the ugly truth (ujinori)

25.02.22 — @shirakawa ujinori

the ugly truth

Le regard vide cherche les pluies torrentielles d’une amitié éteinte ou au moins portée disparue, évaporée à tel point que les ponts se sont écroulés, emportés par le tsunami de l’absence d’Ujinori. Des années qu’elle n’a plus prononcé ce nom, même en pensées, qu’elle a fait le deuil sans pouvoir enterrer leur amitié. Il n’y avait plus de corps à mettre en terre ou à brûler, plus de tombe à préparer, parce qu’il était parti sans un mot ni une raison, du jour au lendemain. S’était ajouté au reste, à cette pile insupportable de déceptions et d’abandons. Elle s’était perdue dans sa propre imagination, bien sûr, avait cherché des raisons peut-être invisibles, accentué des tensions inexistantes, parce qu’il lui fallait se saisir de quelque chose, elle en avait besoin, à défaut de pouvoir comprendre, de ne jamais savoir la vérité, elle devait se forcer à en trouver une, aussi illusoire fusse-t-elle. Et maintenant plus que jamais, elle a l’impression d’ouvrir une boîte de Pandore qu’elle n’a jamais vraiment fermée ou cadenassée à la va-vite, scotchée des mains d’une adulte d’à peine dix-neuf ans, encore trop enfant. La douleur était plus vive que ce à quoi elle s’attendait, quand Atlas a raconté le cauchemar et que Pandore a compris ce qu’il n’avait pas dit, a deviné le prénom entre les lignes. Les fantômes ont le don de surgir lorsqu’on ne s’y attend pas, pourquoi y prendre garde quand ils n’ont aucune raison de revenir d’entre les morts ? Elle pourrait se dire que de l’eau a coulé sous les ponts, mais quand elle regarde la rivière le pont n’existe plus, a été remplacé, alors que la vision d’Atlas pourrait l’amener à vouloir le brûler.
Si elle cherche Ujinori, c’est pour prouver ce à quoi elle ne croit pas (ne peut pas croire) — tente de se convaincre qu’il n’y a aucune chance, que c’est impossible. Qu’il ne peut pas travailler pour le gouvernement, parce que ça s’ajouterait à la rancune tenace qu’elle lui porte depuis sept ans, parce que ça emmêlerait ses émotions. Elle ne saurait pas quoi lui dire, quoi attendre de lui, sans doute trop choquée de l’imaginer travailler volontairement pour eux. Il y a trop de questions en suspens, outre celles datées de presque dix ans, et Pandore ne s’imagine pas l’étendue de l’iceberg, incapable de savoir qu’il est en plus responsable de sa propre descente aux Enfers.
Elle n’y croit tellement pas qu’elle est aussi persuadée qu’elle ne le trouvera pas là, dans cet endroit-bulle qui plaisait à son ami devenu Autre, inconnu aux mêmes traits et au même nom. Il n’y a aucune raison qu’il vienne encore (pourquoi tente-t-elle, alors?) comme il n’y a aucune raison qu’il torture des enfants (pourquoi le cherche-t-elle, alors?). Elle ne sait pas quoi lui dire, non plus, comment articuler les mots et les questions, les non-dits. Comment ne pas se laisser envahir par la rancune d’une disparition jamais vraiment pardonnée, pour ne pas le braquer et réussir à obtenir la vérité. Investie d’une mission bancale, brouillée par ses émotions, comme d’habitude, les pas qui s’enchaînent dans des bois silencieux, persuadée qu’ils ne vont rien trouver et devront faire demi-tour, sans réponse. “Hey.” Le mot est sorti tout seul et elle est la première surprise, voulait peut-être combler d’avance le silence gênant de retrouvailles qu’on ne sait pas trop comment prendre. Se jette à l’eau sans trop oser, partagée entre une myriade d’émotions contradictoires, à presque en oublier sa mission de départ. “It’s been a while.”

