it feels like i'm paralyzed (pandore)

12.06.22 — @pandore águilar

have you ever looked at the mirror
and the problem's staring back at you ?

Junki était allongé sur son canapé, s’amusant à lancer une petite balle en l’air, répétitivement, sans se lasser. Sur la table basse, il y avait un paquet de cigarettes entamé, quelques verres, un cendrier rempli de mégots, mais pas de bouteille d’alcool. Pas de cachet de drogue non plus, le paquet de chewing gum traînait en roi sur la table alors que Junki mastiquait un chewing gum, l’haleine sentant la menthe. Comportement désinvolte, le cœur pourtant toujours un peu plus solennel quand il rencontrait Pandore pour parler de ça. Des expériences apparemment faites sur des sorciers, des sorciers aux capacités différentes, pouvant sauter dans le temps. Est-ce que c’était ce que Rimu avait subi ? Est-ce que c’était Rimu, même ? Une personne capable d’avancer ou reculer dans le temps ? Est-ce que ça existait vraiment ? Est-ce que ce n’étaient pas juste des rumeurs ? Junki se posait des questions en boucle, se demandait depuis un an comment Rimu avait pu l’oublier du jour au lendemain, pourquoi c’était arrivé (on effaçait pas la mémoire des gens sans raison, elle devait avoir fait quelque chose de grave qui impliquait Junki, et il peinait à comprendre quoi).

La balle revint dans sa main alors qu’il entendit la porte s’ouvrir. Non, Pandore ne connaissait pas le mot de passe de sa porte, en revanche il lui avait dit par sms que c’était ouvert (Junki n’avait pas peur de se faire cambrioler – ça amènerait même un peu de piment dans sa vie, il en rigolerait probablement). Mais il savait déjà que quelque chose n’allait pas, parce qu’elle lui avait demandé s’il était bien seul chez lui aujourd’hui, s’ils pouvaient aller chez lui plutôt que chez elle ; elle avait sonné un peu étrange en sms et Junki s’était demandé s’il ne se faisait pas juste des idées, mais il verrait bien quand il la verrait en chair et en os. Il ne prit pas la peine de se redresser et laissa Pandore venir jusqu’à lui, s’asseoir sur le sofa à côté ou plus loin sur le même canapé où il étendait déjà ses jambes. « Hi Panpan, good day ? » Il lui sourit de toutes ses dents et lança la balle en l’air, la rattrapant quelques secondes plus tard, répétant le même mouvement. Il s’amusa ensuite à faire une bulle avec son chewing gum en l’écoutant, mais la bulle s’éclata quand il entendit le ton de sa voix. Étrange. Il reprit son chewing-gum dans sa bouche et relança la balle en l’air. « So, you got any news for me ? » lança-t-il directement le sujet de la conversation, le regard posé sur elle, discrètement sérieux.

12.06.22 — @na junki

have you ever looked at the mirror
and the problem's staring back at you ?

Ce n’est pas un fantôme, cette fois - juste sa culpabilité, son angoisse, sa paranoïa. L’impression d’être suivie, l’impression qu’ils savent tout, qu’ils ont réussi à rentrer dans sa tête. Senri avait raison, elle devait apprendre à se protéger, il le faudrait. L’impression d’être observée, épiée, plus que d’habitude ; dans les couloirs et les rues bondées, aux visites de routine aux laboratoires. L’impression qu’ils pouvaient lire la vérité placardée en grosses lettres sur son visage, que ses traits ne pourraient pas la masquer. Que rien ne pourrait les tromper - que c’était trop tard. Qu’ils savaient et que bientôt Pandore devrait payer, par un moyen ou par un autre, disparue ou sur le banc des accusées, en procès pour meurtre et envoyée à Azkaban ; disparue dans un cas ou dans l’autre, donc.
Ce n’est pas non plus l’alcool ou les drogues, parce que Pandore est sevrée, à peu de choses près. Les nuits sont encore difficiles et la tentation lui fait trembler les membres, mais elle n’a rien repris, si ce n’est le flacon d’antidouleurs sur la table de nuit, toujours. Ou peut-être que le manque joue un rôle, accentue la paranoïa, la persuade que les hommes en noir en savent plus que ce n’est le cas, que la réalité s’est tordue et qu’ils ont peut-être même réussi à la faire avouer et peut-être même que Senri est déjà dans un laboratoire et que ses proches vont l’être aussi et
- bon, dans tous les cas, elle ne peut voir Junki que chez lui. C’est plus sûr, plus discret, et Pandore n’ose même pas transplaner de peur d’être suivie, se dit que si elle marche, elle peut surveiller derrière son épaule discrètement, changer de chemin plusieurs fois. Elle regrette tout et en même temps rien, parce que voir Senri était une libération, un moyen de participer, de calmer la frustration de sa place insupportable, le cul entre mille chaises et sur le point de tomber. Incapable d’aider parce que menottée.
Elle ouvre la porte sans hésiter et la referme aussitôt, apaisée de la trouver ouverte, calmée d’être là, comme si en rentrant chez lui elle rentrait chez elle, dans un endroit sûr. Protégé. Elle se traîne jusqu’à lui, le corps qui se glisse à ses côtés et la tête qui se pose sur ses jambes étendues, soupirant de contentement - d’apaisement. “Hi Panpan, good day?” Elle lève les yeux vers lui, le regarde faire gonfler la bulle avec un autre soupir. “Yeah. U?” Mais la voix est étrange et ils le savent tous les deux, parce que Pandore a l’air stressée, peut-être un peu fatiguée, même si elle résulte plus du sevrage encore récent. “So, you got any news for me?” Elle se plaque les mains contre les yeux, les frotte doucement, de frustration et d’angoisse qui retombent lentement. “I couldn’t really find anything new, they’re under pressure and being more suspicious than ever.” Elle ne précise pas si c’est la vérité ou sa paranoïa qui parle, peut-être parce qu’elle ne le sait pas vraiment. “I’m sorry, I’ll try to find something.”