser se dire qu’il lui montre ça à elle, qu’il fait ça pour elle. “It’s beautiful.” Elle oublie tout, les gens autour, sa haine, leur dispute. Au bout de quelques instants, elle se penche doucement et pose sa tête près de son cœur, sans rien dire, les doigts emprisonnés qui se détachent pour mieux enlacer les siens, le cœur battant de ces pas en avant. Se surprend à rêver d’un avenir à ses côtés, malgré tout, comme si elle ouvrait un conte de fée.

Pour un moment, elle oublie. Lui pardonne tout, repart de zéro, le vingt-cinq mai ne s’est jamais passé et Inwoo ne lui a pas encore été présenté ; ce n’est qu’un inconnu très séduisant et si elle avait du courage elle irait le voir, lui proposerait un dîner, quelque chose, apprendrait à le découvrir au-delà de la surface. Ça ne lui arrive jamais mais Gaia enverrait valser ses convictions et ses certitudes pour une chanson de plus, une soirée de plus - une première histoire. Le regard perdu dans les étoiles, elle n’entend pas sa réponse, ne remarque pas que ce qu’il trouve beau, c’est elle. Prend son courage à deux mains et fait un pas vers lui, la tête posée sur son cœur, alors que le sien bat la chamade. “When it gets hard, remember this dance. Because you're dancing amazingly in front of everyone, and they look at you thinking and wondering how pretty you are,” Avant qu’elle ne puisse tourner la tête pour regarder la foule, pour être intimidée en se rappelant où ils sont, ce qu’ils font, Inwoo saisit son menton, le relève doucement. Le temps s’arrête pour un instant, ses yeux ne fixant que lui, les joues brûlantes et la bouche entrouverte qui ne sait quoi dire, alors que l’esprit ne sait quoi penser. “and remember how you deserve to be happy and worthy you are every moment of your life,” C’est elle qui s’arrête de respirer, cette fois, ne bouge pas, prostrée par son stress, au milieu d’un conte de fées qu’elle ne sait pas comment lire. En suspens, complètement. “you're not a monster Gaia.” Il fallait que la réalité revienne frapper à la porte, pourtant, ça ne pouvait pas durer éternellement - mais si Gaia refuse d’y croire, elle reste une seconde dans l’hésitation et peut-être que c’est suffisant, pour alimenter l’espoir d’un jour où elle pourra affirmer qu’elle n’en est pas un, de monstre. “you have the right to be here, to live, to be worthy and so much more,” Elle quitte son regard et il doit sentir qu’elle se tend un peu plus, parce qu’il change de sujet, la rapproche de lui - et elle rougit plus encore, tremble même un peu, hoche la tête en réponse à son “let's continue to dance, mylady,” pour tenter de se redonner un peu de contenance. Ils se remettent à danser, mais d’un regard Gaia aperçoit son doigt, dénué de tout fil rouge, et se surprend à éprouver de la tristesse, parce que malgré tout ce qu’elle peut s’imaginer, toute cette rancœur qu’elle peut oublier, il ne sera qu’une étoile dans le ciel, pas son univers. Et peu à peu, Gaia se convainc que si Inwoo voulait danser, ce n’était que par amitié ; mais même si c’est vrai, il y a un petit pincement, près de son cœur. Elle décide de l’ignorer et de profiter, préfère penser aux quelques secondes qu’il lui reste aux côtés d’un prince charmant avant que le carrosse ne redevienne citrouille, un petit sourire timide au coin des lèvres. “Thank you,” murmure-t-elle finalement. Elle ne précise pas pour quoi, mais ça se devine facilement, même si tous deux savent qu’il lui en faudra un peu plus pour apprendre à s’aimer, post-descente aux Enfers.