Le froid le tenait, plus fort que jamais. Ses frasques de la St Valentin étaient lourdes de conséquences. Quand il était parti retrouvé ses bourreaux, le blanc de ses cheveux lui avait valu une correction digne de son nom. Perdre le contrôle était inacceptable. Se battre avec une autre personne, un moins que rien, était inacceptable. Ujinori se sentait prêt à exploser, à tout instant. Une tempête de givre, capable de recouvrir le monde entier. De faire régner, enfin, l'hiver éternel. Midori, son âme damnée, s'agitait au plus profond de son âme. Elle s'éveillait, réclamait. Le jeune homme ne l'avait jamais senti... aussi vivante. Aussi violente. Tout risquait de s'écrouler, bientôt. Et ça, il ne pouvait se le permettre. Quand bien même tout le faisait souffrir. Son épiderme. Ses lèvres, sans lui. Son esprit, avec elle. Espoir vain, inconscient, le poussant encore à s'accrocher à la vie. Quand son être se faisait tempête, le molosse se dirigeait systématiquement au même endroit. Un point d'eau, dissimulé dans l'épaisse forêt de l'île. Là où il pouvait plonger, sans être dérangé. Approché l'asphyxie, perdre ses sens, un à un. Digne Mizu, l'eau avait un effet bénéfique sur lui. Chassait, pour un temps, tous les soucis.

Les vêtements glissaient le long de sa silhouette. Complètement nu, pour sentir pleinement la morsure de l'eau glacé contre son épiderme. Chaque pas l'approchait de l'oubli. Et pourtant, jamais il ne s'arrêtait. Bientôt, Ujinori n'était plus qu'une étrange forme, tout juste perceptible à la surface de l'eau. Et ainsi piégé, il se mit à hurler. Crier jusqu'à en perdre la voix. Seul endroit où il lui était permis d'exprimer ses sentiments profonds, violents. Personne ne l'entendrait, verrait. Personne ne pouvait. N'en avait le droit. Et quand la gorge fût pleinement envahie par les flots, les cris firent leur révérence, laissant dans leur sillage des larmes. Invisible, perdu au milieu de l'étang et pourtant... Lui le savait. Le sentait. A quel point ses yeux brûlaient. A quel point il se détestait. Et détestait le monde entier. Épuisé par son inaction, par son incapacité à les quitter. A être heureux, quand bien même il ne pensait pas le mériter. Une éternité, là à flotter. Aucune envie d'abandonner son paradis, mais il le fallait. La civilisation l'attendait. Son bitume, ses tours et ses vices. Le point de non-retour approchait. Ce moment où il devrait choisir, entre cette société archaïque et liberticide... et l'espoir.

Tout son corps s'extrayait enfin de l'étendu d'eau, dans une éclaboussure bruyante. Un vacarme si violent que tous les habitants de la forêt n'avaient pu que l'entendre. Pandore, aussi. Encore le dos tourné, Ujinori fit un bon, surpris, en entendant cette voix bien trop familière résonner dans le creux de ses oreilles. Illusion auditive ? Non. Besoin que d'un seul mouvement, pour faire volte-face. Pour la toiser, de haut en bas, elle qui déjà fondait à ses côtés, dans l'eau. Premier réflexe, celui de descendre les yeux vers le reste de son corps, encore dénudé. - You do realize that I'm butt naked ? Pas de bonjour. Son ton se voulait froid, désagréable. Une façade montée à la va vite. Pandore représentait tout ce qu'il détestait chez lui. Son passé douloureux. Ses exactions. Dénoncé, abandonné, moqué. Que ne lui avait-il pas infligé ? C'était le moment de s'agenouiller, de la supplier mais... Le jeune homme n'en était pas capable. Pas encore. Devait garder la tête haute. Expliciter ses travers, c'était mettre en danger le gouvernement. Se mettre en danger, aussi. Déjà son cœur faiblissait, insidieusement. Mais il n'en saisissait pas la gravité. Peut-être qu'il finirait par flancher... ou la tuer, ici, à l'abri des regards indiscrets. - Yes, a while. Why are you here ? And what do you want ? Les crocs prêts à s'abattre sur elle. Le venin, vrai venin, était pourtant si loin.

25.02.22 — @shirakawa ujinori

the ugly truth

Elle ne sait pas ce qu’elle attend - de lui, de ça, d’eux. Elle est venue là sans rien en attendre, l’a cherché sans savoir ce qu’elle allait trouver ; en se préparant surtout à être déçue, parce qu’il n’a jamais réussi qu’à faire ça, finalement. Avec lui elle est allée de déceptions en trahisons, même si elle n’a conscience que des premières. Aujourd’hui, elle apprendra les secondes, pour le meilleur et pour le pire, saura s’il est responsable d’elle ne sait pas quoi, sans se douter que l’un de ses premiers péchés est peut-être le pire.
Elle ne sait pas ce qu’elle attend, et elle ne pensait pas le trouver là, comme avant, plongé dans l’eau. Le regarde sans vraiment le faire puisqu’elle le connaît, sait qu’il a pour habitude de s’épargner les vêtements, et pendant tout ce temps elle se demande ce qu’elle ressent, après tant d’années sans se parler, se croiser seulement mais distinguer les regards s’éviter, se rencontrer mais se lâcher aussitôt. Pour le moment, elle ne peut s’empêcher une certaine nostalgie, aimerait retrouver son ami, comme il y a sept ans ; mais elle sait aussi que ce n’est pas possible, et ce d’autant plus si Atlas a vu juste. Si Ujinori est réellement responsable de torture, s’il travaille pour l’autre camp, volontairement.
Lorsqu’il s’extirpe finalement du bassin, Pandore l’a déjà salué mais détourne la tête instinctivement, absolument pas intéressée par ce qu’il montre à toute la forêt. “You do realize that I'm butt naked?” Elle accuse en silence sa froideur et sa fermeté. Elle s’y attendait, il faut dire qu’il n’a pas fait un seul pas vers elle pendant toutes ces années ; alors elle lui répond avec tout autant de raideur. “I don’t care, I’m not looking.” Elle cherche ses vêtements, en revanche, qu’elle finit par trouver près d’elle. Les lance à ses pieds, à peu près. “Get dressed, we need to talk.” Elle attend qu’il s’exécute, les bras qui se croisent, comme pour se grandir, se donner de l’assurance - elle n’a pas peur de lui, il ne l’impressionne pas, mais la Pandore d’il y a sept ans s’était attachée et la Pandore du moment cultive malgré elle l’espoir de le retrouver, quelque part. “Yes, a while. Why are you here? And what do you want?” Droit au but, d’un ton aussi glacial que lui. Soit. “Alright, no small talk, that’s fine by me.” Alors elle se lance, sans plus de cérémonie, bien décidée à obtenir de lui ce qu’elle est venue chercher (sans savoir ce que c’est). “I want the truth. As simple as that. Do you work for them?” Elle se demande si elle doit préciser, estime qu’il n’y en a pas besoin - le fait quand même. “The government.” Mais en posant la question, elle sent qu’elle connaît déjà la réponse, et son cœur se voile, essaie de repousser l’échéance des révélations, comme s’il pouvait parvenir à éviter la vérité.

Ujinori sentait son cœur sur le point de rompre. Il était inquiet, et effrayé. Pourquoi Pandore se tenait-elle devant lui ? Tant de questions. Une abominable douleur, depuis tout ce temps. Trahison pour laquelle il ne se pardonnerait jamais. Mais ce n'était, dans le grand ordre des choses, qu'une pierre parmi tant d'autres du mur de son ignominie. Il ne pouvait s'effondrer. Pas maintenant. Pas ici. Pas quand elle était en mesure de le détruire. Mourir l'empêcherait de semer l'horreur, peut-être. Mais cela l'empêcherait, aussi, de se racheter pour ses nombreuses, nombreuses, erreurs. Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres alors qu'elle lançait ses vêtements au bord du lac. Le petit prince s'empressa, à regret, de quitter sa meilleure amie. Cette eau qui l'apaisait. Qui lui permettait de tout oublier. Celle qui détenait ce titre, autrefois, ne l'autoriserait pas à oublier. Et elle avait raison. Ujinori laissa ses doigts danser juste un instant le long de sa silhouette. Ses pouvoirs godaï entraient en action, faisaient évaporer l'humidité qui mordait encore son épiderme. Il se rhabilla en silence, ne décochant pas même un regard à son interlocutrice. Qu'une seule envie : fuir. Elle ne le laisserait pas fuir. Alors il allait falloir faire mal, très mal, pour que plus jamais cela ne se reproduise.

Enfin un peu plus présentable, le petit prince fit volte-face pour toiser son ancienne amie. S'allumant par habitude une cigarette, il la détaille de haut en bas, attendant avec impatience sa sentence. Qu'allait-elle bien pouvoir lui dire ? Lui faire ? Rien de beau, ça c'était sûr. Son affiliation. Le gouvernement. Le pire de son existence. Prévisible et pourtant, Ujinori sentit son sang se glacer. Il ne put s'empêcher de rire. Le rire d'un monstre. L'hilarité sans chaleur. L'hilarité de celui prêt à fauter. S'annihiler, dans la destruction des autres. - What do you want me to say ? Ses sourcils se fronçaient doucement, signifiaient à quel point il la jugeait. Tout était feint, car son cœur lui trépassait derrière la glace. - You obviously already know the answer. So why are you here ? Hearing it from me would make you feel what ? Better ? I doubt that. Aucune raison de feindre l'innocence. Si Pandore était là, c'est qu'elle savait. Pourquoi s'infliger une telle peine sinon ? Son secret était en danger. Car si la demoiselle était aussi censée travailler pour eux, une entrevue aussi inquisitive ne signifiait rien de bon. Était-elle sur le point de les trahir ? - Who told you that ?

Lui aussi, savait déjà la réponse à cette question. Il pouvait deviner, sans trop de difficulté. Atlas avait tout vu, entendu, senti même. Ce songe était venu creuser un fossé entre eux. Et du fait du lien si précieux entre Vitrine n°1 et Vitrine n°2, le coupable était tout trouvé. - Why do you care ? Ujinori espérait se tromper. Déjà acculé par ses responsabilités, il n'avait aucune envie d'alourdir son fardeau. - Tired of playing the perfect little princess ? Don't be a fucking a hypocrite. Qu'elle le déteste. Qu'elle le maudisse. Et qu'elle ne revienne jamais. Car si elle restait, elle finirait par lui poser LA question à laquelle il ne souhaitait pas répondre. Le petit prince finissait par être conforté dans son rôle de méchant. C'était le seul moyen pour les protéger. Et se protéger aussi. A quoi bon se montrer bienveillant, face à l'horreur ? L'horreur qu'il avait causé lui-même ? Une perte de temps. Et se montrer doux, compréhensif, donnait l'impression qu'il cherchait à se justifier. Et aucune justification n'avait le droit d'exister, car aucune n'arrivait à la hauteur de sa cruauté passée. Alors Ujinori continuait à la fixer, froidement. Attendait que tout s'écroule. Elle. Lui. Eux deux, en même temps.

25.02.22 — @shirakawa ujinori

the ugly truth

Il paraît si loin qu’elle se demande même s’il reste des traces de son ami, quelque part - mais l’a-t-il déjà été ? Pandore le pense, mais Pandore ne sait pas tout, s’apprête peut-être à découvrir le pire, à ouvrir sa boîte. Découvrir qu’un jour, elle a donné sa confiance à la mauvaise personne. Que ce qu’elle croit détenir comme information à son sujet n’est que la partie émergée d’un iceberg que rien ne l’a préparée à heurter. Ne lui offre pour l’instant que sa méfiance, voire son mépris, parce qu’il n’y a en face d’elle qu’un inconnu qu’elle soupçonne de torturer des enfants, des adolescents - des innocents. Il ne fait aucun effort pour se rendre plus aimable, d’ailleurs, lui offre de son côté un sourire sournois, glacial, qui le rend plus désagréable encore, qui participe à faire de lui l’ennemi dans l’esprit de la denki. S’il ment, s’il fait semblant, Pandore ne le voit pas ; comment pourrait-elle, après autant de temps, quand elle ne l’a déjà pas vu il y a sept ans ? “What do you want me to say? You obviously already know the answer. So why are you here? Hearing it from me would make you feel what? Better? I doubt that. - I just want you to look me in the eyes and say it. Don’t try to assume what I’ll feel when you do.” Sévère, le ton sec, Pandore ne détache pas son regard du sien, comme si elle cherchait la vérité en même temps que d’autres questions. Comme si le fait qu’Ujinori travaille pour eux pouvait avoir d’autres conséquences ; mais pour l’instant, elle n’ose pas poser la plus lourde de ses questions, peut-être parce qu’elle est effrayée à l’idée qu’il réponde. “Who told you that?” Il le sait, elle sait que c’est le cas, mais elle refuse de réagir comme lui, assume ce qu’ils ont deviné tous les deux. “Atlas.” Et elle sait que ce n’est pas dangereux de le dire, puisqu’Atlas est aussi une poupée du gouvernement, comme elle.
“Why do you care? Tired of playing the perfect little princess? Don't be a fucking a hypocrite.” Elle ignore sa provocation, notant au passage qu’il ne semble pas savoir qu’elle est forcée à participer. Se dit qu’il doit bien mal la connaître, pour penser qu’elle serait capable de faire comme lui, de torturer des innocents, volontairement. Qu’elle pourrait encore se regarder dans un miroir et dormir la nuit ; lui semble bien le faire, en tous cas. Mais en réalité, elle ne sait pas, si elle y tient. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle a besoin de savoir s’il y a une raison à sa disparition. S’il avait une excuse pour l’abandonner, sans rien dire, décider du jour au lendemain qu’ils ne pouvaient plus être amis. Si Pandore doit s’en tenir à sa meilleure amie la rancune, ou s’il y a autre chose, ou si c’est pire. Malheureusement, il n’y a qu’un seul moyen de le savoir. Lui répond à côté, parce qu’il le faut. “Since when?” Et comme ça, en deux mots, neuf lettres, Pandore ouvre sa boîte. Répète, les poings serrés, pour qu’il ne puisse pas s’en sortir. “Since when, Ujinori?” Et cette fois, elle n’a certes pas la réponse, mais elle a encore moins envie de la connaître.

Dédain comme seule réponse à ses complaintes. Et ce qu'Ujinori savait se montrer dédaigneux. Il avait parfait sa carapace toute une vie. Savait précisément comment froncer ses sourcils, comment poignarder d'un simple regard. Aucune envie de la satisfaire. Pour quoi faire ? S'enfoncer toujours plus profondément dans les enfers ? Il était déjà au point culminant de cette cavité sans lumière, bonheur. Sans espoir d'en réchapper. Qu'allait-il trouver par-delà l'horreur, s'il continuait à creuser ? Le petit prince soutenait son regard, encore maître de ses émotions. Révélation ultime sur l'identité du traître. Mais elle aussi, aurait pu s'abstenir d'une réponse. Il ne parvenait même pas à en vouloir à son plus vieil ami. Il le détestait, sûrement, et à raison. Seul réconfort, au milieu de tout cela : rien ne changerait, hormis peut-être l'opinion de Pandore. Ça n'avait pas d'importance. Car il l'avait déjà perdu, depuis fort longtemps. Et ne méritait en aucun cas de la retrouver. Fût un temps, Ujinori se serait sûrement empressé de tout répéter à ses bourreaux. A quoi bon, désormais ? De toute façon, le couple princier était acquis à la cause. Ou c'est ce qu'ils prétendaient, tout du moins. Et le mizu n'était en aucun cas prêt à balayer cette idée préconçue si réconfortante.

Pandore jouait si bien. Peut-être même mieux que lui. Elle ne cillait pas, ne réagissait pas même quand il la provoquait. Il serait difficile de la faire fuir. Son cœur rêvait pourtant qu'elle s'efface sous ses yeux. Que son âme ne pourrisse pas plus en sa présence. Ujinori ne savait rien de ses tourments. Pourtant il aurait dû savoir. Après tout, c'était de sa faute. Si elle en était là. Si elle était cette femme meurtrie, ravagée par l'égoïsme des puissants. Si seulement il avait osé ouvrir les yeux. Se renseigner, toutes ces années, sur ce qu'ils lui avaient infligé. Sa loyauté lui semblait consentie. Comme si qui que ce soit pouvait consentir à une propagande aussi moribonde. Même lui, dans les tréfonds de son âme, n'était pas aussi docile, stupide. N'agissait pas par plaisir ni malice, quand il venait semer l'effroi. Une vérité qu'il refusait d'entendre. Mais Pandore ne le lui permettrait pas. Plus jamais. Le rempart de glace déjà se fissurait. Parce que c'était elle. Et parce que c'était lui, devant elle. Chaque mot faisait l'effet d'un poignard glacé. De ce froid qui était fatal, même pour lui le Prince de glace. Et bien vite, ce fût le mot de trop.

-Since when ? Un rire s'échappa d'entre ses lèvres. Dénué de toute chaleur. Est-ce qu'elle se moquait de lui ? Il en était persuadé. Ça lui semblait évident. Ce qu'il était. Ce qu'il faisait. Ce qu'il lui avait fait. - Do you think this is a bleach fuck-up ? Ses doigts étaient venus tirés l'une de ses mèches blanches, symbole de sa défaite face à son monstre. Et puis les doigts étaient tombés sur les contours de son visage, tirant sans laisser la moindre trace incarnat. - And this, just a skin condition ? La colère montait, grondait. Comment pouvait-elle lui demander ça ? - So you're asking me since when ? Les mots étaient criés. Tout contrôle lui échappait. - I was born there. This was never a choice, or a when. It's been like this since I took my first fucking breathe. N'avait-elle pas eu une enfance, elle ? Un semblant de bonheur ? Ujinori le pensait. Le lui souhaitait, secrètement. Tout ce qu'il connaissait, lui, c'était l'horreur, et cette loyauté à en crever. Aucun point de comparaison, rien d'autre que cette pourriture qui était venue ronger ses principes, sa morale. - So what do you want Pandore, mh ? What gave you the right to come here and ask me that ? You should have stayed far, far away. Loin de moi... Plus possible de faire marche arrière.